Un rayon de soleil plus fort que les autres réussit à me faire sortir du sommeil, et avec un grognement contrarié je roule sur le côté pour m’esquiver à la lumière agrssive. L’herbe sous moi me semble encore un peu humide de l’averse de cette nuit, quand Hippocrate et moi on s’était rencontré, avant qu’on tombe du pont et…
Je me relève d’un coup sec, si vite qu’un vertige me prend. Une fois tous mes moyens repris, je regarde autour de moi. Ah, ouais. Pas vraiment classe, ça, de se réveiller couchée dans l’herbe. Si Hippocrate me voyait, il se moquerait de moi.
Je sens mon cœur refaire un bond dans ma poitrine. C’est quoi le nouveau tour de passe-passe cette fois ? On discutait, et puis poum, je me réveille je ne sais où ?
Ni Landscape, ni Hippocrate n’était en vue. Gé-nial. J’a-do-re. Ne voulant pas céder à la panique, je mets la main dans ma poche, serrant ma pierre de lune. Bon sang. Et je fais quoi maintenant ? Où peuvent-ils être ? A l’idée du blond seul face à Poutchou ou Ratatouille, je sens mon sang se glacer. Pourvu que les deux garçons soient ensemble. Je n’aurai qu’à me débrouiller pour faire des feux d’artifices, au moins ils me trouveront. Oui, évidemment, ceci était une blague. Oui, mon humour est mauvais quand j’ai peur. Non, je n’ai pas peur. Chut. Tais-toi.

« Saleté de Ville… »

Voilà qui résume parfaitement mes innombrables pensées. En fait, j’arrive même à être simplement blasée, lassée de tous ces tours. A quoi ça rime à la fin ? On est quoi ? Des jouets ? Des marionnettes ? Rah. Fuck.
Je finis par me relever –oui, c’est une idée-, passant ma main pour nettoyer un peu ma veste et mon jean. Je regarde autour de moi plus en détail. Je suis dans le jardin d’une immense maison –non, c’est pas une maison ça, c’est un truc de bourge, de ceux qui achètent des châteaux et des trucs comme ça-, et apparemment le soleil est en train de se lever. Au moins, je n’ai pas dormi trop longtemps.
Je fronce des sourcils. Ça fait vraiment beaucoup de réveil sans souvenir de s’être endormi tout ça, entre le train et maintenant. J’ai l’impression d’appartenir à un jeu dont les règles ne m’échappent totalement. Mais c’est à moi de jouer. La voix légèrement tremblante –et si ça attirait une de ces fucking bestioles comme Ratatouille ? Et si je risquai ma vie ?-, je me décide à faire quelque chose. Car rester ici sans bouger est à la fois flippant et inutile.

« Il y a quelqu’un ? »

« Hello... Ca va aller ? Moi aussi, je suis perdue... La ville m'a séparé de mes amis... Je suppose que c'est la même chose pour toi. Appelle moi Fireflies. Et toi ? C'est quoi ton ptit surnom ? »

Je me retourne en entendant la fille parler derrière moi. Une brunette, de longs cheveux bruns volumineux détachés encadrant son visage fin. J’hoche la tête pour confirmer sa supposition, avant de répondre :

« October. J’aimerai bien savoir comment on est arrivées là, puisque… »

Je fronce les sourcils faisant soudain plus attention au physique de la fille. Son visage me disait quelque chose… Mais rien à voir avec mon amnésie. Non non, elle je l’ai déjà vu, et pas dans un souvenir. Si ses cheveux ne me semblent absolument pas familiers, sa tête ne m’est pas étrangère. Seulement, encore un peu embrumée par mon sommeil récent, je n’arrive pas à remettre le doigt dessus.
Un cri interrompt ma réflexion. Un cri de détresse d’une voix qui ne peut qu’être celle d’un enfant. Mue par un nouvel instinct, je laisse tomber ma tentative de retrouver qui est cette fille et je me jette vers l’origine du cri.
Un garçon était assis au milieu de buissons, en train de pleurer. Je sens mon cœur se serrer. Nulle Part n’est pas un endroit pour un enfant. Déjà pas pour des adolescents, ni même de adultes, mais un enfant…
Sans réfléchir, je viens m’agenouiller à côté de lui, et le prend dans mes bras avec tendresse. Quel âge a-t-il ? Six, sept ans ? A cette idée je lui caresse les cheveux.

« Pcht, tu n’es plus tout seul… Ça va aller… »

Je le regarde ensuite, passant ma main sur sa joue. Les cheveux roux, il a de grands yeux bleus emboués de larmes. Va savoir depuis quand j’ai un instinct maternel. Mais il me donne juste envie de le prendre sous son aile, et de l’aider.

« C’est qui Bae, la personne avec qui tu étais avant ? On va la retrouver, t’en fais pas. »

Après tout, lui aussi doit avoir été séparé de celui ou ceux avec qui il était. Il y a plus joyeux que de se retrouver seul à Nulle Part. J’ai soudain une pensée pour Landscape, et je me sens frissonner. Avec sa chance maladive, entre le bracelet, Poutchou, Ratatouille, et ce qui lui avait fait sa sale blessure, autant dire que j’ai de quoi m’inquiéter… Pourvu qu’il ne lui arrive rien. Il faut que je le retrouve.
Cela dit, malgré mon envie furieuse de partir à sa recherche, je sais que je ne serai pas capable d’abandonner le petit garçon, ni même de l’embarquer purement et simplement avec moi. Super. Je ne pense pas qu’être généreux soit quelque chose de pratique et utile à Nulle Part Enfin.
Je regarde autour de moi, sans perdre réellement de vue le garçon. Le centre commercial est assez imposant comme bâtiment. Et à part ce grand manoir, y a pas vraiment d’autre bâtiment… Ah, si. C’est une église là-bas ? Je soupire. J’adore cet endroit, décidément. Faut qu’on te rende fou à te perdre quand tu commençais enfin à avoir tes premiers repères.

HJ:

Le garçon commence à m’expliquer que Bae est sa sœur –il se souvient d’avant alors ?-, et commence à parler de tout ce qui lui était arrivé, même si j’étais loin de comprendre tout, quand la fille –Fireflies, même si je suis sure que c’est pas ça- se met à parler de marelle… Presque sans le vouloir, je lève les yeux au ciel. Oui, c’est bien de vouloir aider à redonner le sourire au garçon, mais faire la marelle est je pense pas la meilleure des idées, ni le truc le plus efficace. Allo, c’est un garçon. Bref.
Je ne sais pas pourquoi, quelque chose me force à être antipathique envers la fille. Alors je la regarde une fois de plus avec attention, alors que le garçon décline son offre –ben tiens-. Voyons October, réfléchis. Je sais que ce n’est pas par rapport au passé, et j’ai quand même pas une immensité de chose dans ma mémoire qui a été vidée. Quand est-ce que j’ai pu voir cette fille ? Les deux seules filles vivantes que j’ai rencontrées étaient celle aux cheveux bleus et Katya.
Tout en réfléchissant, je passe ma main dans les cheveux de l’enfant, qui s’était serré contre moi. Qu’il est mignon… Hors de question de le laisser. Je le regarde sans vraiment le voir, perdue dans mes pensées. Quand est-ce que j’ai entendu parler d’une fille ? Je plisse les yeux. La Calvetti qu’avaient mentionné Novembre et Hécate, la…
J’écarquille les yeux, et relève vivement la tête pour observer Fireflies. Il lui manquait des couettes, mais sinon…

« Tu es… »

Je m’interromps au moment où quelqu’un me relève par les épaules -et est-ce utile de préciser sans douceur ?-. Je lève les yeux au moment où il commence à parler –et j’utilise ce verbe dans le but de rester neutre, car le pire reste à venir-, croisant le regard d’Hippocrate, qui commence à jurer en me demandant avec beaucouuuup de politesse ce que je fiche. Je m’apprête à le remballer, mais déjà il continue, s’énervant contre moi comme si j’étais un vulgaire animal domestique ayant fait une bêtise.

« Tu...je...Moi je m'inquiète de savoir où vous êtes passés, vous, les deux parfaits idiots, et toi, qu'est-ce que tu fais ? Tu joue à la marelle avec une fille et un petit garçon ? Mais t'as quoi dans le crâne ?? »

Quand enfin il me lâche, je sens la colère accélérer mon cœur, se rependant dans la moindre de mes artères, corrompant chacune de mes veines. Seul le garçon, qui s’était un peu plus agrippé à moi quand ce médecin acariâtre m’avait relevé.
Il finit d’ailleurs par me demander dans un aboiement où est Landscape. Comme si tout était de ma faute, comme si j’en savais quoi que ce soit comme si, comme si. Je remarque à peine que tous mes muscles se sont tendus au fur et à mesure, les jointures de mes doigts devenues blanches, ma cheville me tiraillant à nouveau. Tout comme je ne peux constater moi-même, habitant dans mon corps –logique, oui je sais, je suis captain obvious quand je veux, surtout quand je suis aussi énervée, lâchez-moi-, qu’un voile de froide colère recouvre mes yeux vairons. J’ai l’impression, au moment où je parle de ce ton glacial et d’un calme contrastant tellement avec l’irritation ambiante, d’être de retour au supermarché, lorsqu’il m’avait surprise à le suivre. Sauf que là, je n’ai vraiment rien fait, imbécile.

« Arrête de me parler comme à un chien, tu n’es pas mon père. J’aimerai bien savoir où est Jaden, d’ailleurs je préfèrerai bien plus que ce soit lui plutôt que toi, mais pas la peine de faire le vieux super ronchon, j’en sais rien, tout comme je sais pas ce qu’il s’est passé. Je ne jouais pas à la marelle, j’essaie de faire en sorte qu’on retrouve pas deux autres putain de cadavres bouffer par un rat géant, et merci, je pense en avoir plus que toi dans la tête, je peux au moins rester lucide sans avoir à boire toutes les trois minutes une demi-bouteille de whisky. »

Le véritable prénom de Landscape était venu tout seul –plus rapide à dire-. Il faut croire qu’il m’influence, vu la tirade que je venais de faire. Et le pire, c’est que je ne me sentais absolument aps soulagée. Pas du tout. Alors, je me baisse vers le garçon qui semble ne pas apprécier Hippocrate, pour lui dire –et qu’importe qu’il m’entende ou non avec son appareil auditif, le vieu-.

« Ne t’inquiètes pas, s’il ne part pas, nous on va partir. »

Soudain, je sens un besoin immédiat et impossible à ignorer m’emprisonner, et je repousse légèrement le garçon –juste assez pour pas être gênée à vrai dire, même si c’est plus instinctif et pour l’éloigner ne serait-ce qu’un peu de ce que j’allais faire-, mon cerveau saturée par ce besoin vital.
La gifle est forte, sans aucun doute bien plus que celle que Landscape m’avait donné dans le supermarché. Mais je n’attends pas qu’il se remette de l’idée que je venais de lui en coller une, disant simplement avant de prendre le garçon par la main pour commencer à m’éloigner –où me direz-vous ? Aucune idée, mais le plus loin possible de ce médecin débile- :

« Venge-toi si tu le veux, mais je te promets que je n’hésiterai pas une seconde à me lancer dans une bagarre. »

Dos à l’homme, je fais passer le garçon devant moi –au cas où cela devait vraiment arriver-, fermant à moitié les yeux. Ce monde est fou. Alors j’ai bien le droit de l’être.

La peur montait dans le ventre dans la jeune femme. L’angoisse serrait son estomac. Vanille et Caramel l’avaient senti. Ils étaient donc accourus. Le sol frémissait sous leurs grosses pattes, l’herbe laissait la marque, leur souffle se transformait en nuage de fumée dans l’air et ils courraient vers Fireflies qui les avait appelés sans le vouloir.

Ils arrivèrent alors qu’un homme grognait. Il était face à Fireflies, face à leur protégée. Les deux loups comprirent immédiatement qu’il grognait sur la jeune femme, ils avaient tord mais ils ne pouvaient le savoir ça. Caramel se jeta sur le jeune homme, le faisant tomber par son poids. Ses pattes avant se posèrent sur sa gorge l’incitant à ne pas bouger. Dans cette position triomphante, sur le corps de sa victime, il lui grogna à la figure pour regarda Fireflies tout content, la queue battant dans l’air. Pendant ce temps, Vanille était restée en arrière et regardait son compagnon faire. Son regard se posa sur la bande d’humains qu’ils avaient rejoins et la petite brune qu’ils protégeaient.

Spoiler:

Spoiler:

Si October avait touché le souvenir, elle aurait vu :

Il y a des jours où on préférerait être resté dans la douce innocence caractéristique du monde des rêves, de cette évasion. Même quand on la vit couchée dans de l’herbe. Oui, vraiment, j’aurai dû rester couchée. Ça m’aurait éviter de voir beaucoup de chose se passer, beaucoup trop vite, alors que je ne demandais qu’un instant de pause pour pouvoir souffler, comme dans un film. Sauf que je le vis.
D’abord, les loups ; peu après, Wendy qui commence à faire sa loi. Dans la seconde, un souvenir qui vient me narguer. J’ai juste le temps de penser que, trop c’est trop, je ne veux plus voir une seule miette de mon passé, une seule ombre d’un autre copain que j’aimerai à la folie ; mon grand amour est Landscape. Un point c’est tout. Compris saleté de Ville ? Un point c’est tout !
Seulement, je n’ai pas le temps d’envoyer proprement la Ville se faire voir. Oui, c’est bon, je sais, une Ville n’est pas quelqu’un. Elle n’a pas… d’âme. Mais c’est plus fort que moi là, avec tout ça. C’est beaucoup, beaucoup, beaucoup trop un truc de fou à mon gout. J’ai l’impression de devenir folle. Peut-être est-ce la solution ?
Cependant, je sens au fond de moi que les paroles que Wendy -alias Fireflies- balance à Hippocrate me dérange légèrement. Je sais me gérer comme une grande fille. Et d’abord, j’ai pas besoin de son loup. De son loup géant.
Loup géant.
Bordel.
Y a un seul truc normal dans cette Ville ?
Je sens la panique faire fuser l’adrénaline dans mes veines. Tout ça n’est pas normal. Une peur irrationnelle m’envahie, alors que je réfléchis à toute allure. Pour courronner le tout, je sens une douloureuse pointe de fer entrer dans ma poitrine quand j’entends les mots d’Hippocrate. Bon, d’accord, je n’aurais pas dû le gifler, mais trop c’était trop, il m’avait traité comme une gamine qui avait fait une bêtise, et non seulement ce n’est pas le cas, mais en plus je ne suis plus une gamine, quelle que soit notre différence d’âge. Mais maintenant qu’il est au sol, quelque chose me rappelle douloureusement que je tiens à lui. Il doit bien y avoir une solution. D’abord dire à Wendy d’arrêter, que ça servait à rien, garder le garçon près de moi pour ne pas qu’il risque quoi que ce soit de ces loups géants, demander à ce que les loups relâche Hippocrate, qui vient de disparaitre, et ensuite on…
Oh.
Wait.
Hippocrate.
Qui vient de disparaitre.
Je sens la peur faire battre si fort mon cœur à mes tympans que tout semble noyer autour de moi. Tant et si bien que j’entends à peine la monstrueuse bête, avant de voir les loups emporter Wendy et le garçon. Avant que je n’esquisse un geste, je sens mes pieds perdre le contact du sol. Un cri strident, horripilant et funeste m’échappe ; et c’est le noir.
Je ne rouvre les yeux que prudemment, quand j’ai conscience que non, je ne suis pas encore morte. Qu’un truc gluant, encore plus désagréable que le sol sous le pont, recouvre tout mon corps. Que l’odeur aigre et acide m’attaque les narines et la gorge. Et qu’il fait noir, avec parfois un trait de lumière qui se faufile par l’entrée.
L’entrée ?
La gueule du monstre. ce monstre, à la taille démesuré. Je sens mon ventre se serré. Je suis entre ses crocs.
Une envie de vomir me prends, tellement fort que je ne la rejette que pour ne pas que la bête décide de m’avaler en même temps. Tout tourne autour de moi. Un gémissement de peur m’échappe.
Du calme.
Il y a forcément une solution.
Tu n’as pas le droit de mourir. Non. J’essaie d’inspirer pour me calmer. Mauvaise idée. L’odeur de l’animal me met à nouveau le cœur au bord des lèvres. Je pense à Landscape, qui avait fait un tour dans les entrailles de ce que j’avais surnommé Poutchou. Sans même m’en rendre compte, je murmure désespérément son nom
J’essaie d’avancer, de bouger ; mais l’animal, qui se déplace, fait un à-coup.
Un horrible cri m’échappe alors que je me sens glisser un peu plus loin dans l’intérieur sordide de Shenzi*.