East Jesus Nowhere

Landscape:

Je ne saurai dire exactement quand j’ai commencé à émerger. Mais comme sortant d’un lourd sommeil sans fond, je reprends conscience de mon corps, me retrouvant… là. Avant d’ouvrir les yeux, je sens que ma nuque me lance, à cause d’une mauvaise position. En même temps, je suis affalée, moitié assise moitié couchée, sur un truc dur, contre un dossier dont l’angle est parfaitement droit. Quelle idée d’avoir dormi, apparemment longtemps vu l’engourdissement de mes membres, sur un truc pareil ?
J’ouvre les yeux, un néon défaillant, illuminant l’endroit par intermittence, éclairant le lieu. Un nom me vient tout de suite à l’esprit. Je suis dans une cabine de train ? Pourquoi donc ?
Une question me transperce alors, et je plisse légèrement les yeux. Pourquoi je n’arrive pas à retrouver mon propre prénom ?
Que je ne sache pas ce que je fiche ici passe encore, j’ai du mal me débrouiller, m’endormir en prenant le train… Mais que mon identité m’échappe était plus problématique. Et puis, un détail attire mon attention. Ce train me donne l’impression d’être… Ancien. Pas que à cause de ce fichu néon pas capable d’éclairer là où je suis plus de vingt secondes, mais parce que les banquettes rouges –super inconfortables au passage-, les porte-bagage, et même le sol semblait différent de ce à quoi je pourrais m’attendre.
Et va savoir pourquoi, mais je n’arrive pas non plus à me souvenir de ce qui serait normal à voir dans une cabine de train, ce que j'ai déjà du voir au moins une fois dans ma vie pourtant. C’est une histoire à coucher dehors, cette amnésie. J’ai du me cogner la tête, bien joué, vraiment. Bon. Une chose après l’autre.
Je m’appelle je ne sais comment. Je ne connais ni mon âge, ni d’où je viens. Ni même à quoi je ressemble tiens. Ce que je fais ici ? Je ne sais pas non plus. Bon. Au moins, je ne suis pas en train de me faire bouffer par des ogres géants, parce que là c’est vraiment déjà assez loufoque.
Ensuite. J’ai beau réfléchir, je n’arrive vraiment pas à trouver quoi que ce soit. Aucun souvenir. Sauf…
Ce corps nu qui jamais plus ne s'animera d'un souffle de vie.
La salle est propre.
Et elle sent le chlore.

Le souvenir m’assaillit, et d’un réflexe venu d’une période dont je ne me souviens pas je me mords la lèvre inférieure. Ok, génial. Sympa comme seul et unique indication sur qui je suis.
Je me secoue intérieurement. Trêve de remue-ménage inutile. Je n’arrive pas à me souvenir de quoi que ce soit, excepter cette personne dont l’aiguille est plantée dans le corps, et cette entêtante odeur de chlore qui en vient à phagocyter la véritable effluve m’entourant, celle du train sentant le vieux et la poussière.
Donc, je me reconcentre. Il y a bien quelque chose qui pourra m’aider. Fourrant mes mains dans les poches du jean bleu que je porte, j’espère avoir eu le bon sens d’avoir pris avec moi, de là d’où je venais, où que ce fut, des papiers d’identités, ou autres trucs du genre.
Tout ce que j’en sors est un journal, dont je prends à peine le temps de regarder, juste assez pour remarquer qu’il est italien –et noter dans un coin de ma tête que je comprends ce qui est écrit- avant de sortir un objet rond de la poche de l’autre coté, que je reconnais avant même de le voir. Une pomme, très belle d’ailleurs, sans aucune imperfection. Bon, ben au moins, je sais pas qui je suis mais je peux me faire un encas… Pourquoi j’ai l’impression qu’on se moque de moi ?
Avec un soupir désabusé, je remets les objets dans mes poches vides, avant de fouiller celles de ma veste –très belle veste en cuir noir-. Un flacon de forme hexagonale sort de la première, où le mot " ASPIRINE " est marqué en horizontale. Je sais très bien que c’est un médicament, anti-inflammatoire non stéroïdien. Sérieusement, j’aimerai bien savoir pourquoi j’arrive à me souvenir de ça et pas de mon nom. Faut vraiment que je fasse attention quand je me cogne la tête, ou autre chose dans ce genre-là.
De mon autre poche je sors… une bombe anti-agression ? Ok. Si tu veux hein. Enfin, c’est toujours utile. Mais j’ai une intuition qui me dit que, avec ou sans ça, je n’ai pas de problème pour me défendre. Si je ne sais pas qui je suis, je sais au moins que je ne suis pas celle qui ira me réfugier dans un coin au moindre problème.
Rangeant ces deux autres objets, je m’étire pour dégourdir définitivement le reste de mon corps, faisant sans faire exprès craquer ma colonne vertébrale, avant de me lever. Remarquant un mouvement sur ma droite, je tourne la tête
Mon reflet me regarde, une expression neutre sur le visage, sereine sans pour autant sourire. Il fait nuit, aussi je me distingue sans aucun problème malgré la défaillance du néon. Bon. Sa va, je ne suis pas moche. Mes yeux attirent mon attention. J’ai un sacré regard ma parole. Et de beaux cheveux. Oui, d’accord, y a vraiment pire. Mais je vais pas m’extasier devant moi-même pendant dix minutes non plus. Fermant ma veste, je sors de la cabine, puis du wagon d’une démarche sur, sans bruit.
Je ne m’étonne même pas de l’absence de personne dans le train. Je le sentais venir comme la pluie avec les nuages. Ça frôle le ridicule cela dit. Surtout quand je remarque que le quai est désert, lui aussi. Evidemment. Tellement prévisible. Eh bien, soit.
Je mets une mèche rebelle qui était venue me gêner derrière mes oreilles. Je ne dirais pas non contre un élastique pour m’attacher les cheveux, mais je crois que c’est trop demander pour le moment. Je remarque alors, dans ce geste, que j’ai quelque chose après le poignet. Je remonte légèrement ma manche.
Une montre digitale est après mon poignet. Sauf que, super, malgré le fait que j’arrive à lire grâce à un léger effet de lumière de l’objet, je comprends que c’est pas ça qui va me donner l’heure. Un trio de deux chiffres est affiché, se déroulant à l’envers. Les heures avant qu’un tremblement de Terre ne précipite tous les humains dans les abysses ? Aller, la personne qui m’a fait ça –car ça sent le canular à plein nez- est vraiment risible là. Bien, je vais me contenter de penser qu’il fait nuit. Donc on est entre vingt-deux et six heures. Si on est en été. Oh, génial. Je ne connais même pas la saison.
J’avais bu ou quoi ? Va savoir. Je ne pense pas avoir envie un jour de me taper une cuite au point de perdre la mémoire momentanément, mais rien ne me dis que c’est impossible. Je verrai bien quand la mémoire me sera revenue.
Je regarde autour de moi, dans cette gare mal éclairée. Vers la droite, puis je retourne la tête… Je refais un brusque mouvement vers la droite, mais de tout mon corps. Là-bas. Il y a quelqu’un, par terre.
Mue par un étrange pressentiment, je rejoins rapidement la forme étendue au sol. Forme, parce que personne serait un bien grand mot. Son visage est déchiré, entouré par des mèches brunes, tout comme le reste de son corps. Ce dernier baigne dans son sang. Cette vision m’arracha un hoquet. La blague n’est vraiment plus drôle maintenant. Pas la peine de tenter quoi que ce soit, ce garçon est mort. Où est-ce que j’ai mis les pieds ?!
Il est tout blanc.
Petite poupée qu'on pourrait briser.
Il est mort.
Il est mort, regarde.
Regarde son teint blême et tes mains moites.
Ça sent le chlore.

L’odeur et la vision d’un corps de porcelaine m’assaille à nouveau, et un léger son entre le gémissement de douleur et de dégoût. Bon sang. Il faut que je me calme. Détourne la tête. Inspire. Expire. Sa ira. Sa va aller. Tout ceci n’est qu’une vaste blague. Et de toute façon, tu ne peux rien faire pour ce garçon.
Relevant la tête, à nouveau déterminée, je tourne les talons. Dès que je trouve le débile mental qui a fait ça, je l’épingle au mur avant de le laisser dessécher. Cette personne est totalement tarée.
Alors que je relève la tête, mettant de plus en plus de distance entre le cadavre et moi, je vois ce que j’avais faillit remarquer avant de me retrouver face à ce spectacle sanglant.
Un immense pont solitaire se dresse au loin. Tant qu’à vouloir aller quelque part, au moins avoir une idée de destination. Voilà qui est trouvée.
Marcher me fait du bien. Même si les deux images superposées de morts me hante, je vais bien, je respire sans problème. Au moins c’est déjà ça. Et je suis prête, si jamais un malade mentale me tombe dessus, à me défendre, j’ai bien compris qu’il valait mieux être prêt.
Le pont se dresse enfin face à moi. Avec assurance, je le traverse. Enfin, je commence à le traverser. Puisqu’au bout de vingt-trois pas –je les comptais afin de ne pas perdre ma concentration sur le silence m’entourant, prête à remarquer jusqu’au moindre bruissement d’aile ou craquement de branche- je dus me figer, comme toute personne normalement constituée. Attends, c’est quoi ÇA ?!

« Pour traverser...Il faut payer... Payer... »

La voix est halée, fantomatique. La chose avance légèrement, faisant craquer le bois du pont dans le silence. Je n’arrive même pas à comprendre ce que c’est, la forme est indistincte derrière le brouillard entourant ce pont –sacré brouillard, et bien trop enquiquinant à mon goût-. Je suppose que les superstitieux aurait encore crut à un fantôme, ou leurs trucs imaginés de ce style. Mais ça ne prend pas avec moi, désolée. J’hausse des épaules, reprenant ma marche en me traitant d’idiote pour avoir été intimidée par un truc aussi grotesque. Mais ce truc insiste, d’une voix glauque qui résonne dans le lieu, et malgré tout mon calme je sens la chair de poule recouvrir mon dos. D’une voix agacée, mais claire, je lui lance:

« Arrête un peu, ça prends pas avec moi, dis-moi plutôt où on est, qui tues et c’est quoi le bordel qui a ici !
-Payer… »

C’est qu’il est lourd à la fin! Mais cela dit, si ce n’est qu’une question d’argent, je peux m’arranger. Il m’indique où on est, je retrouve mon chemin et au moins je serais tranquille, quitte à perdre quelques euros.

« Ok, c’est bon, je vais te payer, maintenant dis-moi où on est ! »

Mais à ma grande surprise, l’ombre fantomatique disparaît alors sous mes yeux, comme si elle n’était que brume se faisant emporter par le vent. Je fronce des sourcils. Ça, je ne pouvais pas dire que ce n’était pas bien fait. L’effet était super, on aurait presque pu y croire. Mais en attendant, je n’ai toujours pas ce que je voulais ! Serrant les dents, j’ai trop conscience que ça ne sert à rien pour moi de me mettre à essayer de rappeler la personne qui était derrière cette imitation de spectre, aussi je reprends mon chemin. Il ne fallait pas que je m’énerve, ça ne m’avancerai pas. Je me contraints donc au calme, avançant dans le silence.
Un bâtiment se détache alors, peu après que j’ai finis de passer le pont, du ciel. Une finition en flèche me fait comprendre le but de l’édifice. Une église, un de ces lieux où les chrétiens vont prier un Dieu qui n’a jamais montré de vrai signe de vie. Soit, j’ai peu d’espoir, mais il y aura peut-être des personnes vivantes ici.
Je cherche la porte d’entrée, que je ne tarde pas à trouver vu la petitesse de l’édifice, perdue dans mes pensées. Je commence vraiment à trouver cette blague très, très mauvaise. Résignée, mais comptant bien faire payer à celui ou ceux qui sont derrière tout ça leur humour douteux qui m’oblige à suivre ce qui devait sans doute être des règles de jeu, j’entre dans le bâtiment. Une musique me parvient alors aux oreilles, douce mélodie… Donc il y a des gens ici, en train de faire de la musique !
Retenant un soupir mêlant lassitude et soulagement, j’avance –remerciant mes bottines de ne pas faire de claquement sec typique des talons, qui aurait été affreusement résonnant ici, avançant d’ailleurs précautionneusement de façon à ne pas faire de bruit dans cet endroit-, comprenant seulement maintenant que je n’ai pas plus que ça envie de trouver des personnes. C’est une envie soudaine du à ma découverte qu’il y a des personnes, forcément, vu ce qu’il s’était passé sur le pont, mais en fait je préfèrerai me débrouiller seule. Mais sans identité, sans mémoires et sans idée de où je suis, il faut bien que je me résigne à voir les gens ici présent.
Il fait absolument noir ici, et le silence est total si on escompte la litanie légère et douce mais entêtante du lieu. C’est comme ça que je réussis à tomber sur quelqu’un, très grand et adossé contre un mur, que je n’avais même pas remarqué.

J’ai du mal à discerner les traits de l’homme, mais sa silhouette me serre le cœur quand je lève les yeux vers lui. C’est quoi au juste ce sentiment ? Je dois utiliser toute ma volonté pour ne pas avoir de mouvement de recul. Génial, maintenant je ne sais pas qui je suis, mais en plus je n’arrive pas à comprendre ma propre tête. C’est quoi la suite ? Je vais rejoindre une armée de psychopathes ?
Mais la voix de l’homme arrête net mon ironie interne. Cette voix, je le connais, j’en suis certaine. Mais va savoir d’où, parce que j’ai beau réfléchir, je n’arrive pas à me souvenir de quoi que ce soit.

« Tu ... es qui ? »

Bonne question quand même. J’aimerai bien avoir la réponse tiens. Seulement, mon sarcasme reste bloqué dans ma gorge. Hého, réveille-toi ! Tu vas te laisser intimider par un homme ? Tu le connais ? Tu n’arrive pas à détacher les yeux de lui ? Arrête d’être paralyser d’admiration et de doute ! Reste droite !
Quand enfin j’arrive à me reprendre, l’homme continuait :

« I mean ... Peu importe. Je suis Loki. C'est un surnom, bien sûr. Mais il semblerait que tout le monde soit amnésique, ici. Toi aussi, j'imagine ? »

Je me secoue. Alors qu’il parlait, une flèche douloureuse s’était fichée en moi, le fait de le voir m’étant étrangement difficile. Il est qui ? Enfin, pour de vrai ? Je fouille dans ma mémoire mais tout ce qui me vient est cette fichue odeur de chlore, et l’image de cette personne morte… Cependant je n’ai pas le temps de m’interroger plus que ça. D’une voix plus hésitante que je ne le veux, je prends la parole.

« Oui, je ne sais pas vraiment ce que je fiche ici, ni qui je suis. J’ai l’impression qu’on se moque de moi. Mais c’est quoi cette histoire de tout le monde est amnésique ? Le doute me prend alors. Vous aussi vous faites partie de ceux qui sont derrière ce canular ? »

Une autre voix me fais alors me retourner, quittant enfin des yeux l’homme qui m’est si étrange comme compagnie.

« Tu peux m’appeler Jad… Landscape. Ça fait combien de temps que tu es là toi… ? »

Bien que je relève son hésitation sur son propre prénom, je ne fais pas de remarque par rapport à ça. Sans même m’en rendre compte, je m’étais éloignée du dénommé Loki quand l’autre m’avait parlé. Je le vois, silhouette sombre surmonté de cheveux couleur blé, assis sur un banc. Il semble tellement perdu que je doute qu’il soit pour quelque chose dans un sale coup qui va jusqu’à tuer, ou utiliser le cadavre de quelqu’un…
Comme de la porcelaine.
Petite poupée qu'on pourrait briser.
Il est mort, regarde.
Ce corps nu qui jamais plus ne s'animera d'un souffle de vie.
Un vent frais passe par la fenêtre ouverte.
La salle est blanche.
Et elle sent le chlore.
Ces images, toujours ces images… Et cette odeur…

« Depuis pas longtemps. Tu dormais ou quoi ? Le pire, c’est que c’était peut-être le cas. Et je réponds à la toute première question qui m’avait été posée, bien que regardant toujours vers le blond. Et je m’appelle… »

Hésitation.
Non. Je n’hésite jamais.
Elle sent le chlore.

« Chlore. Et je vous promets que si vous êtes pour quelque chose dans tout ça, vous me le paierez cher. Je peux savoir où on est ? »

Ma voix était de nouveau claire, assurée. Je me force pour regarder le dénommé Landscape, mais au moins mes efforts sont utiles, j’ai récupéré tous mes moyens, même si dans un coin de ma tête je me pose toujours énormément de questions. Au moins j’ai trouvé âmes qui vivent, donc je serais bientôt rentré –si, comme me souffle mon instinct, il n’y sont pour rien dans cette mascarade- chez moi, et j’espère avec toute ma mémoire. N’est-ce pas ?

HJ:

C’est l’homme, celui-là même que je n’ai absolument pas envie de regarder à nouveau, de peur de ne pouvoir détacher les yeux de lui, qui me répond le premier. Ils ne savent pas non plus ? Bon. Soit ils font très bien la comédie, soit ils disent la vérité. Fichu intuition, j’aimerai mieux croire que c’est la première idée qui est la bonne, mais malheureusement je pense qu’ils ne sont vraiment pour rien dans tout ça…
Quelle ville est abandonnée, de nos temps ? Je n’aurai jamais songé que ce soit possible. Enfin, je n’aurai jamais imaginé qu’un homme puisse me faire perdre mes moyens, comme quoi, il y a un début un tout… Mais par contre, c’est la première et dernière fois que je me suis laissée déstabiliser par ce mec.

« Si tout ça est un canular, on en ferait partie Loki et moi... De plus, il serait parfait comme canular franchement... Surtout l'effet que j'ai reçu à la poste. »

Bon, lui je sais que je le crois. C’est bizarre, mais pourtant, c’est le cas. Surement parce que l’autre m’avait trop déstabilisé pour que je le crois assez, mais celui-ci avec son air à côté de la plaque me convainc. Mais d’un autre côté, ça me dérange que ce soit le cas. Il faut pas que je me mette à dépendre de ces gens surtout. Ne pas m’attacher, oublier cette impression vis-à-vis de Loki.
Le garçon rajoute alors quelque chose. Nulle Part ? Tout ça ne m’avance donc pas, je sais juste le nom –ridicule- de cet endroit, ainsi que je ne suis pas la seule perdue. Mais ça m’avance vraiment pas. Je commence à devoir faire des efforts pour pas céder à l’énervement avec tout cela.
Heureusement, je vois alors la blessure que pense sommairement le garçon blond, et je sursaute en sentant… le savoir ? Je sais exactement. Nettoyer. Désinfecter. Panser. Surveiller. Seulement, je n’ai rien pour le faire maintenant. Alors que je m’apprête à m’approcher, mue par un instinct m’ordonnant de soigner ce Landscape qui devait souffrir, Loki parla dans mon dos.

«On se connaît, non ..? »

Je me raidis, sans pour autant me retourner, restant droite, tendue. Je garde ma tête obstinément vers le garçon aux cheveux de blé. Donc cette impression n’est pas que la mienne ? Mais c’est quoi ce foutage de gueule, comment un truc aussi bizarre est possible ? Je me suis promis de ne plus me laisser déstabiliser. Eh bien bravo, Chlore, bravo. Enfin bon. Il faut que j’aide Landscape. Je me contente donc d’hausser des épaules, et de répondre vaguement, ma voix parlant immédiatement à son écho.

« J’en sais rien. C’est possible. »

Surtout, je ne lui montrerai pas mon doute. Il ne faut pas que je me trahisse. Je commence donc simplement à avancer vers le banc ou est assis Landscape, disant autant pour lui que pour moi :

« Tu as besoin de soin, montre-moi cette blessure. »

Deux boules lumineuses entrent alors dans la bâtisse. Me figeant, je les regarde avancer doucement, l’une d’elle s’arrêtant juste devant moi. Je continue de regarder l’autre avancer des yeux, et remarque que la lumière illumine légèrement le visage de Loki, s’étant arrêté devant lui. Je sens ma jambe s’arquer derrière moi dans un mouvement incontrôlé. Si la voix et la silhouette me prouvait déjà qu’il me disait quelque chose, là j’étais purement sur le cul, désolée du langage. Ses traits fins, ces pommettes vraiment marquées, ces cheveux bruns, ces yeux verts que je ne peux m’empêcher de fixer avec autant de fascination que de douleur, cette sensation qui me fait mal quand je respire quand je le vois… Bon sang !
Par un effort de volonté surhumain, je détourne la tête, soufflant malgré moi un soupir agacé. Il faut l’avouer, je suis perdue, de moins en moins bonne humeur, alors pourquoi il y a en plus cet homme, entre vingt et vingt-cinq ans, qui doit encore plus me troubler ?! Mio dio…
Du coup, je pose mes yeux sur la sphère lumineuse de la taille d’une balle de ping-pong. Pas mal grand comme luciole. Mais c’est pas le moment pour elle de venir m’enquiquiner, du coup je la repousse d’un geste las. Seulement, à ma grande surprise je la transverse comme de la brume. Et avant que je n’ai le temps de réfléchir à ce truc super étrange, je me sens aller comme dans un rêve éveillé.

Loki:

Chlore:

Les images défilent, sans que je n’ai aucun contrôle sur elles. Je ne sens plus mon corps, celui dans l’église, seulement celui dans le bar, et je suis sure que si j’avais encore été connectée à celui de l’église j’aurai sursauté en voyant le visage de Loki dans mon… souvenir ? Oui, cela ressemble à un souvenir sous forme de film. Mais je ne ressens que les sensations du bar. C’est quoi ce foutage de gueule ? C’est surréaliste !
Mais je n’ai pas le temps de m’interroger. La scène continue. Ce visage… Il me trouble une fois de plus. Non, mieux, il me refait rire alors que ce sentiment m’avait quitté depuis bien longtemps. Je suis en voyage ? Pourquoi ? Qui est l’homme hantant mon esprit ?
Mais les réponses de cette question ne viennent pas, et je me sens revenir à moi, la première différence étant celle de la température de l’église comparé à celle du bar. Aussi, il ne me reste que des questions. Qui est l’homme qui m’avait donné cette sensation de désespoir qui m’avait saisi à la gorge, restant maintenant encore alors que je suis de retour à la réalité. Ce n’est pas possible tout ça, il y a un problème quelque part. Je n’arrive pas à mettre le doigt sur une explication potable cela dit.
Du calme ! Du calme. Je me sens être tendue. Une chose après l’autre Chlore. Même si ton nom n’est pas celui-ci d’ailleurs. Bon. Primo, l’identité du mystérieux homme. J’ai beau chercher, je n’arrive pas à en savoir plus. Comme si c’était un fragment exact de ma mémoire. Super, non vraiment. J’adore qu’on me prenne comme ça pour une idiote. Parce que c’est vraiment l’impression que ça me donne.
Deuxio, le dénommé Loki –dont je suis persuadée maintenant que ce n’est pas son nom-. Je l’ai sur le bout de la langue, mais dès que je pense mettre la main dessus, ce foutu nom s’envole comme pour me narguer. Donc, on se connait bel et bien, du moins on se connaissait. Depuis ce jour-là d’ailleurs, d’après ce que je viens de vivre. Seulement, qui est-il au final pour moi ?
J’ouvre les yeux à ce moment, me tournant légèrement pour regarder l’homme. Le lieu est à nouveau plonger dans les ténèbres, les boules de lumière –qui n’était pas de insectes apparemment, contrairement à ce que je pensais- ayant disparut. Le silence renforce encore pus le côté noir de l'endroit, briser uniquement par cette mélodie interminable, que je n'avais plus entendu le temps de mon souvenir d'ailleurs. Bref. Quand je vois sa silhouette, je sens encore ce sentiment de déférence, ainsi que de douleur. Mais je sais aussi parfaitement qu’avec lui, je peux me sentir bien. C’est pire que troublant ma parole.
Enfin, tercio. C’était quoi au juste ça ? Je ne peux pas croire que c’était réel, mais pourtant, ça l’était tellement que j’ai du mal à douter. Quelque chose en moi me dit que c’était bel et bien vrai. Mais mon esprit rationnel s’oppose à une telle possibilité. Il y a une explication. De l’hypnose ?
Me triturer le cerveau ne m’avancera pas, là. Je ne trouverai pas de réponse toute seule, je le crains. Ça m’enquiquine, mais tout m’échappe bien trop pour que je me débrouille seule. Il va falloir que je compte sur un peu d’aide, jusqu’à ce que j’en sache assez pour continuer tranquillement seule.
Cependant je sens une contrindication dans ma tête au moment même ou je pense ça, et je comprends avec mécontentement que je n’ai pas envie de lâcher Loki à un moment où à un autre. C’est une histoire à en faire un rpg sérieusement.
Je n’arrive pas à détacher mon regard d’ailleurs, et c’est pas ça qui m’aide à rassembler tout ce que je sais pour comprendre ce qu’il se passe dans ce maudit endroit. Ses yeux sont presque fermés, je peux juste discerner, ou plutôt deviner, ses yeux verts fascinants. L’intérieur de la bâtisse est toujours aussi sombre, pourtant j’ai l’impression de voir parfaitement les traits du grand homme. Sans doute car mon souvenir, si c’en était vraiment un, était encore bien trop vivant pour que ce ne soit pas le cas.
Ce nez légèrement pointu, ces traits fins, ces pommettes… Je devine tout dans sa silhouette sombre. Et le mélange de sentiment me prend plus fort que jamais. Je vais finir par vraiment perdre mes moyens et m’énerver si ça continue comme ça… Si ce méli-mélo de ressenti était physique, autant dire qu’il aurait une sale tête à l’heure qu’il est, car je l’aurai déjà mis hors d’état de me nuire. Fichue chose immatérielle.
Finalement, j’arrive enfin à dire quelque chose, mais très légère victoire contre mon état troublé cela dit car mes yeux refusent catégoriquement de se détourné de Loki, malgré tous mes efforts.

« Et je peux savoir ce qu’était ce truc ? »

HJ:

C’est Loki qui me réponds, et sa voix me fait l’effet d’un ouragan dans ma tête.

« Un souvenir, bien sûr. Ils apparaissent, parfois. Quand des éléments de notre passé refont surface ici »

Il se tait. Et je sens que tout mon corps demande à ce qu’il parle, encore, à ce qu’il entende sa voix jusqu’à en mourir, l’entendre comme pour satisfaire un besoin vital. Il me semble distrait d’ailleurs. Lui aussi m’observe, et c’est presque si on pouvait sentir l’air crépiter. Il me faut savoir ce qu’il s’est passé ensuite avec lui.
Je sens, oui j’en suis certaine, qu’il n’y a eu d’extrêmement bon moment. Mais va savoir lesquels. Et puis, quelle était notre relation ? L’étrange sentiment d’attraction que je ressens, et que j’ai ressenti dans mon souvenir –il m’avait fait rire alors que j’étais extrêmement mal, au point d’aller boire dans un bar-.
Mais je m’égare, une fois de plus. Nan mais oh, ce mec va continuer à me déstabiliser longtemps ? Reprenons. Donc ce sont bel et bien des souvenirs. Je sais que je le crois. Bravo Chlore, tu as une confiance total en cet homme maintenant juste parce que tu l’as vu te parler quelques minutes, et à cause de quelques ressentis.
Mais c’est quoi ce truc trop bizarre ? Je veux dire, comment c’est possible ? Mais Loki reprend alors, m’empêchant de me poser plus la question, me demandant ce que j’avais vu, si je l’avais vu, lui. En fait, ça me frustre un peu qu’il pose une question pareil, tombant en plein dans le mille. Je peux plus faire marche arrière maintenant.
Il faut juste que je m’occupe pour tenter d’y voir plus clair, alors je réussi finalement enfin à détourner le regard, observant à nouveau Landscape qui devait se trouver un peu en marge, pot de fleur de la scène qui se déroule maintenant. Aussi j’avance vers lui tout en répondant à l’homme dans mon dos :

« Oui. Nous étions dans un bar, ne nous connaissant pas encore.

Je me penche vers la blessure du blond. Beurk, vraiment répugnant. C’est pas comme ça qu’il va attirer les filles. Elle suinte de façon dégoutante.

« On… faisait connaissance apparemment. Si ce souvenir est vrai.

Je n’ai vraiment pas envie de m’attarder sur le sujet. Et puis, en même temps, même si l’homme obnubile mes pensées, je me maudis de ne pas avoir dans ma poche un désinfectant pour la blessure de Landscape. Des bouts de bois sont fichés dans sa plaie, et je les lui enlèverais bien mais j’ai peur que ce n’aggrave tout. Comment je sais tout ça moi d’abord ?

« Je ne peux rien faire, peste-je, il faudrait une pharmacie ou un truc du genre.

Après cela, n’y tenant plus, je me retourne vers Loki –pourquoi mon cœur fait-il un bond quand je le vois ? Rolala- et lui demande :

« Et toi ? Tu as vu quoi ? Tu es qui au juste ? »

J’aurai bien aimé être agressive pour la peine, et pourtant ma voix reste douce, presque un murmure. Al diavolo ! Je déteste être perdue comme ça !

J’entends le blond dire quelque chose entre ses dents, dont je ne saisis pas le sens. A vrai dire, je m’en fiche un peu. Mes yeux sont fichés dans ceux de Loki, attendant ma réponse. D’ailleurs, je les vois légèrement bouger dans l’obscurité, monter au plafond avant de redescendre vers moi. Je devine sans peine qu’il n’a pas du apprécier la remarquer du blond, va savoir pourquoi. Et enfin, j’ai ma réponse.

« J'ai vu la même chose. Le bar, la discussion ... »

Je vois sa silhouette hausser des épaules dans l’obscurité que mes yeux arrivent légèrement plus à percer maintenant qu’ils y sont habitués.

« Mais ce n'est pas le premier souvenir que j'ai. I mean, pas le premier souvenir de toi. Et dans ce souvenir, well ... On était ensembles, de toute évidence. »

Etrangement, ce qu’il me dit ne m’étonne pas plus que ça. Un pressentiment je dirais. Donc j’étais avec lui avant d’arriver ici ? Mais pourquoi ne sommes-nous pas arriver ensemble ? Un couple… Je trouve cette idée étrange tout de même. Je veux dire, de ne même pas me souvenir de mon… petit ami ? Ouah, ok, ça c’est vraiment bizarre à dire.
Enfin bref, revenons-en à nos moutons. Il me regarde dans les yeux, mais je ne peux m’empêcher de rester sur mes gardes, même si tout me crie de le croire. Sans doute un vieux réflexe. Après tout, dans mon souvenir j’étais prête à l’attaquer avec ma bombe anti-agression –je sais que c’était elle-. Bon. Je sens que mes muscles sont légèrement crispés, et je me retiens d’avoir un mouvement de recul face à cette révélation. Mais je tiens bon. Ce n’est rien de spectaculaire non plus.

« Si ces souvenirs sont vrais. »

Pourquoi je cherche des arguments que je sais moi-même inutile ? Un sourire nait alors tout seul sur mon visage. Le sourire franc mais farouche d’une tigresse.

« Et je peux savoir pourquoi tu étais dans ce bar à boire ce jour-là ? »

Non, je n’esquive pas le sujet. Mais je ne vais pas non plus lui sauter dans les bras, je ne suis pas un chat domestique à qui on met un collier. S’il me veut, il faudra me dompter à nouveau. Et je sais au fond de moi que je n’attends que ça, mais c’est pas comme si j’allais le lui dire.

Loki met un certain temps à répondre. A vrai dire, je suppose sans peine qu’il hésite à me répondre. Il m’aurait posé la question, c’est ce que j’aurai fait. Enfin, ça me laisse le temps de reprendre totalement pied avec la réalité. Première chose. Avant, le bout de papier qu’avait Landscape en main, c’était quoi ? J’avais rêvé, où c’était une carte ? C’est intéressant ça. Je ne peux pas lui piquer des mains, surtout qu’un espèce d’instinct médicinal m’interdit de m’en prendre à quelqu’un en mauvais état, mais je garde cette information dans un coin de mon cerveau.
Cela dit, la phrase de Loki tourne encore dans ma tête. Cette manière de parler, laissant échapper des mots d’anglais… Evidemment que je le connais. Mais maintenant que je sais ça, s’il-te-plait toi là-haut maitre d’un jeu ridiculement bizarre, j’aimerai bien en savoir plus tiens. Je sais que j’ai des tas de souvenirs de lui, instinct féminin sans doute. Mais ils sont à la lisière du réel, refusant de se dévoiler. Autant dire que ça me frustre.
Le blond parle alors, et je tourne ma tête vers lui. Il sortait de l’église.

« Je vous laisse, je vais au centre commercial à l'ouest. Libre à vous de me suivre même si je doute que la traversé d'un marais soit à votre goût. »

Comment sait-il pour le centre commercial ? Oh, la carte sans doute. Oui, elle peut être utile, c’est définitif. Aller avec lui ou non ? Je n’ai vraiment pas envie d’aller vers un lieu aussi vague qu’un centre commercial en passant par des marais qui pourraient très bien réserver, qui sait vu le sadisme de ceux derrière tout ça, de mauvaises surprises. L’homme aux cheveux bruns achève de me décider. Seulement, la carte m’intrigue vraiment, elle ne peut que être pratique pour qu’on sache où on va. Aussi, peut-être même plus pour l’objet que pour le possesseur, je lance au garçon :

« Reviens ici quand tu seras soigné –parce que c’est pour ça que tu vas jusqu’à traverser un marais seul n’est-ce pas-. Si tu n’es pas là dans deux heures, tu devras te débrouiller. C’est pas moi qui vais traverser un marais pour un lieu où on est même pas sur de trouver ce qu’on veut.

Je sens que je n’apprécie pas de le laisser aller là-bas tout seul, bien que ce ne soit en réalité que pure raison médicale, mais je lui tourne le dos sans hésitation pour regarder à nouveau Loki. Hého, tu te calmes petit organe dans ma cage thoracique appelé cœur, merci bien. Ce n’est qu’un homme, pas la peine de t’emballer comme ça.

« Tu l’as trouvé où au juste ? On dirait un chiot abandonné. »

Je n’aime vraiment pas l’idée que Landscape soit parti. Je ne me fais pas de sang d’encre, non, mais on va devoir l’attendre. En même temps, l’abandonner aurait été un peu inhumain, surtout après avoir vu le… le cadavre de ce mec dans la gare…
Je me secoue. Ne pas penser à ça. De toute façon, s’il est pas capable de revenir et de se débrouiller tout seul, tant pis, il n’aurait fait que nous encombrer. Sympathique à dire, je sais, mais c’est comme ça.

« Let’s say… problèmes familiaux. Je ne me souviens pas de tous les détails. »

J’ai l’impression qu’il esquive la question. Ou alors je psychote. M’enfin, c’est son droit après tout. Mais il ne me laisse pas le temps de trouver si c’est moi ou non. Adosser au mur, il me retourne la question. Génial. Mais après tout, pourquoi ne pas lui répondre ce que j’avais répondu dans mon souvenir ? S’il a vu la même scène que moi, il ne peut pas être dans ma tête pour savoir la vérité.

« Un voyage... Je ne me souviens pas de tous les détails. »

Un léger sourire accompagne la fin de ma phrase, mais je sens mon regard se détacher de Loki –alors que j’attendais maintenant depuis un moment d’y arriver, j’avais réussit sans effort, et sa ne m’apporta aucun sentiment de victoire-. Je sais très bien que ce n’était pas l’entière vérité.
En voyage… ? Ou en fuite…?
Heureusement, j’arrive à enlever le voile de ténèbres ayant recouvert mes yeux une demi-seconde, les relevant. Evidemment, ils se reposent sur l’homme. On aurait dit un aimant à yeux. Super, non vraiment, c’est génial d’avoir l’impression de même pas contrôler son regard.
Je m’assoit alors sur l’un des banc, enfin posant mes pieds sur le banc, les fesses caller là où les gens posent les trucs pour la messe et leurs mains quand ils prient. Magnifique. Encore des détails que je connais par cœur alors qu’y a pas moyen de connaitre mon nom.

« J’aime pas l’idée de devoir attendre Landscape… Mais bon, j’allais pas laisser un chiot souffrant sans aucun point de retour, et sa carte peut être utile. Je suis arrivé en train, et j’ai eu une… Bonne surprise à la gare.

Il est mort, regarde.

« Quelqu’un avait été tué. Avec beaucoup d’application.

Quelque chose se connecte alors dans ma tête. Le corps de ce garçon… Ses blessures… J’ai un illumination.

« Des animaux sauvages assoiffés de sang dans une ville perdue au nom ridicule de Nulle Part ? On est dans un disney ou quoi ?

Je n’ai pas l’habitude de parler autant. Enfin, je ne crois pas en avoir l’habitude. Mais va savoir pourquoi, une fois de plus, cet homme semble être là pour fausser toutes mes habitudes. Il me déstabilise, je sens que je le respecte sans même le vouloir, il me fait parler… Wouhou, Chlore appelle la Terre, je sors quand de cette histoire qui vire au n’importe-quoi ?

HJ:

Loki sourit. Oui oui je sais, remarque qui ne sert pas à grand-chose. Mais là, en l’occurrence, elle est doublement importante. Parce que, contrairement à certaines personnes que ça aurait sans doute irriter, lui comprend mon ironie. Il sait que tout comme lui, je n’ai pas tout dit –et que je sais qu’il était évasif-. Et puis, en plus, je sens une vague de bonheur m’assaillir en le voyant sourire, non il sourit même encore un peu plus là. Cela dit, dans une étrange paire, je ressens aussi de la douleur. Et l’éternelle question : pourquoi ? Et évidemment, pas la peine de faire un quelconque suspense, la réponse ne vient pas.
Tout ce que je sais, c’est que mon ventre se sert sous les émotions. Et c’est pas ça qui va m’avancer, peu importe l’effet qu’il me fait.
Je le vois redresser la tête à l’évocation d’animaux sauvages, et murmurer d’une voix sombre, qui malgré les circonstances ne se gênent pas de m’assaillir d’émotions une fois de plus.

« Dans les disneys, les princesses ne meurent jamais… »

Que veut-il dire ? Il n’a pas l’air étonné de ce que je venais de dire d’ailleurs. Juste… Sombre. Il n’a plus son sourire. Et je sens que définitivement, cette ville n’est pas celle où j’irai pour me relaxer. Enfin. Je le vois secouer légèrement la tête alors que je continuer à réfléchir. Les princesses ? Il avait vu quelqu’un mourir aussi ? Mais je n’ai pas à tergiverser davantage, car il se rapproche de moi, et sa proximité, bien qu’elle reste tout à fait normale, m’obnubile presque trop pour que je comprenne ce qu’il me dit.

« Crois-moi, l'endroit n'a rien d'une forêt enchantée. La personne morte sur les quais, c'était une adolescente brune ? Parce que si c'est le cas, la bestiole qui lui a fait ça est un loup et, crois-moi, tu n'en as jamais vu des comme ça... »

Respire Chlore, et concentre-toi sur ce qu’il dit. Tout me pousse à me décaler, à mettre à nouveau plus de distance entre nous. Pourquoi cela ? Pourtant, si nous étions vraiment… ensemble, avant tout ça, je devrais pas avoir ces mouvements de recul. C’est le fait de ne pas connaitre mon passé qui créée une barrière ?
Bon sang… Maintenant, non seulement je vais faire regretter à celui qui est derrière tout ça d’être né, mais en plus je vais aussi étriper l’inventeur du mot « pourquoi ». Cette question devrait être proscrite, parce qu’à force de me la poser je commence à en avoir vraiment marre.
Bon. Maudire l’inventeur des questions me fais certes un peu les nerfs, mais ça m’avance pas, donc revenons-en à nos moutons, enfin à nos loups peu importe. Des loups que j’avais jamais vu ça comme ça ? Eh bien, techniquement, même si c’était le cas, je m’en souviendrais pas, donc bon. Mais je laisse tomber l’idée de faire de l’ironie. Ce n’est pas le moment, et parler pour ne rien n’est pas utile.

« Non, dis-je en secouant la tête avant de reposer les yeux sur l’homme, irrémédiablement attirés, cette personne était dans un état absolument repoussant, mais ce n’était pas une fille, même si je ne suis pas sure de pouvoir te l’affirmer, je ne suis pas rester pour le contempler. »

Trop proche…
Je dois utiliser toute ma volonté pour ne pas m’écarter. D’un autre côté, j’aime vraiment qu’il ne soit plus contre son mur, mais le sentiment de douleur se fait un peu plus vif. Ce que je donnerais pas pour savoir ce qu’il s’est passer pour que je ressente tout ça à la fois –parce que en plus d’être désagréable de pas pouvoir contrôler ses sentiments, en plus c’est carrément enquiquinant de pas savoir ce que je veux-.
Je me surprends alors à réfléchir à voix haute –à moins que ce ne soit mon subconscient qui voulait que Loki puisse suivre mes pensées, va savoir dans ce fichu monde-.

« Un loup donc ? L’image était trop vive dans mon esprit pour que j’oublie le moindre détail, aussi je secoue à nouveau légèrement la tête, à croire que c’est une habitude. Non, c’est impossible. Les entailles sont trop, beaucoup trop grosses pour un loup, même s’il était très grand. Et elles étaient beaucoup trop profondes.

De plus, rajoute-je dans ma tête –car ça ne sont pas mes arguments les plus utiles- les loups ne s’en prennent presque jamais aux Hommes. Et s’ils le font, c’est poussé par la faim, or ville abandonnée ou non ils ne s’approcheraient jamais d’un lieu où il y a ne serait-ce que des vestiges technologiques de civilisation humaines, ils préfèreraient la forêt –et je suis certaines, vu les alentours, qu’il doit y en avoir une près de la ville-, quitte à attendre qu’un humain se perde en forêt.
Non mais attends, d’où je sais tout ça moi d’abord ? Sérieusement, je déteste ce mauvais jeu. Je connais le comportement des loups, et je trouve pas mon nom ? Fou-ta-ge-de-gueu-le.