12h-14h.
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Obscurité.
Obscurité moite.

A nouveau, l'étrangeté des lieux avait frappé la jeune femme de plein fouet. Après la téléportation elle avait pu expérimenter l'attaque des ronces. C'avait été désagréable et plutôt ... piquant. La brune ne se souvenait de rien depuis, et la surprise de se réveiller là sans comprendre comment elle y était arrivée lui faisait un effet désagréable et néanmoins désormais presque familier. Elle étouffa un cri de stupeur, alors que l'incompréhension et la peur envahissaient tout son être. Punaise ! Mais quoi encore ?! Aussitôt elle se releva, s'attendant à être encore malmenée par quelque créature végétale ... mais les ronces avaient déjà disparues. Elle était à nouveau seule.

Son premier réflexe fut de faire un tour sur elle-même, et cela lui permit de découvrir un nouvel endroit inconnu, plus sombre et humide cette fois. La chaleur qui y régnait lui fit tourner la tête et la força à s'asseoir sur le sol recouvert de végétation. Probablement un souterrain ... Elle aperçut ensuite les rails, qui rassurèrent intimement son esprit logique : où qu'ils aillent, ces rails devaient bien mener quelque part. La jeune femme se mit donc prudemment en marche, motivée par son désir d'éclaircir le mystère - et par son instinct de survie également, qui lui criait que si elle ne mangeait pas quelque chose rapidement, elle risquait d'avoir quelques problèmes.

Une idée lui vint, et elle se maudit de ne pas y avoir pensé avant. Plongeant ses mains dans ses poches, elle y chercha un quelconque objet utile ... Mon portable ! Une lueur d'espoir s'alluma dans ses yeux lorsqu'elle tenta de le mettre en marche - en vain. L'écran restait désespérément noir, ce qui lui valut une grimace de la part de sa propriétaire. Un bijou attira ensuite son attention, et elle l'observa un moment en silence. Une alliance ? Elle refusait l'idée d'être mariée alors qu'elle n'en avait aucun souvenir, et rejeta donc immédiatement cette possibilité. Remarque, j'ai bien oublié mon propre nom ... (Voilà que, rendue folle par la solitude, elle se mettait à argumenter contre elle-même) Elle garda le silence, interdite - jusqu'à la trouvaille d'une page extraite d'une revue scientifique probablement, dont le titre lui rendit inexplicablement le sourire : les Super Novas. Elle garda le papier dans sa main serrée sans s'en rendre compte.

« Y'a quelqu'un ? »

On sait jamais.
Elle entendit l'écho de ses paroles se répercuter sur les murs arrondis, et ce fut tout. Apparemment, elle était seule ; et plus encore, elle perdait la notion du temps au fil de ses pas qui la conduisaient vers un nouvel inconnu. C'en était presque devenu une routine ; une routine plutôt inquiétante cependant.

Par contre, bonne nouvelle, j'ai un stylo rouge ! Comme ça je pourrai graver moi-même mon épitaphe quand je crèverai ici dans le noir et l'humidité.

Elle voyait enfin quelque chose, un changement dans cette obscurité ambiante ; un mouvement qui se mua en silhouette. Puis en son.

« Y'a quelqu'un. » lui répondit-on simplement.

Alors elle se dit qu'elle n'avait rien à perdre, que la situation pourrait difficilement être pire, et elle avança vers l'homme qu'elle distinguait à présent dans le noir. Il était grand, très grand même, voire même imposant - elle s'approcha tout de même de lui, assez pour s'apercevoir de l'air de déception qui traînait encore dans ses yeux.

« Bonjour. » Sourire maladroit. « Ou bonsoir, je ne sais pas. » Elle avait perdu la notion du temps. « Je suis hm .. » Elle baissa la tête, embarrassée, et son regard rencontra le papier froissé dans sa main. « Nova. C'est pas mal ça, Nova. » La prochaine fois, pense à voix basse. Elle se mordit la lèvre inférieur, mal à l'aise.

Nova tendit une main amicale à l'inconnu. Après tout il peut peut-être m'aider, alors autant commencer sur de bonnes bases ... Il venait bien de quelque part, alors une sortie devait se trouver un peu plus loin ! La jeune femme se sentit une énergie nouvelle, aussi se mit-elle aussitôt en marche. Elle se retourna néanmoins vers le nouveau venu après quelques mètres.

« Je cherche à sortir d'ici, peut-être pouvez-vous m'aider ? »

A cet instant il lui sembla distinguer une forme humaine dans l'obscurité, plus loin dans le tunnel, mais tout de suite après son regard se perdit et elle douta de sa vision.

Nova fut rassurée que l'homme accepte de lui serrer la main - c'était un bon début vers une coopération, non ? Elle fut néanmoins surprise qu'il ne se présente pas, avant de se rappeler qu'elle avait eu la même attitude avec Lundi, un peu plus tôt dans la journée. Ce qui la conforta dans son idée que lui aussi ne se souvenait plus de son nom. Rassurant - enfin presque.

La silhouette aperçue plus tôt s'avéra être celle d'une jeune fille, en partie dissimulée dans le noir. La femme brune lui adressa un sourire amical, la prenant aussitôt en pitié sans trop savoir pourquoi. Elle était perdue, voilà tout. Puis Nova approuva les paroles de l'inconnu d'un signe de tête, et se mit en marche avec lui après un moment d'hésitation : pourquoi ne retournait-il pas vers la sortie ? Il ne semblait pas décidé à retourner d'où il venait -ce qu'elle supposait être l'extérieur-, alors où allait-il ? Ses pensées furent interrompues.

« Alors, que savez-vous d'ici ? »

Savoir .. un bien grand mot. Nova n'en était qu'aux observations. Elle répondit aussitôt, ses réflexions lui faisant oublier son incertitude de tout à l'heure.

« Simplement que cet endroit -ou que nous soyons- ne respecte pas les lois les plus fondamentales que nous connaissons d'ordinaire. La .. téléportation semble être possible ici. » Ces mots lui coûtaient. « Comment ? Je n'en ai pas la moindre idée. Le fait est que nous pouvons être déplacés d'un point A à un point B en quelques secondes, et ce contre notre volonté. »

Elle ne parla pas des ronces, de peur de paraître complètement dérangée.
Enfin, c'était déjà assez fou comme ça, non ?

« Ce que je veux dire, c'est que l'on peut s'attendre à tout. »

Assez bien résumé, somme toute.

Et elles reviennent à l'attaque ! Les ronces glissent contre les rails, sans bruit telles des serpents. Elles glissent jusqu'à tomber sur une personne à l'écart, dans le noir. Elles agrippent la cheville de la jeune fille aux cheveux bruns, Anarchy, et la tirent en la faisant tomber. Elles la tirent le long du chemin, passant devant le duo en semblant les ignorer. Elles n'arrêtent pas leur déplacement lent.

« Ouais, seule. »

Tous dans le même bateau alors, hein ? Nova ne put s'empêcher d'éprouver de la pitié pour l'ado, aussi taciturne et désagréable qu'elle puisse paraître.

« Y'a aussi des souvenirs qui ont la forme de boules lumineuses. Et des ronces qui bougent et entraînent les personnes comme des pantins. »

Mh oui, bien sûr. Elle se retint de lui signaler, du haut de sa rationalité récemment ébranlée - mais quand même - que les souvenirs sont le fait de connexions entre neurones, et qu'il est donc invraisemblable qu'ils aient une forme visible. Et à l'extérieur du cerveau en plus ? Non mais faudrait être fou pour croire ça. Remarque, lui aussi parlait de ronces animées ... Comme quoi, tout ça n'arrivait pas qu'à elle.

Justement, une nouvelle attaque végétale eut lieu. L'adolescente fut soudainement prise d'assaut par les ronces, qui la tirèrent le long des rails, inexorablement. Nova regardait, horrifiée, la scène qui se déroulait sous ses yeux, quand l'homme à côté d'elle l'apostropha. Lui prenait les tiges à mains nues, au mépris des épines qui devaient lui lacérer la peau ; mais Nova, elle, ne pouvait s'y résoudre, même étant donné l'urgence de la situation.

Et puis un objet brillant attira son attention par terre. Un briquet, apparemment tombé de la poche de la fille lorsqu'elle s'était fait soulevée de terre. Aussitôt la jeune femme s'en empara, le manipula maladroitement, l'alluma, l'approcha des ronces et y mit feu.

« Vous avez beau bouger, vous restez des végétaux, saletés de ronces ... Et la matière organique, ça brûle ! »

Bon ok, elle aurait pu trouver mieux niveau punchline, mais la faim et la panique la déraisonnaient un peu.

Les ronces s'emparent de la main du jeune homme et l’acèrent. Depuis quand on leur désobéit et on essaye d'enlever leur proie ? De justesse, elles voient la flamme arriver vers elles. Elles lâchent les deux êtres et reculent rapidement, évitant le feu. Elles sont sauves, juste un peu brûlées aux extrémités. Mais ce n'est pas finit. Le bout de ronce brûlé se jette sur la femme au briquet et serre si fort la main de cette dernière qu'elle ne peut plus faire de mouvement. Elles tirent un grand coup jusqu'à ce qu'un bruit d'os se fasse entendre. L'épaule de la jeune femme est déboîtée. Elle relâche cette dernière et s'en vont dans l'obscurité mais désormais cette femme est devenue leur cible et elles ne la manqueront pas.

Le sourire victorieux de Nova disparut aussitôt qu'elle sentit l'emprise des ronces sur son poignet. Les épines se plantant dans sa peau lui arrachèrent un cri de douleur et la firent lâcher le briquet ; mais ce n'était rien comparé à ce qui allait suivre.
Crac ! Une vague de souffrance terrible se prolongea dans tout son bras, mettant la jeune femme au supplice. Elle tomba lourdement à genoux et tint son épaule blessée de son bras valide. Heureusement les ronces s'éloignaient, mais la douleur, elle, demeurait, toujours plus intense. Nova se mit à sangloter malgré elle dans le noir.

« Mon épaule ... elle est déboîtée ... »

Qui lui viendrait en aide ? Elle ne pouvait compter que sur l'effrayant inconnu et la jeune adolescente taciturne. Mais elle n'était plus seule.

« J'ai mal ... »

La douleur lui tenait compagnie, en quelque sorte.

Spoiler:

Nova était encore assise par terre, dans le noir, serrant son épaule comme pour tenter de faire disparaître la douleur ; et puis l'autre la souleva, violemment, sans ménagement, pour la remettre sur pieds. Surprise, elle faillit laisser échapper un petit cri mais se retint à temps. Cette secousse lui avait fait prendre confiance de son attitude pitoyable. Alors elle se redressa, séchant ses larmes avec sa manche.

« Pleurniche si tu veux, mais fais-le en avançant. On sort. »

La brutalité du ton employé la laissa muette un instant, puis elle se rembrunit en se maudissant de sa faiblesse. Il avait raison, bien évidemment : il ne servait à rien de s'attarder ici. Aucun secours ne lui viendrait de la part d'aucun d'aucun d'entre eux deux. Ce ne fut qu'à ce moment qu'elle remarquera l'adolescente évanouie que l'autre portait. Il leur fallait effectivement avancer, n'importe où mais ailleurs.

Alors Nova prit son courage à deux mains -enfin à une seule-, et suivit l'inconnu silencieusement dans les ténèbres.