Quiet time ~ 12-14h  
Je viens de là.

Les ronces, toujours accrochées à mon écharpe, me guident en tirant, suffisament délicatement pour ne pas me faire mal. Cela doit vouloir dire qu'elle n'ont pas de mauvaises intentions, elles m'auraient étranglé depuis longtemps sinon. Je les suis donc sans me débattre, curieuse de savoir où elles m'emmènent.
On parcourt pendant ce qui me semble une éternité des rues toutes differentes et pourtant semblables, c'est à dire déserte et plus ou moins délabrées. Je commence à me lasser un peu de la petite balade, quand soudain la tige qui me tenait desserre son emprise, glisse au sol, jusqu'à la porte d'un bâtiment anonyme en face de moi. Elle remonte le long de la porte, entoure la poignée, et la tourne.
L'invitation me paraît claire, et je pénètre dans le bâtiment, me demandant ce qu'il a de spécial.
Il est assez sombre, tout à fait vide, et plutôt poussiereux. Je ne peux retenir une quinte de toux, qui résonne fortement dans la grande pièce.
À l'extremité opposée à l'entrée se trouve une grande estrade. Des chaises pliantes sont empilées contre chaque mur. Et au centre se trouve un fouillis d'instruments, de partitions, et toutes sortes de choses qui doivent certainement être très utiles pour faire de la musique.
Je m'approche, me demandant une fois de plus pourquoi on m'a emmené là. Je caresse de la main les instruments, cherchant une sensation familière. Je m'assois finalement à un grand piano, et pose timidement un doigt sur une touche, au hasard, puis une autre.

Ce n'est pas une mélodie ça. Le piano n'est pas content. La personne qui est assit auprès de lui ne sait vraiment pas jouer du piano. Quelle honte ! Le petit instrument s'offusque et décide de jouer tout seul, de montrer sa propre grâce. Alors il commence et on peut reconnaître la lettre à Elise de beethoven.

Une minute me suffit pour me rendre compte que non, je ne suis pas une pianiste qui s'ignore. Aucune mélodie ne me revient en tête, et mes tentatives aléatoires de jouer quelque chose produisent au mieux une cacophonie épouvantable.
Découragée, je m'arrête un instant, tournant la tête pour voir les autres instruments que je pourrais tester. Un son me fait alors sursauter. Le début d'une musique familière, jouée au piano. Je reporte mon attention sur celui-ci, et vois les touches bouger toute seule, commençant joyeusement la Lettre à Elise, de Beethoven. Allons bon, les pianos aussi sont vivants ici ? En tout cas, il se débrouille carrément mieux que moi.

-Eh, t'es vraiment plus doué que moi. Tu crois que tu pourrais m'apprendre ?

N'espérant pas vraiment une réponse, je me contente d'observer les touches comme pressées par des mains invisibles, et d'écouter la mélodie qui emplit bientôt le conservatoire.

Le piano finit son morceau, sans sembler m'avoir entendu. C'est peut-être le cas. Ce que moi j'ai entendu, par contre, ce sont des bruits de pas. Je me détourne de ma contemplation des touches du piano, et avise derrière moi le garçon roux que j'avais aperçu brèvement, sur la gare, avant qu'il disparaisse. Je suis soulagée de voir qu'il va bien, j'avais craint un peu que ça ait été mauvais signe.

-Oui, tu as disparu ! QU'est-ce qui c'est passé ? Tu vas bien au moins ? Tu étais où ? Tu t'es teléporté ? Ou tu es juste devenu invisible ?

Je me reprend, réalisant que j'enterre l'inconnu sous des questions, et lui offre un sourire d'excuse. Puis j'entreprends de répondre aux siennes.

-Et bien, l'autre garçon a disparu en même temps que toi. Il n'était pas avec toi ? Le monsieur... Et bien, il est resté, et puis il a touché une boule lumineuse, tu sais, celles qui donnent des souvenirs ? Et puis il est resté inconscient... on n'a pas réussi à le ramener à la réalité. J'espère qu'il va mieux.. On a un peu cherché de l'aide, parce qu'on en pouvait rien faire toutes seules, mais à la place on a trouvé des ronces, enfin je veux dire, des ronces nous ont trouvées. Enfin... c'est compliqué.

J'ai sorti tout ça en parlant très rapidement, et accompagnant le tout de grands gestes. Il n'a rien du comprendre..

Bon, eh bien, abandonnons tout espoir d'avoir une réponse à mes questions. Tant pis. Je les ai déjà oubliées de toute façon. Enfin, apparemment il n'était pas invisible. Ça ne l'aurait pas interloqué comme ça sinon. Il a l'air perplexe. Il fait une drôle de tête. J'éclate de rire.

-Bah, j'vois pas pourquoi ça serait pas possible. Tout à l'air possible, t'avais pas remarqué ?

Eh, mais c'est vrai, ça. Je viens de réaliser. Le monde est devenu fou et tout est possible. Mais c'est trop cool ! La nouvelle me fait l'effet d'une révélation et me plaque un grand sourire sur le visage. Peut-être que si je me jetais du haut d'un immeuble, en le voulant suffisamment fort, je pourrais voler ? J'aimerais bien voler. Je note dans un petit coin de ma tête, commençant ainsi une liste de choses à faire un jour. Voler. C'est un bon début !

-Ouais, un peu. Mais ça sert à rien de les chercher. Elles viennent à toi. T'inquietes pas, t'y aura droit. En temps voulu. Pas voulu par toi par contre.

C'est vrai, ça, voulu par qui ? Apparemment un peu tout est vivant et conscient par ici. Qui semblent avoir une volonté. Les ronces qui m'ammènent ici, pourquoi ? Et qui decide quand on doit avoir un souvenir ? Est-ce qu'il y a quelque chose de plus grand qui orchestre tout ça ? Un genre de ... Dieu ?

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