16h-18h

La porte s'ouvre dans un bruit du tonnerre et va heurter le mur du couloir. Couloir dans lequel elle s'engouffre en tirant toujours la rouquine. Comme si leurs vies en dépendaient. Non. Leurs vies en dépendent. Elle lâche la main, se jette sur le battant métallique et le claque de toutes ses forces. Non sans avoir le temps d’apercevoir une scène d'horreur. Des entrailles exposées à l'air, des os dénudés, un corps en morceaux, en lambeaux. Et du sang, toujours du sang, toujours plus rouge.

Elle se retourne vers la fille, lui désigne le bout du couloir, au loin. Dans l'air flotte une odeur de brûlé. L'incendie. Et c'est la goutte d'eau. Elle a juste le réflexe de s'appuyer contre le mur à côté d'elle que déjà, elle rend ses tripes. Enfin, le peu qu'il y avait, entre autres des brins d'herbe bleuâtres encore non digérés.  Et la nausée la secoue, une fois, et puis deux, jusqu'à ce qu'elle se sente vide, et si la sensation de malaise et de culpabilité est toujours là, imprimée dans son coeur et dans sa tête, elle sent pertinemment qu'elle ne vomira plus rien. Parce qu'elle n'a plus rien. Elle n'a rien avalé depuis longtemps à part l'herbe étrange. Et elle doute de pouvoir avaler quoi que ce soit après ce qu'elle vient de voir.

S'efforçant de ne plus y penser, elle se dirige vers le centre commercial, longeant le mur, appuyée contre comme si elle allait s'écrouler, jetant un regard méfiant tout autour. « Moi c'est Luna. Me parle pas, de toute façon je ne comprendrai rien, je suis maudite par la ville ». Ses premiers mots pour la fille qui l'accompagne. Elles ne vont pas vraiment dialoguer, avec ses problèmes schtroupfisants. Mais voilà, c'est mieux que rien.

Des bruits d'horreur.
Des cris. Du sang, partout. Des lambeaux qui volaient en tout sens. C'est ce qu'entendit Tourterelle alors que les portes de fermèrent derrière eux, lentes et promesses de mort. Le type ... Il n'avait clairement eu aucune chance. Pas la moindre. Dans un sens, elle était triste pour lui, aucun humain ne méritait une mort aussi atroce. D'un autre côté ... C'était lui ou elles. Et elle était bien contente d'être avec cette jeune dame, et bien en vie. Enfin, bien en vie ... Elle vomit. Elle vomit, à n'en plus pouvoir, et Tourterelle la regarde, impuissante. Elle ne peut pas l'aider, vraiment pas. Qu'aurait pu-t-elle faire, elle la connaît à peine ? Même la remercier semblait trop dérangeant, alors elle laissa passer, simplement.


Elle en profita pour analyser les lieux. Le bout du couloir, en flammes, les battants solidement fermés devant elle, un long couloir. Elle, et cette femme, totalement épuisée, il semblerait. Elle a vraiment l'air à bout, et l'air de Tourterelle, totalement désolé & dépité, montre bien ce qu'elle en pense. Moi c'est Luna. Me parle pas, de toute façon je ne comprendrai rien, je suis maudite par la ville., lui dit-elle alors qu'elle se mettait à presque ramper, collée au mur. Détermination. Volonté. Elle me comprendra. Elle lui désigna, d'un grand geste, tout le couloir, l'environnement qui les entourait, puis leur désigna un très élégant doigt d'honneur. Et ensuite, sans plus attendre, elle s'approcha de Luna pour l'aider, se positionnant sous son bras et soutenant son poids. Pas très forte et frêle comme tout, la Tourterelle, mais elle aiderait celle qui l'avait plus ou moins sauvée, quoi qu'il arrive. Elles se mirent en route, alors que la jeune enflammée lui sourit.


J'emmerde la ville. Je parlerai pas, je t'aiderai.

Elle est certainement pitoyable, à ramper ainsi contre un mur. Tellement pitoyable que la gamine a décidé de l'aider, à décidé de la supporter dans sa progression. Et comme elle n'a plus rien à faire de sa fierté en ce moment même, elle se laisse aller contre la rouquine, appuyant un peu de son poids sur cette aide inespérée. « Je te promet que ça ira mieux, faut juste qu'on respire de l'air frais ». Oui, de l'air qui ne sera pas vicié par le sang ou par les cendres, à défaut de respirer la liberté. Liberté qu'elle n'est pas certaine de revoir un jour, au vu du temps qu'il lui reste. Elle se force à ne pas y penser. Après tout, elle ne sait pas ce qu'il y a, au bout de ce compteur. Peut-être que tout ceci n'est qu'un immense gag, qui sait ?

Elle jette un regard à la gamine à côté d'elle. Comment peut-elle sourire ? Comment peut-elle ne pas réagir à ce sang, à cette odeur métallique si pesante ? Est-ce qu'elle en a déjà vu tant que ça, dans sa vie ? Ou depuis son arrivée ? Depuis quand est-elle là ? « T'es arrivée quand ? Montre moi sur tes doigts, en heures, ok ? ». Question posée sans rompre leur avancée. Elles ne doivent pas traîner. Elle doit récupérer June dans la voiture. Elles doivent trouver un abri, un refuge, quelque chose.

Elles doivent fuir.

HJ:

Je te promets que ça ira mieux, faut juste qu'on respire de l'air frais.


Tourterelle haussa une épaule, moqueuse, alors qu'elle s'appuyait plus encore sur la pauvre petite rousse. Elle doutait fort que l'air frais comme elle le prétendait allait aider à quoi que ce soit, après une meute de loups suffisamment intelligents pour prendre en otage une personne et des rouleaux de films prêts à la tuer, c'est pas de l'air frais qui allait arranger les choses. Non, ce serait pas un bol d'air, sûre et certaine. L'odeur qui régnait lui faisait grand mal aux voies respiratoires, mais elle se devait de préserver les apparences. Elles ne pouvaient pas communiquer, enfin pas dans le sens Tourterelle - Cette femme, alors autant ne rien lui montrer qui laisserait présager qu'elle allait mal. Son sourire, moindre, restait.


Depuis combien de temps était-elle là ? Tiens, bonne question. Le bonnet sur la tête & ses teintes capillaires se fondant avec les flammes ponctuelles, elle haussa un sourcil sans arrêter sa marche, réfléchissant. L'arrivée, les connards, le cinéma, la fuite, les loups, ici. Elle haussa alors un doigt, de sa main libre, la regardant avec curiosité. Un unique doigt. Elle devait être là depuis une heure, à tout péter. Une heure, et déjà tant ... Elle devait pas se laisser aller, c'est vrai. Allez, du courage ! Il fallait trouver une sortie.


Et elle l'apercevait déjà, non loin d'elles deux.
Tourterelle renforce sa prise sur la frêle femme, bien que frêle aussi, et accélère un peu le pas.

La première bouffée d'air extérieur est salvatrice. Soudain, elle a l'impression de respirer, elle a l'impression que ses poumons se regonflent. Et même si c'est uniquement un soulagement physique, dans l'instant tout parait meilleur. Doucement, elle retire son bras de l'épaule de la gamine, pour se laisser glisser en tailleur sur le sol frais de l'extérieur, encore un peu humide de la dernière averse. Elle contemple, un peu hébétée, les lieux autour d'elle, peine à reconnaitre ces endroits où elle a passé tant de temps.

La rouquine n'est là que depuis une heure, d'après ce qu'elle lui montre sur ses doigts. Pas étonnant qu'elle soit encore si "fraiche", alors. Luna lui envie presque cette pseudo innocence, même si cette dernière est déjà entachée par la mort de l'inconnu déchiré par les crocs des loups. Elle tente de rayer de sa mémoire le bruit de la chair et du sang, et le craquement des os. Ici, on a pas le temps de s'appitoyer. Ni de trop se laisser envahir par la culpabilité. Parce qu'elle a fait le meilleur choix, elle en est sûre, elle a choisit la personne avec le plus de chances de survivre dans cette ville maudite. A ce propos... "Ta cheville, ça va ?", demanda-t-elle en jetant un oeil vers les pieds de la petite. Il fallait qu'elles retournent à l'hopital, pour la soigner. Pour qu'elle trouve des médicaments. Pour faire sa fameuse trousse de secours. "On se tire d'ici, c'est pas un endroit net. Et oublie tout ce que tu vois de mauvais, ça va te pourrir de l'intérieur sinon".

Un conseil qu'elle aurait du suivre depuis longtemps. Parce qu'en s'accrochant à toutes les horreurs et toutes les douleurs du passé, rien de bon ne peut arriver. On est comme tiré en arrière par un boulet qui empêche d'avancer. Mais il est déjà trop tard pour elle, et le boulet est bien trop lourd...

HJ:

Ta cheville, ça va ?


Ils étaient enfin dehors. Les loups ne les avaient pas suivis. Elle était enfin plus ou moins soulagée du poids de cette jeune dame. Tout aurait pu aller pour le mieux, si la peur et la concentration ne lui avait pas fait oublier cette cheville. Putain. Elle s'assit quelques temps pour constater que la blessure, bien qu'elle ne l'empêchait pas de marcher ou courir à très basse allure, était assez profonde. Connard de chiens galeux, elle les aurait bien tous massacrés ... Si ils n'étaient pas nombreux, et si elle était armée, aussi.


Pas le temps de rêvasser, nous devons partir. En quête. Mais elle devait se soigner, et peut-être que là d'où elles venaient, elles pourraient prendre un peu de repos. Une heure à peine, et pourtant déjà tant ... Demi-tour !, dit-elle en exécutant le signe d'un demi-tour avec son doigt, enfin, vous savez, ce petit signe qu'on a déjà tous fait. Elle ne pouvait pas oublier tout ça, seulement essayer de paraître assez à l'aise. Alors elle souriait toujours. Amer, petit, léger, mais sourire quand même.


Les deux jeunes femmes se mirent en route.

Luna: