Les rescapés

14h-16h
On arrive de très loin
Continuant de caresser la carrosserie sans le réaliser, Vodka écoutait les paroles de la rouquine. Pas de conducteur donc ? C'était étrange... La voiture possédait sa propre conscience et c'était encore plus étrange mais fascinant aussi. Une lueur brillait dans les yeux émeraudes du garçon, prouvant son intérêt. Doucement, il répéta de le nom de l'auto - bien qu'il le trouve stupide - et sourit bêtement, observant ce qu'il pouvait sans trop remuer. Son regard se perdit ensuite sur la demoiselle qui l'avait aidé, fort sympathique d'ailleurs avec son caractère bien trempé.

"Mouais... même si tu sais conduire tu restes une gonzesse hein !"

Il eut un bref ricanement après lui avoir tiré la langue. Il plaisantait bien sur, n'étant pas spécialement sexiste dans l'âme - pas qu'il sache en tout cas - mais il sentait que sur ce terrain, il pouvait avoir la supériorité aisément. L'instinct encore... La question de Lou le sortit cependant de ses pensées et il soupira un peu, se détachant de la voiture en vacillant légèrement.

"Taiga c'est la seule personne dont je me souvienne... et l'homme que j'aime."

Il baissa un peu les yeux à cet aveu. C'était si évident... Cette relation si naturelle entre eux, ces disputes qui se terminaient vite, ces baisers... Son cœur se serra à l'idée. La séparation avait été brutale. Sans le réaliser, il porta sa main à sa poitrine comme pour calmer la douleur. Se faisant, la fiole lui revint en tête et il l'observa quelques secondes. Son seul espoir de retrouver Taiga, il ne devait surtout pas le perdre ! Il la glissa donc dans sa poche, n'ayant pas réellement le choix pour le moment.

Lentement, il s'assit ensuite sur le sol et retira avec difficulté le petit pull qu'il portait. Trempé comme il était, il ne servait plus à rien et la planche à pain semblait prête à le soigner alors autant dégager ses plaies. Torse nu à nouveau -il allait finir par s'y habituer depuis son arrivée - il observa Lou quelques secondes avant de détourner les yeux, un peu gêné.

"Merci en tout cas Lou..."

Non, elle ne sait pas soigner, mais elle va faire de son mieux. Tout son attirail déballé, elle observe Vodka la titiller sur sa conduite, mais ça la fait rire. Elle répond en tirant la langue à son tour et grommelant, faussement vexée « Tais-toi, toi, j'sais faire des choses dont t'as pas idée en retour ! » Car sérieusement, qui croirait que cette jeune fille crasseuse est une voleuse, hein ? Pas elle en tout cas. Puis finalement, elle s'agenouille, se concentre sur tissus et désinfectant et se demande comment ils font dans les films, déjà... ? Ah, pas de souvenirs, c'est vrai. Mais ça doit être un truc du genre, imbiber le tissus, tapoter pour nettoyer sans frotter, ce genre de trucs. Elle en tire la langue de concentration, sourcils froncés et yeux grand ouvert.

Au remerciement du Blond, Lou en sourit, rougissant de plaisir d'avoir enfin rencontrer quelqu'un d'autre qui soit un peu sympa dans cette ville. Vinci lui manque, elle espère qu'il va bien. Et qu'il a rencontré d'autre personnes qui prennent soin de lui. En attendant, elle a trouvé quelqu'un... gay comme un pinçon, oui, mais après Gabriel, (Vinci sans le savoir), et Vodka, elle se dit juste qu'elle les attire p'tet.

« C'est rien. On fait une belle brochette de Débilos, hein ? » Elle rigole « Faut un peu se serrer les coudes, aussi... Car cette ville, c'est précisément ce qu'elle veut pas. »

Elle applique ses soins de fortunes et espère que ça ne pique pas trop. P'tet que si. Elle tente de changer les idées à l'autre.

« Alors, Biscuit, cool, hein ? Elle répond juste quand je l'appelle, je l'adore. Et puis, Après, tu veux faire quoi ? J'te proposerai bien qu'on se trouve de quoi s'habiller, mais je présume que les égouts te tentent plus ? Encore que je vois pas ce que tu veux faire là bas... Ah, et Taiga... Il est comment ? Il est ici ? »

Ce serait chouette ! Pense-t-elle avant de se raviser. Non, ce serait pas chouette du tout. Qui pourrait souhaiter qu'une personne proche soit ici, hein ? Quelque part, elle apprécie de n'avoir croisé aucune personne de sa connaissance... Sauf Ennio ? Qui sait...

Vodka rit un peu. Cette femme l'amusait, il se sentait étrangement détendu avec elle. Peut-être parce qu'ils étaient un peu pareils ? Deux "débilos" comme elle disait si bien. Surement ouai... Au fond, il s'en foutait, tant qu'il se sentait bien c'était le principal. Un frémissement le saisit lorsqu'il la sentit désinfecter sa plaie mais il ne broncha pas, il respirait juste profondément pour faire abstraction. Etrangement, cette douleur-là le dérangeait moins. Déjà c'était pas la même puissance mais surtout, il y était plus...habitué ? Peut-être que oui peut-être que non. Qu'en savait-il au fond ? Content qu'elle parle, il se décida à lui répondre. C'était le moyen le plus efficace pour se changer les idées.

"Ouai elle est cool Biscuit... Tu l'as eu comment ? C'est pratique une voiture ici, j'en voudrais bien une aussi. J'sais pas pourquoi mais j'ai l'impression que... c'est familier."

Sa main effleura encore une fois la carrosserie de la voiture. Non décidément, c'était familier, trop familier même. Etait-ce lié à son passé ? Peut-être. Toujours ces incertitudes qui le gavaient... Il ne savait rien à part Taiga. D'ailleurs, elle en avait parlé non ? Le blondinet eut un bref ricanement.

"Taiga c'est le genre de mec que personne aime j'pense. Il veut toujours avoir le dessus, il est hyper autoritaire et violent mais perso j'en fous. Je sais qu'il tient à moi et c'est réciproque, c'est tout ce qui compte non ?"

Fouillant dans sa poche, il ressortit la fiole et fit face à la rouquine, lui mettant devant les yeux sans la lâcher. Il ne lui tendait pas, il lui montrait juste.

"Je dois aller dans les égouts pour ça. Je dois la ramener là-bas. Taiga est ici et je l'ai revu déjà, on s'est retrouvé dans les égouts justement et je suis sur que si j'y retourne je le verrais ! Il sait que j'ai la fiole et que je dois la rendre, c'est... mon seul espoir."

Il soupira lourdement. Ca sonnait si tragique...

« Biiin, quand je suis arrivée, j'ai croisé deux types. Un qui se faisait appeler Régis, mais dont le vrai prénom, c'est Gabriel -et c'est un gros con qui pète des câbles tout le temps, méfie-toi- et un autre, Ennio. Et bah, en sortant du train, y'avait un Lion de pierre -t'sais, une statue!- et il nous a mené -nan, car il marchait et bougeait ! - à Biscuit. Et depuis, elle est restée avec moi !

Et si tu continues à faire du charme à ma voiture, comme ça, j'vais pas apprécier ! »

Que cette accalmie dure un peu, Lou n'étant pas spécialement à l'aise avec le fait de nettoyer les plaies de quelqu'un. Le sang, la douleur... hum. Très peu pour elle. Mais au moins, elle ne s'en sent pas malade. C'est déjà ça. Alors elle parlait, babillait pour ne pas trop penser à ce qu'elle faisait, juste ce qu'il fallait pour quand même bien le faire.
Elle écoute Vodka, lui parler de Taiga et se demande, alors, quand ils l'auront retrouvé, ce qu'il se passera... Est-ce qu'elle sera éjectée ? Est-ce qu'elle supportera quelqu'un de super-autoritaire ? Ou est-ce qu'ils pourront continuer, ensemble ? Faire un bout de chemin ? Elle se demande. Elle en perd son sourire. Mais quand le blondinet lui explique qu'ils comptent l'un pour l'autre, elle sourit et répond à l'affirmative « Ouais, c'est tout ce qui compte. »

Et puis il y a la détresse dans sa voix, à l'idée de ne pas le retrouver. Ce lourd soupir. Elle l'a vu plié en deux par la douleur et se présenter, avec un rictus de sourire. Et là, l'idée de ne pas le retrouver l'angoisse ? Alors, Lou se décide. Elle prend un air déterminé et clame, haut et fort, sa voix raisonnant dans l'église :

« T'as gagné ! On le retrouvera, ton Taiga, j'en fait ma priorité ! Et devine quoi ? J'suis plutôt du genre monomaniaque... Enfin, tant que j'y pense, du moins. Biscuit nous y mènera dans les égouts. Puis j'ai une tronçonneuse, au cas où. »

Elle rigole en continuant de soigner le p'tit blond. Il sourit encore, contrairement à tellement de monde dans cette ville. Il sourit malgré sa journée et elle a envie de lui préserver ce sourire, encore.

C'était avec un amusement non masqué qu'il écoutait Lou parler sans cesse. Si on laissait de côté l'araignée qui avait voulu les tuer et ses blessures, ils ressemblaient presque à deux amis qui papotaient autour d'une tasse de café - sans la tasse ni le café. D'ailleurs en parlant de ça, il mangerait bien un truc quand même... M'enfin, il attendrait un peu. La mention de Gabriel le fit tilter et il se mit à rire à la description.

"Il m'a roulé un patin ton Gabriel ! Ce type était tellement déchiré qu'on a failli mourir dans un incendie ! J'te raconte pas le bordel quoi !"

Mais il trouvait ça drôle, très drôle même alors il en riait. Au fond, Gabriel, il s'en foutait un peu. C'était juste un type qu'il avait croisé, ils avaient joué et puis voila. Être séparé ne lui en coutait pas plus que cela. Se montrait-il dur ? Simplement réaliste pourtant. Il ne pouvait s'attacher à tous les gens qu'il croisait, il avait déjà bien assez à faire avec Taiga et puis... Lou peut-être maintenant. Il l'aimait bien cette planche à pain, elle avait du répondant.

Il retira d'ailleurs sa main de la voiture pour arrêter de lui faire du "charme" tout en souriant amusé.

"T'inquiète, j'te la laisse ta voiture. Je m'en trouverais une rien qu'à moi puis on se fera une course, ça t'dirait ?"

Le blondinet lui lança un regard plein de défi. Une course... rien que l'idée le faisait frémir d'excitation - à moins que ça ne soit encore le désinfectant. Ca serait tellement fun ! En plus avec les obstacles que la ville semblait vouloir mettre sur leur route, le jeu serait d'autant plus prenant. Revenant sur le sujet Taiga pour ce qui semblait la dernière fois, il lança :

"On le trouvera alors. A nous deux, il nous échappera pas !"

Il rangea la fiole dans sa poche et lui tendit la main comme pour sceller le deal. Souriant toujours, il proposa ensuite :

"J'irais bien manger un truc avant par contre, j'meurs de faim ! Ca sert à rien que je le retrouve si c'est pour m'évanouir."

Entre les paroles et les sourires, Lou avance bien, tout de même, dans son boulot de soigneuse. Il n'y a pas à dire, chaque pansement qu'elle laisse est... artistique. Tenu par un miracle et ressemblant à un grand rien, ça lui arrache un rire qu'elle ponctue par « J'étais carrément pas infirmière, avant ! » et une petite tape amicale sur l'épaule. Si bien qu'elle laisse passer la fiole qui pourtant, était plutôt intéressante et quand le blond la range, elle lâche un « c'est quoi cette fiole d'ailleurs ? » interrogatif. Elle aurait bien continué dans cette direction si la conversation n'avait pas dérivée, si Vodka n'avait pas commit un sacrilège. Alors, la rousse se relève et se poste devant lui, lui secoue un doigts sous le nez.

« M'insulte pas, tu veux ! C'est pas ''mon'' Gabriel, dieu merci ! » Puis après une réflexion, elle ajoute, en haussant les épaules, blasée : « et c'était bien un homo refoulé. Tss. » Mains sur les hanches, elle secoue la tête avant de se rasseoir sur le sol, afin de finir l'instant infirmerie avec Vodka.

« T'étais dans un incendie, aussi ? » Deux incendies en même temps ? Ou bien... « Dans un centre commercial ? »

Drôle de conversation autour d'une tasse de café sans café et sans tasse. Ils auraient été tout les deux dans le même centre en même temps ? Drôle de coïncidence. Elle n'avait qu'un vague souvenir de fumée, maintenant... Et d'abandon, de personne qui ne l'écoute alors qu'elle se décarcassait à trouver des trucs. Penser à autre chose. Grumf.

« Tu pourras faire une courses avec Biscuit si tu veux, ouais ! On verra si je sais conduire d'ici là, hé hé ! Sinon, je lui laisse le soin de la conduite. »

Au moins, ça serait sympa. S'amuser, ici... C'était tellement bien de trouver quelqu'un qui pense à ça ! Lou en souriait.
Dernier pansements -mon dieu, comment tenait-il celui là ? Une gaze collée par quelque pansements qui pendouillaient à moitié ? - et elle se relève, se frottant les mains avec un air plus que satisfait.

« Ok ! J'ai faim aussi, alors, ça serait bien. T'as une idée d'où trouver de la nourriture, toi ? »

Et qu'il ne dise pas « supermarché »...

Le blondinet regardait les bandages et se marrait encore plus. Clairement, c'était pas une infirmière mais ça ferait largement l'affaire. Tant que ça ne s'infectait pas et l'empêchait de perdre une jambe ou un bras, il ne se plaindrait pas. L'entendant mentionner l'incendie aussi, il haussa les sourcils un peu surpris.

"Ouai, c'était là-bas... T'y étais aussi ? Dingue !"

Se redressant, il se tint à elle pour se lever correctement une fois qu'elle eut fini. Il n'avait pas envie de passer sa vie dans cette église, des fois que l'araignée ne décide de tout détruire pour les rejoindre... Il observa Lou une fois debout.

"Vu que le supermarché a cramé, faut trouver ailleurs... Y avait des maisons à un endroit mais j'sais pas eu, on m'a... téléporté là-bas en fait mais dedans y avait un peu à bouffer et à boire."

D'un pas hésitant, il se dirigea vers la voiture. Ils n'allaient pas s'y rendre à pied non plus, si ? Jetant un coup d'œil complice à la rouquine, il ajouta :

"Je t'explique la fiole une fois dans la voiture, ça te va ?"

« Ça me va ! »

En deux petits bonds, la rousse est proche de la voiture. S'assurant par un coup d'oeil que Vodka tienne bien debout, elle le laisse et s'engouffre dans la voiture pour dégager l'inutile. Les trucs de Rose, la tronçonneuse, ses trucs à elle... Elle le fourre sans ménagement dans le coffre, se disant qu'elle organisera ça plus tard. Puis Rose, aussi, elle l'installe mieux sur la banquette arrière, attachant tout de même une ceinture, au cas où. Puis une fois finit, elle se met devant la porte de la voiture et montre le siège conducteur, faisant une pirouette élégante à Vodka :

« Honneur aux fillettes débilette castra-ette ! »

Oui, fallait bien que ça rythme. Une fois le jeune homme à bord et la portière fermée, elle s'engouffre elle-même sur la banquette avant du passager et caressant énergiquement le tableau de bord de la petite Voiture, la rousse sourit.

« En avant, ma Biscuit ! On est passé devant une méga-baraque tout à l'heure. Tu nous y conduis ? Et doucement, hein, on a un passager sensible à bord. »

Elle tire la langue à Vodka, un air espiègle sur le visage.

Allons y gaiement.

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