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Pourquoi ne te souviens-tu de rien ? Rien, rien du tout. Tu es seule, dans un train vide à l'arrêt. Par delà la fenêtre sale, tu peux voir le quai désert. Que fais-tu ici ? Tu ne sais pas. Tu ne sais plus rien.
Ne perd pas trop de temps à réfléchir... Un petit sablier accroché à une chaîne dorée pend à ton cou. Et le temps s'en écoule sans t'attendre...

Le bruit d'un corps qui bouge. Puis, le silence. Elle glissait légèrement sa tête sur le cuir froid. Désagréable sensation. Elle tournait la tête à l'opposer pour finalement sortir de ce lourd sommeil. Ses yeux s'ouvrirent, lentement, s'habituant rapidement à la pénombre. Doucement, elle se redressait correctement sur son siège.

Aisément, tranquillement, comme si tout allait bien.

Ses mains, comme par automatisme, se levèrent jusqu'à être dans son champ de vision. Des petites mains blanches. Puis, des cheveux longs, blonds ? Un short, des jambes presque nues. Elle se découvrait pour la première fois. Seulement avec les yeux pour l'instant puis au fur et à mesure des minutes qui s'écoulaient, ses pensées réapparurent comme par enchantement. Sa respiration s'accélérait peu à peu. La voilà bien réveillé dans la triste réalité, l'horrible réalité. Elle ne se souvenait plus, elle se sentait vide. Elle avait l'impression d'être une page blanche, sans ligne, sans mot, une page vierge. La peur l'envahissait peu à peu. Sa main se porta sur sa poitrine qui montait et redescendait rapidement. Il fallait qu'elle se calme, mais elle n'y parvint pas. Ses doigts avaient effleuré quelque chose de froid : un sablier.

« Qu'est-ce que c'est que ça... ? »

Elle aurait pu en rigoler ou bien trouver ça assez mignon, mais vu les circonstances dans lesquelles elle se trouvait, ce n'était pas le cas. Les petits grains glissaient vers le bas, un bruit léger mais effroyable aux yeux de l'inconnue. Elle jeta un simple coup d’œil tout autour d'elle. Personne, elle était seule. Malgré la fatigue, il fallait qu'elle se lève. Elle se sentait mal à l'aise, comme épier et cela n'avait absolument rien de rassurer. Par ailleurs, l'atmosphère n'avait rien de rassurer et le lieu également. Une fois sur ces deux jambes, elle put constater l'état d'abandon des lieux. L'air frais effleurait sa nuque. Elle se retournait brusquement.

Une ombre. Elle aurait juré avoir vu une ombre.

Sans faire attention, elle se retrouva une nouvelle fois assise sur le siège d'en face, la peur se lisant facilement sur ses yeux. Elle essayait tant bien que mal de se persuader qu'elle avait halluciné. Un simple mensonge, si cela pouvait au moins calmer le rythme effréné que produisait son cœur. Elle se releva une seconde fois, inspirant et expirant profondément. Par curiosité, elle fouilla dans les poches de son gilet. Elle ne trouva rien de bien important, hormis un bracelet en or, mais il faisait beaucoup trop sombre pour qu'elle puisse distinguer les inscriptions. Elle le serra dans sa main droite, comme si elle dépendait de ce simple objet.

Quelle heure était-il ? Le temps semblait s'être arrêté. Elle se demandait combien de minutes s'étaient écoulées depuis son réveil. Mais rien sur elle ne pouvait lui indiquer cette information à part ce... Sablier dont elle ne saisissait toujours pas l'utilité pour l'instant. Son identité, complètement oublié, son arrivée ici, totalement flou. Le seul objectif qu'elle s'était fixée pour l'instant : sortir de cet endroit maudit et surtout ne pas trainer dans le coin. Par tous les moyens expressivement. Les mains croisées, suivant la direction de l'air frais, elle observait avec méfiance les ombres qui semblaient être vivantes.

Sans doute l'étaient-elles vraiment ?

Un bruit presque métallique fit sursauté la jeune fille. S'arrêtant dans sa marche, elle décida de garder simplement le silence et de ne faire aucun geste brusque. Le corps entièrement paralysé, elle attendit encore quelques secondes avant de se remettre en marche, les jambes légèrement tremblante. Elle songeait déjà à prendre la fuite, ci l'occasion devait se présenter. Elle se demandait même si elle n'était pas plus en sécurité ici que dehors. Malgré cela, une force la poussait à sortir de ce train. Étant dans la confusion la plus totale, elle ne savait si c'était une bonne ou une mauvaise idée. Tout la poussait à fuir, mais fuir quoi ? Ou qui ? Trop de question en tête, la migraine se faisait rapidement ressentir. Et là, second sursaut. Une porte qui s'ouvre. Elle ne cria pas, effectua simplement deux pas en arrière jusqu'à s’apercevoir qu'un jeune homme totalement inconnu se tenait devant ses yeux. Une main sur le cœur, elle soupirait de soulagement.

A quoi s'attendait-elle vraiment ? A un monstre à trois têtes ? On ne sait pas.

« Bonjour. Bienvenue à Nulle part. Ravi de faire ta connaissance. Je suis Gabriel. Tu n’aurais pas un prénom ou un surnom par lequel je puisse t’appeler ? »

Le ton direct qu'avait employé le jeune homme semblait avoir déstabiliser. C'était une présentation... Banale. Et pourtant, elle se sentait incapable de faire de même pour la simple et bonne raison qu'elle n'avait AUCUN prénom ou surnom à donner. Les pensées trop embrumées ne lui permis pas de réfléchir à une idée de prénom. C'était le vide, rien, nada. Comment étais-ce possible d'oublier son propre prénom ? Il y avait par ailleurs autre chose qui l'avait interpellé : « Bienvenue à Nulle part » ? Était-il sérieux ? Il en avait réellement l'air.

« Nulle... Part ? C'est un jeu de mot ou bien... »

Et voilà, elle se sentait complètement idiote. Si elle n'était pas aussi fatiguée, elle en aurait très certainement rougie, mais elle était plus occupé à détailler l'inconnu d'un œil méfiant. Mais revenons au problème majeur : son identité. Il était évident que si elle ne s'en souvenait pas depuis son réveil, cela allait être peu probable qu'elle se souvienne dans les secondes à suivre. Ses yeux se portèrent alors sur le bracelet qu'elle n'avait pas lâché, caressant de son index les petites lettres qui étaient inscrites. Observant de plus près elle put enfin voir ce qui était marqué.

« Vir... Virginie. Je suppose que c'est mon prénom... »

Si l'objet lui appartenait vraiment, ce serait effectivement son véritable prénom. Mais comment le savoir ? Elle préféra simplement se contenter du peu qu'elle avait, du moins pour le moment. Puis son regard se reporta sur le dénommé Gabriel.

« Et, hum... D'où tu sors au juste ? »

« Nulle part » était donc bien le nom de cette ville. Qui est-ce qui pourrait appeler sa ville de cette manière ? On aurait dit le nom d'une attraction pour faire aux petits enfants. Mais elle n'était pas une enfant, pas vraiment. Enfin, elle n'en savait rien puisqu'elle ignorait son âge. Elle ne pourrait pas non plus dire approximativement son âge. Virginie... Cela devait être le seul indice qu'elle possédait pour le moment. Au moins, elle avait un prénom provisoire, histoire que sa mémoire lui revienne un jour.

« D’accord Virginie. Ça te va parfaitement ce prénom ! J’adore ! »

Sa voix quelque peu joyeuse l'avait crispé. C'est bien la seul chaleureuse qu'elle avait vu jusque maintenant. Pourtant, cette atmosphère effrayante était toujours présente. Virginie avait encore cette sensation étrange d'être observée, épiée.

« On sort, on se pose sur un banc et là promis je te raconte tout. Ça te va. »

A ces mots, elle en sortit un soupir de soulagement, car il semblait qu'elle n'était pas la seule à se sentir mal dans ce train. Sans la moindre hésitation, elle prit la main tendue du jeune homme pour enfin sortir de ce train de mauvais augure. C'est sans difficulté qu'ils trouvèrent un banc et s'y installèrent. Observant le train d'où ils étaient sortis, Virginie ne put s'empêcher de penser que ce lieu n'était plus que ruine. Alors, comment avait-elle fait pour atterrir là-dedans ? Le train ne semblait plus vraiment en marche depuis un certain moment. Il fallait bien qu'il y monte à un moment ou un autre n'est-ce pas ? Passé ce flot de question sans réponse, Gabriel avait repris la parole. Oui oui, elle avait belle et bien l'impression que depuis tout à l'heure, il n'y avait que lui qui parlait.

Alors, elle l'écoutait, son histoire depuis qu'il était arrivé ici.

Elle avait écoutée attentivement, observant chaque geste que faisait le jeune homme, comme si cela avait été une habitude. Elle ne l'interrompit pas, mais ces yeux ne cachèrent pas son étonnement ni sa méfiance. Mais une fois ce discours terminé, pire qu'étrange, même pire que les histoires d'un fous, Virginie due admettre quelque chose : soit il était le roi des menteurs, soit c'était une vérité complètement... Folle, dépassée ? Entre temps, il s'était levé. Peut-être pour partir et la laisser ici. Comme ça ? Sans repère ? Elle se leva après un temps à son tour, ne savant par où commencer ni quoi dire. Dans un premier temps, elle ouvrit la bouche sans pouvoir sortir un son.

« Je suis désolé pour... Pour ton amnésie et tout ça mais... Je sais que tu ne mens pas enfin... »

Elle se perdait dans ces propos, rougissant presque dans la pénombre.

« Un lion de pierre et une voiture qui bouge ? Tout seul ? Sérieusement, c'est... Impossible !Sur ce point, tu as vraiment l'air d'un fou, pardon. A moins que tu puisses me le montrer ...? Un truc surnaturelle ou quelque chose dans le genre ? »

Elle se rassit sur le bon, réfléchissant quelques secondes à ce qu'elle venait de dire. Elle se releva tout aussitôt afin d'être fasse à son interlocuteur.

« Non en fait, ce qui est complètement dingue c'est... Toi ! Tu... Tu débarques comme ça et tu me racontes des trucs à faire flipper ! Il faut que je rentre chez moi... JE NE SAIS MÊME PAS SI J'AI UN CHEZ MOI ! »

Elle avait sortis tout d'une traite, sans prendre de l'air. Les larmes aux coins de ses yeux, elle préférait détourner le regard sur autre chose pour se calmer.

Le rire de Gabriel avait accentué le fait qu’elle commençait réellement à le prendre pour un malade mental. Mais cela n’arrangeait pas les choses. Elle s’était emportée sans qu’elle ne puisse se contrôler. Et au fond d’elle, Virginie le regrettait bien amèrement et c’était donc aussi pour cela qu’elle commençait à avoir les larmes aux yeux. Ce problème de mémoire l’affectait à un point qu’elle ne pouvait pas imaginer. Et ces histoires mystérieuses de statut de lion et de voiture en mouvement ne l’aidant pas, elle avait cédé à l’angoisse de se retrouver dans un endroit inconnu AVEC justement un inconnu. Gabriel semblait ne pas être une personne menaçante, certes, mais elle avait tout de même peur que cela ne soit qu’une apparence. Le pied de celui-ci frappant le banc avait fait sursauter Virginie, qui avait ramené ses bras, lâchant un tremblement incontrôlé. Elle n’osa même plus le regarder, préférant regarder le sol.

« Bien sur que tu as un chez toi. Bien sur que des gens te cherche Virginie. Je suis désolé virginie. Ne pleure pas puce ! Ca ira. Même si tu trouves ça bizarre, je ne sais pas comment je suis arrivé. C’est peut être le destin. J’errais sans but et je t’ai trouvée. Je suis peut être ton ange gardien. Virginie ? »

Muette, elle l’observa de nouveau sans pourvoir lui répondre. Une certaine impression lui faisait dire que ses paroles l’avaient touché.

Culpabilité.

Il lui tendit une nouvelle fois sa main qu’elle acceptait sans néanmoins baisser le regard, la honte se lisant sur son visage. Des preuves ? C’est vrai qu’elle lui en avait demandé, sans vraiment y penser finalement. Elle le suivit, jusqu’à monter sur le toit du train par une échelle bien dissimuler. Et là simplement, ils s’assirent silencieusement, regardant la sombre ville qui s’offrait à eux. Bougeant ces doigts nerveusement, Virginie cherchait le bon moment pour… S’excuser ? Oui, il vaudrait mieux. Mais là encore, elle ne réussit pas à sortir un son.

Timidité.

Cela doit certainement être un de ces traits de caractères principaux. Virginie ramena ces jambes jusqu’à elle, observant les ombres qui semblaient bouger… Oui elles bougeaient mais la jeune fille préféra penser que c’était un phénomène du à la lune, ou quelque chose qui y ressemble. Elle reporta juste son attention sur une main… Celle de Gabriel.

« Je suis désolée… Pour ce que j’ai dit tout à l’heure… »

Elle cacha simplement son visage dans ses bras, n’attendant pas vraiment de réponse de la part de Gabriel.

Spoiler:

« T’inquiètes ce n’est pas grave. J’ai mal réagi aussi à mon arrivée ici. Mais on s’y fait. »

Le fait qu’il l’avait pris dans ses bras en prononçant ces paroles l’avaient presque surprise. Virginie ne s’y attendait pas, c’est certains, mais elle en fut néanmoins heureuse. Même plus qu’elle ne le pensait. Elle ne pouvait s’empêcher de penser que l’odeur de Gabriel était à la fois douce et rassurante, et par moment terriblement familière. Inconsciemment, elle en fronça les sourcils, essayant de se remémorer n’importe qu’elle souvenir. Malheureusement, rien ne lui parvenait à l’esprit. Elle reporta son attention sur la ville sinistre, ville qui l’avait apparemment attiré jusqu’à elle.

Pour quelle raison ? Était-elle venue volontairement ou l’avait-on forcé ? Tellement de question sans réponse… Alors elle était ce « genre » de personne. Voilà ce qu’elle pensait. Le genre de personne qui se pose dix milliards de question en l’espace d’à peine dix secondes, possédant une sensibilité hors du commun à en faire peur son colocataire, et qui réagit comme une petite gamine de… Mais en fait, qu’elle âge avait-elle ? Elle ne s’était regardé que vaguement au final, mais elle ne devait pas avoir plus de 18 ans sans doute. Collège, lycée ? Ça aussi c’était un mystère à résoudre. Toute son identité était un mystère. Celui qui était près d’elle en était un aussi. Et pourtant, la caresse dans ses cheveux l’apaisa en même temps que ces interrogations se firent plus silencieuses dans sa tête. Elle suivit dans le même temps les gestes du jeune homme, dessinant une forme dans les airs.

« Ceci est la grand ourse. »

Après un temps, elle laissa échapper un fin sourire. Le tout premier depuis son arrivée. Et puis elle bailla, longuement. N’avait-elle pas assez dormis dans ce train ? Le sommeil l’a rattrapait malgré tout, même si elle montrait une certaine volonté à rester éveiller. Elle avait cette peur de dormir et que quelque chose ne change de nouveau, qui lui arrive quelque chose, encore…