10h – 12h

Il n’y avait rien de différent, rien de surprenant. Il était sorti du palais des glaces et s’était éloigné, un peu ailleurs, songeant à nouveau à son souvenir. Ce Makura, cet incapable notable… Avait-il récupéré la clef usb ? Et surtout, que contenait-elle, cette clef ? S’il s’en référait à ce qu’il avait appris de ces bribes de mémoire, il n’était pas un individu lamba, surtout vu la manière dont cet imbécile avait courbé la tête devant lui. Sérieusement, avait-il vraiment autour de lui des types comme lui ? Il allait devoir songer à mieux s’entourer quand il aurait récupéré la mémoire. Il avait lâché un soupir, entrapercevant un boyau sombre tandis qu’il marchait. Machinalement, il s’était dirigé vers celui-ci, y entrant sans se retourner – la fille n’était plus là. Et il n’avait absolument aucune envie de la retrouver.

Une fois à l’entrée du boyau, il passa la tête, retroussant légèrement son nez d’un mouvement hautain. Des égouts. Génial. C’était sombre, humide, ça sentait pas spécialement bon et en plus l’eau semblait y croupir depuis pas mal de temps. Le blond poussa un léger soupir. Reculer ne servirait à rien, il n’avait pas envie de s’éterniser plus que nécessaire dans ce parc d’attraction peu attrayant. Il s’y enfonça, marchant un long, très long moment sans se retourner, avançant en silence. C’était… Oppressant. Où allait-il débouler ? Et surtout, qu’allait-il croiser ?

Il n’avait rien vu, rien entendu. Plus détendu, moins attentif. Enserré, lacéré, il ne réalisait pas ce qu’il se passait. Il n’était qu’une poupée de chiffon. Qu’un simple torchon. Torchon qui tentait de se rattraper à ce qu’il pouvait pour résister à cette emprise. Mais rien, rien ne pouvait empêcher cette avancée, pas même ses mains maintenant sanglante. Et il le voyait, son compagnon de fortune, entrainé tout comme lui vers l’inconnu. Il regardait à ses pieds, cherchant à savoir ce qui pouvait bien l’entraîner. Il espérait rêver. Des ronces ? Des ronces accrochées à son pied ? Où avait-il débarqué ? Ce n’était pas la douleur qui le déranger, mais ne pas contrôler la situation. Jusqu’à sa chute. Chute vers le néant. Chute dans l’obscurité. Chute brève et atterrissage compliqué. Il ne voyait rien, tentait de se repérer avec ses autres sens. Le touché, touché désagréable. Il était trempe. Le corps dans un fond d’eau. Il n’entendait que le bruit de ses mouvements, puis de pas dans l’eau. Il n’était pas seul. Caruso ? Oui évidement, lui aussi avait dû chuté ici. L’odorat : celui-là il aurait préféré s’en passer. Odeur nauséabonde. Odeur putride.

Avant même de se redresser. Il émit un léger « Caruso. » L’écho lui répondit. L’endroit n’était pas clos, mais les murs n’étaient pas loin. Il se redressa enfin se guidant de la voix du petit blond pour le repérer. Il tâtonna les murs. Des égouts ? Ça en avait tout l’air. Il n’aimait pas être privé de la vue. Ses yeux avaient beau s’adapter, sans lumière, il n’y verrait rien. Quelle odeur infecte. Il frotta ses mains sales et mouillées contre son pantalon, tentant de les essuyer. Mais un geste bien vain. Il ne ressentait pas la douleur, mais des démangeaisons insupportables au niveau des chevilles. « Foutues ronces ! » Rêver, il espérait rêver de ce qui venait de se passer, tout comme de son arrivée ici. Mais aussi sûr que les démangeaisons qu’il avait, tout ceci était bel et bien réel. Il entendit un bruit, un autre bruit qui ne venait pas de Caruso.

Réflexe, il sortit sa lame : « qui est là ?! » Qui ? Qui ou quoi ? Il avait peur que les ronces ne soient pas leurs seuls surprises maintenant. Il serrait sa lame d’une main ferme. Il ne voulait plus se laisser surprendre. Il était devenu la lame. Les sourcils fronçés, il espérait une réponse, une réponse humaine. Une réponse lui indiquant qu’ils ne seraient plus seuls dans ce nouvel enfer. Il sentait le peu de sang chaud qu’il avait perler le long de sa main. Il avait cette irrésistible envie de gratter ses chevilles abîmées par les ronces. Mais rien, pas un mouvement ne venait de sa part. La respiration calme, lente, il se voulait maître. Il voulait être suprématie sur la situation. Aucune réponse. Silence lourd, silence oppressant. Il répéta : « Qui est là ?! »

Il était seul. C’était plutôt agréable – après le brun trop agaçant et la gamine franchement emmerdante, se retrouver seul avec soi-même était une expérience plutôt agréable en soit. Il n’avait pas à écouter le babillage agaçant des autres, il n’avait pas à feindre un quelconque intérêt – le pied, en gros. Il ne voyait pas grand-chose, égouts obligent, mais le mur où il posait sa main était un repère assez certain et l’eau ne semblait pas avoir monté depuis qu’il s’était engagé là-dedans. Les seuls points négatifs étaient qu’il ignorait où il allait, il ne savait pas ce qu’il allait rencontrer et… Il ne voyait quasiment rien. Ça puait et ses chaussures étaient probablement foutues. Mais dans l’ensemble, il n’avait pas trop à se plaindre.

Il s’immobilisa, tendant l’oreille. Il avait entendu quelque chose. Une sorte de frottement, de friction, quelque chose qui glissait sur le sol puis dans l’eau. Enfin, il y eut ce bruit ressemblant fortement à des chutes dans l’eau. Le temps de la tranquillité était visiblement révolu. Le blond soupira, s’approchant lentement de l’endroit où il avait entendu les bruits de chutes et s’arrêtant, tentant de localiser la ou les personnes qui venaient de se joindre malgré elles à son excursion dans les égouts de cette drôle de ville. Il écoutait passivement l’une des personnes parler seule, visiblement.

« Caruso. »
« Je suis ici. »
« Foutues ronces ! »
« Qui est là ?! »

Deux personnes. Deux garçons, pas très vieux vu le ton de leur voix et très probablement stressés. Visiblement pas ici de leur plein gré et une histoire de ronces… Il mit ça de côté, réfléchissant à toute allure. Plus jeunes que lui, très certainement – de la matière malléable, fragile. Parfaitement adaptés pour servir de cobayes à ses prochaines tentatives de comprendre ce qui se passait ici, ce qui régissait cet endroit. Il prit donc la parole.

« Ici. »

Tranquillement, sans bouger, il ne dit rien de plus parce qu’en soit, ce n’était pas réellement intéressant. Déjà, de un, allaient-ils réussir à le localiser avec juste ces quelques mots. Ensuite… Eh bien, il verrait ensuite. Il eut un léger sourire torve, plissant les yeux dans un vain espoir de les voir.

« Je suppose que vous n’avez aucune idée de vers où aller pour sortir. Comment êtes-vous arrivés là ? »

Question joker. Il avait entendu l’un des deux parler de ronces, mais il n’était pas vraiment sûr, pour le coup. Quoi qu’après avoir lui-même vécu une étrange téléportation… Rien n’était plus certain en ce monde.

Une voix, une voix humaine. Une voix si proche et si lointaine. Une voix si familière et pourtant, entendu pour la première fois dans ces égouts. Sa main relâcha prise sur la dague, son corps agissait seul. C’était naturel, dans l’ordre des choses. La tension à la baisse, le stresse redescendait. Il regardait droit vers l’inconnu. Ses yeux s’accoutumaient à la pénombre petit à petit. Mais il ne voyait qu’une sombre silhouette devant lui, une étrange silhouette. Sans doute un homme de petite taille. Il avait le ton d’un homme sûr de lui. Peut-être allait-il leur en apprendre plus à lui et Caruso quand à ce nouvel endroit. « Je suppose que vous n’avez aucune idée de vers où aller pour sortir. Comment êtes-vous arrivés là ? » Il restait mué. Une sortie, il fallait y penser. Mais d’abord, tout un tas de question venait à l’esprit de Dragon maintenant qu’ils rencontraient quelqu’un d’autre : qui était-il ? Que faisait-il ici ? Pourquoi était-il là ? Se souvenait-il de quelque chose ?

Pourtant, même sans toutes ses réponses. Le blond avait le pressentiment de pouvoir faire confiance à cet homme. De pouvoir le suivre partout, peu importait tant que cet homme était là. Etrange ce sentiment, cette sensation. Et comme un enfant obéissant, il voulait répondre. Mais comment dire que c’était des ronces qui les avaient amené ici. Il n’était pas méfiant mais n’osait répondre. Il jeta un œil à Caruso puis de nouveau sur la silhouette. « Qui es-tu d’abord ? Pourquoi es-tu là ? On est beaucoup ici ? » Il n’était pas doux, pas dur. Ni agressif, ni trop gentil. Il n’osait agresser cette personne. Mais pourquoi ? Tant de questions qui lui trottaient dans la tête. Il ne perdait pas pour autant son sang-froid. Il voulait des réponses. Il les avait peut-être, sauf s’il était aussi perdu qu’eux ?

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Malheureusement, Elle aime torturer ces petits jouets. Alors que le jeune blond suit le tatoué, ce dernier s'efface dans les ténèbres des égouts jusqu'à disparaître totalement. Wheat se retrouve seul dans les égouts et sans guide.

Quand à Dragon, il voit l'obscurité l’envelopper toujours un peu plus jusqu'à ce qu'il ne soit plus que dans le noir complet. A ce moment, la lumière revient doucement. La lumière du jour, du soleil. Là sont assis trois personnes : Ombre, Mars et Silence, près de la rivière qui encercle la tour.  

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