Il a hurlé à la figure de ses adversaires sitôt le dernier coup de sifflet de l’arbitre. Euphorie. Victoire. Un sourire béat flotte sur son visage alors qu’il se rappelle le dernier but, le ballon qui a roulé sur le bord du panier avant d’y entrer tout à fait, la tension du public, sa propre frayeur. Extase. Ils ont gagnés.
Il court dans la mêlée de son équipe. Odeur de sueur, éclats de rire, accolades amicales. Ils partagent tous la même joie. Il y a un garçon en particulier qu’il serre dans ses bras avant de se livrer à un check barbare de jeune adolescent. « Putain Andy on les a niiiiqué ! » Le dénommé Andy a les yeux bleus très clairs et les cheveux roux indomptables, en bataille. Il donne une tape virile dans l’épaule de son camarade et tous deux s’éloignent vers les vestiaires.
« Ce match c’est le succès mec, le succès. Moi. Toi. Les plus grands basketteurs de toute l’Italie. Vazy, comment on vend du rêve. » Le rouquin l’écoute parler en hochant la tête tout en remettant ses lunettes. « Grave » lui répond-il avec une voix peut être plus fluette qu’à l’ordinaire. Ou peut être s’étonne-t-il toujours que son ami n’ait pas encore mué.
« T’viens à la douche ? » « Nan, faut qu’je rentre vite. » Il hausse les épaules, ne s’y attarde pas. Tant pis. Il prévoit déjà la fête qui couronnera leur victoire. Sa victoire. Il a 14 ans et se sent roi du monde.
souvenir 2
Wesh. C’est qu’elles se défendent bien, mine de rien, les gamines là. Il grimace en sentant une balle de peinture bleue l’atteindre durement sur l’épaule. « Vazy Flavio, ça va pas du tout là, elles sont en train de nous niquer. » Il ne remarque pas le tic de son ami à l’entente de son vocabulaire fleuri. Ils ont changé. Mais se revoir le temps d’un été est toujours aussi agréable. Il court, se retourne brusquement, feinte et touche une des fillettes dans le dos avec le sourire. Lorenzo avait raison. C’est plus amusant qu’un jeu vidéo. Et jouer avec les filles n’est pas si désagréable. Elles ne sont pas si nunuches.
Surtout Morgane. Morgane et ses longs cheveux bruns, sa façon de ne pas tenir en place et de rire aux éclats. Morgane qui chancèle face à une rafale de peinture. Il se retourne pour croiser le regard moqueur de Flavio et lui crie de loin « Ouais mec, on les baise là. » Ils gagnent. Il gagne. Et il a toujours aimé gagner. Son sourire s’éteint lorsqu’il aperçoit une silhouette s’avancer sur le terrain et Morgane se débattre. « Morgane ! Tu te fiche de moi, j’espère ! »
Putain. Si le grand frère rapplique, forcément. Il se rapproche de Flavio et Aurélia et tous trois observent de loin la dispute fraternelle. « Morgane ! Rappelle moi ton âge jeune fille ? Quatorze ans. Et dis moi l’âge minimal pour entrer dans un terrain de paintball ? Seize ans, mademoiselle. » « Ouais bon ça va quoi, j’suis plus un bébé. » « Morgane ! » Il ne sait même pas ce qui le pousse à prendre la parole, mais les mots franchissent le cap de ses lèvres « On faisait rien d’mal, mec… » L’autre lui lance un regard assassin et réplique « Son grand frère c’est moi, gamin. » « Wesh mec, t’as un problème là ? Qui tu traites de gamin ? Tu cherches les emmerdes ? » La tension monte d’un cran. Les deux jeunes hommes font un pas pour s’approcher l’un de l’autre, sans baisser le regard. Il serre les poings…
Crissement. Et une balle de peinture bleue vient éclabousser le grand brun. « Oups. Oh. Oh mince. Oh je suis désolée, Gabriel. Désolée, désolée, désolée. » Aurélia, la petite blonde, se morfond en se débattant avec son arme. « J’ai voulu…ça a glissé…oh je suis désolée. Attends, viens, j’ai des mouchoirs dans mon sac. Je… »
Morgane éclate de rire. La tension redescend. Tant pis si Gabriel peste.