East Jesus Nowhere

« J'aimerais pouvoir te donner raison mais crois-moi, le loup sur lequel je suis tombé dans le train aurait réduit un être humain en bouillie, et ce en un clin d’œil. »

Je me sens frissonner. Une telle horreur n’existe pas. Ne doit pas exister. Mais je sais qu’il ne ment pas. Encore une fois, je fais confiance. C’est vraiment une mauvaise habitude, et je suis sure que c’est en partie parce que c’est lui. Je veux dire, si j’accordais souvent ma confiance, je ne ressentirais pas cette légère pointe de rage de le faire aussi facilement avec lui. Mais comment je pouvais à la fois être si confiante, si admirative de lui et que sa vue me soit aussi douloureuse –bien que plaisante- ?
Sur toute ses réflexions, j’avais réussit à fixer autre chose que l’homme, regardant plutôt le bois du banc pour réussir à peu près à me concentrer, sans réussir cependant à oublier totalement la proximité de Loki. Et c’est pour cette raison que je ne le vois pas approcher sa main. En sentant son contact, je sursaute avec force, les sentiments m’assaillant beaucoup trop vite. Je prends tout sur moi pour ne pas reculer, seul mon bras se décale légèrement sur le côté, ne demandant qu’à être utiliser pour m’écarter de l’homme. Pourquoi ?
Je vais finir par changer de langue à chaque fois que je me pose cette question, je suis sure que en moins d’une heure j’aurai utilisé toute celle que je connais. Enfin, peu importe. En plus, lui aussi a vivement retirer sa main, comme s’il s’était brûlé, et s’en suivit un silence gêné. Que dire de toute façon ? Cette situation est vraiment bizarre, et à la limite du supportable.
La mélodie, toujours aussi douce, commence à m’agacer. Pourqu-non, why j’ai l’impression que c’est encore du foutage de gueule ? Ce n’est que de la musique pourtant. Mais je sens que c’est encore quelque chose qui va bien m’enquiquiner. D’ailleurs, l’homme de mon souvenir reprit la parole.

« This ... Cette musique, toi aussi tu l'entends ? »

Difficile de la raté. Mais je ne dis pas ce sarcasme, une fois de plus. Mais cette fois, c’est car je passe et repasse en boucle la scène qui venait de se passer. Malgré mon affreuse envie de fuir, que je ressens toujours, et que je ne satisfais pas uniquement grâce à une énorme volonté, j’avais tout de même voulu ce contact. Enfin, apprécié, utilisez le verbe que vous voulez.

« Une idée d'où elle peut venir ? »

Ah, tiens, voilà, enfin ce que j’attendais. Une diversion me faisant bouger.

« Eh bien, il y a une seule façon de le savoir. »

Me levant avec un mouvement ample, je reste debout, écoutant quelques secondes la mélodie. Elle résonne, aussi, cela n’aide pas vraiment à la localiser.

« Tu penses qu’il peut être où l’orgue dans cette église ? En haut où près de l’autel ? On y voit rien…

Quelque chose attire alors mon attention. Au sol, là où Landscape s’était assis, se trouve sa cigarette, luissant encore quelque peu. Avec l’espoir, surement vain, de pouvoir en faire quelque chose, je la ramasse avec lenteur histoire de ne pas l’éteindre définitivement, puis je rejoins l’autel que je distingue dans la pénombre. Là. Oui, il y a un chandelier !
Approchant avec des gestes précis, calculé, je l’approche d’une des mèches de la bougie, me mordant la lèvre inférieure. Aller…
J’écarquille les yeux, mais ne fais aucune exclamation ou autre bruit de cet acabit. J’ai réussit à allumer une bougie, pas la peine d’en faire tout un plat. Avec application, j’allume les quatre autre autour de la bougie centrale, celle que j’ai allumée, et considère cette lumière bienvenue. C’est toujours mieux que rien –mais l’électricité est nettement mieux à ça-.

« C’est au moins ça.

J’observe l’homme, dont les bougies dessinent des ombres dansantes sur son visage. Une fois de plus, je me perds dans ses yeux verts.

« C’est... bizarre, comme situation, n’empêche, murmure-je à mi-voix, baissant les yeux vers la source de lumière, tant pour lui que pour moi. Avoir été, peut-être la veille, dans la même pièce que lui, en… couple, et être là, presque comme deux inconnus… Une question me vient alors à l’esprit. Au fait, tu as dit que tu avais eu un premier souvenir,et que c’est comme ça que tu sais qu’on était… ensemble. Il se passait quoi dans ce souvenir-là ?

Je me trouve ridicule n’empêche, de croire à une telle possibilité : des souvenirs qui reviennent au compte-goutte. Et pourtant… Fallait pas que je me mette à me changer en princesse disney non plus hein.

Loki détourne alors légèrement le regard, et je plisse les yeux. Compte-t-il mentir ? Warum ? –Tiens, de l’allemand maintenant- Mais il répond tout de même, accompagnant la fin de sa phrase par un sourire.

« Well, il n’était pas centré sur toi … sur nous. Mais dedans, on retournait chez nous. »

L’utilisation du pronom nous me fait imperceptiblement frissonner. Mais pas de peur. Non, plutôt du sentiment doux et agréable de savoir où est sa place.

« On avait une maison ou appartement, je ne sais plus. A nous. Le style était assez anglais, d'ailleurs »

J’avais peur qu’il me mente, enfin qu’il tente de me mentir, vu qu’il avait détourné le regard. Mais non, je n’en ai pas l’impression. Que pourrait-il me cacher de toute façon ? Ses yeux fascinants se replongent dans les miens, et je crois m’y noyer, quand il conclu par un simple « c’est tout ». That’s all. C’est étrange, mais je sens que cette phrase, cette intonation du moins, tout comme cette voix, m’est familière. Je constate avec fatalité que, c’est sur, je ne le lâcherai pas.

« On était pas censé trouver cette musique ? Avec tes lumières, ça devrait déjà être mieux. Sans compter que le joueur n'est pas très poli de ne pas être venu nous saluer, il est plus que temps d'aller lui faire remarquer »

Un sourire nait alors une fois de plus sur son visage. Un sourire qui remonte en moi tous mes sentiments, sans pour autant réussir à faire ressurgir des souvenirs du passé. Un sourire auquel je répond avec un naturel qui prouvait que ce n’était pas la première fois, bien que je ne m’en rappelle plus, que mon corps réagit ainsi, pas un propre étirement des lèvres, les yeux souriant eux-mêmes avec malice.
Puis, me retournant, j’illumine l’autel avec mon chandelier. Avec un sourire satisfait –qu’est-ce que j’ai à sourire à tort et à travers moi ?- j’attrape un second chandelier, n’ayant que trois bougies, les allume puis les tend à Loki.

« Tiens, prends-les, je vais voir par là-bas. »

Je rajoute presque quelque chose, quand je sens le contact des doigts de l’homme sur les miens, à ce moment. Je serre la main dans le vide, luttant pour ne pas avoir de mouvement de recul.
Douleur.
Perché –de l’italien maintenant. Je crois que c’est ma dernière façon de dire pourquoi- ? Il faut que je combatte ce sentiment, qui n’a pas sa place ici. Mes doigts se sont resserrés dans le vide par réflexe pour réduire la proximité avec la main de l’autre, mais ma volonté m’a empêcher de plaquer mon bras contre mon corps. C’est déjà ça –mais maintenant, ce réflexe bizarre va disparaitre vite fait bien fait. Il n’a rien à faire là-. Je suis sure que cet homme colle à la perfection pour la tigresse que je suis –la preuve, on était ensemble avant notre amnésie anormale-. Donc c’est pas un ressenti stupide qui va m’enquiquiner !
Aussi, je me sens lever les yeux vers Loki, le regarder quelque seconde, toute trace de malice évaporée dans mon regard. Pour la première fois depuis que j’ai perdu la mémoire, je sens que je suis perdue, ça se voit forcément. C’est, t’as vu ? Veni Vidi vici, aller maintenant mon trouble tu dégage, avec un bon grand coup de mes bottines dans le derrière s’il le faut, et tu me laisse tranquille. En quelques secondes, qui semblent durer une éternité, je me reprends, et mon regard redevient neutre. Quelques secondes encore, plongé dans son regard vert qui me noie dès que je le regarde…
Réussissant finalement à reprendre le contrôle, je me tourne sans rien dire de plus vers là où je comptais aller quand je parlais de regarder là-bas, avec mes mouvements amples habituels. Je passais mon ancienne vie à essayer d’imiter les félins ou quoi ?
Je sens mon cœur battre, si fort que je m’étonne d’entendre encore la mélodie, ainsi que je me demande si on ne l’entend pas aux kilomètres alentours. Ce qu’il venait de se passer m’avait… retournée. Mais au moins, je savais que, même si je peux pas contrôler mes émotions, je peux faire en sorte de pas avoir de réaction exagérer. Je ne sais pas pourquoi –on en revient au mot en français tiens- j’ai tellement l’impression de devoir laisser une distance respectueuse entre nous, ni pourquoi j’ai cette sensation de douleur. Mais je vais faire avec, car je ne compte pas me laisser battre. Même par moi-même.
Je pose alors ma main sur une première poignée de porte, tentant d’ouvrir cette dernière, mais qui refuse catégoriquement. Bien. Je vais pas me battre avec un bout de bois non plus hein. Je passe donc à la seconde porte. Elle aussi reste fichtrement close. Et comme on dit jamais deux sans trois…
Seulement, la troisième porte s’ouvre avec un chuintement désagréable, et je lève légèrement mon chandelier pour éclairer sommairement le lieu.

« Là, dis-je à l’attention de Loki, sans hausser le ton, ma voix se répercutant dans l’église, on dirait des… quartiers. Pas de musiciens malpolis dans le coin par contre. »

J’entends Loki venir vers la pièce, alors que j’entre moi-même à l’intérieur. Elle est tout à fait sommaire, cela dit, rien de bien intéressant. Je l’ai sans doute appelé pour rien. Cela dit, je le sens autant que je l’entends dans mon dos, et je sens une fois de plus cette envie de fuir pour laisser plus de distance. Mais d’un autre côté, arrivant à peu près à calmer assez cette fichue impression, je sens que sa présence m’est à la fois agréable et rassurante. Enfin, pas de façon très forte, mais c’est déjà pas mal, vu ma réticence avant d’entrer dans l’église à rencontrer des gens. Je ne crois pas apprécier avoir une foule de gens avec moi. Ça ralentit, ça parle souvent dans le vide pour rien dire. Mais avec cet homme… non. Je préfère être en sa présence que seule –et je suis persuadée que c’est pas quelque chose que je ressentirai pour tous, mettons pour Landscape par exemple-.
Enfin, trêve d’analyse interne. Je regarde encore autour de moi, le chandelier éclairant relativement bien la petite pièce. Il y a une autre porte, au fond, et je mettrais ma main à couper –ou presque hein, c’est qu’une expression- qu’elle donne sur l’extérieur. Quelque chose que me dit qu’il y a parfois ça, dans l’appartement du prêtre, sa remonte à longtemps… Mais l’explication méchappe. Bon, au moins je suis rassurée, je ne me rappelle pas de tous les trucs précis d’une église, parce que ça m’aura quelque peu foutu en boule que je me souvienne de ça mais de rien sur moi. Bon.
L’armoire. J’ouvre celle-ci, et remarque sans surprise des habits de prêtres. Donc c’était là ses appartements. Je passe ma main dans mes cheveux. Loki a raison, ce ne sera pas vraiment utile, c’est pas comme si on allait se déguiser d’habits de prêtre quoi. Bon. Dormir ici ? C’est vrai que c’est calme ici, personne viendrait voir… Mais dans une ville abandonnée, de toute façon, qui viendrait dans une église excepter des amnésiques errant ? C’est pas non plus comme si on était quarante-douze à avoir perdu la mémoire, ce serait bien trop bizarre. Donc bon.
Une question, quand je repense ainsi à ma perte de mémoire, me vient alors. Je me tourne vers Loki pour la lui poser.

« Dis-moi, pourquoi as-tu pris ce nom Loki ? Ça m’est vraiment bizarre, je sais que ce n’est pas ton vrai prénom, et pourtant dès que je pense l’avoir enfin retrouver, il m’échappe de nouveau. »

Ça me dérange, en fait, de l’appeler par ce pseudonyme. C’était comme si je demandais à quelqu’un de m’appeler Georges. Enfin bon. De plus, je ne me croyais pas aussi curieuse. Non, je sais que je ne le suis pas. Mais c’est plus fort que moi, avec ce mec. Oh, génial. Je jure que je ne laisserais personne d’autres –bah oui, j’ai bien compris que je ne peux rien faire contre l’influence étrange de la présence de l’homme- me faire ça ! Mais va falloir que je fasse avec, concernant Loki.
La montre à mon poignet me dérange, définitivement. Comme si elle n’avait pas sa place sur mon bras. Je lui jette un coup d’œil distrait, hésitant à l’enlever et la laisser là. Seulement, je sens qu’il y a un problème. Je regarde à nouveau l’objet, vraisemblablement bugué dans un compte à rebours. Mais, bien que les secondes continuent à s’égrener bien tranquillement, les heures me semblent ne plus coller. De soixante-douze, elles sont passées à soixante-six. Bien que mon esprit rationnel se contente de se moquer d’un compte à rebours qui ne sait même pas compter, un mauvais pressentiment s’empare de moi. Mon amnésie me retourne le cerveau pour que je me mette à avoir une mauvaise impression simplement en voyant ça. Cette ville doit me rendre folle, car cette partie absurde de ma tête prend le dessus sur mon habituel sang-froid, un juron m’échappant à mi-voix.

« C’est quoi ce truc ? »

Simplifier la tâche ? J’hausse un sourcil, mais déjà il me tend un livre, gardant le marque-page qui était dans celui-ci en main, dont un coup d’œil me permet de saisir la phrase, en anglais. Et, surprise, je remarquer que je comprends sans aucun problème l’anglais. Bon, c’est une langue universelle en même temps, je le sais. Et puis, si j’étais en couple avec Loki –comme c’est à la fois étrange et normal à dire- ce n’est pas étonnant, vu qu’il glisse souvent de l’anglais dans ses phrases. Intentionnellement ? Je n’arrive pas à me souvenir, ça non plus. Enfin, peu importe. Je regarde le livre, là où le marque-page se trouvait. Il y a une représentation de Loki, un Dieu nordique, et cette image m'arrache un sourire.

« S'appeller comme un dieu, rien que ça? »

Il regarde toujours son marque-page, mais moi en revanche, j’ai déjà remonté mes yeux vers lui. J’avais à la fois l’impression de le découvrir, mais aussi de le connaitre par cœur. Plutôt antithétique comme sensation –mais il faut croire que c’est toujours comme ça, à Nulle Part, d’après le peu que j’ai déjà ressenti-. Sa mâchoire se crispe alors, et je me demande dans quelles pensées agaçantes il peut être pour ça, quand il relève les yeux, croisant mon regard.

« Moi non plus je n'arrive pas à me rappeler de ton prénom ... Dommage que notre souvenir n'ait pas été jusqu'aux présentations, isn't it ? »

Je lui renvois son sourire –pas de joie non, simplement que tout cela est… ridicule. Et frustrant-, lui répondant, mon sourire se faisant presque taquin :

« Definitely and absolutely a pity. »

Evidemment, ce n’était pas l’anglais de ceux qui le parlent tous les jours. Mais il faut croire que je me débrouille. En plus, on aurait dit que c’était fait exprès que le souvenir ne me donne pas ce qui aurait, justement, été encore plus utile que savoir que je connaissais Loki : nos prénoms. On peut pas tout avoir dans la vie.
Je lui rend son livre, apercevant ma montre au passage. Qui me dérange quand même. Vraiment. J’aime pas ça.

« On a tous ça. Pas forcément des montres ; moi c'est un sablier, et je crois que Landscape avait ça sur son portable. On n'a pas la moindre idée de ce que ça décompte, par contre. »

Oh, de mieux en mieux… J’avoue que je ne suis pas très rassurée : quel décompte peut-il être assez important pour que tous en ait un ? Je me secoue. Je ne trouverai pas toute seule.
J’ouvre la porte par laquelle on n’était pas entré, et, sans véritable surprise, sens le vent de la nuit entrer dans la pièce. Le froid m’agresse la nuque, et pourtant je ne frissonne pas. Je n’ai rien contre le froid apparemment.
Refermant la porte, avant que le vent n’éteigne les bougies, je me retourne vers Loki.

« Tu parles anglais souvent ? Dans mon souvenir déjà tu l’avais fait, et ici plusieurs fois... »

Je secoue la tête.

« C’est ridicule. Je t’ai déjà sans doute posé ces questions, et tu y as déjà répondu. Comment a-t-on pu perdre la mémoire à ce point ? »

Cette question tient plus de la triste affirmation que d’une réelle interrogation. Je pense bien que personne n’a de réponse à celle-ci, sinon on ne se la poserait pas. Et c’est ridicule aussi que je ne puisse m’empêcher de l’interroger, voulant toujours savoir un peu plus sur lui. Resavoir, plus exactement.

Je sens le regard de Loki sur moi alors que je bouge, mais je ne dis rien. Moi-même j’ai du mal à le quitter des yeux une fois que je les ai posés sur lui, et je dois me battre pour ne pas passer mon temps à lui jeter des coups d’œil.
N’empêche, je le vois froncer des sourcils à ma remarque. Pourquoi ? Bon, je ne vais pas non plus me mettre à essayer de deviner ses pensées hein... Je n’en aurai de toute façon pas eu l’occasion, car je le vois, du coin de l’œil, entrer dans la pièce. Pièce qui, je le rappelle, n’est pas vraiment un terrain de foot. Une fois de plus, il est proche. Très proche.

« Hey, it's okay. C'est bon. On part tous les deux du même point de toute façon. »

Il est vrai que lui aussi en sait aussi peu que moi. Et, bien que pas vraiment nouveau comme affirmation, le fait qu’il le dise –qu’il avoue qu’il n’est pas plus avancé que moi- me rassure. No problem, it’s all right. Cela dit, je ne pense pas que ce soit exact. Il a eu un souvenir de plus, et… et j’ai ce fichu sentiment qui a intérêt à bientôt foutre le camp parce que sinon je vais le faire partir par la peau des fesses. Cependant, je le sens légèrement moins prenant qu’au tout début. Il est totalement là, pour m’enquiquiner, mais j’arrive à sentir aussi le reste de mes sentiments, et pas que cette envie de laisser de la distance. Je remarque seulement maintenant que même si je sais que ça me ferait mal, j’ai envie de me rapprocher, de retrouver son contact. Cela dit, rien que l’idée m’est douloureuse.

« To answer your question, I don't ... control it. It just comes by itself, when I'm not watchful enough »

Avec une pointe de satisfaction, je sais que je comprends tout sans aucun problème. Et Loki lui-même semble s’exprimer avec une excellant fluidité –loin de mon anglais pourtant pas trop mal-. Je suis inconsciemment sa main qui pose le chandelier sur la table de nuit à côté d’un lit sommaire, avant de remonter sur son visage. Ses traits font tressauter mon cœur, encore et toujours. Trop sensible ce cœur…

« Et toi ? Tu as un léger accent, et il n'est pas anglais. D'où est-ce qu'il te vient ? »

Ses paroles me rappellent mon souvenir. Cela dit, je n’avais pas plus remarqué que cela –j’avais d’ailleurs été un peu surprise en sortant de mon souvenir. Je n’avais absolument pas entendu. Bon, ça doit être normal après tout. Mais d’où peut-il me venir.. ? Je ne me souviens pas. J’allais lui répondre, quand je repense au journal dans ma poche. Je comprends totalement l’italien… Je suis italienne ? Va savoir. Après tout, je sais aussi parler l’anglais donc bon.

« Je ne sais pas trop… Peut-être que je suis italienne, je sais que je comrpends cette langue. Mais l’anglais aussi cela dit, et je me demande si ce n’est pas en partie grâce à toi. On dirait ta langue maternelle, si ça t’échappe simplement. »

J’arrive à détacher le regard de l’homme, jetant un coup d’œil au lit. Evidemment, il n’y en a qu’un seul. Et en plus, il est une place -en même temps, un prêtre qui aurait eu un lit deux places aurait été soit un capricieux, soit un ne respectant pas vraiment les règles de l’Eglise…-, et un froncement de sourcil s’affiche sur mon visage en constatant ça.

Je sens le regard de Loki se détacher de moi, et je lui jette un coup d’œil pour voir qu’il regarde maintenant le lit lui aussi. Il avait sans doute remarqué mon froncement de sourcil. D’ailleurs, peu après, il passe sa main sur son visage, et je note dans un coin de mon crâne que ses traits sont tirés. Je ne pense pas que c’est habituel que je m’inquiète pour la fatigue d’un autre, mais bon, j’ai abandonné l’idée que quelque chose soit normal vis-à-vis de Loki. Ce dernier soupire alors.

« I really, really need a nap. But I can wait if you want me to. »

Oui, évidemment qu’il doit dormir. Ça se voit. Il avait poussé quelques mèches rebelles, mon cœur avait battu plus fort. Et la douleur aussi. Faut vraiment que je trouve d’où ça vient ça, histoire de savoir si mes réactions sont sensées ou de la simple psychose ou traumatisme de ma perte de mémoire.
Et puis, ce qu’il me dit à la fin de sa phrase me touche aussi. Je ne pense pas que, avant, je passais des heures devant une télé à pleurer devant des films romantiques. Mais je suis touchée, c’est plus fort que moi –une telle attention m’aurait pourtant frustrée de la part de quelqu’un d’autre-. Aussi, je secoue la tête.

« Errer dans une ville à moitié mort de fatigue ? Il vaut mieux pas. Do it. Je vais voir encore l’église, et notre mystérieux musicien. »

Je me rends alors compte que, bien que ce soit nettement supportable, ma marche forcée et mon somme apparemment pas très reposant dans le train me donne presque envie de bailler. Et le lit m’appelle. Cela dit, il est pour Loki. Donc si jamais ce sera le sol. Ce qui est déjà moins accueillant

« Ou peut-être pas… Mais oui, vas-y. Sinon tu vas finir pas t’endormir contre ces murs. »

Loki acquiesce après mes paroles, avant de se laisser choir –car s’asseoir n’aurait pas vraiment été le bon verbe- sur le lit. Il ferme alors les yeux quelques secondes, le temps que je l’observe une fois de plus. Il a vraiment l’air fatigué, et j’aurai du le remarquer avant. Mais je me reprends. Qui qu’il soit pour moi, il ne faut pas non plus que je verse dans le gardiennage.
Il rouvre alors les paupières, et nos regards se croisent une fois de plus, avant qu’il n’enlève sa veste pour la poser au pied du lit, ses chaussures subissant le même sort. Finalement, il se cale contre le mur, avant de me dire en tapotant une relativement grande place du matelas :

« Il y aura toujours une place ... là »

Je ne compte pas, cela dit, m’y coucher, pas du tout. Cela dit, je plisse légèrement mes yeux. Cette phrase a un air de déjà-vu. Mais je ne mets pas longtemps à ne plus y penser, écoutant la respiration de Loki se faire de plus en plus profonde, alors qu’il sombre dans le sommeil. Il s’est endormi vite, preuve qu’il devait être claqué. Il faudra que je lui demande ce qu’il a fait dans cette ville jusqu’à cette église.
Pour ne pas changer, je ne peux m’empêcher de détailler son visage. Ses traits sont beaucoup plus détendus, il parait presque serein, maintenant. Ce qui m’arrache autant un sourire que de la douleur. Cette douleur… De la culpabilité ? Ou de la tristesse ? Je n’arrive pas vraiment à savoir, mon passé semblant m’empêcher de démêler la pelote de laine de mes sentiments.
Je jette vaguement un regard à l’armoire. J’ai presque envie de l’ouvrir pour regarder dans les poches de ces habits de prêtres, mais le faire me semble soudain extrêmement enquiquinant. La lassitude et la fatigue me prenne, en entendant l’homme respirer doucement dans la pièce.
La flemme me battant, la fatigue s’installant de plus en plus méchamment, je m’assois par terre, m’adossant contre le lit. La sensation de Loki dans mon dos, tout proche, me fait frissonner. Ai-je besoin de parler de la rafale de sentiments ou vous avez compris ce qu’il se passe dans ma pauvre petite tête –manquant un peu trop de souvenir- une fois de plus ? Oui, voilà, vous avez compris.
Je garde les yeux ouverts cela dit. Ce ne sera pas l’épuisement qui gagnera sur moi ! Une de mes mains vient rejeter mes cheveux en arrière, alors que l’autre s’aventure sur le sol sans même que je ne me rende compte de ce que je fais. Je ne réalise, par une expression surprise sans doute ridicule qui se peint une demi-seconde sur mon visage, que quand la dite main saisit la veste que Loki avait abandonnée par terre.
Me traitant d’imbécile, je la ramène tout de même à moi. Son odeur me saisit alors, ramenant foule de sentiments douloureux et tranquillisants au galop, au point que je ferme les yeux face à cette violence d’émotions s’entrechoquant. Et la frustration de ma perte de mémoire devient encore plus insupportable.
Par des gestes automatiques, je mets la veste par-dessus mes genoux repliés devant moi, couverture de fortune me déstabilisant et m’apaisant à la fois. Bon, je peux bien rester comme ça quelques minutes, c’est tellement agréable –physiquement parlant, dans ma tête par contre c’est un petit peu plus… anarchique-, ça ne me fera pas de mal. Sauf que j’ai surestimé ma capacité à résister aux doux bras de Morphée, et avant de m’en rendre assez compte pour résister le sommeil me prend.
Oui, ici, dans cette église froide, dont une mélodie –bien que presque indiscernable dans cette pièce- tourne sans arrêt, sans ma mémoire, perdue dans une ville plus que bizarre. Mais surtout, la tête posé de travers sur le matelas du lit dans lequel dort ce qui serait apparemment mon petit ami d’une période oubliée, le dos contre le bois du meuble, sa veste me servant de modeste couverture dont l’odeur m’obnubile de façon effrayante et fascinante.

Loki: