Synopsis Luna ♥:

Mes membres engourdis provoquent une onde de douleur qui me fait ouvrir les yeux. Je baille comme un lion se réveillant d'une longue sieste, attendant que ma vue brouillée me permette de distinguer ce qui m'entoure.

Un train. Les sièges de cuir vieillots sont vides autour de moi. Ces gueux m'auraient-ils laissé seul, endormi dans ce wagon au terminus ? Impossible. Je m'étire longuement, tentant en vain de me remettre les idées en place. Tout est flou dans ma tête. Les raisons de ma présence ici, ma destination...

Las, je quitte le wagon après avoir récupéré la superbe veste en cuir posée sur la banquette où je dormais il y a quelques instants. Je marche d'un pas décidé dans les couloirs déserts et m'arrête devant une porte que j'ouvre d'un geste vif. Penché sur les marches, le corps tendu vers l'avant et la main accrochée à la poignée, je pose les yeux sur le quai.

Des mauvaises herbes et du brouillard. C'est une blague ?
Elle est de fort mauvais goût.

Spoiler:

Le silence.

Elle ouvre ses paupières et ne voit pendant un instant que du blanc, de la lumière. L'idée d'être arrivée au Ciel vient germer dans son esprit, jusqu'à ce que ses yeux repèrent une tache rouge ; une banquette en cuir face à elle. Elle reprend peu à peu conscience, s'éveille. Elle sens un goût désagréable sur sa langue, s'humidifie les lèvres. Perçoit  qu'elle est allongée sur le flanc, sur quelque chose de peu confortable. Elle essaie de se redresser en s'appuyant sur les mains ; son dos la tiraille et lui rend la tâche peu aisée. Elle s'appuie contre le dossier de la banquette jumelle sur laquelle elle s'était endormie, baille et s'efforce de bouger ses mains et ses jambes, toutes engourdies.

Puis, comme un choc électrique, une soudaine lucidité ;
Mais... où suis-je ?

Il n'y a personne d'autre qu'elle dans la cabine, à part un néon poussiéreux. Elle tourne la tête pour voir ce qu'il a à travers la fenêtre, mais ne voit que le quai d'une gare. Elle fouille du regard la cabine, tend l'oreille. Mais rien. Personne. Pas de voyageurs, pas de contrôleur, aucun bruit. Intriguée, un sentiment d'affolement lui titillant le coeur, elle se met debout.

Et sent dans son crâne un angoissant désert vide.
Rien, plus rien. Le néant. Comme si une tempête avait soufflé sa mémoire, ne laissant aucune trace de ce qui avait existé avant.

Titubant, elle se rattrape d'une main sur le cuir de la banquette, tombant doucement à genoux. Dans un geste désespéré, elle tente de serrer le crucifix qu'elle porte au bout de sa chaîne, mais sent entre ses doigts une forme arrondie, au toucher poli ; son pendentif est devenu un sablier.

Elle écarquille les yeux, ravalant sa salive. Elle voit un filet de sable s'écouler au milieu du minuscule trou de verre, et un sentiment de panique lui resserre le coeur.
Qu'est-ce qui m'arrive ? Qu'est-ce qui m'arrive ?

Affolée, elle se relève d'un bond, et commence à courir. Elle sent le tissu noir léger de sa robe suivre avec fluidité ses pas, tandis qu'elle parcourt le long couloir du train, passant devant des cabines toutes désespéramment vides. Elle arrive devant une issue, une porte ouverte, et elle descend avec hâte les quelques marches qui la sépare du quai.

Elle fait quelques pas encore puis s'arrête, essoufflée. Il fait chaud dehors ; elle voit le soleil doucement s'estomper dans le ciel mais briller comme au zénith. Elle regarde le quai, voit des bancs, des marches, un panneau d'affichage éteint, où aucune information ni horaire ne figure. L'endroit est désert, seul lui tient compagnie la présence froide du train.

Seigneur... où suis-je ?

Comme un dernier espoir, elle regarde à nouveau le pendentif de sa chaîne, souhaitant de tout son coeur que le sablier ne fut qu'une illusion. Mais le sablier est là, bel et bien là entre ses mains, et le sable continue de couler.

J'inspire profondément pour ne pas perdre contenance. Je veux comprendre. Je dois comprendre pour prendre en main la suite de cette drôle d'histoire. Pas question de me laisser dériver au gré du hasard. Je ne suis pas une vulgaire marionnette.

Comme en réponse à mes pensées, le silence se brise. Des bruits de pas sur les quais. Une jeune femme dans une tenue de nonne. Un sourire narquois se dessine sur mon visage. Elle est tout à fait ce qu'il me faut... Une proie. Une âme charitable pour me renseigner...

Je m'approche d'un pas discret dans son dos, décidé à la surprendre. Rien de tel pour impressionner une pauvre femme. Elle pourrait me prendre pour un ange... Je pose la main sur son épaule et lui dit d'une voix qui se veut rassurante :

"Vous êtes perdue ma belle enfant ? Vous semblez apeurée..."

C'est dans la poche.

Soudain, elle sent une pression sur son épaule, une chaleur humaine à travers le tissu noir de sa robe. La surprise la fait sursauter. Elle se retourne et une voix masculine, calme et rassurante, lui demande :
"Vous êtes perdue ma belle enfant ? Vous semblez apeurée..."

Elle baisse le regard devant l'homme, qui a gardé sa main sur l'épaule de la jeune femme. Il est bien plus grand qu'elle, elle se sent frêle, fragile. Se mord doucement la lèvre, comme une enfant. Puis se dit qu'elle devrait peut-être voir qui est cet inconnu, alors relève la tête..

Et est frappée par sa beauté.
"Je..."

Elle observe le bel inconnu. Il a de longues mèches blondes qui lui descendent jusqu'à la nuque et un regard d'ambre, doux et mélancolique. Un sourire chaleureux qui se veut plein de douceur. Ses taches de rousseur lui donne un air taquin, la taille et la minceur de son corps de la prestance et de la superbe.

Beau comme un...
"Vous... vous êtes-vous un ange... ?"

Et, se souvenant qu'il venait de lui poser une question :
"Oui je suis perdue... De grâce, aidez-moi, mon Ange, j'ai peur..."

J'observe chacune de ses réactions. Son sursaut, signe de surprise. Ses yeux qui se baissent et sa lèvre mordue, signes d'humilité. Bien. Parfait même. Elle est déjà à sa place. Il ne me reste plus qu'à m'asseoir à la mienne.

Son regard lorsqu'elle pose les yeux sur moi et sans équivoque. Elle me trouve fascinant. Je ne me suis pas vu dans un miroir mais je ne doute pas de ma beauté. Je lui permets de me détailler jusqu'à satisfaction. L'impressionner jouera en ma faveur.

"Vous... vous êtes-vous un ange... ? Oui je suis perdue... De grâce, aidez-moi, mon Ange, j'ai peur..."

Je retiens une envie d'éclater de rire. J'avais donc raison. Bien sûr. Je la regarde, gardant cet air doux fabriqué de toutes pièces sur mon visage. Ses yeux verts qui brillent, ses mèches blondes-rousses qui s'échappent de sa tenue, cet air enfantin et ces lèvres roses. Le tout sur un corps que je devine fin malgré sa robe qui le cache. Elle est décidément parfaite.

"J'aimerais pouvoir vous rassurer en vous disant que oui mais je ne peux vous mentir. Cependant je m'offre à vous en tant qu'ange gardien. Je me nomme Gabriel."

Je m'incline devant elle et attrape ses doigts pour y déposer un baise main. Voilà parfait. Un tout petit mensonge. Ça va passer crème.

"J'aimerais pouvoir vous rassurer en vous disant que oui mais je ne peux vous mentir. Cependant je m'offre à vous en tant qu'ange gardien. Je me nomme Gabriel."

Le bel inconnu s'incline devant elle et lui attrape la main. Elle sent la douceur du contact de ses lèvres sur ses doigts, l'observe tandis qu'il lui prodigue ce geste d'amour et de grâce, et un sourire d'admiration se fend sur son teint de porcelaine.

"Je... merci mon ange.. Gabriel, pardon. Vous savez, Gabriel est le père de tous les anges, alors il doit y avoir une part de véritable ange en vous..."

Elle le regarde dans les yeux, et la bonté qui se dégage du visage de Gabriel la rassure pour se confier à lui, d'une voix un peu tremblante.

"J'aurai aimé vous dire mon nom, mais hélas je me souviens plus.. je... je ne comprends pas ce qui m'arrive..."

Elle porte la main à son cou, vers le pendentif de sa chaîne, où résidait autrefois son crucifix, mais sent encore une fois le contact de verre du sablier, alors des larmes commencent à perler au coin de ses yeux.

L'admiration qui se lit sur le visage de la nonne me ferait presque chaud au coeur. Elle me voit tel que je suis et dois être malgré cette amnésie qui est venue me subtiliser ma mémoire. Parce que je le réalise, je ne me souviens vraiment de rien.

"Je... merci mon ange.. Gabriel, pardon. Vous savez, Gabriel est le père de tous les anges, alors il doit y avoir une part de véritable ange en vous..."

Touché. C'est beau la naïveté. La manipulation aussi. Alors que ces yeux se perdent dans les miens l'espace de quelque seconde je pense à la suite de cette épopée. Sortir de cette gare. Trouver des informations. Récupérer la mémoire. Trouver un trône.

"J'aurai aimé vous dire mon nom, mais hélas je me souviens plus.. je... je ne comprends pas ce qui m'arrive..."

Merde. Pendant un fol instant l'envie de l'abandonner là me prend. Elle me semble parfaitement inutile et en plus c'est une pleureuse en devenir. Non. Elle peut m'être utile. Sois patient, elle te servira...

"Mon nom est mon unique souvenir, je suis comme vous mon enfant. Mais ne pleurez pas. C'est une volonté de notre Seigneur qui met notre foi à l'épreuve. Nous devons nous montrer à la hauteur de ses espérances."

Avec un petit sourire j'essuie de mon pouce les larmes qui perlent au coin de ses yeux. Pffff... Enfin mon laïus devrait la pousser à se montrer un peu plus forte. Je ne veux pas d'un boulet, j'ai besoin d'une marionnette.

"Commençons par quitter ce lieu austère et cherchons à savoir ou nous avons été envoyés voulez-vous ? Ne craignez rien je serai là, tout près de vous."

1 - Quitter la gare. Bientôt, mon trône.

"Mon nom est mon unique souvenir, je suis comme vous mon enfant. Mais ne pleurez pas. C'est une volonté de notre Seigneur qui met notre foi à l'épreuve. Nous devons nous montrer à la hauteur de ses espérances."

Il a raison... se dit le pauvre petit bout de femme, drapée dans ses tissus noirs ornés  de dentelle vierge. Les mots de Gabriel et ses doigts délicats, venant essuyer ses larmes, l'apaise un peu.

Le Seigneur a du nous confier une mission ici...

"Commençons par quitter ce lieu austère et cherchons à savoir ou nous avons été envoyés voulez-vous ? Ne craignez rien je serai là, tout près de vous."

"Je... bien entendu vous avez raison. J'ai été sotte de m'affoler..." Elle se redresse, observe un imposant escalier au loin. A travers la lumière éblouissante  du soleil, frappant sans retenue le dôme de la gare, elle distingue une porte vitrée massive qui semble être l'unique sortie de cet endroit. Devinant que Gabriel a du la repérer aussi, elle se retourne vers lui, pose ses yeux sur son ange gardien et lui fait part de ses pensées d'une voix douce :

"Vous savez Gabriel, je pense que l'on devrait chercher l'Eglise de cet endroit... peut-être le Seigneur se révélera-t-il à nous et nous dira pourquoi nous avons été envoyés là et ce qu'il attends de nous."

Oui, trouver une Eglise.. une maison.. et comprendre enfin ce qui m'arrive..

Je suis un tyran et je continue le voyage sans même te demander ton avis /PAN/.
Si ça ne te va pas mpotte moi il n'y a pas de souci ok ? ♥
La suite ♠