Dieu et le fruit défendu

Le brun s'apprêtait à répondre mais une nouvelle boule lumineuse apparut, s'approchant de Dieu. La réponse sur la durée de sa présence s'échappa de son esprit face à cette redécouverte et il l'analysait une nouvelle fois sans faire de mouvement dans sa direction. Elle ne lui semblait pas destiner... Car si sa théorie du "jeu" était vraie, les balles luminescentes possédaient donc des destinataires et vu son chemin, elle visait Dieu. Le brun regardait donc en silence le garçon qui réalisa le même mouvement que lui plus tôt : toucher la boule. Ce fut à cet instant précis qu'il comprit pourquoi celui-ci avait cherché à le ... réveiller. Car oui, il semblait absent. Ses yeux voyaient des choses que de son coté il ne pouvait regarder et cela lui donnait un air ailleurs, presque inquiétant. L'homme se retint cependant de le toucher, se souvenant de la frustration que cela lui avait procuré et il attendit patiemment qu'il sorte de cette espèce de transe.

Au bout de quelques minutes, cela finit par se produire et de ses yeux cachés derrière des verres, il l'observa avec attention.

"Ca va ?"

Il ne le touchait pas, ne voulant pas salir ce Dieu de ses mains de paysan mais il s'inquiétait tout de même un peu pour son état et cela se lisait sur son visage. En vérité, s'il était concerné par le jeune homme, sa curiosité l'emportait aussi et il ne put retenir sa question plus longtemps :

"Alors... ? Souvenir ou illusion ?"

Il se mordit légèrement la lèvre, espérant ne pas trop le brusquer. Au fond, il ne savait même pas s'il avait vécu la même expérience que lui - ou du moins, une expérience similaire - et sentait qu'il se ferait refouler avec violence si tel n'était pas le cas. Cependant, il avait le pressentiment que quoiqu'il dise, il se ferait envoyer sur les ronces...

Dès le moment où il avait touché la petite sphère lumineuse, tout s'était enchainé. A toute vitesse. Le forçant à fermer les yeux. Mais même avec les paupières closes, les images continuaient a tempêter sous son crâne, l'entrainant dans un tourbillon de sentiments divers. Mépris, dédain, angoisse, appréhension. Enfin, la vision le relâche, le laissant pantois, immobile, planté a côté du banc comme une statue.

La dernière phrase du type de son souvenir -parce qu'il n'en doute plus, c'est bien un souvenir qu'il vient de voir, tant de réalisme, ça ne peut pas être une hallucination- siffle encore à ses oreilles. "L'aristo'". Où as-t-il entendu ça, déjà. Son rêve lui revient en mémoire, comme une évidence. Oui, c'est la même expression que le type de son rêve. Sauf que le visage de son rêve lui échappe un peu. Impossible d'avoir la certitude que c'est bien la même personne. Et la signification d'une connexion entre son rêve et cet étrange souvenir lui semble totalement impossible. Surréaliste.

"Ça va ?"

Tsss, le type est encore là. Il se tient devant lui. Comme si il attendait quelque chose. Quoi, tu veux ma photo ? meurt d'envie de s'écrier Dieu dans l'instant. Ou alors c'est ma perfection qui t'éblouit, peut-être ?

"Alors... ? Souvenir ou illusion ?"

Ah. Il attendait bel et bien quelque chose. Une réponse à sa question ? Comme si il ressemblait à une machine à prédictions ou quoi.

- Souvenir, je pense, lâche-t-il comme à contrecœur.

Bien. Il n'est pas plus avancé, avec ça. C'est même plutôt comme si il avait reculé de trois pas. Les questions sont toujours plus nombreuses, et plus le temps passe, plus elles s'entassent dans sa tête, menaçant de la faire exploser si il n'y répond pas. Il fixe l'inconnu d'un regard peu avenant. Toujours le même mépris pour ce paysan, mais cela, inutile de le dire, ça va de soi.

- T'as un nom, paysan ?

Spoiler:

Tranche horaire Dieu et le fruit défendu - Page 2 50897519

10h - 12h

On dirait qu'Août ne croit pas aux fantômes. Remarque, un homme invisible ça à la classe aussi ! Pour surprendre la ville, ça doit roxer du poney ! Ça aurait été vachement pratique contre le rat dans le parking nan ?

" Tu veux lui faire sa fête comment ? Si ça se trouve, il est partit. Et si par hasard il est ici, caché quelque part ou invisible, on ne sait rien de lui. Si cette fille a été transformé comme ça à cause de lui selon les dires de ce garçon invisible, alors il vaut mieux ne pas le croiser. "

Oh non mais commence pas à être chiant Août ! On cherche le serpent, on le trouve, on le zigouille et puis on continue notre chemin c'est tout ! C'est pas compliqué quand même !

" Jason a réussi à tuer Méduse, l’une des trois Gorgones avec un casque d’invisibilité et un bouclier. Il s’est approché d’elle en regardant son reflet sur le bouclier et lui a coupé la tête… Hum, oubliez, on a pas d’épée sous la main et c’est pas avec ton petit canif, Août, qu’on va pouvoir tuer le serpent. Je pensais à voix haute... "

Le fantôme se fait la malle. Joke ne le remarque même pas. Elle est trop excitée. Han mais il dépote ce plan ! Il gère la fougère même ! Bon faut trouver une épée et un bouclier mais au pire on fera avec les moyens du bord hein ? Alors Août tu arrêtes de jouer le mec blasé, le macho man qui reste pour protéger les demoiselles en détresse et tu viens ! Avec le sourire s'il te plaît ! Oh mais j'y pense..

Joke fouille dans sa sacoche et en sort... Une fleur arrosoir. Elle la secoue et s'aperçoit qu'il reste encore un peu d'eau dedans. Bingo ! Elle presse le gadget et un jet d'eau vient éclabousser Août en plein sur le nez. Elle laisse échapper un petit rire étouffé et hausse les épaules :

"Allez dérides-toi 5 minutes, on risque rien tous les 3, et ta crevette sera là pour te protéger ! "

Lorsque Xéna propose de partir à la chasse au serpent en faisant remarquer qu'il ne sert à rien de rester ici, Joke range sa fleur arrosoir, vide désormais, et passe devant pour retourner dans le parc, lançant au passage un gigantesque sourire à sa pirate préférée assortit d'un clin d'oeil évoquant. Elle a retrouvé la pêche et ça se sent. Elle part à l'aveuglette, toujours appuyé sur ses béquilles, fixant le sol avec obstination pour percevoir la moindre ondulation.

" T'as un nom, paysan ? "

What ? Joke relève la tête et aperçoit deux hommes, non loin, qui ne semblent pas l'avoir vu pour le moment. Ils sont bruns tous les deux mais l'un d'eux dégage quelque chose d'apaisant tandis que l'autre transpire le mépris. C'est sans doute celui-là qu'elle a entendu. Paysan ? Mais pour qui tu te prends mon gars ? Ça va tes chevilles ? Pas trop de mal pour marcher ?

Joke se met à sourire. De ce petit sourire en coin qu'elle a quand elle prépare une des petites taquineries qu'elle affectionne tant. Elle plonge à nouveau sa main dans sa sacoche, à la recherche d'un autre objet magique. Elle en ressort une balle de jonglage qu'elle fait rouler dans sa paume. Parfait... Elle pose délicatement une de ses béquilles au sol et s'appuie sur l'autre pour garder l'équilibre. De sa main libre, elle lance la balle en l'air et la frappe, comme une balle de volley. Direction... Les chevilles de l'autre taré qui se prend pour le roi du monde. En plein dans le mille. Décidément, je vise bien !

La jeune fille récupère sa béquille et s'avance vers les deux inconnus, un petit sourire en coin sur le visage et une lueur de moquerie au fond des yeux, teintée de provocation quand elle s'adresse à sa victime :

" Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre ta charmante répartie et je me suis dis que je pouvais peut-être aider tes chevilles à dégonfler. Tu devrais t'asseoir, ta grosse tête risque de t'entraîner vers le sol. "

Je rêve ou elle m'a aspergé avec son... truc ? Je fronce les sourcils, l'eau dégoulinant lentement sur mon visage, mes cheveux étaient trempés à l'avant... Mon dieu je vais l'étriper... Qu'est ce qui m'a pris de secourir une gamine ? Tch... Pourquoi je reste avec elle déjà ? Me détendre ? Impossible. C'est vrai qu'on va être détendu dans cette ville, il y a JUSTE des loups géants, des ombres qui tentent de t'étrangler, des rats mutants, mais non tout va parfaitement bien. Cool, peace and love ! Je soupire, calme toi Août, ça servira à rien de s'énerver, t'as pas de temps à perdre pour ça.

On sort enfin de ce putain d'amphithéâtre pour retourner dans le parc. La rouquine s'arrête en voyant deux personnes parler, un brun parlait avec un autre, le qualifiant de "paysan". Je souris légèrement, amusé. Joke décide de faire des siennes à nouveau, lançant une balle de jonglage dans la cheville du gars. Je soupire, à croire qu'elle a fait une école de cirque pour se trimbaler avec des objets pareil. Une fleur arrosoir, maintenant une balle de jonglage... Déjà qu'avec son fouet je l'avais trouvé pas net... Je m'approche du brun avant de lui faire, les mains dans les poches :

- Ne fait pas attention, elle ne tient jamais en place. Moi c'est Août, et vous deux ?

Joke est vraiment folle, il n’y a pas à dire. On n’arrose pas les gens avec une fleur de clown à moins d’être sérieusement frappé. Il faut avouer que son attitude a quelque chose de rafraîchissant. Bien loin du mutisme d’Août. Très franchement, cette gamine a de la répartie et c’est plutôt fun de la voir démonter le roux. En réalité, si j’étais vraiment franche avec moi-même, je dirais que j’aime bien cette « crevette ». Le rouquin aux deux de tensions, c’est plus difficile mais on s’y fait, au moins il ne fait pas trop de remous. Joke passe devant moi avec un sourire qui lui fait deux fois le tour du visage et clopine au hasard avec ses béquilles. Je lance à Août :

-T’es très classe avec les cheveux trempés.

Je me fige derrière Joke en entendant une voix définitivement et insupportablement hautaine juste devant nous :

" T'as un nom, paysan ? "

Oh, nous sommes tombés sur un sacré phénomène là, c’est évident. Je regarde au-delà de la gamine aux béquilles. Un brun à binocles, l’air calme et posé, en face d’un autre brun aux yeux verts éclatants. C’est deux opposés qui se font face devant nous. Et assurément, c’est le plus jeune à l’air mi blasé mi supérieur qui vient de demander son nom à l’autre. Hum, ses manières ne me plaisent mais alors ne me plaisent pas du tout. C’est le genre de type qui se croît supérieur à tout le monde parce que son papa est plein aux as. Du moins c’est l’impression qu’il donne… Joke est du même avis que moi. Elle sort une boule de jonglage de sa sacoche et à la balance sur le gosse de riches. La balle rebondit sur sa cheville et Joke s’avance vers lui et lui sort avec un sourire en coin :

" Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre ta charmante répartie et je me suis dis que je pouvais peut-être aider tes chevilles à dégonfler. Tu devrais t'asseoir, ta grosse tête risque de t'entraîner vers le sol. "

Cette fille est odieuse avec le brun. C’est justement pour ça que j’esquisse un petit sourire ; allez avale ça le richard, j’espère que ça suffira à te faire ravaler ta suffisance. Dans le cas contraire, tu auras deux filles qui s’acharneront sur toi. Bien sûr, Août ne peut pas s’empêcher de tout casser en disant au brun de ne pas l’écouter. Il se présente et demande leur nom aux deux mecs. A ta place, mon petit rouquin blasé, je ne me collerai pas au type aux yeux verts aussi inconsciemment… Allez Xen’, interviens avant que ça tourne au massacre. Avec plaisir. Je me place entre Août et le brun – l’autre à l’air tout à fait normal –. Je me tourne vers le roux, secoue la tête et m’incline exagérément devant le fils à papa avec un sourire provocant :

-Monsieur souhaite que nous lui apportions son carrosse ? Ou Monsieur préfère parcourir les jardins du palais avec ses divins pieds ? A moins que vous n’ayez peur d’abîmer vos précieuses chaussures sur la pelouse ?

Ok, ce n’est pas la meilleure façon d’entamer une conversation diplomatique en raillant la personne de façon aussi ouverte. Mais que voulez-vous, ce genre de type me sort par les yeux. Je me suis redressée, une lueur de défi et de colère au fond des yeux :

-Tu nous cherches pas, tu fais pas ton snob et tout devrait bien se passer. Moi, c’est Xéna. La petite montée sur ressorts là, c’est Joke et le rouquin un peu blasé ben tu connais déjà son nom. Et toi ? Laisse-moi deviner… Louis XIV ou autre chose de très pédant, non ?

Je me suis tournée vers l’autre, toujours aussi silencieux :

-Dis-moi, t’as fait comment pour croiser le chemin de cet aristo’ ?

Il va en avoir marre qu'on s'acharne sur lui comme ça pour une malheureuse réplique. Tant pis, ça fait du bien de ses défouler sur quelqu'un. Même si, pour une fois, je n'ai pas l'impression d'avoir été très futée. Tu ne peux pas être toujours coincée à cause d'un passé que tu ne connais même pas.

Le calme qui régnait dans le parc fut rapidement brisé par une invasion d'autres personnes. Le brun n'eut donc pas le loisir de répondre à Dieu, déjà parce qu'il ne connaissait pas la réponse et ensuite parce que la balle heurtant la cheville de son interlocuteur le surprit. Il fallait admettre qu'il n'aurait pu s'attendre à un tel acte. Les évènements s'enchainèrent ensuite rapidement et deux autres personnes s'ajoutèrent à la jongleuse - à en juger à la tête du projectile. Toujours cette même question qui revenait, lui demandant son prénom... L'homme comprit qu'informer les autres de la perte de ses souvenirs ne seraient d'aucune utilité car si Dieu disait vrai - et étrangement il n'en doutait pas vraiment - tout le monde se trouvait dans cette situation. Il suffisait d'écouter les prénoms pour le savoir de toute façon : Aout, Joke et Xéna. Ce n'était pas courant et définitivement inventé par les propriétaires. Farfouillant son esprit, il se décida à prendre la parole :

"Je m'appelle... heum... Apple !"

La plan lui était revenu en mémoire avec son inscription "Big Apple" et le mot était presque sorti tout seul. Voila. Il possédait un prénom, une identité maintenant et cela lui faisait presque plaisir. Cependant, aucun sourire ne vint éclairer son visage car le comportement des jeunes femmes ou filles vis à vis de son compagnon précédent l'énervait quelque peu. Enfin, énerver était un bien grand mot, disons qu'il dépréciait un tel acharnement. Oui, ce garçon se montrait hautain et méprisant mais ce n'était pas une raison pour s'acharner sur lui. Ainsi, Apple s'interposa.

"Je l'ai rencontré par hasard dans le parc et ce n'est pas la peine de l'agresser. Il a un petit air supérieur, certes mais il n'est pas mauvais pour autant et s'attaquer à lui pour une simple phrase est clairement immature de votre part. Vu nos situations, ce n'est pas en s'attaquant les uns les autres que ça s'améliorera."

Ses sourcils se froncèrent légèrement au fur et à mesure qu'il parlait. Il était très sérieux dans ses propos - bien que le "petit air supérieur" soit un euphémisme de politesse - sans pour autant se montrer particulièrement agressif. Son ton ne s'élevait pas spécialement. Le brun ne cherchait pas non plus à protéger Dieu en se disant qu'il n'en était pas capable, il se doutait qu'il saurait le faire mais il espérait éviter un affront trop brutal avec les filles face à eux. A n'en pas douter, les répliques du garçon seraient sèches et tranchantes tandis qu'Apple essayait comme il le pouvait de rester au dessus de la querelle, montrant simplement la stupidité de leur acte.

Il n'a pas le temps d'écouter la réponse de l'inconnu. Parce que quelque chose vient frapper sa cheville, le faisant grimacer de douleur. La chose en question est une balle de jonglage, une simple petite balle de jonglage. Douloureuse petite balle de jonglage, qu'il se met à piétiner rageusement, avant de se retourner pour voir un groupe de gens arriver. Un groupe de paysans. Et en tête, une gamine avec un air triomphant.

" Je n'ai pas pu m'empêcher d'entendre ta charmante répartie et je me suis dis que je pouvais peut-être aider tes chevilles à dégonfler. Tu devrais t'asseoir, ta grosse tête risque de t'entraîner vers le sol. "

Il pince les lèvres, rougit. De rage. Ce n'est plus une paysanne, c'est bien pire que ça, et il n'arrive même pas à penser normalement tellement être entouré de gens comme ça l’écœure. Il la dévisage des pieds à la tête avec un air de dédain et de mépris. Une handicapée qui se permet de lui parler sur ce ton ?
Un type la suit de peu. Blasé, de ce qu'il peut en voir. Qui lui explique que la jeune fille ne tient pas en place. Et donc, c'est une excuse, peut-être ? Enfin, une autre fille, aussi insupportable et stupide que la première, qui se permet de lui faire un discours des plus déplaisant. Décidément...

Son sang ne fait qu'un tour, et son pied vient faucher les béquilles de la rouquine, tandis qu'il la pousse violemment sur le sol.

- Je n'ai besoin de rien, et encore moins d'un tas de paysans, qu'on soit bien clair. Toi, la sale paysanne handicapée... mêle toi de ce qui te regarde, je t'ai pas demandé ton avis. Si t'es pas contente, tu dégage, t'arrive à comprendre ça où c'est encore trop compliqué pour toi ?!

Puis, lui tournant le dos, il s'éloigne de quelques pas.

- Tu viens, Apple ? A moins que tu ne veuille rester avec eux. Tu fais bien comme tu veux.

Apple, le seul a avoir pris sa défense. Le moins insupportable de tous ces paysans, sans doute... Le seul qu'il veut bien tolérer. Même si l'autre roux ne lui a rien fait de particulier, il ne le connait pas. Il ne connait personne ici. Les mains dans ses poches, c'est avec cette désagréable pensée qu'il s'éloigne du groupe.

Spoiler:

Blasée. Joke est blasée. Par la réaction d'Août. Ou son manque de réaction au choix. Ne fais pas attention... Tu vas voir si tu vas continuer longtemps à ne pas faire attention bad boy ! Tu crois qu'on peut me zapper comme ça ? A croire qu'on a pas été présenté...

La réaction de Xéna la surprend au plus au point. La pirate partage visiblement son sentiment vis à vis du petit crétin prétentieux qui se prend pour le roi du monde. Quand elle se moque de lui, le provoque, Joke retient à grand peine un éclat de rire - histoire de ne pas la couper dans son élan, ce serait dommage franchement !. "La petite montée sur ressorts" jubile littéralement.

Dommage. Oui, dommage que ce benêt ne voit pas qu'elles prennent sa défense. Dommage qu'il se laisse rabaisser pour éviter le conflit. Immature Joke ? Oui, sans doute. Et elle le revendique en plus ! C'est toujours mieux que de s'aplatir comme une loque devant le premier trou du cul qui passe et qui se sent plus pisser.

En parlant du loup... Le petit prince a visiblement très mal pris qu'on s'en prenne à sa personne. Joke n'a pas le temps de réagir quand elle sent ses béquilles lui échapper et qu'il la pousse, la faisant chuter au sol, ravivant au passage sa blessure à la cheville. Elle n'entend même pas sa répartie. Batard... Tu perds rien pour attendre ! Me tourne pas le dos enflure...

Elle attrape son fouet et lance la lanière de cuir dans les chevilles du brun avant de repartir à l'assaut et de l'enrouler autour de son poignet, tirant de toute ses forces. Le premier qui s'interpose, elle lui fait sa fête. Apple ? Trop mou, aucun risque. Xéna ? Elle lui fait confiance. Août ? Il voudra l'arrêter. Evidemment. Sans réfléchir, Joke lance sa jambe et parvient à le toucher aux chevilles et à le faire chuter.

" Pour t'éviter la tentation d'intervenir bad boy. " lance t-elle avec un sourire en direction du rouquin.

Elle inspire profondément. Joke n'est pas méchante. Pas violente. Joke veut juste qu'on la respecte. Joke refuse de se faire humilier par un homme.

" J'ai été gentille. Malgré ton affront et mon honneur bafoué. Mais j'exige réparation. "

Oui, ça fait très solennel. Mais il ne s'en sortira pas comme ça.

Je rêve ou ce mec vient de faire tomber Joke ? Je fronce les sourcils, si il veut réagir comme ça, il l'aura chercher. J'allais intervenir mais Joke me fait tomber au sol, prétextant qu'elle ne veut pas que j'intervienne. Je me redresse, ignorant la rousse et m'approche du brun avant de l'attraper par le col, lui lançant un regard meurtrier.

- On t'a jamais appris la politesse enfoiré ? On pousse pas une femme, encore moins quand elle est blessée. Tu veux que je t'apprenne les bonnes manières peut-être ?

Je le relâche, le regardant avec dégoût. Les mecs comme ça, je peux pas les blairer. Je récupère les béquilles de Joke et lui redonne.

- Ça va aller ?

Je n’aurais pas dû me montrer si acerbe ; les mots sont une arme redoutable et j’en ai fait un usage irréfléchi, en dépit de mes principes. Je ne sais pas d’où me viens cette idée, mais réfléchir avant d’agir me semble tout de même préférable à la réaction que je viens d’avoir. Le brun à l’air calme, Apple selon ses dire – encore un amnésique vu son nom – confirme d’ailleurs mes pensées en qualifiant d’immature notre réaction. C’est un type qui a l’air de savoir rester au-dessus des ennuis, ce qui, dans le cas présent, n’est pas plus mal. La colère ressentie un moment plus tôt reflue complètement et ne ressurgit même pas lorsque le brun aux yeux verts fauche les béquilles à Joke et lui lance une réplique pleine de verve à la figure. Je n’ai pas le temps de m’interposer. Dans le même intervalle, la gamine aux béquilles attrape la cheville de l’aristo’ avec son fouet et fait tomber Août.

" J'ai été gentille. Malgré ton affront et mon honneur bafoué. Mais j'exige réparation. "

« Mon honneur bafoué… » Vous rêvez d’un voyage dans le temps ? Venez à Nulle Part. Au programme, la confrontation entre un aristo’ et une crevette estropiée qui mine de rien, a du répondant. Ce qui me surprend d’avantage que cette réplique, c’est la réaction d’Août. En plus de prendre le brun hautain par le col et de défendre Joke, il lui redonne ses béquilles et lui demande si elle va bien. Je souris face au tableau avant de prendre une grande inspiration et de me tourner vers les deux autres, paumes tournées vers eux. Pas qu’ils aillent croire encore que je me trimballe avec une arme.

-J’avoue que ça n’a pas très bien commencé. Essayons de reprendre depuis le début. Et, désolé l’aristo’, mais les gens comme toi me sortent par les yeux alors j’ai réagi un peu brutalement. C’est quoi ton « nom ». Parce que je suppose que nous ne sommes pas les seuls amnésiques du coin…

Je déteste devoir me coltiner les manœuvres diplomatiques. Déjà, le fait de me retrouver avec autant de personne à la fois me laisse un certain arrière-goût amer, ainsi qu’une douleur au niveau de la poitrine et des picotements sur ma paume. Je lève la main, surprise de n’avoir pas remarqué avant la cicatrice irrégulière qui la barre et serre les poings, lançant un sourire aux deux garçons. Bravo Xen’ maintenant ils vont de prendre pour une bipolaire. Tant mieux pour eux. Je fais sans attendre une réponse immédiate :

-Vous pouvez partir de votre côté si vous voulez, on ne vous retiendra pas. Pas moi dans tous les cas. Et, l’aristo’, on a toujours besoin d’un plus petit que sois. « Dans ce monde, il y a des gens qui préfèrent la solitude mais il n’y a personne au monde qui puisse la supporter ».

Qu’il médite ça autant de temps qu’il lui faudra et surtout qu’il le prenne comme il veut parce que je ne sais franchement pas d’où je l’ai sorti ni pourquoi. Cette dernière phrase était plus destinée à moi-même. J’ajoute :

-On a déjà failli se faire tuer plusieurs fois en étant trois, alors seuls ou même à deux, vous auriez du mal à ne pas vous faire avaler tout cru par les monstre de cette ville.

Et pof ! Deux souvenirs, un pour Xéna et un pour Joke !

Apple était tout simplement dépité face aux comportements qu'adoptaient les êtres autour de lui. Plus précisément, l'immaturité de la gamine - Joke s'il se souvenait correctement - l'énervait un peu. Il essayait de calmer le jeu et elle s'excitait de plus belle, faisant tomber certaines personnes et rajoutant de l'huile sur le feu. Dieu n'aidait pas beaucoup non plus, il fallait admettre que lui retirer ses béquilles n'était aucunement malin de sa part. Son seul acte réfléchi semblait de s'éloigner. Le brun fut presque surpris qu'il lui propose de venir. L'appréciait-il finalement ? Ou réalisait-il que rester seul dans cet endroit risquait de lui apporter beaucoup de problèmes ? Dans tous les cas, qu'importe la décision qu'il aurait prise, Joke avait empêché cela avec son espèce de fouet et ses actions enfantines. L'homme à lunettes ne put retenir un soupir, expression de l'agacement qui s'emparait petit à petit de lui. Se trouvait-il entouré de personnes incapables de se comporter comme normalement ?

Comme pour lui prouver le contraire, l'autre jeune femme s'excusa presque et se lança dans une discussion plus calme et diplomatique. Un léger sourire s'étira sur les lèvres d'Apple. Enfin quelqu'un de raisonnable pensa-t-il et cela réduit considérablement les émotions négatives qui commençaient à l'envahir.

"Je suis d'accord avec vous Xéna. La ville ne m'a pas l'air très accueillante, j'ai été attaqué par un loup énorme et assez effrayant à la gare tout à l'heure puis je suis apparu ici sans savoir comment."

A peine eut-il prononcé sa phrase que deux boules lumineuses voletèrent vers les filles du petit groupe. La curiosité saisit encore Apple mais il ne les toucha pas, il semblait vraiment que ces lumières possédaient une destination précise ou plutôt un destinataire. Sans le réaliser, il exécuta un pas en arrière pour se rapprocher de Dieu, observant la scène avec intérêt. Les discussions reprendraient plus tard, ça ne pressait pas. Pour le moment, il voulait surtout voir si les femmes réagiraient de la même façon à ces choses créatures...

Il n'entend pas le bruit du fouet. Il se contente de sentir sa morsure autour de son poignet, de se sentir inexorablement tiré vers l'arrière, en direction de la sale gamine rousse, toujours au sol. Elle n'a donc pas eu son compte ? Il ne peut cependant résister à la force de la lanière de cuir, et titube comme il peut pour suivre le mouvement. C’était sans compter sur les lacets de ses chaussures, qui en avaient décidé autrement. Il se sent basculer vers l’avant, a juste le temps de tendre une main salvatrice pour se réceptionner, à genoux devant la dénommée Joke. Il lui adresse une magnifique grimace

" J'ai été gentille. Malgré ton affront et mon honneur bafoué. Mais j'exige réparation. "

Il a le temps de saisir la teneur des paroles, avant que la main d’Aout ne le saisisse par le col pour le lever de force. Bon sang, mais qu’ont-ils tous avec son col ? Entre lui et Apple, son vêtement si précieux allait salement ramasser. Le rouquin le relâche, il en profite pour reculer d’un pas, mais n’est déjà plus la cible de son attention. Quant à lui, il est absolument focalisé, non pas sur le discours pacifiste de l’autre fille, mais plutôt sur les deux sphères lumineuses qui viennent d’apparaitre, et qui lui semblent déjà plus que familières. Souvenirs, illusions, qu’en sait-il réellement ?

Il jette un regard rapide du côté d’Apple, qui attend là, sans bouger. Attitude de paysan inutile, mais il se retient de le dire à voix haute. Il y a plus important dans l’instant. Une idée le traverse, fulgurante. Toucher une de ces deux sphères. Absolument. Pour savoir, pour faire la lumière sur tout ça, avec un peu de chance. Il avise celle qui tourne devant le visage de Joke. Parfait, ça lui fera les pieds, à cette imbécile. Ça lui apprendra, à se moquer de lui. Il tend la main, rapide. Il va enfin savoir…

Spoiler:

Avec délectation, elle voit le brun s'emmêler les pieds dans ses lacets et tomber à genoux devant elle. Bon début mais insuffisant. Avant même qu'elle ne puisse se moquer de lui, Août le choppe par le col et lui parle d'un ton menaçant :

" On t'a jamais appris la politesse enfoiré ? On pousse pas une femme, encore moins quand elle est blessée. Tu veux que je t'apprenne les bonnes manières peut-être ? "

Son poing se serre quand elle l'entend prononcer ces mots. Rien à foutre que ça parte d'un bon sentiment. Rien à foutre que sa testostérone le pousse à jouer les bad boy protecteur. Mais merde quoi de quoi il se mêle ce con, je lui ai rien demandé ! Il faut que je lui en colle une pour qu'il comprenne que je suis pas une pauvre chose sans défense ?! Quand il lui demande si ça va aller elle a envie de lui hurler que ça irait mieux s'il ne se prenait pas pour son garde du corps.

Et voilà Xéna qui la joue diplomate et Apple qui s'empresse de suivre le mouvement. Ben allez-y, tirez-vous si on vous dérange ! Surtout vous gênez pas, et pensez à envoyer une carte postale hein ! Joke est sur les nerfs. Non elle ne veut pas que Xéna s'en aille. C'est sa pirate et elle ne veut pas que leurs routes se séparent.

Deux lucioles viennent interrompre ses pensées. Elle s'étonne quand elle en voit une qui vient voleter autour d'elle. Elle n'a pas oublié les paroles d'Août. Un souvenir... Ça doit être la vue de ce cadavre qui l'a provoqué. Si ce qu'on vit ici ressemble à notre passé, il nous revient ? Qu'est-ce qui a pu provoquer celui-ci ? Les paroles d'Août ou mon honneur mis à mal ?

Elle n'a pas le temps de s'interroger plus que le petit prince touche la sphère qui tourne autour d'elle. Son coeur loupe un battement et elle sent son ventre se nouer. Elle se mord la lèvre tandis qu'une colère froide s'empare d'elle. C'est SON passé. Quoi qu'elle ait vécu il n'a pas le droit de le voir. Dans un éclair de lucidité elle se rappelle de l'absence du roux lorsqu'il a reçu le sien. Elle plante ses yeux dans les siens :

" S'il se réveille avant moi, empêche le de se tirer. Tu me dois bien ça après m'avoir fait passer pour une pauvre fille sans défense. "

Elle lui fait confiance. Et touche la sphère à son tour.

Deux souvenirs, deux sphères lumineuses qui se dirigent vers Joke et Xena, tel des lucioles. Je suis du regard celle qui approche de Joke. Je n'ai pas le temps de réagir, le brun approche sa main et touche le souvenir qui était destiné à la rouquine. Cette dernière semble réagir et touche rapidement son souvenir à son tour, m'ordonnant de retenir l’orgueilleux s'il se réveille en premier. Je soupire, j'espère que leurs chamailleries seront vite terminées.

- Ça marche, vous vous expliquerez une fois le souvenir passez, et on passera à autre chose. La on fait que perdre du temps inutilement.

Je m'adosse à un arbre auprès des deux bagarreurs, les gardant dans ma ligne de mir. J'espère que le souvenir de Joke se passera bien, pas comme le mien, je ne lui souhaite pas ça.

Apple opine bien sagement à ce que je viens de dire, tandis que Dieu s’en contrefiche royalement. Vraiment le jour et la nuit, ces deux-là. Deux boules de lumières interrompent le cours de mes pensées. L’une s’arrête devant Joke, l’autre… juste sous mon nez. Obnubilée par la beauté et la signification de cette sphère parfaite en suspension devant moi, je ne vois qu’à peine l’aristo’ effleurer celle de Joke – flagrante violation de vie privée – et je comprends encore moins ce que la petite crevette dit à Août. Mon cœur se sert étrangement. Est-ce que je veux vraiment savoir ? La connaissance est dangereuse. Risquerai-je de devenir folle en touchant cette sphère ? Deviendrai-je différente de celle que je suis maintenant, redevant celle d’avant ? Réflexions stériles, tu ignores qui tu étais, pourquoi appréhender ce moment où tu peux enfin en avoir un aperçu ?.

- Ça marche, vous vous expliquerez une fois le souvenir passez, et on passera à autre chose. La on fait que perdre du temps inutilement.

Il s'adresse à Joke, dans la même situation que moi, pourtant je le prends personellement. Parce qu'il a tout à fait raison, on perd du temps. Je repense à ce petit réveil coincé dans ma poche, égrenant les heures. Celles qu'il me reste pour ne pas mourir et essayer de tout découvrir. Mon index s’avance, hésite un infime instant puis part se poser sur la boule de lumière, décidé enfin à affronter ce passé voulu mais surtout redouté.

Et le passé revient tout doucement, crève comme une bulle de connaissance aux barrières de leurs conscience...

Joke:

Point de vue externe:

Xéna:

Comme plus tôt avec Dieu, les trois personnes ayant touchées les boules lumineuses affichaient un regard vide. Le paysage qui leur faisait face sortait de leur champs de vision et ils se trouvaient certainement dans les méandres de leur mémoire comme l'avait vécu Apple. Ce dernier glissa ses mains dans ses poches et se mit à observer l'autre homme qui se tenait encore là. Esquissant un léger sourire poli, le brun s'approcha un peu de lui et prit la parole. Tant qu'à faire, autant tuer le temps en récupérant quelques infos sur la ville et ses environs.

"Ca fait longtemps que vous êtes dans le coin tous ? Je viens d'arriver donc je comprends pas tout ce qu'il se passe en fait..."

Il se doutait qu'ils ne comprenaient surement pas beaucoup plus que lui mais si leur arrivée datait d'un peu plus longtemps, peut-être seraient-ils à même de lui donner quelques conseils de survie ? Tout était bon à prendre dans un lieu inconnu comme celui-ci, surtout vu les choses étranges qui s'y déroulaient.

Spoiler:

Il plonge dans le souvenir a peine la sphère de lumière effleurée. Et cela lui semble tellement...bizarre. Comme une intrusion dans la vie de quelqu'un, comme une violation d'intimité. Non pas qu'il ai quelque chose à faire des états d'âme de ces paysans, mais... Oui, même lui peut sentir qu'il ne devrait pas se trouver là, qu'il n'a pas vraiment le droit de faire ça, pas le droit de regarder. Mais il n'a pas vraiment le choix, maintenant qu'il est là. Alors la scène défile sous ses yeux, comme si il regardait un film, mais dont le personnage principal lui est familier : Joke, la rouquine insupportable. Qui, dans l'état où elle est, n'a pas l'air si insupportable. Elle a plutôt l'air fragile. Il essaye de ne pas se concentrer sur elle, de regarder ailleurs. Son regard parcours le décors, avant d'être de nouveau attiré vers Joke, enlacée par une fille rousse inconnue au bataillon. Il ne comprend pas ce qu'elles se disent, fixe leurs lèvres qui s'agitent. En vain.

Et puis le souvenir s'efface, le libère, le laissant revenir à la réalité avec un sentiment désagréable, comme un arrière-goût de culpabilité. Il cligne des yeux, réalise qu'il est toujours au sol, se relève avec une grimace. Autour de lui, rien n'a vraiment changé. Apple s'est un peu rapproché d'Aout, et semble avoir engagé la conversation, comme si de rien était. Xéna est toujours plongée dans son souvenir et Joke... Il repense à la scène. Pas très joyeux, comme souvenir, vu le visage qu'elle avait, en lisant ce bout de papier. Il la regarde, indécis. Il se doute qu'à son réveil, elle ne sera pas bonne humeur. Pas du tout. Et bien qu'il n'ai pas peur d'elle, le fouet dans la main de la demoiselle ne lui inspire pas spécialement confiance.

Il fait donc quelques pas vers l'arrière, profitant de l'absence de la jeune fille. Il glisse un regard en coin vers les deux hommes qui discutent. Hésite un court instant avant de lacer à Aout, à voix basse :

- Tu lui diras que... je regrette d'avoir touché son souvenir.

Il s'éloigne de la scène à grands pas. Dans sa tête, le souvenir de Joke tourne toujours, ainsi qu'un million de questions.

Elle ouvre les yeux. Des yeux emplis de larmes qui coulent sur ses joues sans retenue. Ses épaules sont secouées de sanglots hoquetant et ses doigts sont crispés sur les brins d'herbes qui l'entourent. Elle laisse la détresse s'emparer d'elle au souvenir des coups qu'elle a reçu. Les baffes, les engueulades. Au fil des minutes qui passent la trouille s'empare d'elle et elle se recroqueville sur elle même. Impossible de sortir de ce souvenir. Trop proche, trop lointain, trop réel.

Elle se mord la lèvre inférieure. Elle avait promis de rejeter le passé, avant. Mais à présent elle en est incapable. Elle se sent oppressée par lui, enfermée dans une cage. Elle tremble, reste prostrée, incapable d'être forte et de se ressaisir. Incapable d'être elle même. Merde. Joke. Non. Y a plus de Joke. Plus de blague. Juste une gamine qui se croyait forte et qui se retrouve brisée, incapable de reprendre pied avec la réalité. En fait, elle était bien une faible femme, une poupée de chiffon.

Ses yeux se posent sur son fouet. Qui n'a pas su la protéger quand elle était jeune dans la troupe. Putain de preuve de son impuissance. Elle s'en saisit et le balance un peu plus loin d'un geste qu'elle aurait voulu assuré mais qui ne l'est pas. Et maintenant ? Elle fait quoi ? Elle doit se ressaisir. Ne se sent pas capable de se lever pour rattraper le petit prince. Ni pour faire quoi que ce soit d'autre en réalité.

« Arrête je te dis, c’est fini tout ça. Regarde nous. C’est terminé. ». Personne n'est là pour lui dire ça. Il n'y a pas de rouquine qui viendra l'enlacer pour l'aider à relever la tête. Il n'y a personne, elle est seule. Toute seule. Non. Pas toute seule. Il est là, tout près, roux lui aussi. Mais jamais elle n'osera. Non, pas lui. Pas Août. C'est un mec, un mec comme celui qui l'a humilié. Comme celui qui a humilié la jeune femme de son souvenir. Un putain de mec.

Sans réfléchir elle se lève, méprisant la blessure à sa cheville et se jette sur lui, toujours en larmes. Elle se jette dans ses bras et tambourine son torse avec ses petits poings faiblards. Elle perd pieds. Elle ne sait pas, ne sait plus. Sa tête est posée contre son torse et elle cache son visage dans le t-shirt du jeune homme, se laissant à moitié aller contre lui tout en continuant à la frapper. Colère. Peur. Détresse.

"Les mecs, vous êtes tous des salopards. Je vous déteste tous. Mais chui pas faible. C'est pas vrai... Non c'est pas vrai j'te dis ! Tu m'écoutes jamais mais c'est pas vrai ! Chui forte en vrai ! Jveux pas être une crevette..."

Spoiler:

Je regarde le garçon, Apple il me semble, s'approcher de moi en me parlant. Un soupire franchit la commissure de mes lèvres, devinant rapidement les informations qu'il veut. Qu'est ce que ça peut lui faire, de savoir combien de temps on est ici ? Il veut juste des informations, il pouvait les demander directement au lieu de tourner autour du pot.

- Si tu veux savoir, il y a des créatures dans cette ville. Il y a... des ombres qui tentent de t'étrangler, des loups géants entre autre, qui n'hésite pas à défoncer des portes pour te bouffer le bras. Ah, et il y a aussi un rat mutant dans un parking, qui a mordu la cheville de la rouquine ici présente, c'est pour ça qu'elle est en béquille désormais. Donc si t'es nouveau ici, t'as intérêt à rester sur tes gardes sans arrêt si tu veux avoir une chance de survivre. Un conseil, évite de rester seul, tu deviens plus vulnérable, c'est dans ces moments là qu'il t'arrive des merdes.

J'étais dur ? Non, juste franc. Cette ville, c'est soit tu nages, soit tu coules. Je sais de quoi je parle, j'étais plus confiant avant de rencontrer ce loup, j'étais déjà pas très rassuré quand on a rencontré l'ombre... Dieu sort de sa transe, se redresse et part en me lançant quelques mots, je l'observe partir sans un mot. Je me surprend à penser à Mars, qui lui aussi est partit seul. Est-ce qu'il s'en est sortit lui ? Il avait beau être un bon stratège, c'était surtout un trouillard de première. Je sors de ma rêverie quand je sens de petit main s'agripper à mon haut. Mon regard se pose sur une chevelure rousse en train de me frapper, je ne ressens presque vu le peu de force qu'elle met dans cette action. Elle enfouit son visage contre mon torse, continuant à le tambouriner de ses faibles coups. Je soupire, l'enlace.

- Calme toi...

Je la regarde en prenant doucement son menton entre mon pouce et mon index, la forçant à redresser la tête pour qu'elle me regarde.

- J'ai jamais dis que tu étais faible... Tu es seulement blessée, et je veux pas que tu en fasse de trop, sinon tu vas jamais guérir. C'est ce que tu veux, garder ces béquilles à vie ? Je pense pas.

Je la dépose doucement contre le tronc d'arbre avant d'aller ramasser ses béquilles et son fouet. Je met ce dernier dans la main de la rouquine avant d'ébouriffer ses cheveux.

- Si tu détestes tant que ça les mecs, alors pourquoi tu m'as pas abandonné plus tôt ? Je pense surtout que tu as besoin d'un soutien, une personne sur qui tu peux compter dans cette ville. Tu es perdue, tu n'as plus de repère et ça te déstabilise complètement.

Je me redresse, restant debout à ses côtés. Je lui tend ma main, un air neutre sur mon visage. Impassible.

- On a tous besoin d'aide dans cette ville, accepte la mienne le temps que tu guérisse. Et qu'est ce qu'il y a de mal à être une crevette ? Je trouve que ça te va bien comme surnom.

Un sourire amusé se dessine sur mes lèvres, taquin. Je préfère la voir colérique qu'anéanti comme maintenant. Je lui lance donc une perche, en espérant qu'elle saura la saisir sans se la prendre en pleine poire.

Depuis le début, ce petit être avait attiré son attention. Elle aimait l'observer et n'arrivait jamais à deviner ses intentions. Il était de loin l'un de ses jouets préférés, et Elle n'avait pas réussit la dernière fois avec les ronces. Mais il avait prouvé qu'il méritait son attention. Qu'allait-Elle inventer cette fois pour lui donner des sueurs froides, pour le pousser à bout ? Oh oui, Elle rêvait de leur voir perdre l'esprit, tout aussi supérieur qu'il se croyait, il n'était qu'un de ses jouets. Elle envoya les ronces à la rencontre de l'adolescent, une fois qu'Elle le jugea assez loin des autres. Mais cette fois, les ronces ne semblaient pas vouloir l'attaquer. Elles se contentaient de l'entourer pour le séparer définitivement. Elles ne l'attaquaient pas, se contentent de dessiner un seul chemin. Allait-il braver leurs épines ou répondre à l'invitation ? Elle lui offrait son premier cadeau. Probablement empoisonné.

Spoiler:

J’inspire une grande goulée d’air en émergeant du souvenir et cligne des yeux plusieurs fois pour chasser l’horrible vision. Sans succès. Toujours et encore ce rouge sur fond blanc imprimé sur ma rétine, indélébile. Le visage de cette femme que je ne connaissais pas et ne connaîtrai jamais, la plaie béante de sa poitrine, ma froide indifférence face à la morte. Et surtout les yeux écarquillés de ce gamin face à nous – moi et cet autre inconnu qui forcément sait qui je suis – en train de traîner le cadavre jusqu’à cette grange. Pour que tout le monde le voit. Pourquoi cette mise en scène ? J’avais reçu des ordres, mais des ordres de q… ?

La réalité s’impose à moi d’un coup, alors que je lutte encore pour reprendre pied dans la réalité. J’ai tué. Quelqu’un. De ces deux mains que je lève devant mon visage avec un air incrédule, sentant deux larmes rondes couler doucement sur mes joues. Apparues puis disparues comme un mirage fulgurant. Avais-je tué pour une cause que je croyais juste par le passé, ou simplement parce que je n’étais pas assez forte pour suivre ma propre voie ? Et puis quelle mort stupide pour cette pauvre femme, elle n’avait même pas eu l’occasion de… Stop ! Réfléchis, respire, n’oublie pas mais ne fait pas de ce souvenir quelque chose de tangible. Ce qui est fait est fait, le seul moyen de réparer ces erreurs est de rester calme et de continuer à découvrir ce qu’il se passe dans cette ville. Et puis savoir pourquoi elle a pris nos souvenirs à tous, aussi.

Un peu chancelante, j’observe ce qu’il s’est passé autour de moi durant mon « absence ». Les images repassent en boucle dans ma tête comme un film en accéléré. Je ne suis pas la seule à avoir tué, ici et, que je le veuille ou non, cet assassinat fait partie intégrante de moi, alors autant passer outre. Et surtout me dire que j’ai eu la présence d’esprit de ne pas également tuer ce gamin se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Dieu est loin déjà, entouré par des ronces qui le coupent de nous. Pas une grande perte ; franchement, il n’a qu’à aller saouler quelqu’un d’autre avec son arrogance. Apple est toujours aussi serein et… Pardon ?! Qu’entends-je ?! Août qui rassure Joke en la serrant contre lui ?! Qu’est-ce qu’elle a vu, la petite crevette, pour pleurer comme ça, à la limite de la crise de nerfs ? Remarquez, en ce moment, aller fondre en larmes dans les bras de quelqu’un serait une option vraiment tentante… Mais je n’ai pas le temps de craquer, même après ce que j’ai fait. Je pose une main sur l’épaule d’Apple et marmonne d’une voix qui se veut ferme mais qui part en vrille sur la fin de ma réplique :

-L’aristo’ est bloqué de nous par ces ronces, rien ne t’oblige à rester avec ces deux-là, m’enfin, fait ce que tu veux. Moi, je crois que je vais… rester seule un moment.

Parce que c’est un fait, je suis dangereuse. Puis je marche vers Joke et Août. Ce dernier l’a porté jusqu’à un arbre et lui tend à présent la main avec un sourire provocateur. Vraiment, j’ai du mal à les voir rester calme pendant cinq minutes lorsqu’ils sont ensemble, ces deux-là. Je m’accroupis devant la petite montée sur ressort pour le moment complètement abattue et lui lance un sourire hésitant.

-Allez, Joke, ne craque pas pour quelque chose qui n’a rien à voir avec l’instant présent ! Ce qui compte c’est où tu te tiens maintenant, et ce que tu peux faire pour redresser ta vie. Elle vaut certainement plus d’être vécue que la mienne… Et puis tu vas quand même pas te laisser traiter de crevette par notre cher ami le blasé, non ?

Je me contrefiche qu’il soit juste à deux centimètres de moi et que lui aussi a tué par le passé., je ne le crains pas. Je me redresse en inclinant la tête :

-Et toi, Août, veille bien sur elle… Je vais… Je pense que je vais aller…

Où me rendre ? Je crois que ça n’a pas beaucoup d’importance. Et puis pitié, libérez-moi de cette petite voix cassée, Je. Ne. Suis. Pas. Faible ! Oui, c’est une évidence… et ces larmes qui commencent à couler sur tes joues témoignent très évidemment de ta très grande force, hein ? La ferme !

Spoiler:

Le rouquin ne semblait pas très commode. Il répondit à la demande d'Apple qui ne put qu'apprécier cela mais la façon dont il s'exprimait montrait qu'il ne désirait pas sympathiser. Le brun se contenta donc de retenir les informations loin d'être rassurantes puis observa la suite de la scène. Dieu s'éloignait. D'un geste, la pomme tenta de le rattraper mais un mur de ronces apparut l'empêchant d'avancer plus. Décidément, cette ville paraissait n'en faire qu'à sa tête. Avec attention, il cherchait un endroit où il pourrait passer pour ne pas laisser le gamin seul mais la forteresse était imprenable et il se contenta de soupirer lourdement avant de se tourner vers les autres. Son moral commençait à sérieusement diminuer. Il avait beau tenter d'être optimiste, de rester agréable avec les autres, cela ne semblait pas porter ses fruits et la sensation de perdition demeurait, l'envahissant avec force. Ajouté à cela, la solitude tenait son cœur encore serré à cause du souvenir que la boule lui avait offert. Cette jeune femme qu'il avait vu... Où était-elle maintenant ? Comment se portait-elle ? Et surtout, qu'allait-elle lui dévoiler à ce moment ? Le fil de ces questions sans réponse fut interrompu par Xéna qui s'adressait à lui. Seule ? Il ne pouvait que comprendre que le morceau de mémoire l'avait affecté grandement, tout autant que la jeune fille qui s'acharnait sur Aout.

Ne souhaitant pas les déranger, Apple se dirigea à la suite de la brunette, attrapant son poignet avec douceur. La vision de son visage lui pinça le cœur. Des larmes avaient commencé à rouler sur ses joues mais le brun hésitait. Il aimerait la réconforter, car elle en avait visiblement besoin, la prendre dans ses bras, essuyer ses larmes mais l'accepterait-elle ? Il avait bien remarqué ce caractère bien trempé qu'elle possédait - comme la plupart des gens qu'il avait remarqué jusqu'à présent d'ailleurs - alors il n'osait pas, ne désirant pas la gêner ou la déranger en se montrant trop invasif. Il se mit donc à parler sur un ton assez bas et apaisant.

"Tu as dit toi-même que rester seul n'était pas une bonne idée dans cette ville... Je peux t'accompagner si tu tiens à aller dans un endroit plus calme... Je sais qu'on ne se connait pas mais je peux rester silencieux, ou t'écouter ou encore te prêter une épaule pour pleurer si ça peut t'aider."

Sa proposition -peut-être risible aux yeux de certains - était emplie de sincérité et sa gentillesse se lisait dans son regard. Il voulait aider. Il souhaitait sincèrement arrêter ce flot de larmes sur ses joues mais il se doutait bien qu'elle risquait de refuser. Qui accepterait l'aide d'un inconnu ? Bien que les circonstances soient hors du commun, il restait une personne qu'elle venait de rencontrer et la confiance n'apparaissait pas en un instant. C'était pour cette raison qu'il ajouta avec un léger sourire.

"Et puis, si un loup vient nous attaquer, je cours surement moins vite que toi donc je serais utile pour lui remplir l'estomac avant qu'il t'atteigne."

Blague nulle ? A coup sur mais il espérait lui changer un peu les idées, qu'elle ne se focalise pas seulement sur ce souvenir apparemment terrible qu'elle venait de voir. S'inquiéter pour les autres dans cette ville apportait beaucoup de soucis de ce qu'Apple réalisait. Comment allait les trois autres de la gare ? Et Dieu ? S'en sortirait-il seul ? Encore et toujours une foule de questions qui malmenaient son cerveau, menaçant de lui causer une migraine.

Elle sourirait, si Elle pouvait. Oui, elle jubilerait de la réaction de ses jouets. Quel bonheur de les tourmenter, de leur offrir des cadeaux empoisonnés. D'ailleurs, en parlant de cadeaux empoisonnés... Elle laisse échapper un nouveau souvenir, qui vient flotter devant le visage d'Apple. Elle a hâte de voir sa réaction...

Spoiler:

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