L'étreinte de Dieu est rassurante. Olga peut sentir son malaise et lui est d'autant plus reconnaissante de la garder près de lui. Oubliées les vieilles querelles, les chamailleries, l'idée de vengeance mesquine. Tout ce qui compte en cet instant c'est qu'il est là, qu'elle n'est pas seule et qu'il l'entraîne loin de ce décor macabre. Elle ressent un pincement au coeur en quittant ses camarades mais elle en a vraiment besoin.

Arrivée près de Biscuit, elle caresse doucement les cheveux de la petite endormie. On va devoir la laisser ici, on arrivera jamais à la réveiller... Elle dépose un baiser sur sa joue et récupère ses vêtements qui se sont retrouvés dans la voiture sans qu'elle sache trop comment. Elle enfile le pantalon et la chemise trop large, se sentant un peu moins vulnérable dans ces quelques bouts de tissus.

"Elle s'appelle Décembre ici. On ne peut pas l'emmener, elle est encore dans les bras de Morphée... Biscuit veillera sur elle en attendant le retour de Lou et Vodka".

Sa voix est basse et ne lui ressemble pas mais elle s'en fiche. Elle attrape la main du brun et l’entraîne à sa suite vers la sortie des égouts, débouchant sur les quais du métro. C'est sur les rails qu'elle a rencontré Août et Xéna. Comment vont-ils ? Sont-ils toujours en vie ? Elle secoue la tête pour chasser ses questions et se laisse tomber contre la paroi du tunnel.

Sa main n'a pas lâché celle de Dieu et elle se recroqueville sur elle même, prenant le temps d'inspirer et d'expirer lentement, à pleins poumons. Chasser l'odeur de la mort, celle de la peur qui rode autour d'elle. Inconsciemment, elle serre la main de son compagnon d'infortune.

"Dis... J'peux avoir encore un câlin ?"

Il sortent des égouts. Et c'est comme un libération. Finie l'eau sale, finie cette lourdeur et cette odeur de mort. Et même si l'endroit où ils atterrissent est comme surchauffé, il vaut mille fois mieux que la fraîcheur mortelle de leur point d'origine.

Il n'a rien dit depuis un moment, laissant Olga s'occuper de Décembre -puisque c'est ainsi qu'elle la lui a présenté-, la laissant passer des vêtements et donc redevenir décente, la laissant même lui prendre la main pour l’entraîner jusqu'à leur destination. Une station de métro, à ce qui lui semble. Mais pas de métro à l'horizon. Au fond, c'est sans doute de voir une rame arriver vers eux qui aurait été étonnant, dans cette ville fantôme.


Il regarde la rouquine s'asseoir sur le sol, le dos au mur. Le dos au mur. C'est un peu ça, en ce moment, après tout. Ses rêves de grandeurs se sont effacés petit à petit, depuis son arrivée dans cette ville. Et avec les événements récents... c'est toute son innocence qui s'est évaporée. Il lui semble qu'il en a trop vu, que c'est contre nature. Il ne sait pas quel âge il a, mais il se devine jeune. Trop pour voir des gens mourir. Est-ce que quand on est jeune, on ne doit pas avoir cette sensation que le monde est à nous, et qu'on va vivre éternellement ?

Quand Olga réclame un câlin, il la dévisage un instant. Qu'est-ce qu'il allait se passer, s'il refusait ? Et est-ce qu'il n'avait pas promis à Lou de prendre soin de son amie le temps qu'elle revienne ? Et puis maintenant qu'elle n'est plus en sous-vêtements, la situation est un peu moins délicate. Un câlin, ça n'est rien, et si ça peut éviter que cette fille là parte en vrille... Il se laisse glisser à côté d'elle, passe un bras autour de ses épaules le plus doucement possible. Une fois de plus, il a l'impression d'être maladroit, comme si ce n'était pas très naturel.

Ses pensées s'égarent de nouveau rapidement, vers cette ville si étrange, vers cette ville qui était devenu son monde, du moins tout ce qu'il en connaissait.

« Dis... a ton avis, pourquoi on est là ? »

Cette question, elle était pour lui, elle était pour Olga, elle était pour la chose qui se jouait d'eux depuis le début. Il lui fallait bien une réponse, au moins un début, pour comprendre.

Olga ne se sent absolument pas gêné quand il la dévisage. Pourtant elle doit avoir un drôle de tronche avec ses cheveux qui lui tombent dans les yeux, ses fringues de mec trop larges... Et puis elle a pas eu l'occasion de prendre une douche elle ! Enfin, ce ne doit pas être trop horrible puisqu'il lui accorde tout de même le câlin qu'elle lui a demandé. Joke peut sentir sa touchante maladresse dans ses gestes et elle laisse un fin sourire éclairer son visage. Il a changé. Moi aussi.

"Dis... a ton avis, pourquoi on est là ?"

Alors ça, c'est une bonne question mon pote ! La tête posée sur son épaule, jouant négligemment avec une mèche de cheveux du beau brun, elle prend le temps de réfléchir une petite minute en fermant les yeux. Finalement, elle lui répond d'une voix neutre.

"Pour se tester je dirais. Voir nos limites. Voir comment on évolue dans un environnement qui nous met sous pression. Un peu comme le cirque, le soir de la grande représentation. Tous les regards braqués sur toi. La tension palpable quand le tigre gronde. Et toi, petite silhouette chétive au milieu de la piste tu dois faire face. Rester droite. Garder la tête haute. Sourire. Défier la bête du regard. Impressionner le public. Je crois."

Je crois ouais... La jeune fille reste un instant silencieuse, méditant sur ses paroles. Il va encore me prendre pour une dingo. Mais pourtant c'est vrai, c'est ça... Mais alors... Lentement, Olga lève la tête et se lève. Ici c'est une autre piste. La Ville est un tigre indomptable. A moi de faire face pour la faire ployer. Et soutenir les autres plutôt que de vouloir les impressionner. Je vais faire ça. T'en dis quoi, la Ville ?

Sans prévenir, la voici qui monte à l'équilibre tendu et commence à marcher sur les mains devant son camarade, sourire aux lèvres. Il faut qu'il reprenne du poil de la bête ! Allez on bombe le torse et on imite le paon ! Je sais qu'tu gères !

"Je suis sûre que je vais plus loin que toi comme ça ! On parie ? Si je gagne tu devras m'appeler Maîtresse sinon c'est moi qui t’appellerai Maître pendant toute la nuit !"

Elle lui lance un clin d'oeil assorti de son plus beau sourire pour l'encourager à accepter.

"S'te plaît ! Faut pas qu'on coule, on vaut mieux qu'ça ! TU vaux mieux qu'ça !

Voir nos limites ? Eh bien les siennes ne devaient pas être très larges, parce qu'il ne supportait pas cette Ville, il ne supportait pas cette vie. Il voulait juste retrouver un peu de confort, rentrer chez lui, où que ça soit.

« T'as l'air calée, au niveau du cirque, toi. C'était ton truc, avant ? »

Parce que cette façon qu'elle avait d'évoquer les tigres, le public, l'adrénaline... Ça sentait tellement le vécu. Sans doute que dans les souvenirs qu'elle avait récupéré, elle avait sentit tout ça.

« Et puis le public qu'on doit impressionner, c'est qui, hein ? Je voudrais bien le voir, moi. Celui qui s'amuse avec nous comme ça. »

Celui qui m'a blessé avec les ronces, qui ne cesse de nous surveiller, qui nous rend la mémoire quand bon lui chante. Est-ce que nous sommes juste des jouets, hein ? Non, il n'avait pas envie d'être un jouet, absolument aucune envie. Il voulait être lui, il voulait être libre. Agir comme bon lui semblait, sans avoir l'impression d'être marionnette reliée à des fils. Aussi, quand Olga se releva et qu'elle se mit à marcher sur les mains, le mettant au défi de faire de même, il se prit à sourire.

« Bien, très bien. Challenge accepté »

Il se mit debout à son tour avant de se préparer à faire l'équilibre.... ce qui lui sembla parfaitement impossible. Il ne devait pas avoir apprit dans son ancienne vie, parce que là tout de suite, son corps refusait tout net de passer la tête en bas et les pieds en l'air. Il se força pourtant, posa ses mains sur le sol chaud et lança ses jambes vers le ciel. Ce qui fut un échec total, il devait bien le reconnaître. Il n'avait même pas réussit à atteindre une position d'équilibre, alors marcher comme ça...

« C'est pas juste, t'es entraînée, faut qu'on trouve quelqu'un chose où on a tous les deux nos chances ! »