Nele ne savait plus ce qu'elle faisait. Elle se laissa porter par des pas fluorescents auxquels elle ne faisait même pas confiance. Ether marchait à côté d'elle, mais ça ne l'aidait pas beaucoup d'oublier la peur qui la rongeait, la faisait tressailir à chaque pas. Chaque goutte d'eau qui tombait avait l'air dangereux. Elle tremblait, entre-autre aussi parce qu'elle avait froid et elle était assez mouillée par la pluie. Elle regarda le sol. Les pas, ils étaient où?
Ses yeux étaient mouillés, eux aussi. Mais pas à cause de la pluie.
Ether? murmura-t-elle. Elle l'avait perdu de vue. Devant elle était un gros bâtiment. Elle y entra aussi vite que possible.
Sa voix avait l'air un peu désespéré
Ether!!! Tu es où?!
elle inspira bruyamment et éternua, puis elle commença de pleurer et elle tomba sur le sol. Elle était si effrayée qu'elle ne vit pas Ether, quelques mètres devant elle.

Nele hocha lentement la tête. Elle était si confuse, si perdue, qu'elle avait envie de crier comme une folle et de se recroqueviller et d'attendre de mourir ou de se réveiller de ce terrible cauchemar.

«Nele. Tout va bien. Viens.»

Mais comme maintenant, elle n'était plus seule, elle ne se permettait pas de faire cela.
Elle soupira et serra Ether fort dans ses bras, puis elle ferma les yeux.

«J-je suis désolée, mais, mais, vraiment, je ne sais pas ce qui se passe et puis j'ai...peur, je...Qu'est-ce qu'on fait maintenant? Il fait tellement sombre...c'est quoi, notre but?C'est quoi, tout ça?»

Nele éternua encore une fois, alors elle se rendu compte qu'elle était toute mouillée.
Puis, elle tourna sa tête

«Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre, là?» demanda-t-elle tout bas

Pâques le suit. Comme dans un rêve ... Qu'est-ce qui se passe ? Tout à l'heure, elle l'a regardé faire, ébahie, sans même songer à réagir. Quand il a fait glissé son bandeau, sans la toucher. Quand il a fait un noeud, sans la toucher. Quand il l'a lié à lui. Toujours sans un mot. Sans la regarder.

Quand il a enfoncé sa main dans sa poche, il l'a attiré vers elle et elle a touché son sweat. Il a tremblé. En silence. Mais qu'est-ce que c'est que ce garçon ?

Il s'est mis à marcher et elle l'a suivi, pensant simplement qu'il ne voulait pas être séparé d'elle. Cela a quelque chose de réconfortant. Ne pas être seule. Mais est-ce lui qui veille sur elle ou elle qui veille sur lui ?

Un grand bâtiment est apparu devant eux. Ils entrent sans même s'arrêter, sans doute conscients l'un et l'autre de trouver ici un refuge providentiel. Alors qu'ils aperçoivent une lueur, Pâques se place devant le géant et se dirige vers cette lumière, l'obligeant à la suivre. Elle est impatiente de découvrir ce qui s'y trouve.

« Oui. Ne t’inquiètes pas, tu ne risques rien ici. Je m’appelle Ombre et toi ? »

Ombre ? C'est un peu triste comme surnom ça ... Ils ne sont plus qu'à quelques pas de la source lumineuse, dans le dos de deux jeunes filles dont les silhouettes restent floues. La voix ? Celle d'une troisième personne, en face des deux autres apparemment, mais que Pâques ne distingue pas encore. Elle est incroyablement douce et bienveillante cette voix ...

Pâques se tourne vers le géant et chuchote :

" Dis, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? On s'avance ? Tu n'as pas peur hein ? Je suis là n'oublie pas. "

Manaphy l’a suivit quand il s’est engagé hors de la gare envahie par la végétation, Manaphy l’a suivit quand il s’est engagé dans l’immense bâtiment pour s’abriter, sans songer à se détacher de lui. Mais la jeune fille finit par le devancer, attirée comme un papillon par la lumière qui filtre de la porte ouverte d’une grande salle d’où filtrent aussi des voix, des voix indéniablement féminines, l’entraînant avec elle, le forçant à avancer.

D’accord. Il soupire, baisse la tête et avise la touffe de mèches bleues coiffée de sa casquette, faute de pouvoir voir son visage. Elle va rentrer, elle va leur parler. Il en est certain, il a l’impression de commencer à la cerner. Trop expansive, trop gentille, trop naïve. Nouveau soupir.

Mais Manaphy lève la tête vers lui et se penche pour chuchoter, pour lui demander ce qu’ils doivent faire, maintenant. Elle dit qu’elle est là et qu’il n’a pas à avoir peur, aussi. S’il avait été quelqu’un d’autre, il aurait certainement rit, rit de leur situation qui s’avérait plutôt comique, si on prenait du recul.

Mais il n’est pas quelqu’un d’autre. Alors à la place, il rentre la tête dans les épaules, prend le temps de jeter un regard circulaire à la pièce une dernière fois avant de tousser, simplement.

Alors qu’il ferme les yeux et amène son avant bras devant ses lèvres craquelées pour étouffer sa quinte de toux rauque, il sent les regards se darder sur lui. Sur eux.

Nele se sentit presque reconfortée rien que par la voix de cette nouvelle fille appelée Ombre. Elle eut besoin de temps pour se souvenir le mot qui été écrit sur sa main.

Nele...je crois que je m'appelle Nele.

Et puis elle entendit une tousse rauque et elle regarda les deux nouveaux venus un peu éberluée. Il faisait froid. Et elle avait envie d'une couverture moelleuse et d'une tasse de thé. Avait-elle jamais eu cela? Qui est-ce qu'elle était? D'où est-ce qu'elle venait? Où devait-elle se rendre pour faire le cauchemar arrêter?
Et qui étaient les deux là? Étaient ils aussi perdus qu'elle?

Qui etes vous? demanda-t-elle tout bas

Tu as froid ? Toute petite... Je suis là. Je suis là, ne t'inquiètes pas. Je te protèges.

Son sourire carnassier aurait pu se dessiner dans l'ombre si elle avait eut un visage. Mais elle se contenta de faire souffler un vent frais dans la salle. Des vapeurs bleues apparurent devant les jeunes gens. Elles flottaient à quelques centimètres au dessus du sol et semblaient former une trainée colorée qui dessinaient un chemin hors de la Mairie...

Je suis là ma toute petite. N'ai pas peur. Je suis là. Viens à moi Ombre. Viens...

Il a toussé. Juste toussé. Pâques sourit. Ça lui ressemble tellement. Tous les regards se tournent vers eux. Aucun n'a l'air agressif ... Elles ont l'air perdu ses filles. Sauf Ombre peut-être.

" Qui êtes-vous ? "
Nele est chétive, trempée, apeurée.

« Je suppose que vous aussi, vous venez d’arriver. Je pense que vous serez tous d’accord pour qu’on trouve un moyen de se réchauffer. Et de se sécher aussi. Je m’appelle Éther. »
Ether semble plus sûre d'elle. A moins que ce ne soit qu'une armure.

« Bienvenue à Nulle part. Moi c’est Ombre. Pour se sécher je n’ai trouvé aucune couverture. Il y avait bien des choses dans les placards mais deux garçons s’en sont emparés mais rien de très concluant il me semble. Un Talkie Walkie ainsi que du sucre. Je crois qu’il n’y a rien dans les autres salles non plus.»
Elle est là depuis plus longtemps. Ombre. Elle a vécu plus de choses ici.

Les pensées tournent dans sa tête sans qu'elle parvienne à les organiser. Il faudrait qu'elle réponde à Nele. Il faudrait trouver de quoi se sécher parce qu'elle commence à avoir froid dans sa robe gorgée d'eau. S'il n'y a rien ici il faudrait aller voir ailleurs ...

Pâques est fatiguée. C'est drôle comme ça l'a cueilli tout à coup, comme un coup de poing au creux de l'estomac. Elle donnerait n'importe quoi pour dormir. Le sweat du géant à l'air bien accueillant... Elle s’assiérait bien, là part terre, pelotonnée contre lui. S'il la laissait faire...

Elle se frotte les yeux et étouffe un bâillement. Elle regarde son bandeau qui la lie au géant. Elle n'a toujours pas envie de le défaire.

" Vous pouvez m'appeler Pâques. Pour lui je sais pas, ce n'est pas un grand bavard. Mais je l'aime bien il est gentil et je laisserai personne lui faire du mal..."

Sa voix a perdu son enthousiasme habituel. On dirait une gamine qu'on vient de sortir de la sieste. Elle lève les yeux vers lui.

" J'ai sommeil... Si je dors tu restes avec moi ? "

Si elle avait regardé au sol, elle aurait peut-être vu les vapeurs bleues qui venaient d'apparaître dans la pièce ...

Au total, en comptant Manaphy, elles sont quatre. Quatre jeunes filles perdus et frigorifiés, à des degrés différents certes, mais quatre jeunes filles dans une situation similaire à la sienne. Il y a Ombre, la rousse aux airs maternels et réconfortants, Nele, toute jeune et apeurée ainsi qu’Ether, blasée et calme. Elles parlent toutes les quatre, à tour de rôle, et il ne les écoutes que d’une oreille distraite.

Ses yeux sont posés sur les vitres rendues opaques par la couche de crasse s’y étant déposée avec le temps, et il se demande à quoi ça rime. Calmement, presque avec lassitude, mais quand même. Il ne sait pas où il est, ni qu’il est, et il semblerait que ce soit de même pour les autres. C’est étrange, c’est étrange et il est déjà fatigué, autant physiquement que mentalement. Tout ça à l’air compliqué, d’autant plus que vient s’ajouter à ça le froid et cette histoire biscornue de souvenirs…

Sidérella – Ombre de son véritable pseudonyme - leur annonce qu’elle n’a rien trouvé pour se sécher, et il lâche un soupire en avisant Pâques et ses jambes nues et grelottantes. Elle allait –ils allaient tous attraper la crève, si ça continuait.

Il hésite, avise les placards des buffets ouverts et se dit que, peut-être, ceux qui sont passés avant n’ont pas bien cherché ? De toute façon, il ne peut rien faire d’autre. Alors il s’apprête à s’avancer vers les emplacements de rangement quand la voix de Pâques s’élève, soudain ensommeillée, alors qu’elle se présente.

Elle dit qu’il est gentil et qu’elle l’aime bien, et ça le touche, peut-être, un peu. Son faciès stoïque et fatigué reste égal à lui-même, mais avec une loupe et de très bons yeux, on aurait peut-être pu remarquer son micro-sourire.

Mabaphy dit aussi qu’elle a sommeil et lui demande s’il restera avec elle si elle fait une petite sieste, et quand il baisse la tête vers elle pour la voir bailler, il remarque les traces vespérales du même bleu fluorescent que celui de la gare flottant au dessus du dallage, et il fronce un peu les sourcils, perplexe.

Il remarque aussi le regard hésitant de Sidérella, mais il ne se demande pas si elle va les suivre, ces traces, ni même d’où elles viennent. Sincèrement, il s’en fou éperdument. Il ferme les yeux et souffle lentement puis se met en marche vers le buffet, entraînant avec lui la demoiselle bleue, sans lui répondre. Elle dormira plus tard.

Il a soufflé, fermé les yeux, avant d'avancer vers un des meubles. Sans répondre. En la regardant à peine. Certains pourraient penser que c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Pâques non. Elle se serait peut-être mise en colère si elle n'avait pas été fatiguée. Si ça voix n'avait pas été atténuée par le sommeil. Si elle avait su se mettre en colère. Avec des Si on mettrait Lutèce en amphore ... Qui est-ce qui disait ça déjà ?

Ombre est partie. Sans un mot, le sourire aux lèvres. Elle l'a vu du coin de l'oeil. Où est-ce qu'elle va ? Ils sont à Nulle Part elle a dit ? C'est un drôle de nom. Mais Pâques trouve ça ... Prometteur. Après tout, si on est à Nulle Part, on peut faire de cet endroit ce que l'on désire. Une ville enchantée, un labyrinthe, une prison... Elle a envie de découvrir ce lieu inconnu. Est-ce qu'elle aurait dû suivre la jeune fille ?

Sommeil. Froid. Il faut qu'elle se repose et qu'elle se réchauffe. Mais elle a tellement envie de partir explorer chaque recoin. Elle regarde le géant. Elle a fait quelques pas pour le suivre lorsqu'il a avancé. Il ne la regarde toujours pas. On pourrait croire qu'il l'a oubliée. La petite chose aux cheveux bleus dans son bout de tissu orange. Regarde moi... Regarde moi et dis quelque chose... Montre moi que j'existe.

Il ne se retournera pas. Elle le sait. Elle sent une boule se former au creux de son ventre. Depuis quand tu as besoin qu'un garçon te regarde pour exister ? Lentement, sans geste brusque, elle pose sa main sur le noeud du bandeau à son poignet. Sans le toucher. Elle le dénoue d'une main sans trop de difficulté. Les deux mains libres, elle attrape la casquette qu'il a posé sur sa tête et la dépose sur le sol. Il ne l'a pas senti bouger, ou alors il n'a pas pris la peine de se tourner vers elle.

Elle fait deux trois pas vers la porte, sans jeter un regard aux deux jeunes filles dans la pièce. Elle ne sait pas où elle va, elle aurait aimé chevaucher encore un moment sur la même route que lui mais il semble qu'il préfère faire cavalier seul.

"Prends soin de toi et que ta route soit belle" lâche t-elle dans un souffle

Quelque chose se déroulait sous les pieds d'Ether sans qu'elle s'en rende vraiment compte. Le sol devenait mou. Soudain gélatineux, il commença à trembloter sous son poids. Puis elle sombra. Tout simplement. Ether venait de se faire absorber comme dans un sable mouvant à vitesse rapide par le sol de la cafétéria immédiatement redevenu solide.

Elle chuta de quelques mètres pour se retrouver dans l'ambiance tropicale du Zoo, tombant du ciel. Normal. Mais qu'était-ce que la normalité à Nulle Part ?

Spoiler:

NOON ETHER désésperée, elle se leva et elle fit dix pas en arrière.


//Seule tout seule tout seule tout seule// elle respira bruyamment. Les larmes, elle les sentit sur ses joues.