Namého avait senti Oxymore lui tirer légèrement le bras, ou disons la manche. Partie dans des délires incompréhensibles dûs à la boule lumineuse et occupée à détailler tout aussi fixement le vieil homme que la fille à l'écharpe, elle ne fit pas attention à où elle s'était tournée. Le seul mot qui lui vint premièrement à l'esprit fut ''vieux''. Puis ce fut au toute de ''petit'' ; et enfin ''moustachu''. Tels furent les mots que l'esprit de Namého utilisa pour décrire cet... homme rabougri immobile au milieu du quai, de ce quai poussiéreux hanté par le fantôme du train et l'absence pesante de celui ci, du vide qui provoquait cette atmosphère chamboulante. La jeune femme attrapa un chewing-gum de sa poche et le tendit à sa nouvelle partenaire de route, avant de ranger le paquet et de partir doit dans la direction où sa position du moment l'avait décidé. Elle prit la parole quelques secondes :

- Okay... Je sais pas ce qu'il a mais vaut mieux aller chercher un médecin !

Elle s'arrêta, se retourna vers le vieillard, puis combla la distance qui le séparait d'elle en quelques rapides enjambées. Elle gesticula dans tous les sens devant lui puis, voyant qu'il ne réagissait pas, tenta de le soulever malgré ce qu'Oxymore venait de lui dire. Mais ce fut un échec. Il ne décolla pas d'un tout petit centimètre, et Namého, énervée, le lâcha pour continuer sa route d'un pas décidé, c'est à dire... à l'opposé de sa première tentative de marche.
Ne se souciant en aucun point de savoir si elle avançait dans la bonne direction, la jeune femme, qui n'avait d'ailleurs pas remarqué qu'il manquait à sa ceinture ce qu'elle prenait pour une corde noire, parti et s'en alla du quai, fulminant conte sa minable force. Jugeant un blanc inutile, elle fit donc ma conversation à Oxymore :

- On va lui trouver un médecin... Je sais pas s'il en a besoin mais il réagit pas alors bon... Ce sera mieux que rien. Franchement... je vois pas pourquoi on est tous arrivés comme ça ici !

Elle balançait ses bras dans tous les sens pour expliquer les arrivées bizarroïdes et les événements tout aussi bizarroïdes qui se passaient sans que personne ne sache pourquoi.

- Dans le train, il faisait sombre... enfin non, pas sombre, mais c'était glauque, j'avais pas vraiment envie de rester dedans... Et puis sur le quai, une fille avec des cheveux noirs m'a demandé un truc, apparemment elle était paumée aussi... Tout le monde est perdu ici non ?!? elle tourna quelques secondes la tête vers son interlocutrice, puis reprit tout aussi fougueusement. Je regardais le train, et je me suis retrouvée à me réveiller sur des... des rails ! J'ai pas bien vu comme il y avait pas trop de lumière mais... le truc que j'ai touché tout à l'heure, eh bien il y en avait deux ! Deux !!! Et puis des ronces qui bougeaient ! Tu as déjà vu ça !?!

Namého avait trop parlé et elles arrivaient vers un bâtirent qui lui rappelait quelque chose. Quoi, elle ne le savait pas. Mais elle se disait l'avoir déjà vu quelque part, ou alors quelque chose qui lui ressemblait vachement.
Elle continuait de mâcher son chewing-gum, écoutant Oxymore tout en regardant également le bâtiment. Avait-il un rapport avec Albano ? Avec Mia ? Avec... sa craie ? Namého fouilla dans sa poche, passant outre les dizaines de feuilles froissées qui s'entassaient dans sa veste. Ce qui l'intéressait se trouvait au fin fond de ce gouffre pas si immense que ce qu'elle en pensait. Un petit objet blanc, cylindrique, apparut entre son pouce et son index quand elle retira sa main de ce fourre-tout. Avec un air de criminelle inspectant du regard les lieux pour savoir si quelqu'un l'observait, la jeune femme ralenti sa marche puis se baissa à toute vitesse pour tracer un grand ''N'' sur le sol, aussi rapidement qu'elle le put. Elle se releva après avoir fini, un air satisfait sur le visage.

Spoiler:

Naméoh me tend un chewing gum, que j'accepte avec un sourire. La saveur chimique de la menthe m'envahit désagréablement la bouche, mais, heureusement elle disparait rapidement.
Elle examine le vieux, part dans un sens, retourne le voir. Moi, je reste au milieu, les mains dans les poches, observant les va-et-viens de la jeune fille surexcitée. C'est comme regarder un match de tennis. Ça fait mal au cou d'ailleurs.
Finalement elle tombe d'accord avec elle même qu'il faut faire ce que j'avais dit au début. Ça semble une manière compliquée de faire les choses. Mais admettons.
Elle retourne vers papy, essaye de le bouger. Il me semble avoir lu je sais plus où que déplacer une personne qui fait un malaise peut-être très dangereux. Mais je n'ose pas l'empecher de s'approcher, et je la laisse faire, avec un soupir interieur. Cette fille bouge trop dans tous les sens, fait trop de bruit. Je peux parler, remarque. Dans le genre, je suis pas mal, non plus. Mais elle.. Enfin. C'est pas grave.
Elle repart dans l'autre sens. Cette fois semble être la bonne, je lui emboîte donc le pas.
Elle recommence à parler pour ne rien dire, juste remplir le vide. Ça doit la rassurer. Je ne dis rien, j'essaye juste d'eviter qu'elle me foute une baffe avec un des amples gestes un peu aléatoires qui accompagnent ses propos.
La rousse doit se contenter d'un sourire comme réponse. Elle parle pour deux, de toute façon. Et qu'est-ce que je pourrais ajouter ? Oui, c'est bizarre, probablement. Et alors ? De toute façon, je me souviens pas d'un avant. Donc j'peux pas le regretter. C'est aussi simple que ça.
On arrive devant un grand bâtiment à l'air solennel et très sûr de lui. Un truc officiel, à coup sûr. Peut-être l'ancienne mairie de la ville fantôme ? Ou le commissariat ? Il y a peut-être des gens dedans. Ca semble un bon endroit où se refugier pour des gens paniqués. Et tout le monde a l'air un peu paniqué ici.
Naméoh, elle, a plus l'air paniqué, juste totalement aléatoire. Elle s'arrete au milieu de la chaussée, et commence à fouiller longuement dans ses poches.
Je hausse les épaules, et, considerant qu'elle en a sûrement pour un moment, je m'assieds par terre, adossée au bâtiment, et je sors mon carnet et un crayon.
Je commence à crayonner la rousse, qui, apparemment, dessine elle aussi, mais par terre et à la craie. Allons bon. Au moins pendant ce temps là elle fait pas de bruit. Puis elle se relève, un grand sourire plaqué sur la face. Et bien, s'il lui suffit de dessiner des trucs par terre pour être heureuse, elle doit avoir une vie géniale.
Soudain, je remarque un truc bizarre, à la limite de mon champ de vision. Quelque chose qui bouge. Des ronces. Les mêmes qui ont capulté la fille bizarre sur le quai de la gare. C'est comme si elles étaient vivantes. Et elles s'approchent de Naméoh...
J'apprecie pas des masses cette fille, mais ça doit pas être particulierement agreable de se faire trainer je ne sais où par des vegetaux epineux vivants, qui l'approchent comme un animal traquant sa proie.
Ou comme un animal se sentant agressé, qui tente le tout pour le tout pour se défendre.
Je range mon carnet dans ma sacoche, puis je me lève calmement. La rousse regarde dans ma direction, elle n'a pas pu voir les ronces approcher dans son dos. Je lui fais signe de conserver le silence, en posant mon doigt sur mes levres, en priant pour qu'elle se taise, pour une fois.
Je m'approche doucement d'elle. Les ronces aussi. Je m'accroupis, et commence à parler tout doucement.

-Shhhh. Du calme. On vous veut aucun mal, d'accord ? On voulait pas déranger. On va partir. Vous inquietez pas. Ça va aller, d'accord ? C'est pas la peine de s'enerver. Du calme. Il y a sûrement un moyen de s'entendre.

Je raconte n'importe quoi, tout ce qui me vient par la tête. De toute façon, les ronces, quand bien même elles pourraient m'entendre d'une manière ou d'une autre, ne risquent pas de me comprendre. L'important, c'est le ton, apaisant, régulier, et l'attitude, qui clame que je ne suis pas agressive. Pas un danger.
Je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Je suis pas en train de me faire attaquer par un chien, mais par des plantes épineuses. C'est absurde. Mais j'ai pas de meilleure idée.

Spoiler:

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Oxymore:

Quand je touche la boule de lumière, tout devient flou autour de moi, et je me retrouve... ailleurs. Enfin, je suis là, mais je ne peux pas contrôler mon corps, ni mes pensées. Je suis réduite au rang de simple spectatrice. Je ne crois pas être vraiment ailleurs. On dirait un genre de rêve lucide. Ou un souvenir.
Dans tous les cas j'ouvre grand les yeux, pour ne pas en perdre une seule miette.
Je suis à l'intérieur, et il fait nuit. C'est chez moi, de toute évidence. L'agencement des pièces ne m'est pas familier, mais l'autre mois, celle qui commande, sait où elle va. En mission d'espionnage !
Je souris intérieurement, comme je sens mon coeur battre plus vite sous l'effet de l'adrénaline. Je pousse doucement la porte du bureau de mon frère. Alors comme ça j'ai un frère. Enzo.. Je cherche son visage, mais pas moyen de me le remémorer.
Je ferme la porte derrière moi, silencieuse comme une ombre. J'observe le fouillis à la lumière de ma lampe torche. Puis j'avise un objet à l'air très intéressant, recouvert d'un tissu. Je le soulève... Et tombe nez à nez avec un rat, un énorme rat aux yeux rouges.
Et là.. le fiasco. L'autre moi, de surprise, fait un bond en arrière, fonce dans une pile de livre qui tombe avec un bruit à réveiller un mort, et les rats se mettent à couiner, et ne veulent pas s'arrêter, et la porte s'ouvre, et Enzo est là, et il la regarde - me regarde - d'un air qui ne présage rien de bon.
Je file d'un air penaud, essayant tant bien que mal de retenir mes larmes. T'es pas encore une grande espionne, toi, dis. Du progrès à faire...
Tout redevient flou, de nouveau, et je revient à la réalité, un peu difficilement, comme si je me réveillais d'un cauchemar. Il me faut quelques instants pour reprendre mes esprits, puis j'observe autour de moi.
Et je remarque, premièrement, que Naméoh n'est plus là. Où est elle partie ?
Et, deuxièmement, que les ronces...

Spoiler:

Namého n'en revenait pas. Oxymore avait eu le temps de sortir un carnet et un crayon alors qu'elle même avait à peine tracé une lettre sur le sol ! Elle fut encore plus surprise quand la jeune fille l'incita à se taire et commença à se rapprocher... -dangereusement ?- d'elle. Namého la regarda avec des yeux sceptiques. Que faisait-elle ? A quoi jouait-elle ? C'est alors qu'elle s'accroupit près de la jeune femme, semblant regarder quelque chose, ou quelqu'un, tout en lui adressant la parole :

-Shhhh. Du calme. On vous veut aucun mal, d'accord ? On voulait pas déranger. On va partir. Vous inquietez pas. Ça va aller, d'accord ? C'est pas la peine de s'énerver. Du calme. Il y a sûrement un moyen de s'entendre.

A qui parlait-elle au juste ? A un enfant ? Namého regarda Oxymore sans comprendre ce qu'elle faisait, puis tourna la tête à l'instant même où une petite boule de lumière se faisait effleurer par la jeune fille à l'écharpe rouge. C'est là qu'elle vit les ronces, Encore une fois. Elles la suivaient. Elles la poursuivaient. Elles la hantaient. Mais pourquoi ? Namého se mit à courir. Pas bien loin, puisqu'elle ne savait pas où aller. Mais assez loin pour ne pas qu'Oxymore ne la voye. Assez loin pour tenter de semer les ronces. Assez loin pour tenter de trouver de l'eau. De l'eau pour effacer sa marque qu'elle avait laissé sur le sol devant la... gendarmerie ? En tout cas, Namého voulait que les ronces la laissent tranquille. Et elle s'arrêta, éssouflée. Ou était-elle ? Sûrement derrière le bâtiment, à l'opposé de l'entrée principale du bloc bizarroïde et austère. Oui, Namého avait tourné, elle avait tourné sans s'en rendre compte, et mettait les mains sur ses hanches, fatiguée d'avoir piqué un sprint.

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Que les ronces s'approchent doucement de moi, grimpent le long de mon corps. Je reste le plus immobile possible, esperant ne pas trop être égratignée par la même occasion. Mais les tiges épineuses restent délicates, et s'enroulent autour de mon écharpe sans même effleurer ma peau. Puis elles commencent à me tirer doucement.
Cela me semble clair. Un message. Non, mieux, une invitation. Le végétal vivant a quelque chose à me montrer, ou quelque part ou m'ammener, et veut que je le suive. Et bien suivons le. Il s'est montré plutôt aimable. Je me laisse donc guider par les ronces, marchant dans la direction indiquée sans protester.
Pendant ce temps, je réfléchis un peu. Je repense à la façon dont Naméoh avait été emmenée à la gare par les ronces. Trimbalée comme un vulgaire paquet et griffée de toute part. Je peux concevoir que la rousse n'ait pas plu aux ronces.
Et moi, qu'elles traitent différemment, peut-être qu'elles ont entendues ce que je leur ait dit ? Cela voudrait dire qu'elles comprennent mes mots. Ou peut-être surtout le ton de ma voix, comme la plupart des animaux ?
Quoi qu'il en soit, cela vaut la peine d'essayer. Tout en continuant à les suivre, je leur demande :

-Où m'emmenez vous ?

Puis je souris en me rendant compte que c'était un peu stupide. Même si elles me comprennent, elles n'ont pas de bouche pour me répondre. Quoi que, elles n'ont pas non plus d'oreilles pour m'écouter.
...Arretons ici de penser. Chercher une logique à tout ça me semble pas la meilleure idée. Je finis par m'occuper en observant les paysages que je traverse, tenue en laisse par la tige épineuse.

Spoiler:

Doucement elles tirent Oxymore jusqu'au conservatoire où elles l'abandonnent.
Tic tac, l'heure tourne et les heures défilent. Les deux femmes passent une tranche et passent donc en 12-14h tant dis que Namého est toujours prisonnière des ronces.

Spoiler:

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Infructueuse tentative qu'aurait été une tentative de fuite. Namého s'était ravisée juste à temps. La jeune femme ne savait pas si les "ronces" allait discuter avec elle, mais l'espérait fortement. Leurs agissement ressmblaient à... ceux d'un animal. Une petite bête avec ses seules épines en guise de défense. Une petite bête qui n'a d'autre choix que faire peur pour survivre. Elle les prenait jusqu'alors pour une forme humaine, mais commençait peu à peu à voir en elles autre chose. L'evervescence de Namého se calmait progressivement, sa tension baissait. Regardant posément les ronces avec un regard mi-triste mi-absent, un pâle sourire se dessinant sur son visage, elle laissa ses bras retomber le long de son corps ; un soupir s'échappa de ses lèvres à demi fermées. Elle se sentait seule. Plus personne. Plus rien. Plus de mémoire.

- Quelle triste vie...

Aussi docile qu'un petit gamin esseulé, la jeune femme se laissa transporter par les ronces, sans réagir. Les yeux bien plus ternes qu'il y avait quelques minutes, son corps relâché, Namého attendait une présence humaine. Patience... elle s'octroyait quelques minutes de sollitude contraires de son éternel côté surexcité.

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