Ce sont les deux même personnes qui se font face. Non, vraiment. Impossible de ne pas y penser. Ou plutôt, un seul et même individu, confronté à son reflet dans un étrange miroir, qui donnerait une image décalée dans le temps. Un vieil adolescent, un jeune adulte. La même fierté dans leur attitude, le même orgueil dans leur regard. Loki ne peut même pas retenir une étincelle de victoire de briller dans ses prunelles vertes quand son demi-frère s'apprête à lui répondre. Oui, qu'il s'y amuse. I'll burn you to ashes. You can't hope to stand before me. Mais l'adolescent se ravise, et, cette fois, il prend sur lui pour ne pas avoir l'air déçu. Il n'a pas besoin de preuves, non ? Il se sait meilleur, il n'a pas en plus besoin de s'en assurer. Comme c'est bas. Mais personne ne pourrait le savoir. Car il est toujours imperturbable, toujours calme ... sans émotion apparente. Ne pas laisser de prises. Si bien que, même lorsque le brun tourne les talons, s'éloignant toujours sans un mot, il ne dit rien. Ne réagit pas.

« Bien, merci mes bons maîtres, suivant vos judicieux enseignements, je m'en vais donc de ce pas trouver un gosse à martyriser. Ne bougez pas, je reviens tout de suite... » Oh, alors toi. Toi, tu tombes à pic. I was just in need of a jerk to calm my nerves. Loki se tourne brutalement vers l'inconnu un peu trop ironique, le foudroyant du regard. La réplique lui brûle la langue, vraiment. Mais il croise le regard de Chlore, fixé sur quelque chose derrière lui, avant qu'un bruit plus qu'inquiétant - et familier - ne lui fasse jeter un œil par-dessus son épaule. Juste à temps pour voir des ronces se saisir de son demi-frère, l'entraîner au loin. Il ne lui faut que quelques secondes pour décider de l'attitude à adopter. La glaciale forteresse derrière laquelle il aime tant se réfugier est là, juste là, elle n'attend que lui. Elle lui tend les bras. Et c'est sans le moindre remord qu'il s'y enferme. Pas besoin de réfléchir à ce qu'il aurait un jour pu ressentir pour ce frère inventé de toutes pièces. Pas envie.

« C’était ton frère ? Il faut vraiment qu’on retrouve la mémoire. Et qu’on quitte cette Ville. Une idée d’où aller ? » Loki se tourne lentement vers la rousse. « He was nothing at all. » Le ton est glacial. Et le message est clair. Elle n'a rien à faire dans ses affaires de famille. Rien du tout. Il n'est même pas conscient que son changement de comportement est perceptible. Quelques instants plus tôt, elle l'aidait - plus involontairement qu'autrement, certes - à se reprendre. Mais il n'a plus besoin de sentiments. Surtout pas. Quand à l'endroit où ils pourraient bien aller ... Il n'en sait rien. Comme il ne sait pas d'où viennent leurs souvenirs, d'où viennent les ronces, ni même d'où ils viennent, eux. Bien sûr, l'admettre à haute voix lui écorcherait la langue. Alors il se contente de tourner les talons, mettant quelques pas de plus entre la gare et lui. Et entre Chlore et lui.

Finalement, il retient un pas quand il entend un bruit étrange par derrière. Il se retourne, sa main qui va instinctivement vers son arme mais n'a même pas le temps de réagir : déjà, le gamin n'est plus là, emmené par des ronces animées de leur propre volonté. S'il ferme la bouche, son regard trahi une certaine surprise ; son immobilisme, une stupeur. Il regarde la scène, suit du regard le chemin des ronces et entends les deux autres qui badinent comme si de rien n'était. Même pas un peu de surprise ? Il se dit qu'il a intérêt à ne plus paraître lui-même décontenancé. Ne pas montrer que qui que ce soit peut avoir l'avantage. Il a l'avantage. Il se ressaisit autant qu'il s'assombrit un peu plus encore.

Partir, partir... Mais la rouquine parle de nouveau, lui arrachant un soupir las.

« Car votre présence à vraiment changé quoi que ce soit à son destin ? »

Il a lâché son arme et à tendu nonchalamment son bras vers le départ du gamin, continuant à faire quelque pas en arrière. Question rhétorique, il n'attend même pas de réponse, il a été bien assez retardé. Il voit le type froid qui s'en va. Sourit presque en pensant que Miss Boobies vient de se faire jeter. Nan, vraiment il n'en a rien à faire, il tourne le dos pour de bon et s'engouffre dans la ville... Et toi, tu penses t'en sortir seule, poupée ?

Sourire carnassier qui dévoilent ses dents.

J’amènerai des fleurs sur ta tombe...