Souvenir 1 :Papa, Maman et les autres grandes personnes parlent toujours à table même si le dîné est terminé depuis longtemps. Elle leur jette un regard curieux depuis la table des enfants
La table des enfants, c’est une jolie nappe colorée avec de la nourriture prédécoupée et autrement plus appétissante que celle des adultes. Eux, ils ont eut des crabes et des bêtes à pinces. Des bêtes à pince ! Heureusement que leurs bâtonnets de poissons à eux étaient normaux et pas pleins de carapaces. Elle n’aime pas quand ses parents reçoivent du monde car ils ont rarement d’enfants. Heureusement, cette fois-ci fait exception à la règle. Ils sont trois à la table des enfants.
« Vous voulez voir mon chien ? » piaille-t-elle en se levant. Elle fait bien attention à ne pas salir la nappe en s’appuyant dessus, Maman serait furieuse.
« Ouais… » grommelle sans réel enthousiasme un jeune blondinet de son âge. L’autre petite fille au teint maladif sourit avec joie et tape dans ses mains en demandant.
« Tu as un chien à toi ? Moi mes parents, ils veulent pas. Ils disent que je pourrais être allergique. » Elle pouffe de rire et réponds à ses invités.
« Bah bien sûr que j’ai un chien à moi. Il y en a tout plein tout plein dans le chenil ! Mais moi j’en ai rien qu’à moi. Regardez. » Elle porte ses doigts à sa bouche et siffle un son strident.
« Caramel ! » appelle-t-elle.
Un énorme berger allemand au pelage brillant apparaît dans la salle. Le chien fait à peu près la même taille que les trois enfants et remue la queue avec force tout en se jetant sur sa jeune maîtresse. Elle rigole alors qu’il la pousse de son museau froid.
« Oui mon chien. Vous voulez le caresser, il est gentil. »Un éclat de voix surgit de la table des grandes personnes.
« Pas de chien à table ! Et tu sais très bien que ta cousine est allergique. Dehors Caramel. » gronde une voix grave avec énergie.
Souvenir 2 :Elle soupire, s’ébouriffe les cheveux d’une main désinvolte. Le silence est lourd. Depuis que les autres sont partis et qu’elle est seule avec lui, elle ne sait pas quoi dire. Il lui tourne le dos, visiblement aussi peu loquace. Elle l’observe. Cheveux blonds, dos musclé sous son marcel blanc. Le rouge lui monte au joue quand elle pense à hier soir.
Elle a détourné le regard. Ses yeux fixent à présent la grande horloge murale. Elle se demande si il en parlera. Tic. Tac. Tic. Tac. Le bruit de la petite aiguille a quelque chose de relaxant. Tic. Tac. Parlera ? Parlera pas ? Et même s’il parle, que dira-t-il ? C’est si long d’attendre…
« Pour hier soir… » Elle brise le silence. Elle n’en peut plus. Sa voix claire et juvénile est montée dans l’air et elle a posé ses grands yeux inquiets sur le blond. Il ne se retourne toujours pas. Mais elle sent qu’il lui répond d’une voix maîtrisée.
« C’était une bêtise. »« Ah. » Elle baisse les yeux. Elle se sent soudain mal à l’aise. Elle inspire. D’accord. Au moins ils sont clairs tous les deux. Elle hoche doucement la tête comme pour assimiler ce qu’il vient de dire.
« Alors on oublie ? » Le blond ne la regarde pas.
« Oui. » Elle déglutit et murmure.
« Ça restera entre nous hein ? Tu diras jamais rien à personne ? » Et par personne, elle sait très bien qu’il comprend ce qu’elle veut dire. Elle pense à cette nouvelle relation à peine naissante et si particulière. Le blond répond comme une promesse
« T’inquiètes. » Alors elle sourit. Et elle s’attarde à la contemplation de la pendule.
Tic. Tac. Oublie le passé. Tic. Tac. Rêve à l’avenir.
Souvenir n°3 :« Tu viens ? Tu m'avais promis que tu viendrais. » Elle fait la moue, passe la porte du hall d'entrée d'un pas décidé. Elle entend vaguement le
« ouais, ouais, j'arrive » de l'autre. Par contre ce qu'elle entend bien, ce sont ses pas qui s'arrêtent. Et le bruit si caractéristique du broquet qu'on actionne. Qu'
il actionne, sans ménagement.
Mais il est suicidaire ou quoi ?! Elle se retourne brusquement.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? » Elle sent la colère monter en elle. Ça bouillonne, à l'intérieur. Ça bouillonne et ça chauffe. Elle sent le rouge lui monter aux joues – un rouge de rage, de reproches, de claques qui se perdent.
« C'est quoi, ça ? Arrête ça, c'est dégueulasse, ça pue et ça va te tuer ! » Ton féroce et protecteur.
« T'avais arrêté. » Il lui lance un regard étrange. Un regard qu'elle n'a pas l'habitude de voir. Un regard qui dit
« c'est pas le moment, j'en ai besoin. » Elle sait qu'elle lui en demande beaucoup. Mais elle, elle est là, non ? Comme s'il avait besoin de sa clope pour surmonter cette épreuve.
« Tu sais comment elle a fini, hein ? » Elle lui arrache le poison de la bouche et écrase sauvagement le mégot par terre. Elle se blottit tout contre lui et il la prend dans ses bras. Mais pas de mots rassurants, aujourd'hui. Pas de long discours pour lui redonner espoir. Vraiment pas l'habitude.
« Je t'interdis de te faire ça... T'as pas le droit de t'esquinter la santé comme ça, tu m'entends ? » Elle s'inquiète pour lui. Et de son côté, elle se dit que ça va mal, entre eux. Depuis un moment. Que peut-être, c'est leur dernier câlin. Alors elle profite, protège, prévient son cœur par avance.
« Jaden ? Tu vas bien, hein ? » Il lui ébouriffe les cheveux.
« Oui, t'inquiète pas. Je vais bien. » Elle sait que c'est faux. Le cœur n'y est pas, ça s'entend.
« Allez, on y va, ça va te changer les idées. » La musique résonne déjà au loin. Elle n'aime pas ça. Mais elle veut quand même essayer, pour lui remonter un peu le moral. Et pourtant, elle sent que ça va mal se passer.
Souvenir n°4 :Caramel est vieux, maintenant, mais pas au point d'être impotent. Elle l'a bien vu s'agiter dans tous les sens, se secouer anormalement et faire des allers-retours entre sa chambre et la porte d'entrée. Allongée sur son lit, elle grattouille le berger australien derrière l'oreille en lui souriant gentiment.
« Qu'est-ce qui se passe Caramel, hein ? Tu veux sortir ? » Ce n'est pourtant pas évident d'aller se balader comme ça dans les rues de New-York sans l'accord des parents. Parce qu'elle n'a que quinze ans et qu'ils ne la laisseront certainement pas sortir comme ça toute seule.
Elle se lève finalement et va chercher la laisse du chien. Mais au moment où elle s'apprête à s'en saisir, quelqu'un sonne à la porte. Elle attache le chien qui commence à japper et ouvre timidement le battant de bois sobre. Un jeune homme blond à peine plus âgé qu'elle apparaît sur le seuil, trempé par l'orage qui gronde encore au loin.
« Jaden ? Qu'est-ce que tu fais là ? Entre ! » Elle s'écarte pour le laisser passer et il pénètre dans la maison en dégoulinant sur le carrelage tout propre. Il enlève la capuche de son blouson et la remercie d'un sourire.
« En fait je suis venu te demander... Tu sais, c'est la fête du lycée, aujourd'hui ? » Elle hoche lentement la tête en se doutant de ce qui va suivre. Et ça lui fait un peu peur, à vrai dire.
« Je me demandais si tu voulais y aller avec moi, en fait. » Immédiatement, elle vire au rouge pivoine. Si elle veut y aller avec lui ? Oui, elle l'aime bien, mais elle a quand même un peu peur de ne pas être à sa place, à cette fête du lycée. Elle n'est pas en dernière année comme lui, et elle a peur de ne croiser que des inconnus, là-bas. Aucune de ses amies n'a été invitée à la soirée. Le silence s'installe tandis qu'elle réfléchit.
« Alors ? » Demande-t-il d'un ton inquiet. Peut-être bien qu'elle a envie d'y aller, finalement. Un coup de tonnerre retentit non loin, et Caramel se jette soudain sur le blond, toutes babines retroussées, dévoilant une série de crocs âgés mais encore parfaitement fonctionnels. Jaden pousse un cri de surprise et s'effondre sur le sol du salon. Elle éclate de rire – un rire clair et sincère.
« Caramel, laisse-le tranquille, tu le connais depuis longtemps, il va pas me faire de mal ! Allez, pousse-toi, je voudrais pas qu'il soit abîmé pour aller à sa précieuse fête. » Elle force le canidé à laisser le jeune homme partir et file dans sa chambre chercher sa veste et son parapluie rayé.
« Tes parents sont d'accord ? » « Je leur demande pas leur avis. » Un sourire malicieux éclaire son visage tandis qu'elle griffonne un mot d'excuse sur un morceau de papier qui traîne sur la table du salon. On dit qu'il faut une première fois à tout... Alors elle aura sa première fête du lycée, et puis ça lui fera une bonne occasion de faire plus ample connaissance avec son ami ici présent.
Et elle se rend compte que c'est déjà un peu plus qu'un ami, peut-être.
Souvenir Bonus n°1 :Elle serre sa main dans la sienne, lui lance un regard plein de tendresse. Autour d'eux, les lumières clignotent, étincellent, scintillent, illuminent les sourires des enfants et des plus grands. Et son sourire à lui, bien plus beau que ceux des autres. Il lui a promis que cette soirée serait parfaite, et elle n'a qu'une envie, le croire. Elle avise un stand de tir à la carabine, le lui désigne, les yeux brillant de convoitise. Il éclate de rire, la traîne vers la caravane, sors un billet de sa poche et le tend au forain. Celui-ci leur sourit, de ce sourire commercial qu'ont tous les marchands ici, lui tend une carabine. Il la désigne, et elle se sent rougir lorsque le gros homme la dévisage des pieds à la tête. Qu'est-ce qu'y a ? J'ai l'air trop frêle pour tirer, c'est ça ? Elle s'empare de l'arme d'une main ferme, approche son œil du viseur. Prend son temps, respiration maîtrisée. Elle sent le regard de Jaden sur elle, qui l'observe, attentif. Tir. Un ballon vert pomme éclate dans un grand « PAN ! ». Elle sourit, satisfaite. Se redresse légèrement, fixe le forain.
« Combien pour cette peluche, là ? ». Elle désigne un énorme dalmatien avec un cœur sur lequel est marqué
« I love you ». L'homme semble la jauger, avant de sourire largement.
« Trois ballons sur trois tirs ». Elle est déjà de nouveau concentrée. Les deux ballons suivants ne lui posent aucun problème, bleu, jaune, ils disparaissent dans un éclat. Elle tend fièrement la carabine au marchand qui, beau joueur, lui remet la peluche avec un clin d’œil.
« Bien joué Mam'zelle ! Joyeuse Saint-Valentin !». Elle s'empare de son lot, prend la main de Jaden et s'éloigne du stand, presque en sautillant. Une résistance dans son bras la fait s'arrêter, elle se retourne vers lui, le fixe, sérieuse. Il l'attire à lui, l'embrassant à lui couper le souffle, et elle se sent rougir furieusement, le cœur battant à cent à l'heure. A cet instant, elle pourrait presque dire que c'est un des plus beaux jours de sa vie....
Sujet: Voyons si le puzzle s'assemble ! - Fireflies 
Lun 22 Oct - 20:03
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