Décidément, il allait sans doute passer sa journée à soupirer… Le comportement de la jeune fille était on ne peut plus immature, ce n’était pas en agressant quelqu’un que l’on parviendrait à le convaincre… Mais qu’importait, après tout, mieux valait l’ignorer, rentrer dans le jeu de la puérilité ne ferait pas avancer les choses, et même si cela faisait mal de le reconnaitre, elle restait quand même bien plus au courant des évènements que lui… Potentiellement, elle restait quelqu’un d’utile. Et après tout, il avait déjà dû apprendre à côtoyer des personnes qu’il n’appréciait et qui ne l’appréciaient pas.

La façon dont Wesh prit en main la suite des opérations le surpris, et pourtant ne l’importuna pas pour autant. Le jeune garçon avait un mental d’acier et les réactions justes… Peut-être de quoi le placer en tant que bon leader… Et lui de son côté, on l’avait engagé à faire ce qu’il était censé savoir faire le mieux. Mais, sans doute pour l’une des premières fois de sa vie, la confiance du petit blond commençait à s’effriter. Il avait tenté des manipulations instinctives, mais le problème venait justement du mot « instinct »… En quoi ce qu’il avait fait aurait pût lui apporter le moindre résultat ? Qu’est-ce qui lui disait que cet instinct lui appartenait seulement comme ses souvenirs ? Vu que sa première tentative avait échouée, que pouvait-il faire de plus ?

La réaction qu’il eut alors dû paraitre étrange… Il s’assit par terre, jambe croisées avant de se plaquer une main sur la tête, l’autre sur la cuisse, pour finalement fermer les yeux et se concentrer. Plus rien ne se passait autour, il était seul dans le noir de son esprit, ressassant les informations qu’il possédait et celles qu’il devait déterminer. Rien ne l’affectait plus, le plafond aurait pût s’effondrer sur son crâne qu’il ne s’en serait pas rendu compte. Son cerveau en ébullition, il finit par rouvrir les yeux le moral regonflé. Se relevant, bien que maladroitement n’étant pas le plus grand athlète de tous les temps, il se redirigea vers les boutons, mais plutôt que d’appuyer immédiatement dessus, il s’intéressa aux positions des rouages, des écrans et des boutons. Observer attentivement la structure avant de procéder… Il se tourna légèrement vers tous ceux qui l’entouraient avant de commencer la moindre manipulation.

« Wesh, Sirius, le crâneur et la disjonctée, est-ce que vous reconnaissez la moindre de ses personnes sur ses écrans ? Ou avez-vous la moindre idée, d’où ses images sont prises par rapport à là où nous nous trouvons ? Je commence à songer que… »

Cette petite vengeance passagère envers Aurélia était en réalité tout aussi puérile que les réactions de la jeune fille, et décrochant quelques secondes du fil de sa réflexion, il sourit en y repensant d’autant plus qu’il avait pris plaisir à prononcer ses mots. Peut-être n’était-il pas mieux qu’elle. Quant à l’autre ? Il avait énoncé cela comme une simple vérité et c’était exactement ce que c’était.

« ... peut-être on peut trouver un lien entre la position relative des écrans, des boutons et des rouages qui les lient entre eux, avec l’emplacement réel des évènements présent sur chaque écran. Il ne s’agit la cependant que d’une supposition… »

Il t'agace. Mon dieu ce qu'il t'agace avec ses grands airs, s'il se fait bouffer une jambe par une bestiole tu te jures que tu ne l'aideras pas. Il n'aura qu'à se démerder avec sa logique et ses pseudos capacités qui n'ont pas eu l'air de marcher jusqu'ici. Tu affiches le sourire le plus hypocrite que tu as en réserve avant de reporter tes yeux sur les écrans, mais ça défile si rapidement que tu as du mal à reconnaître les endroits et les gens.

Tu essaies pourtant d'y mettre toute ta concentration mais tu tournes la tête vers les deux frères lorsque Wesh saisit au col Matt, tu retiens de force une pulsion de les séparer, Wesh semble pouvoir se contrôler. Tout ton corps est tendu, tu ne te sens absolument pas en sécurité ici, la Ville ne donne jamais, elle prend. Et Elle ne vous laissera sûrement pas tout saccager sans réagir, la seule pression de la main de Wesh sur ton coude t'apaise un peu, mais c'était sans compter sur la remarque purement puérile du petit blond. Tu lui jette un regard en coin en serrant les dents, tu es loin d'être la plus folle dans cette Ville, et toi, tu as survécu.

"La disjonctée elle t'emmerde profond l'intello." Tu retournes tes yeux vers les écrans, il va te falloir de la concentration alors tu relèves tes cheveux en chignon sur le haut de ta tête avant d'ôter le pull sur tes épaules, c'est un sauna cette pièce. "Il me semble avoir vaguement reconnu Vinci, ou Flavio si vous préférez, mais il était dans un endroit qui ressemblait à une gare et quand je l'ai laissé il était avec un petit garçon blond et Miguel dans l'hôtel." Tu soupires, approchant encore un peu tes yeux bleus des écrans, fronçant les sourcils. Un regard en arrière pour regarder Sirius et Matt, c'est vrai qu'il vaut mieux éviter de se faire piéger ici, tu acquiesces à la remarque de Wesh avant de lui répondre dans un sourire plus doux quand tu te remémores le seul souvenir que tu en aies.

"Oui, je pense que c'est votre petit frère. Je le gardais, un petit cousin avec les cheveux de la même couleur que ceux de Matt. Alessandro. Un petit monstre qui a réussi à me faire courir dans toute la ville pour le retrouver après qu'il se soit enfui par la fenêtre." Tu poses ta main sur son bras, il n'a pas l'air très content et il vaut mieux s'apaiser avant que la situation n'explose, même si tu es mal placée pour parler. Tu sais qu'à la moindre remarque désobligeante de Caruso tu risques de le tacler derrière le genou rien que pour le voir s'effondrer par terre.

Mais tu as aussi besoin de réponses, alors tu te tournes vers Matt. "Dis, tu a eu un souvenir concernant un hôpital ?". Parce que, oui en jetant un coup d’œil à tes poignets abîmés, tu te demandes si c'est pour ça ou si c'est pour autre chose, comme l'incident Franco. Ton cœur se serre rien qu'en y pensant, oui tu veux savoir.

Tout ça l'énerve. Entre celui qui raconte des truc auquel il pige que dalle, et son soi-disant frère qui le fait chier alors que zyva j'ai rien fait, tout le fait grave chier. Alors quand Wesh lui ordonne presque de garder la porte, il renifle, méprisant, et ne fait pas un geste pour. Il prête à peine attention au blond, quand ce dernier leur pose des question à propos des écrans. Un instant il observe les visages qui défilent. Ouais, il en connait, et alors? Qu'est-ce qu'on en a à foutre de c'te machine? Qu'est-ce qu'ils ont à être parano? Faut s'détendre. Il fait un geste pour s'éloigner quand Aurélia parle de Flavio à la gare, ce qui le décide à rester un instant pour la prévenir. Parce qu'il est mal barré, celui-là. Et enfin, il répond d'abord à Aurélia:

- Nan, j'ai pas eu de souvenir de ce genre, désolé. Et Flavio est dans la merde s'il est à la gare, parce qu'y a un psychopathe armé qui m'a suivi jusqu'à là-bas et j'crois qu'il y est encore.

Ensuite, il s'adresse à son cher grand-frère et, avec un regard insolent, expose ses pensées:

- Et toi tu t'prends pour qui? J'suis pas ton chien de garde, alors la porte t'vas te la garder toi-même. Toute façon, vous êtes tous paranos ici.

Et sans un dernier regard il se détourne et sort de la pièce. Rien à foutre d'la famille. Pour lui, ce n'est pas une chose qui compte. Surtout si son grand-frère lui fait la morale alors qu'il déteste particulièrement ça.
Bon, prochaine étape.

Spoiler:

Comment osent-ils? Sa fureur fait trembler tout l'édifice. Puis le silence revient. Un silence lourd. Les écrans s'éteignent alors, un à un, plongeant la salle et ses intrus dans le noir le plus total. Une obscurité étouffante. Pourtant ils peuvent sentir que quelque chose bouge. Comme si la peur rampait vers eux, avide. Un frottement derrière Aurélia, un courant d'air vers Caruso, l'écho d'une voix vers Wesh. Autour de Sirius, il n'y a rien que le silence. Un silence qui en devient assourdissant.
Un chœur de cris d'effrois et de panique résonne alors dans la pièce. La souffrance fait vibrer les voix, le son prend de l'ampleur, jusqu'à dépasser le seuil de douleur. Les tympans des quatre individus les font souffrir, ils n'entendent plus rien qu'un bourdonnement continu. Aveugles et sourds ils ne sont plus une menace. Pourtant Elle sent que quelque chose lui échappe.
Si les ronces s'attaquent alors à la tour, faisant s'effondrer certaines parois dans les autres étages, ce n'est pas de son fait. Dans l'obscurité, Aurélia ne peut voir alors les ronces ramper jusqu'à elle, avec une vitesse fulgurante elles enserrent ses chevilles et la renversent.

Sourd. Aveugle. Elle ne voit rien. L'obscurité l'encercle et le bourdonnement incessant dans ses oreilles, lui ont vrillé les tympans. Elle n'ose même plus bouger comme paralyser. Son coeur bat à tout rompre. Toutes ses voix plaintives qu'elle venait d'entendre. Elle n'entend plus rien. Ne voit plus rien. Qu'est ce qu'ils vont devenir ainsi ? Marionnette égarée. Pantin désarticulé. Ils sont prit au piège, désormais impossible de se défendre. Est ce donc réellement le début de la fin ?