Allons tous dans le Tchoutchou-Train de la fête forraine ! <3

06h-08h

Son ventre grogna. Oui, grogna, il avait faim, merde. Depuis combien de temps n'avait-t-il pas mangé quelque chose de plus consistant qu'une poignée de chips douteuses ? Il se retourna vaguement et sa joue heurta une surface dure, grenue, qui n'était pas exactement celle qu'il s'attendait à rencontrer... Le gravier s'enfonça dans sa peau et il bougonna, de mauvaise humeur. Qu'est-ce que du gravier foutait dans un putain de restaurant ?! Et puis pourquoi il faisait si chaud, tout à coup ? Cette chaleur, elle venait d'où, d'abord ? Il faisait jour ? Une minute... Pourquoi il dormait, déjà ?

Souvenirs brouillons, diffus. Souvenir de la chute d'Hécate dans la piscine, de l'attaque des grenouilles, du restaurant sombre et froid. Du sol dur, mais lisse. D'Hécate. Du baiser. D'Hécate. Il ouvrit les yeux, agacé de ne pas comprendre. Pourquoi n'y avait-il pas d'Hécate à côté de lui ? Pourquoi n'y avait-il pas encore cette connerie de lumière quand on avait besoin d'elle ? Pourquoi faisait-il cent-vingt degrés dans cette putain de pièce... Pièce ? Non, pas de pièce. Le plafond était chelou. Sa couleur indigo avait quelque chose de surnaturelle, et il n'aimait pas ça. Et puis il avait toujours la dalle. Et soif, aussi.

Il s'assit sur le gravier, mécontent. C'était pas confortable, et il faisait toujours trop chaud. Petit tour d'horizon du regard... Et il se rendit compte que la valise se trouvait toujours juste à côté de lui. Pas de trace de son sweat et des clés de la voiture qu'il contenait... Génial. Pas de trace d'Hécate quand il avait besoin d'elle... Génial. Sa vie était géniale. Il attrapa la valise et la tira jusqu'à lui d'un geste sec. Oui, brutaliser une pauvre valise sans défense, ça faisait du bien, quand même. Il l'ouvrit et en extirpa une des bouteilles d'eau, qui n'était pas encore tiède. Donc il ne devait pas être là depuis très longtemps, si ? Il la déboucha et but quelques gorgées - haha, enfin de la vraie eau, et pas une bouteille cheloue de... - Oh, une minute. La bouteille précédente aussi avait l'air normale. Petit instant de panique.

« Et merde... » Souffla-t-il, comme pour vérifier.

Avant de soupirer discrètement. Soulagement. Son estomac gargouilla de plus belle, insistant. Nan mais c'est quoi ce bordel, pourquoi je me réveille là ? Pourquoi je me souviens pas d'être venu ici ? Et putain pourquoi Hécate est pas avec moi ? Il se releva, attrapa la hanse de la valise noir d'un mouvement rageur, passa une main sur ses vêtements pour en ôter les graviers - oui, parce que se balader avec de la poussière et des cailloux sur le derrière, c'est pas très sex, quand même -, et regarda avec plus d'attention le décor qui l'entourait. Un. Parc. D'attraction. Pourri.

Génial.

Décidant de ne pas perdre de temps plus longtemps dans cet endroit délabré et inintéressant - sérieusement, ça servait à quoi les fêtes foraines ? À part claquer tout son fric dans des attractions inutiles, franchement... -, il commença à marcher dans une direction choisie totalement au hasard, avant de se rendre compte qu'il avait un putain de mal de crâne et qu'il ne savait pas du tout comment il allait rejoindre le restaurant du complexe sportif. Il fouilla dans le sac beige en bandoulière qu'il avait toujours sur lui - enfin un truc utile ici - et en tira un paquet de gâteaux. Choisi au hasard, aussi. Ne pas perdre de temps. Manger en marchant. Calmer la faim. Calmer la mauvaise humeur. Calmer la migraine.

Pâques vient de là !

Tranche horaire Allons tous dans le Tchoutchou-Train de la fête forraine ! <3 1550624631

06h - 08h

Pâques se frotte les yeux et baille sans retenue. Elle ne se rappelle pas s'être endormie. Ah mais si, le manoir, le feux, le tapis où elle était allongée... Elle a dû sombrer sans s'en rendre compte. D'ailleurs, les derniers mots du Géant résonnent encore dans sa tête :

« Un starter, c’est un pokémon avec lequel tu commences le jeu, tu vois ? C’est le Prof’ qui te le donne au début du jeu, et par cartouche y en a trois, c’est toi qui choisit lequel tu prends. Oui, c’est mignon mais pas toujours, mais mon starter préféré c’est Carapuce et il est bleu et mignon comme toi. Mais toi t’es un légendaire, t’es Manaphy, t’es mon… Starter légendaire. C’est cheaté mais c’est comme ça. Je l’aime bien, Manaphy, tu sais ? Parce-que… Parce qu’il est petit et bleu. Comme toi. Et mignon. Un peu comme… »

Comme elle. Elle n'a pas tout compris sur les pokémon, Carapuce, les légendaires... Mais il a dit qu'elle était mignonne. C'est joli aussi Manaphy. Manaphy est petit et bleu comme elle et il l'aime bien, comme elle. Pâques sourit aux anges. Elle ne peut plus résister, elle sait qu'il est là, juste derrière elle, il suffit qu'elle se retourne et...

LSD n'est pas derrière elle. LSD n'est plus derrière elle. Où est-il ? Pâques se relève en vitesse, méprisant sa tête qui tourne violemment à cause de sa blessure. Elle tourne sur elle-même, regarde autour d'elle, même si l'obscurité ambiante ne lui permet pas de voir grand chose. Mais il n'est pas là. Et elle n'est plus au manoir. Sous ses pas, le gravier crisse et au dessus d'elle un plafond indigo la surplombe.

Pâques ne comprend pas ce qui a pu se passer. Elle s'en fout. Tout comme elle se fout de son ventre qui lui rappelle qu'elle n'a pas avalé plus de deux carré de chocolat depuis son arrivée, de sa tête qui tourne de plus en plus, de la chaleur qui la fait transpirer à grosse goutte. Elle veut juste retrouver LSD. Son Géant. Et s'il lui était arrivée quelque chose ? Oh non...

Affolée, la jeune fille commence à marcher tandis que sa tête tourne toujours. Ses yeux se sont habitués à l'obscurité et elle parvient à voir où elle pose ses pieds. Une ombre se dessine devant elle, grande, très grande comparé à elle. Est-ce que...

"LSD ! J'ai cru que je t'avais perdu, je..."

Elle s'interrompt. Elle a couru en parlant et se trouve maintenant tout proche du garçon, assez proche pour voir que ce n'est pas Son Géant. Le choc, la tête qui tourne, la course, la chaleur, la faim... C'est sans doute tout cela qui provoque sa perte d'équilibre et sa chute...

Elle a juste le temps de voir les yeux bleus du garçon qui se trouve devant elle. Fascinants.

Click Me

Sa tête lui faisait mal, si mal. C’était comme si un marteau frappait longuement sur ses tempes. Boom. Boom. Boom. Il avait l’impression d’avoir pris une sacré cuite ou d’avoir été salement drogué. Pour l’instant, il ne voulait pas ouvrir les yeux. Il ne voulais pas voir ce qu’il y avait autour de lui, simplement que ce ramdam cesse sous son crâne. Il essaya de lever une main pour la porter à son front, hésita, la laissa retomber sur son ventre. Il avait une affreuse migraine. Et comme pour lui rappeler que, même en mauvais état, il continuait de vivre, son ventre commença à protester violemment en émettant des gargouillis peu discrets. Visiblement, ça commençait très mal. La musique hurlait à ses oreilles. Musique ? Mais oui, il devait toujours être au Parc d’Attraction. Ce parc délabré dans lequel il avait atterri d’une façon tout à fait étonnante en sautant dans une trappe en salle des machines. Quelles pérégrinations dignes d’un aventurier...

Le son lui vrillait les tympans. Il gronda, la bouche pâteuse, entrouvrit les yeux, replia un genoux. Il était affalé, non, allongé sur le sol. Visiblement, il avait été déplacé. En effet, il ne se rappelait plus grand chose de ses derniers instants avant de s’écrouler, mais il savait s’être avachi sur la Bugatti, et il sentit dans la tension des muscles de ses épaules qu’il était resté quelques temps dans une position inconfortable dont son corps, drogué, n’avait pu se départir. Le grand blond inspira longuement, une fois, deux fois, trois fois. Les brumes dans son cerveau commençaient à s’évanouir doucement. Mais il commençait à avoir mal au dos, le gravier lui rentrant dans les omoplates : il posa ses coudes au sol et se releva doucement, repliant légèrement ses jambes, avant de s’accroupir, et mettre sa tête entre ses genoux. Il commença quelques exercices de respiration, calmant son esprit peu à peu. De nouveau, son ventre protesta. Il avait vraiment faim, et absolument rien à manger. Il releva doucement la tête, ouvrit les yeux, les referma. La lumière tamisée était déjà trop agressive pour son esprit embrumé. Et la musique, cette musique immonde...

Il plissa les yeux. Il était dans un bâtiment, justement. Un bâtiment où il n’y avait qu’une grande console parcourue de fils électriquement, qui visiblement donnaient le feu vert à un quelconque manège. Il se releva en se tenant à une chaise qui crissa doucement, et il eut quelques secondes très peur qu’elle cède sous son poids. Vu son état de décomposition avancé, il y avait longtemps que personne ne s’était assis dessus. Le grand blond soupira, et commença à s’étirer doucement. Chacun de ses muscles lui faisait mal. La ville, ou celui qui la contrôlait, avait eu ici une idée abominable. C’était de ces matins qu’il haïssait, de ceux qu’il ne voulait pas sortir de son lit, par exemple...

Quand il avait un lit. Si toutefois il avait eu un lit. Mais il savait ce qu’était un lit, et à ce moment ça n’était qu’un doux souvenir que lui rappelait son dos noué. Il se pencha en avant, toucha le bout de ses orteils, alors qu’il sentait les muscles de ses cuisses se pincer doucement. C’était horrible, ça tirait affreusement, mais après quelques secondes dans cette position, il relâcha le tout et ce fut la délivrance. Il sentait toutes ses capacités moteur lui revenir peu à peu. Il se sentait presque bien. Si seulement il n’y avait pas ces vertiges qui persistaient à vouloir l’attirer au sol... Il attrapa la console d’une main pour se stabiliser véritablement. Sa vision commençait à être parfaitement claire. Il essaya d’appuyer sur un bouton au hasard, puis un autre... Rien. Il regarda autour de lui, se pencha légèrement en avant, manqua tomber de nouveau mais réussit d’un bon réflexe à se rattraper. Bien. D’ici quelques minutes, il serait au top - et affamé. Il s’accroupit et branche une énorme multi-prise au mur, ayant peu d’espoir que quelque chose se passe, et pourtant la table de fer commença à clignoter de partout. Intéressant. De nouveau, il appuya sur quelques boutons, et soudain un énorme bruit de chaînes et de mécanique se fit entendre, alors que la cabine tremblait. Donc, c’était un train qui se trouvait à côté, et visiblement il... Marchait. Le blond fronça les sourcils et se dirigea vers la sortie. Il n’y avait rien, rien d’autre que de la poussière et de l’électronique.

Un peu plus loin, il pouvait apercevoir une silhouette... Et une seconde qui se dirigeait vers la première. Des gens. La première silhouette était plus proche, et visiblement la personne était en train de... Manger. Mauvaise idée, très mauvaise idée devant l’affamé. Le grand blond s’approcha à pas de loups, tout doucement, comme un ninja cherchant à s’approcher de sa proie. Il arriva à quelques mètres, encore à peine visible dans la pénombre, lorsque les deux inconnus se rencontrèrent. En fait, la jeune femme aux cheveux d’un bleu plus qu’inhabituel venait presque de rentrer dans le mec châtain, avant de se reprendre, et... Trébucher. Elle parla de LSD, sans qu’il comprenne bien pourquoi, mais tout ce que voyait le grand blond à cette heure c’était qu’elle lui offrait une diversion parfaite. Il parcourut en quelques pas inaudibles la distance qui les parcourait, et d’un mouvement vif saisit le paquet de gâteau dont le jeune homme se désintéressa pour rattraper la jeune maladroite. Jackpot.

Tout de suite, il attrapa un gâteau sec et le fourra dans sa bouche, comme s’il risquait de disparaître à tout moment. Il avait bien trop faim pour se soucier des convenances à cette heure-ci. Surtout que le paquet ne semblait pas très bien fourni. Vous imaginez, s’il avait à partager ? Ca serait catastrophique. On lui demanderait peut être même de se priver pour que la demoiselle puisse manger, c’était catastrophique. Il fit un petit sourire de chat, plein de dents, alors que ses yeux, habitués maintenant à la luminosité, brillaient. Trouvé, volé, c’était à lui maintenant, et il faudrait y aller pour lui reprendre.

Les deux jeunes gens ne semblaient pas se connaître, et la maladresse de la jeune fille lui mit la puce à l’oreille : eux aussi visiblement s’étaient fait catapulter ici sans vraiment le vouloir. C’était vraiment pas de bol, enfin surtout s’ils avaient trouvé d’autres personnes avant, parce que lui il s’en fichait après tout. Que la Ville l’envoie tout droit en enfer... Il n’en avait cure.

Elle a envie de ricaner. Quel plaisir de voir ses petits jouets se débattre avec leur solitude nouvellement découverte... Elle libère un souvenir, qui va avec lenteur et légèreté danser sous le nez de Cheshire...

Spoiler:

Quelque chose s'approchait. Vite ou pas, ça se dirigeait sur lui sans s'arrêter. Levant à peine la tête à l'approche de ce quelque chose qui n'était visiblement pas Hécate, le brun décida d'ignorer superbement le phénomène. Il se contenta de piocher un autre gâteau, et de le mâcher avec une grimace dégoûtée. Insipide, voilà ce qu'il était, ce putain de gâteau. Et il avait beau manger, la sensation ne disparaissait pas. Était-ce vraiment la faim, alors, ce vide, cette brûlure, ce besoin ?

La chose approchait encore. Pas son problème, après tout. Pas son problème, jusqu'à ce que le quelque chose se mette à lui parler de LSD. Il releva brusquement la tête. C'était une voix féminine. Comment elle sait, celle-là ? D'où elle me connaît ? Elle se gamella proprement devant lui et il n'eut que le réflexe de la retenir par le bras pour qu'elle n'aille pas manger la poussière à ses pieds.

« Woooh, putain mais tu peux pas faire attention où tu marches, gamine ?! »

Regard excédé, ton agressif. Oui, il était énervé. Et non, il ne savait pas pourquoi exactement. Mais merde, il avait bien le droit, de temps en temps ? Bon, ok "de temps en temps", ça se résumait à "presque tout le temps", mais et alors ? C'était pas une gamine de... Allez, seize ans à tout casser qui allait lui dicter sa conduite. Il la lâcha en la toisant d'un air méfiant. Il n'avait pas besoin d'une gosse dans les pattes, non, vraiment. Il piocha de nouveau dans le paquet de gâteau.

Pour se rendre compte qu'il n'y avait pas de paquet de gâteau. Sa main tenait du vide, et ses dents claquèrent sur rien avec une sorte d'automatisme inquiétant. Il tiqua, tourna vivement la tête. La bouffe. Sa bouffe. Celle des Maraudeurs.

« Ça va, je te dérange pas, tu veux pas mon sac aussi ? 'Tain même en étant amnésique, quand on n'est pas con on se doute que voler c'est pas la meilleure chose à faire pour engager la conversation. »

Imprudent ? Nooooon, jamaiiiiis. Et puis, comme si lui, le dealer raté qui s'était attiré toutes les emmerdes de la Ville, il avait son mot à dire sur la morale et sur le vol. Oui, mais il était énervé. Oui, mais il était en manque. Parce qu'entre temps, oui, il avait réussi à placer un nom sur cette faim dévorante, sur cette insatisfaction constante, sur cette lave qui lui rongeait les entrailles et le mettait d'une humeur si massacrante. Alors en l'instant, il se foutait pas mal de ce que l'autre pouvait penser, faire ou imaginer. Tout ce qu'il voyait, c'était qu'un grand kéké avec une serpillière sur la tête en guise de perruque venait de lui faire l'affront de lui piquer un pauvre paquet de gâteaux dégueulasses dont il n'avait objectivement rien à foutre puisqu'il en avait d'autres, et que, même s'il ne le connaissait pas du tout, il lui tapait déjà sur le système.

Évidemment, ça n'allait pas l'aider à rejoindre Calvetti et Décembre. Encore moins Hécate. Hécate... Un instant, l'inquiétude le gagna. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Puis il repensa à l'église, à ce qu'elle avait fait à la rouquine braillarde, à la baffe qu'elle lui avait collée dans le parking, et enfin à son plongeon improvisé dans les eaux troubles de la piscine. En fait, toutes les crasses qui étaient arrivées à la brune étaient de sa faute. Sa faute. Elle savait se débrouiller, et il n'était plus là pour lui attirer des problèmes.

L'inquiétude disparut. Au même moment qu'une sphère jaune fit son apparition, devant la tête de Monsieur-Serpillière. Novembre soupira, agacé.

« Bon, évidement t'as pas de truc utile sur toi, j'imagine ? Si c'est à manger que tu veux, y'a peut-être moyen de s'entendre. »

Dealer un jour, dealer toujours, écoutez. On ne se refaisait pas, même à Nulle-Part, apparemment. Et puis, si ça pouvait servir aux Maraudeurs, alors pourquoi pas. Ah, le souvenir ? Il le lui aurait bien pris pour se venger - et récupérer son temps, son précieux temps, parce qu'après tout, c'était l'intérêt des souvenirs, pas vrai ? -, mais non. Rien à foutre de sa vie de serpillière.

HJ:

Au moment où Pâques voit le sol se rapprocher dangereusement de son visage, une main saisit fermement son bras pour l'empêcher de chuter. Son coeur loupe un battement et elle s'apprête à bredouiller des remerciement quand la voix vient attaquer son oreille.

« Woooh, putain mais tu peux pas faire attention où tu marches, gamine ?! »

Il est en colère. Pâques lève les yeux et croise son regard qui se veut sans doute énervé. Tout comme ses paroles sans doute, et le ton de sa voix qui est clairement agressif. Pourquoi s'énerve t-il ? Est-ce qu'il a été envoyé ici sans savoir pourquoi lui aussi ? La jeune fille a envie de lui demander s'il a perdu quelqu'un, comme elle. Elle voudrait l'aider, le consoler s'il est triste. Le calmer. Parce qu'il n'arrivera à rien dans son état. Il la lâche et la dévisage, un air sombre peint sur ses traits. Elle retient ses mots et baisse imperceptiblement les yeux. De toute façon, il est déjà reparti sur sa lancée.

« Ça va, je te dérange pas, tu veux pas mon sac, aussi ? 'Tain même en étant amnésique, quand on n'est pas con on se doute que voler c'est pas la meilleure chose à faire pour engager la conversation. »

Mais de quoi il parle ? Et à qui ? Pâques relève la tête et promène son regard autour d'elle. Un peu à l'écart, elle aperçoit un grand homme, un adulte aux longs cheveux blonds bouclés. Il mâche quelque chose avidement, un petit sourire victorieux sur le visage. Le ventre de la demoiselle gronde plus fort. Elle meurt de faim. Elle lui demanderait bien de partager mais la situation ne lui paraît pas propice. Alors elle plonge sa main dans une des grandes poches sur le devant de sa robe et en sort le chocolat au lait. Plus que 4 carrés... Elle en attrape deux et en tend un au garçon devant elle.

" Tiens si tu as faim. Ne lui crie pas dessus, il doit avoir le ventre qui gronde lui aussi tu sais ? " Elle se tourne vers le blond. " Tu en veux aussi ? Il m'en reste 2 encore, je t'en donne si tu veux ! ".

Elle croque dans son carré et savoure le chocolat qui coule dans sa gorge. Elle a la sensation de se sentir hors du temps. Elle vient à peine d'entendre la musique qui emplie l'atmosphère. Et de voir le train qui s'est mis à bouger derrière le garçon ronchon. Oh un train... Il y a de la lumière qui clignote sur les wagons. On monte dedans ? Ça va être drôle !

Pâques ôte une mèche de cheveux qui s'est égarée sur son oeil en secouant la tête. Mauvaise idée gamine. Très mauvaise idée. Sa tête recommence à tourner violemment et ses jambes flageolent. Son bandeau, trop peu serré par LSD, tombe au sol et laisse sa blessure à l'air libre. LSD... Pâques lève les yeux vers celui qu'elle a pris pour lui en arrivant. Ses yeux sont bleus, un bleu envoûtant, un bleu captivant, un bleu... Qu'elle a déjà vu. Comme ses mèches châtains qui retombent autour de son visage. Le garçon du souvenir. Le garçon de la ruelle. Le junkie de sa vie d'avant. Non, c'est pas possible, il peut pas être ici... Te voile pas la face gamine, des yeux bleus comme ça, tu peux pas douter. C'est Lui.

Sa tête tourne, tourne toujours. Elle sert les poings, les larmes montent aux bords de ses yeux, un frisson traverse son dos tandis que quelques gouttes de sueur perlent dans sa nuque. Elle ne veut pas affronter son passé et pourtant il est là, en face d'elle, à la place de son Géant.

Pâques se hisse sur la pointe des pieds, méprisant la douleur qui finira bien par le rattraper. Mais pas maintenant. Elle attrape l'inconnu par le col de son t-shirt, plante ses yeux au fond des siens et lance, la gorge serrée :

"Toi... Tu étais dans mon souvenir. Qu'est-ce qu'on foutait dans cette ruelle sombre, crade et déserte ? Qu'est-ce que tu me voulais ?! Pourquoi je traînais avec des gens comme toi ?!"

La rage recommence à pulser en elle, animée par son passé douloureux. Et cette fois, Il ne sera pas là pour lui dire des mots apaisants...

Pour suivre Pâques, c'est par là !

Le Blond était frais. Le Blond était reposé. Le Blond était calme, le Blond était blond, et il commençait à en avoir sérieusement marre que tous les jeunes cons qu’il croisaient n’aient pas une seule once de respect pour les autres qu’eux même. Depuis quand étaient-ils tombés aussi bas ? Un gamin d’à peine, quoi, vingt ans ? bon, allez, un peu plus peut être. Mais, au vu de sa tronche renfrognée et de ses mouvements brusques, toujours un gamin. Perdu dans ses pensées à propos d’un certain gamin mal élevé qui tout de même venait de lui fournir involontairement un paquet de gâteaux, le blond montra grand intérêt à la petite boule de lumière qui se plaça tout à coup face à lui, semblant sortir de nulle part. Cette petite sphère ne pouvait pas servir de lanterne, tellement elle brillait faiblement, mais c’était sympathique et joli. Aurait-il eu un habitacle de verre qu’il aurait sûrement essayé de l’attraper. En attendant, c’était là et ça bougeait pas, comme si ça attendait quelque chose.

Le curieux bonhomme commença à baragouiner à propos d’il ne savait quel vol - non non ça n’était pas lui sûrement pas il ne se permettrait jamais - avant de lui jeter un regard noir. Oh, monsieur est en colère ? Monsieur a mal dormi, peut être ? Ou peut être monsieur est tout simplement en colère de se retrouver tout seul dans cette ville maudite, ou plutôt avec ces inconnus ce qui était peut être encore pire dans cet endroit de malades. Mieux vaut être seul que mal accompagné, et croyez moi dans un lieu où chaque ronce veut que vous jouiez une pièce pour elle, ça n’est pas un luxe que de ne pas avoir à surveiller ses arrières sans arrêt pour vérifier qu’un camarade n’est pas en train de vous backstaber.

Il semblait soucieux. Le fait que son regard chasse pour regarder à droite, à gauche, pour enfin revenir sur son interlocuteur le prouvait. S’il n’avait pas eu d’autres choses à penser, il n’aurait pas perdu sa concentration ainsi, surtout pas devant un inconnu. Mais il sembla retrouver son appui, à défaut de son calme : malgré ses maintes tentatives pour garder son calme, son corps tout entier voulait pallier à une agitation extrême, se traduisant par des mouvements vifs, pressés, agressifs, comme pour ne pas renforcer son attitude exécrable. Un deal, qu’il voulait ?

Le grand blond eut un petit sourire avant de piocher dans le paquet de gâteau pour en fourrer un entier dans sa bouche qu’il mâcha longuement, consciemment, avant de faire claquer sa langue contre son palais et de répondre :

voler

Ceci d’une voix tout à fait égale et normale, comme s’ils n’étaient qu’en train de parler de la pluie, du beau temps, de ce genre de trucs quoi. Et bim. Des trucs utiles, il en avait oui, si on exceptait le jeu de tarot, les bonbons et le briquet vide. L’Opinel, par exemple, c’est sacrément pratique ces trucs là ! Mais contre un paquet de gâteaux, non merci, surtout s’il ne cherchait pas à récupérer son bien. Qu’il ne récupèrerait sûrement sous aucun prétexte d’ailleurs, soyons francs. Hé, c’était des gâteaux quand même ! Il en piocha un second, qu’il avala aussi vite que le précédent, comme s’il n’avait pas mangé depuis des lustres. Ce qui était peut être vrai. Cependant il songea à s’arrêter là et referma le paquet d’un mouvement vif. Il ne pouvait pas se permettre de gâcher ce qui, peut être, lui permettrait tout juste de survivre. En plus, c’était une monnaie d’échange. Et enfin, il finirait par avoir soif s’il continuait. Et ça, ça n’était pas bon du tout.

La petite sphère flottait toujours devant lui, commençait très, très lentement à s’effacer, comme s’il devait se dépêcher de faire quelque chose. Ici, il avait vite compris que rien n’était jamais laissé au hasard. Tout avait un but. Si un objet était placé sur votre chemin, vous deviez le prendre, quoi qu’il vous en coûte. Sinon, la ville vous punissait. Le blond était vraiment très curieux de savoir jusqu’où la ville était prête à aller pour punir ses jouets. Enfin, la ville, ou plutôt la personne ou plus sûrement le groupe de personnes qui la dominait. La contrôlait. Les contrôlait tous. Car ceci n’était qu’un jeu, un jeu à grande échelle dont ils étaient les mignons petits pions. Et dans ce jeu d’échec, le blond était un Fou. Se déplaçant en diagonal, emmerdait tout le monde mais protégeant efficacement la Reine et se sacrifiant pour elle si le besoin s’en fait sentir. Si vous connaissiez cet homme, vous sauriez que cette définition n’est pas tout à fait exacte. Il ne protège pas la reine, il la menace. Menace pour les ennemis, menace pour son propre camp, comme une pièce mal jouée. Handicap.

Mais lui, qu’est-ce qu’il s’amuse.

La jeune fille aux cheveux bleus, elle, se remettait rapidement de sa chute. Elle est mignonne, la petite, elle est gentille. Très, trop peut être, elle ne comprend pas que des vies sont en jeu ici. Ou peut être le comprend-elle trop bien et cherche-t-elle à s’en préserver, par tout moyen possible ? Non, elle est trop jeune. Trop jeune, trop innocente. A moins que ce ne soit qu’une apparence qu’elle se donne pour tromper son monde ? Cependant elle le défend, sort du chocolat de ses poches et partage. Un mot clé, partage. Cependant, le Blond décida de décliner l’offre d’un mouvement de la main. Déjà, le chocolat donne énormément soif, et l’eau tue plus sûrement que la faim. Ensuite, il ne sait pas où a trainé le chocolat, alors que les gâteaux étaient en train d’être consommé lorsqu’il les a saisi. Et puis, elle en a sûrement plus besoin que lui avec son corps frêle en pleine croissance... Si croissance ils subissent toujours.
 Soudain elle se met à fixer l’autre gugusse comme s’il venait de lui pousser un pied au milieu du visage. Un gros pied poilu et gigotant, vu qu’elle se met à trembler à la façon d’une feuille morte ballotée par un vent violent mais maintenue sur sa branche. Malgré sa jeunesse et sa visible infériorité sur l’individu en face d’elle, elle l’attrape par le col et tente de le secouer, en vain, tout en parlant de... Souvenirs, de ruelle crade et sombre, bref, de choses pas très joyeuses. En fait, ils se connaissent ? Pourquoi l’ignorait-il jusque là ? Pourquoi ne semblait-elle que le reconnaître ? Il y avait beaucoup trop d’interrogations dans la tête du grand blond. Ce dernier s’approcha des deux jeunes gens et emmêla gentiment les cheveux de la fille en desserrant doucement mais fermement sa poigne sur le tee-shirt de l’autre. Déjà, cet abruti risquait de la frapper, et ça n’était jamais bon. Et puis, c’est toujours plein d’emmerdes, des gens qui se battent. Mais, en faisant ce mouvement, il sentit son téléphone tomber de sa poche. Alors qu’il était jusque là très calme, il se pencha sur le côté d’un mouvement vif pour essayer de le rattraper.

Le rata.

D’un même mouvement, vit l’écran se fendre, et la bille de lumière, qui avait presque disparu et dont il avait oublié l’existence, frôler sa main tendue.

Spoiler:

Les ronces passent. Oui elles passent à côté des humains. Les ronces passent sans rien leur faire. Dans leurs longs membres de végétal est déjà emprisonné Cyanure. Cadavre blond méconnaissable, couvert de plaies affreuses. Les ronces passent lentement, laissent le temps d’imprégner cette image morbide sur la rétine des humains vivants.
Les ronces passent et le sang coule.
Traînée sanglante sur le chemin caillouteux, éclaboussure écarlate menant à la grande roue où le cadavre y est suspendu.

Cheshire, quant à lui, plonge dans son souvenir à cet instant précis.

Cheshire:

Et en plus, il se croyait au-dessus de lui. Novembre serra les dents, ravalant une réplique cinglante. Il se prend pour qui, ce connard ? Nan mais sérieux, encore un péteux tellement inutile qu'il a besoin d'emmerder les autres pour se sentir bien, ça me dégoûte. Ouais, le manque n'arrangeait rien à son état d'esprit, en fait.

Puis la fille, qui avait en fait les cheveux bleus - ce qu'il ne remarquait que maintenant, notez son manque cruel d'attention pour la gamine faiblarde pendant ces derniers instants -, essaya de justifier le vol de la grande godiche blonde - oui, désolée, il n'y avait pas d'autre mot qui lui venait à l'esprit, présentement. Comme si elle s'adressait à un gamin de six ans. Et en plus, elle croyait pouvoir l'amadouer avec du chocolat. Vexant. Il n'était pas un gamin de six ans. Son regard passa du chocolat au visage de la gamine. Elle est sérieuse, là ? Il lui répondit d'un ton froid, cassant. On n'était pas dans le monde des bisounours, ici.

« T'en auras plus besoin que moi, j'crois. »

Ça voulait dire non. Non, j'en veux pas de ton chocolat. J'sais quand même me gérer, sale gosse. Et voilà qu'elle commença à le prendre en grippe, essayant tant bien que mal de... L'impressionner ? C'était un peu ridicule, en fait, de voir cette gamine s'accrocher à son col et tenter de le secouer avec l'énergie du désespoir, en lui parlant de ruelles sombres et de "gens comme lui". Un moment, il la toisa, l'air hautement peu convaincu, mais l'asperge-à-tête-de-serpillière... La fit reculer ? D'où il vient foutre son nez dans mes affaires, lui ? 'Tain mais ça va, j'suis pas handicapé, non plus, c'pas une gamine comme ça qui va me faire peur.

Et puis merde, quand même. "Des gens comme lui", c'était pas la première fois qu'il entendait l'expression. Immédiatement, l'image d'Hécate lui revint en tête. Quoi, Miss Blue-hair aussi s'était retrouvée coincée dans un putain de placard flippant avec lui ? C'était une manie, chez les filles ? Nan mais franchement...

Au moment où le gars blond tenta de récupérer son portable - et, ce faisant, frôla un souvenir dans lequel il fut immédiatement plongé -, un immonde bruit de frottements retentit dans le parc. Novembre tourna vivement la tête, pour aviser des ronces. Il vit un corps, un ramassis de chair plus qu'un humain, traîné par les plantes véloces. Déglutit difficilement. L'histoire se répétait-elle ? Allaient-ils tous finir broyés sous la constriction mortelle de ces lianes épineuses ?

Réflexe de survie numéro un : éviter les plantes. Profitant de l'état de transe plus ou moins avancée de l'autre idiot qui revivait son passé, il lui reprit son paquet de gâteaux des mains, le fourra dans son sac avant de le refermer, attrapa la valise et empoigna fermement le bras de la gosse, décidé à ficher le camp de ce parc trop glauque avant qu'une autre catastrophe ne se produise. Un corps se faisait traîner par terre, quand même. Avec un peu de chance, ces putains de ronces s'en prendraient au blond immobile plutôt qu'à eux, hein ?

« Chacun sa merde, après tout. Toi par contre, tu viens avec moi, j'veux des explications. »

Il commença à s'éloigner d'un pas rapide et un peu raid. Les souvenirs peu ragoûtants du cadavre d'Hawkeye coincé entre deux poutres du parking lui revenaient en tête, plus persistants et insupportables que jamais. Chacun sa merde, ouais. Et pour l'instant, j'en ai assez eu comme ça, faut partager, dans la vie. Sauf que, pour couronner le tout, il sentit la gosse vaciller. Le brun tourna la tête, agacé. Elle peut pas avancer encore plus lentement, nan ? Elle veut pas que les ronces nous bouffent, et que l'autre enflure se réveille, aussi ?!

Miss Blue-hair s'évanouit. Et merde... Nan mais nan, quoi ! Merde à la fin ! Il en avait marre des filles qui s'évanouissaient pour rien, sérieux. D'abord Janvier, maintenant elle... Quelle bande de boulets. La pauvre gosse était étalée par terre, et l'autre blond allait sortir de sa transe d'un instant à l'autre. Le planter là avec les ronces était sans doute la meilleure chose à faire, vu le don qu'il avait pour lui taper sur le système. Bon... Pas le choix. Il lâcha la valise un instant, hissa la gamine en mode sac-à-patates sur son épaule, et reprit la hanse noire chiante à traîner. C'était le moment de se faire lâchement la malle, parce que merde, il n'avait pas demander à se réveiller dans un pauvre parc d'attraction en si chiante compagnie.

Ce monde est une mascarade. Et Elle tire tes ficelles.

Janvier était perdue. Vraiment perdue. Elle errait dans le parc d'attraction depuis plusieurs minutes déjà et commençait à regretter amèrement d'avoir faussé compagnie au groupe de jeunes filles avec lequel elle s'était réveillée. Seule et anxieuse, la petite brune avançait en jetant des regards de biche perdue aux alentours s'attendant à voir survivre une bestiole hideuse et sanguinaire à tout bout de champ. Elle serrait contre elle la misérable veste que lui avait donné Ironie et qui cachait sa poitrine nue - son unique chemise était restée au Commissariat, repère des Sentinelles -. Ses pieds sans chaussures étaient meurtris à chaque pas, ses escarpins étant eux aussi resté dans le bâtiment des forces de l'ordre.

Misérable. Misérable et pathétique. Elle avait essayé de peigner ses cheveux en se servant de ses doigts comme d'une brosse improvisée. Les boucles brunes descendaient dans son cou en frisottant allègrement à son grand déplaisir. Mais nul miroir aux environs ne pouvait lui renvoyer son reflet. Sinon sans nul doute en aurait-elle été mortifiée. Elle mourrait d'envie de pleurer. Après tout elle était seule, amnésique, dans une ville hostile loin de la présence rassurante de ses compagnons. Mais les larmes n'arrangeaient rien s'il n'y avait personne pour les sécher.

En piteux état donc, la brunette avançait, dépitée et apeurée. C'est alors que ses grands yeux bleus se posèrent sur un individu. Elle courut vers lui. Un homme. Grand. Fort.

" Excusez moi ? Excusez moi, je...oh. Un souvenir. " s'exclama-t-elle en voyant son regard vague. Lentement, la jeune fille entreprit de se positionner en tailleurs. Il n'y avait plus qu'à attendre qu'il se réveille.

Le compteur est fêlé, le bien le plus précieux que t'as accordé la Ville. Inconscient...

Spoiler:

Cheshire n’eut que le temps d’apercevoir les ronces qui avançaient vers eux, ensanglantées. Son oeil attrapa un détail : des cheveux blonds, un visage fin... Le gamin blond qu’il avait croisé plus tôt, la veille, une éternité de temps auparavant. Il eut le temps de se faire la réflexion qu’il avait plutôt l’air mal en poing, avant de se faire happer par la bille de lumière dorée.

C’était étrange. Plus qu’étrange. Il était là, et pourtant il avait la sensation de ne pas être là. Il voyait une scène, une cène dans laquelle il se voyait. Si vous n’avez jamais vécu cette expérience, n’essayez pas de l’imaginer : il s’agit de quelque chose de tout à fait original et qu’il n’est possible de comprendre que si ça vous arrive. Il se voyait, donc, le regard dur et la poigne ferme sur le manche de son arme. Il se vit, d’un mouvement, désarmer celui qui semblait être son partenaire et se saisir de son arme du même mouvement avant de le narguer avec. Ah, au moins déjà à ce temps là il faisait du bon boulot. Quoi que, ça ne devait pas tarder tant que ça : il se reconnaissait. Enfin, par rapport à la dernière fois qu’il s’était vu bien entendu, voilà bien longtemps qu’il n’avait pas croisé de miroir, ni même de plan d’eau à bien y réfléchir. Le grand blond regarda autour de lui, mais la scène se termina alors qu’il se faisait violemment obéir de son partenaire. Un boulet. Comme beaucoup d’autres. Par contre, le fait qu’il contredise les ordres de son boss le turlupinait. Ca ne semblait pas dans sa nature... Pas tout le temps en tout cas. Quoi que. Enfin, pour lui, quelqu’un qui avait réussi à le faire travailler pour lui méritait son respect, et donc son obéissance. Une craquelure, peut être ? Ah moins... Qu’il n’ait été en quelque sorte le boss ? Là aussi, ça l’étonnait. La responsabilité, c’était pas trop pour lui d’habitude. Commander, d’accord, mais toutes les merdes liées à l’administration très peu pour lui.

Puis le souvenir - car c’en était un il en était sûr - finit par s’évanouir dans le néant, le laissant face à son portable fracassé sur le sol et ses camar... Camarades ? Une petite brunette à moitié à poil, l’air complètement perdue, lui faisait face au lieu d’un homme exécrable et d’une gamine à l’air sympathique. Uh, Allo ? Il avait passé tant de temps que ça dans son souvenir ? Et l’autre là, le blond qui avait l’air un peu mort dans ses ronces... On voyait encore la trainée de ces dernières dans le sable ainsi que des gouttes de sang séché. Les yeux de la jeune fille étaient emplis de larmes, elle était visiblement prête à pleurer. Euh, c’était sa faute ? Il l’avait frappé ? Peut être une pote à ce connard de blond ? Enfin, ex-connard de blond il devrait plutôt dire. Ou alors c’était la faute de l’autre teigne, là ? Cheshire, qui venait de buguer un peu - ça lui arrivait pas souvent mais là c’était de circonstance avouez le - finit de se pencher en avant pour récupérer son téléphone. Il appuya machinalement sur le bouton en haut pour le déverrouiller. Les heures apparurent sur l’écran, mais tordues, crissantes, comme si des ondes perturbaient son affichage. Il frissonna. Le compte des heures lui paraissait tout à fait étrange. Il avait dormi... Trois, quatre heures ? Combien de temps avait-il passé en compagnie des autres ? Il n’en avait aucune idée. Perturbé. Il rangea son portable inutile et dont la seule vision lui donnait des frissons. Il le détestait, mais n’osait pas le jeter.

La jeune fille aux grands yeux bleus était assise en tailleur juste devant lui, serrant contre elle une simple veste. Il ne savait pas comment elle s’était retrouvée comme ça, mais ça ne devait pas être agréable. Et il ne savait pas trop quoi faire. Il n’avait absolument rien à lui proposer, de toute façon, à part peut être sa veste qui était tout de même plus large - bien que moins chaude, que celle qu’elle possédait déjà. Et qui visiblement, vu la façon dont elle la tenait, ne lui appartenait pas. Il se contenta de l’observer du haut de son mètre quatre-vingt avant de lâcher sur un ton plat :

« Bah alors, t’es perdue ? »
Il se reprit en ajoutant :

« Enfin, plus perdue que les autres. »
Dafuq, guy ? Il semblait tout à fait détendu. Cette gamine - oui oui une gamine après tout elle n’était peut être même pas majeure - tombait de nulle part (dans Nulle Part ?) et toi tu lui demande si elle est perdue. Tu crois quoi, qu’elle va habiter ici ? Mais le grand blond était aussi légèrement troublé par le souvenir qu’il avait reçu. La Ville en avait-elle d’autres des comme ça en réserve ? C’était Elle qui jouait avec eux, donc ? Il s’en était douté, longtemps, mais maintenant ça se précisait à ses yeux. Qui était capable de faire ça ? Faire parler des voitures, OK, avec les ondes tout ça c’était possible il le concevait. Mais ces souvenirs... Il y avait visiblement quelque chose à l’oeuvre. Il croisa ses bras et reporta son attention sur la jeune fille qui venait d’apparaître.

« Et sinon la famille tout ça, ça va ? »
Banalité qui sonnait plus qu’étrangement en cette ville où rien n’était banal.

Débile. Ce garçon à l'air débile en plus d'être incompétent. Janvier ne quitte néanmoins pas son grand sourire même si elle songe que Cheshire à l'air de débarquer du train.

La famille tout ça ? Oh bah écoute, oui très bien. Mon héros personnel n'a à priori pas entendu mes appels à l'aide depuis que je suis dans ce parc d'attraction à la noix, non je dis ça parce qu'au final il m'a laissé toute seule et il est revenue avec une gamine dans les bras qu'il m'a gentiment refilé, j'ai l'impression d'être un boulet, la gentille fille. Sauf que la gentille fille tu vois, son héros vient la sauver. Et là, il est pas là en fait. Capiche ?

Mais elle ne dit rien, elle sourit bêtement et finit par se relever en le prenant par la main. Autant faire les choses toute seule. Il l'accompagnera pour la forme. Parce qu'une demoiselle ne se déplace jamais seule dans une ville inconnue. " Tu viens d'arriver ? Bien. Elle nous veut du mal. Et nous devons retrouver la surface. Vite. "

Elle marche encore tout en le tirant derrière elle. Tant pis si elle passe pour une folle, elle commence à avoir l'habitude. " Moi c'est Janvier, et toi ? "

Débiiiile. Elle le regarda avec condescendance, un peu comme s'il avait posé les mauvaises questions et qu'il était là uniquement pour faire joli. Un peu comme un pot de fleur qu'on aurait doté de parole depuis peu, vous voyez ? On trouve ça rigolo qu'il dise des mots et tout, mais on en a vite marre hein, et après lui avoir appris à parler on lui demande gentiment de fermer sa gueule. Parce qu'il est bien sympa, mais il est un p'tit peu con aussi. La jeune brunette se contenta de sourire et d'ignorer ses question, avant de le prendre par la main et le tirer résolument vers... Vers une direction choisie au hasard, hein, parce que c'est cool de choisir les directions au hasard, mais bon d'un autre côté n'oublions pas que les deux personnes étaient présentement perdues. Alors ça ne semblait pas aussi illogique que ça.

La jeune fille lui demanda s'il venait d'arriver et lui lâcha deux trois informations qu'il jugea inhérentes à la ville elle-même, en tout cas au vu de ce qu'il avait pu remarquer jusqu'ici. Elle leur voulait du mal, d'accord, ça il pouvait comprendre c'était encore pas trop compliqué. Par contre, qu'ils doivent retrouver la surface... Non, ça vraiment il ne comprenait pas. A part si, bien entendu, la brunette avait besoin elle de retourner à la surface et que ça l'amusait particulièrement de le trainer avec elle. Garde du corps, c'est ça ? Et qui lui disait que ça n'était pas lui qui allait la manger ? Il fit un grand sourire plein de dents. Elle se présenta sans s'arrêter, un nom de mois, le premier de l'année. Le grand blond s'arrêta alors, l'obligeant à stopper elle aussi. Elle voulait aller à la surface ? Mais lui, il était parfaitement bien ici, au niveau de la fête foraine. Il n'avait rien exploré, rien trouvé, et il voulait savoir ce qu'il se passait ici. Pas ce qu'il s'était passé avant, non, ça à la limite il s'en fichait. Mais ce qu'il se passait ici, avec cette ville, ces ronces, tout ça... Oui, ça l'intéressait. Il voulait faire partie de ce paysage étrange. Il attrapa Janvier par les épaules et la plaça face à lui alors qu'il se penchait en avant pour pouvoir la regarder dans les yeux. Il était proche, trop proche, comme toujours. De façon tout à faire parfaite pour mettre son interlocuteur mal à l'aise.

"Je ne sais pas qui je suis, je n'ai pas de nom."
Son sourire s'élargit.

"Mais je sais que je ne souhaite pas te suivre car tu pourrais tout aussi bien être une illusion. Après tout, n'en suis-je pas une moi même ?"
Bullshit. U NO ILLUSION. Mais c'était tellement tentant. D'essayer de lui faire peur. De lui faire ce grand sourire. Ou pas forcément de lui faire peur, non, ça n'était pas intéressant. Mais de voir comment elle allait réagir, ce qu'elle allait faire, si elle allait l'ignorer, le reprendre par la main, et continuer à marcher, ou si elle allait avoir peur, ou le frapper, ou lui jeter des mots dédaigneux critiquant sa stupidité d'adulte. Il ne savait pas, il voulait savoir, quite à être déçu. Oh, ça ne le dérangeait pas de remonter à la surface, en fait. Au contraire, il y aurait peut être quelque chose de plus intéressant, et, au moins, de la lumière. Il se plaisait dans la nuit, mais le soleil est indispensable au bon fonctionnement du corps, et agit sur le moral d'une façon prépondérante.

Elle rage. Ses petits poings se serrent presque aussitôt après avoir entendu la réplique du blond. " Je sais pas qui je suis, je n'ai pas de prénom, gnagnagna " la phrase se répète en boucle dans sa tête avec une petite voix nasillarde. Il est trop près d'elle. Elle peut presque sentir son souffle au creux de son cou et son contact la met mal à l'aise. Elle aimerait se dégager, enlever ses mains pesantes sur son épaule mais elle n'ose pas esquisser un geste. Elle se contente de lui dire avec un regard sombre. " T'as qu'à un trouver un. Comme tout le monde. "

Il la tient toujours. Elle sent son coeur battre fort. Mal à l'aise, la petite Janvier. Depuis son arrivée sur Nulle Part, elle n'a pas été aussi proche d'une autre personne. Clow ne compte pas. C'est elle qui se collait à lui et non l'inverse. Mais là, la poigne ferme du blond sur ses épaules et son sourire chafouin lui hérisse le poil. Lâche moi. Lâche moi tout de suite. Elle ne parle pas à voix haute. Comme si elle n'en avait pas l'habitude. Petite poupée molle de chiffon.

Il parle à nouveau. D'une illusion. Elle soutient son regard et cherche à y déceler quelque chose. Elle ne trouve rien. L'espace d'un instant, le doute la prend à la gorge. Une illusion. Et si rien de tout cela n'était réel ? Ses pupilles s'écarquillent. Mais elle secoue violemment la tête en reculant d'un pas. Puis elle replonge ses grands yeux bleus dans les prunelles du blond. " Je ne te crois pas. " Elle articule lentement mais avec conviction. Elle sait que quelque part, ailleurs, Clow et Chancelier sont réels. Même cette petite Dinosaure à peine entrevue. Et les ronces sont réels. Et les loups aussi. Et la Ville, elle, est bien réelle. Elle en est persuadée.

" Si tu veux rester tout seul ici, libre à toi. Je n'ai pas besoin de quelqu'un qui se prend pour une illusion. " finit-elle par siffler. Mais elle ne part pas. Les mains du blond sont toujours sur ses épaules. Et elle le regarde. Elle attend qu'il recule. Il est trop près. Dérangeant.

... M'en trouver un, comme tout le monde ? Pour quoi faire ? Il n'avait pas besoin d'un nom. Il se demanda pourquoi tout le monde avait besoin de s'en procurer un nouveau, et comment ils les choisissaient. Janvier ? Ils avaient éculé tous les mois de l'année, déjà ? Et après ? Il trouvait ça stupide. Qui avait besoin d'un nom ? Ils étaient tous perdus ici. Ou alors ils avaient déjà commencé à se rassembler, et se retrouver, à se mettre ensemble, à s'allier... Pour s'accaparer la ville, peut être, comme des gangs ? Il trouvait ça un peu stupide. Cette ville essayait de tous les bouffer, il ne voyait pas à quoi ça rimait de se bouffer le nez à côté.

Elle est très mal à l'aise, la petite dame, il le voit, il le sait. Elle ne frissonne pas, mais presque. Elle le regarde de travers, observe son sourire trop grand avec dégout. Elle ne le croit pas. Non, si, elle ne sait pas si elle doit le croire, et ça l'énerve. Elle ne peut en être sûre. Et lui ne fait rien pour l'aider. Il pouffe doucement, lâche une de ses épaules. Une seule. Elle dit qu'elle va partir, le laisser là, partir seule pour trouver la sortie de cet endroit. Elle n'a pas besoin de lui. N'est-ce pas ? Il penche légèrement la tête sur le côté, la baisse légèrement, laisse son sourire s'effacer un peu, plus que menaçant :

"Tu as peur."
Oui, elle a peur, c'est un constat. La ville est capable de tout. Il y a quelques secondes, elle venait de trainer un cadavre dans le coin, celui de... Du blond dont il ne savait même pas le pseudo. Ici, ils pouvaient mourir. Pourquoi ne pourraient-ils pas s'épanouir, aussi ? C'était dans un environnement comme celui là que le grand blond pouvait s'épanouir, il le savait. Faire peur aux gens, les suivre, découvrir ce qu'il se passait. Et essayer de fuir ces petites boules jaunes qui pullulaient partout et donnaient des souvenirs. Des souvenirs de quoi ? Il ne savait rien de son ancienne vie, ou presque, et il ne voulait rien en savoir. Surtout si, pendant cette dernière, il avait sauvé des gens. Pourquoi faire ? Oh, il n'était pas méchant, mais il ne voyait pas l'utilité de réduire les pertes lors d'une mission. Tant que le résultat est là...

La jeune brunette était indécise. Le blond n'avait cure de rester ici ou sortir, ça n'était pas lui qui allait l'aider dans sa décision. Par contre, il avait envie de continuer à jouer l'illusion. Parce que c'était drôle, parce que la conversation serait sûrement beaucoup plus intéressante qu'avec une personne qui ne savait pas d'où elle venait, où elle était, ni où elle allait.

"Janvier, Janvier... Les Illusions, tu le sais, peuvent être des illusions pensantes... Es-tu une illusion pensante, Janvier ? Moi, je le suis. C'est pour ça que je peux parler avec toi. Comprendre ce que tu réponds. Si tu es pensante, Alors peut être que je t'accompagnerai."
Wadafack is wrong with you ? Il a vraiment un grain ce mec. Peut être est-ce pour ça qu'il peut finir par être attachant, au fond, tout au fond...

[Woaaaaaah désolée du temps de réponse @__________@]

[Toujours d'actualité ? :3]

Les ronces rampent avides. Et d’un mouvement vif, s’enroulent autour des chevilles de Cheshire et de Janvier, et les séparant, les traînent sur le sol. Leurs têtes heurtent le sol avec violence et ils s’évanouissent, transportés loin du parc d’attraction.

Spoiler:

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