Ça va clasher ce soir dans koh-lanta!

Le paysage réapparait devant les yeux d’Hécate. C’est le centre commercial qui lui fait face à présent. De dehors elle peut entendre les cris et voir la fumée s’échapper de l’entrée principale. Vas-tu affronter ton destin Hécate ?

Ça va clasher ce soir dans koh-lanta! 2084913611

12h-14h
Incendie

Détruis les Maraudeurs.

C’est sur cette simple phrase, encore une fois répétée, comme une menace, que la scène commence à s’effacer sous les yeux d’Hécate. Le décor devient comme flou, indistinct. Et Superman avec. Elle écarquille les yeux, essaye de serrer la petite main dans la sienne, mais elle est comme fantôme, et sa main n’est plus. Et c’est le néant.

Ce néant, elle le connait. Elle l’a déjà vécu. C’est ce noir, partout autour, qui la force à fermer les yeux pour ne pas perdre pied. C’est cette impression que son estomac se retourne, essoré comme un torchon. Ce néant, c’est une téléportation, elle en est certaine. Alors elle se force à rester calme. Se force à rester concentrée. Tout va bien. Tu ne meurs pas. Ne te noie pas. Oui, ne pas se noyer, attendre de reprendre pied dans la réalité. Avoir conscience de son corps. De son existence, aussi misérable soit-elle.

La réalité, la voilà qui revient. Au galop. Déjà, ses pieds touchent le sol. Engourdis. Elle s’effondre par terre, trop faible pour se tenir debout. Aspire une bouffée d’air. Tousse, étouffe. L’odeur âcre de la fumée envahit ses poumons. La fait suffoquer. Ses yeux piquent, la brûlent. Elle peine à regarder devant elle, remontant comme elle peut son t-shirt devant sa bouche et son nez.

Et c’est une vision d’horreur qui s’offre à elle, faisant étinceler son regard. De peur, de fascination. De grandes flammes s’élèvent, provenant d’un lieu qui lui semble familier. Le centre commercial, celui-là même où elle se trouvait il n’y a pas si longtemps. Et la chaleur lèche les murs, suinte de tout bâtiment. Dévore tout sur son passage.
Mais plus que les flammes, il y a les cris. Ces cris qui montent dans le ciel, se mêlent aux rougeoiements du feu. Ces cris qui viennent de l’incendie. Cris de détresse. Cris humains. Et à l’idée que des gens soient pris dans fournaise, son cœur se serre. Douloureusement. Elle pèse une demi-seconde le pour et le contre. Elle devine que le besoin d’eau qu’entraine son apparence de batracien ne supportera pas la température du lieu. Mais il y a ces gens, là-bas. Et si elle peut vivre avec l’amnésie, pourrait-elle vivre en sachant qu’elle les a laissés là-bas en s’enfuyant comme une lâche ? Non. Et puis, avec un peu de chance, avec ça, elle verra la fin. Elle n’aura pas à détruire. Pas à séparer ce groupe qui l’a soutenue jusqu’ici. Pas à faire pire. Et peut-être que ça vaut mieux. Et malgré l’horreur que remue en elle ce genre de pensées, elle commence à se trainer vers le centre commercial, fermant les yeux face à la chaleur brute qui s’en dégage.

Et dans sa tête, des dizaines d’images et de visages défilent encore et encore en un lent et cruel manège.

Opium poursuivit sa progression de chenille sur quelques mètres à l'entrée du centre commercial. Elle avait mal, mal partout, à ses genoux, ses coudes, son ventre éraflé, sa gorge brûlante, et accessoirement à l'orteil. Une soudaine fatigue s'empara d'elle, et elle arrêta sa course. Elle se força à se mettre en position assise – un peu de dignité, tout de même –, lâchant enfin les habits rescapés. En tailleur, elle crut qu'elle allait cracher ses poumons tant la quinte de toux qui la secoua fut violente. Ne pas tourner de l’œil, ni s'endormir, surtout pas. Les autres avaient l'air en bon état – la honte si elle craquait avant eux ! L'humiliation !

Allez, sois en forme Opium, relève-toi, tu es forte, c'est ça, tu te redresses, malgré les blessures tu sais reprendre la situation en main. Voilà, tu es sur tes pieds maintenant, tu ne trembles pas : c'est faux, c'est dans ta tête ! Aie confiance en tes jambes, elles te soutiendront, tu peux le faire. Et maintenant, le regard farouche, déterminé, impressionnant ; il ne te reste plus qu'à donner tes instructions, et... Bon, tes jambes ne t'ont pas soutenue.

Elle tomba par terre, frissonnante, et ce qu'elle vit pendant sa chute fut une main palmée. Elle écarquilla les yeux, mais ses pensées étaient autre part.

« Ma clope... » souffla-t-elle d'une voix rauque, les yeux fixés sur cette patte de grenouille sur un corps humain. Où était l'autre con ? Où étaient ses promesses ? « Ma clope ! »

Et elle se remit à tousser. Lamentablement. Prendre les choses en main, ce sera pour plus tard.

Spoiler:

Et en plus il flottait. Putain. Manquait plus que ça. Mais bon, fallait dire que ça l'arrangeait quand même un peu. D'une parce que comme ça, son nuage de compagnie passerait peut-être inaperçu, de deux parce qu'il crevait de chaud, qu'il transpirait et qu'à Nulle Part, y'avait pas trente-six moyens de se doucher, vu que l'eau était coupée presque partout, à ce qu'il en savait. Oui, ben, hein, fallait être un peu pragmatique dans la vie.

Novembre avisa ensuite Opium, qui se traînait lamentablement sur le sol crasseux, un paquet de fringues en main, et entendit l'autre type frustré de la vie brailler des trucs plus ou moins compréhensibles - plutôt moins que plus, d'ailleurs -, tandis que Calvetti-Lexi marchait vers la sortie d'un air blasé. Ouais, bon, s'il pleuvait ils pouvaient prendre leur temps. Ou pas, car le temps, dans tous les cas, était compté.

L'effort surhumain de la brune pour paraître crédible l'amusa légèrement, mais il n'avait pas vraiment la tête à se moquer. Ni même à sourire. Il la rejoignit dehors, et...

Et puis Hécate. Voilà. Il se passa Hécate. Qu'est-ce qu'elle foutait là, bordel ?! C'était un peu tôt à son goût, pour les retrouvailles. En fait il se serait bien passé de sa présence encore un bon moment, histoire d'oublier un peu ce putain de souvenir.

Et il se rendit compte que sa capuche avait du glisser de sa tête pendant sa "course " - uhm uhm, sans commentaire, d'ailleurs -, parce qu'en fait il prenait l'eau. Et il n'aimait pas cette sensation de froid, de gouttes de pluie et de cheveux collés sur son crâne.

Puis l'autre réclama sa clope. Okay. Il réclamait ses infos. Mais était-ce prudent d'en parler devant la demi-grenouille ?

« Tiens », lâcha-t-il d'un ton cassant, en lui tendant une cigarette. « Au lieu de t'agacer, dis-moi ce que tu sais. C'est la tour, qui m'intéresse. Le reste, j'ai déjà vu. »

Un peut trop, même. Ouais, ouais, il devenait impatient, en plus de ça. Mais il n'aimait pas du tout la façon dont cette fille lui parlait. Surtout qu'il avait l'impression de l'avoir connue. Un truc vague et irrationnel, mais c'était là, et ça le faisait chier. En plus, il devait légèrement donner l'impression qu'il n'en avait rien à foutre, puisqu'il ne regardait même pas Opium, pour le coup. En fait, il fixait plus ou moins consciemment Hécate, tout en se demandant ce qu'il serait approprié de dire dans sa situation. "Salut, j'ai failli te tuer, tu me laisse une chance, histoire que je me rate pas, cette fois ?"

Et si c'était ça, Nulle Part ? L'occasion de finir ce qu'on n'avait pas achevé ? Ça le dégoûtait rien que d'y penser. Il n'avait pas besoin qu'on lui mâche le travail par pitié. Ou en tous cas, il ne voulait pas. Bon, mais du coup, il n'avait rien à dire à Hécate. En plus La Flic et l'autre hystérique n'allaient pas tarder à se pointer... Bah, il n'avait pas besoin de parler, hein ? Y'avait plus rien à dire, de toutes façons. Et il n'avait pas envie de déclencher la troisième guerre mondiale version Nulle Part en essayant d'engager la conversation. Il savait très bien qu'il était armé et pas la brune, qu'il n'aurait pas grand mal à réitérer sa prise d'otage improvisée, et que, dans le feu de l'action, ça risquait de très mal se finir. Par contre, ce qu'il ne savait pas, c'était s'il éprouverait oui ou non des regrets. Il s'en rappelait, il l'avait voulu, ce sang, cette mort. Maintenant c'était sans doute un peu différent. Est-ce que ça suffirait ?

Mais ça ne changeait rien au fait qu'il appuierait sans doute sur la détente, par réflexe ou par sursaut de mémoire. Sans doute.

La différence se trouvait ailleurs. Parce que maintenant, sans doute n'en avait-il pas envie. Sans doute.

HJ:

Je lançais un regard méprisant à la brune qui se traînait lamentablement sur le sol, sauvant des fringues. Pitoyable. Et l’autre dégénéré du deuxième type qui continuait à gueuler. Mais qu’est-ce qui me retenait de leur logés à tous deux une balle dans la tête ? Peut-être le fait que j’étais flic. Protéger les innocents, c’était mon devoir non ? Mais à quel prix ? La mort de Lucas. Comment j’ai été récompensé ? Envoyé ici. Dans cette Ville de merde. Oui je commence à me faire à la théorie qu’on m’ai envoyé ici et que je ne m’y sois pas trouvé par hasard. Le hasard ça n’existe pas. Mes pas me menèrent vers le trio. Trio composé d’une nouvelle arrivante. Une ancienne connaissance. Je lançais un regard à Hécate et remarqua qu’elle était de plus en plus… grenouillisé. Sortant à mon tour une cigarette du paquet, je l’allumais, mon regard toujours fixé sur Hécate. Il manquait quelque chose, ou plutôt quelqu’un.

- Où est Superman ?

L’as-tu abandonné ? Est-il mort ? Ou en train d’évoluer seul dans cette Ville où l’on peut mourir à chaque instant ?

Spoiler:

La pluie, se mêle aux larmes.

Cendrillon se dirige, lentement, dépitée, vers l'endroit où elle a vu cette personne courir. Les flammes l'entourent, les fumées lui brûlent la gorge, lui irritent les yeux. Pourtant, seule sa blessure à la main et son for intérieur la font souffrir. Comte ... Comte ..., murmure-t-elle comme une folle, touchant doucement son bandage, au travers duquel le sang a percé. Le sang, se même à la pluie. La pluie, se mêle aux larmes. Les gouttes qui tombent, petit à petit, forment nu éphémère chemin qui s'efface bien vite face aux larmes de la Ville. Le passé devra bien vite s'effacer. Pourtant ... Alors qu'elle marche silencieusement, le regard à moitié concentré sur les flammes qui tantôt jaillissent tout près d'elle tantôt se meurent, elle a du mal à se faire à l'idée qu'elle ne verra probablement plus Comte. Ni Bartolomeus. Ils étaient un peu ... Comment dire ... Meilleurs ennemis ?, ajouta-t-elle encore une fois à ma pensée dans un murmure. Il l'avait appelée princesse. Princesse. Ce nom lui collait à la peau, pourtant elle aurait tout fait pour s'en arracher, à cet instant. Au diable, la couronne. Au diable, les carrosses. Cendrillon brûlait dans les flammes de l'agonie, l'agonie de ne pas comprendre son prochain. On ne blesse pas sans être blessée en retour, même si c'est involontaire.

Et soudain, elle les voit. Quatre compères, dans des situations bien différentes. Une femme, à terre, semblant au bord de la mort par fatigue. Une femme, qui posait une question à une autre, qui elle-même avait ... Des mains palmées ? Cendrillon n'écarquilla que légèrement les yeux, tant parce que les vapeurs toxiques l'en empêchaient que parce que cette Ville aurait du mal à la surprendre. Des souvenirs en boule flottante, des téléportations, des pluies divines pour arrêter les incendies ... Une femme-grenouille, c'était plus ou moins possible. Et un homme, qui tendait à la femme à l'aube du coma une clope. Profond soupir. Ils sont partis. Tu ne peux pas rester seule ici, et tu le sais. Alors va. La grande rousse sent arriver une toux sévère, qu'elle laisse s'exprimer avant de sécher ses larmes du bras et d'avancer vers eux. Hey ... Euh ... Il y a encore quelqu'un, à l'intérieur ? Ou vous êtes les derniers ? J'ai ..., dit-elle avant de reprendre son souffle à travers son débardeur, une étincelle de tristesse perçant dans son regard, fuyant. ... J'ai perdu de vue mes camarades. On cherchait à faire sortir tout le monde, ils ont dû fuir. Oui, fuir ...

Pauvre fille ... Elle ne sait pas mentir. Ils verront tout de suite le poteau rose, et ils penseront que tu as fui lâchement, ou qu'ils t'ont simplement laissée là parce que tu n'es qu'un poids pour eux. Un poids. Pas cette fois., songea-t-elle alors qu'elle osa enfin lever son regard, plus ou moins rafraîchi et déterminé. Il est de ces moments, dans l'humanité, où l'environnement n'importe plus, ne reste que l'epicness de la situation.

Appelez moi Cendrillon. On peut faire les présentation dehors ?

HRP:

Vous lui avez tous foutu un vent ! Ce s’rait une bonne excuse pour Wesh d’vous foutre à tous sur la gueule. Mais même c’te p’tite excitation Elle la lui a enlevée en lui supprimant l’ouïe, et il a pas pu s’en rendre compte d’votre esquive. C’qui l’empêche pas d’avoir grave le seum.

Son visage s’assombrit un peu plus lorsqu’il déboule à votre suite, du supermarché en flammes. Il matte toute l’agitation et pige que dalle à c’qui s’passe, observant seulement vos putains d’lèvres s’agiter sans rien capter. Il a la haine. Mais ne vocifère plus comme un abruti.
Puis, forcément, ses émeraudes tombent sur la meuf-nouillegre. Il grogne dans sa barbe un « Sa mère la pute. » qu’vous lui pardonnerez aisément vu les circonstances. C’est quoi encore cette hallu ! Pour le coup, il lorgne un coup d’ton côté Calvetti. Ca s’voit pas sur son visage, mais dans sa teutê, ça court les idées. Il s’sentirait plus à l’aise avec un brelic dans la main. L’idée a juste l’temps d’disparaître en vous voyant tous réagir pépère.

Vasy, il a plutôt intérêt à vous la faire douce lui aussi.

Son pas ralentit jusqu’à c'qu'il parvienne tranquillement à votre hauteur, d’sa démarche balancée d’caillera, seigneur du tchekson.

D’emblée, il n’peut en sentir aucun d’entre vous avec vos gueules de connards ou d’victimes, c’est selon. Mais c’normal, c’toujours comme ça avec lui. D’abord, il a grave envie d’vous mettre la misère à tous, après, il avisera qu’vous êtes p’tetre pas aussi cons qu’ça. Après tout, vos regards à vous parlent pas mieux. V’là l’envers du décor.

Même s'il a grave envie d'vous perta, il s'contente d’inspirer fortement. L’est ptetre agressif mais pas abruti. C’est pas l’moment d’allumer des gens dont on a besoin n’est-ce pas ? Par contre, allumer une clope, ce s'rait pas malvenu. Il repère scred qu'c'est toi, le yeuve, qu'a la came. On sait jamais, vu l'bordel qu'c'est c'te ville, il sent bien qu'son paquet va descendre vite. Et s'en sort une. S'la grille. Reste planté là, peinard, peuclo au bec sans rien dire, parce que voilà quoi, il est toujours pas décidé à en lâcher une autre de parole incertaine.

Elle ne voit pas vraiment la fille qui rampe par terre avec une misérable pile de vêtements. Ni Calvetti, ni la fille avec ses longs cheveux rouges, ni le type qui se grille une clope en les regardant tous d'un air dédaigneux. Pas plus qu'elle ne sent la fine pluie qui ruisselle le long de sa peau, goutte de ses cheveux, la trempant petit à petit, donnant à sa vilaine métamorphose un peu de bonheur. Non, elle ne voit qu'une personne, plantée à quelques pas d'elle.

Novembre. Novembre, qu'elle a quitté il y a sans doute une éternité -c'est ce qui lui semble-, bien contre sa volonté. Novembre, qu'au fond d'elle elle espérait tellement retrouver. Novembre, dont elle est sensée se séparer pour respecter son pacte avec la ville. Novembre, dont elle n'arrive tout simplement pas à détourner les yeux. Le visage du jeune homme semble avoir tellement vieilli. Au point qu'on ne peut sans doute plus le qualifier de jeune homme. Mais c'est toujours la même personne, toujours le même type, avec cette expression un peu dure sur les traits.

Elle se demande pourquoi il a les yeux si fixes et si vides, en la regardant. Est-ce à cause de son apparence ? A cause de la malédiction ? Elle a soudain envie de disparaître. Envie de se cacher. D'être invisible à ses yeux. Ne me regarde pas comme ça. Regarde ailleurs. Regarde cette fille qui rampe par terre. Oui, tu sais, celle à qui tu tends une clope, comme si c'était la chose la plus normale du monde. Tout mais pas moi.

Et puis rien d'autre. Juste ce regard, sur elle. Un regard où elle ne lis rien, rien de chaleureux, rien du tout en fait. Un regard qui lui fait mal, plus encore que la requête de la ville. Un regard qui lui fait dire que sa mission sera peut-être extrêmement simple, finalement. Pourquoi tu ne dis rien ? Pourquoi tu ne me parle pas ?

- Où est Superman ?

La voix de Calvetti. A qui elle n'a pas réellement prêté attention. Trop inquiète de ce silence qui s'étire entre Novembre et elle. Infini. Éphémère.

- Il... il...

Elle ne sait pas quoi dire. Elle ne sait pas où il est, voilà tout. Elle a perdu le petit garçon. Elle a comme l'impression de jouer à cache cache dans la ville. Et quand enfin elle trouve quelqu'un, la ville prend un malin plaisir à l'en séparer.

- Je... téléportation... encore là-bas.

Suite de mots. Incohérents. Comme son esprit. Incohérent. Elle garde ses prunelles ancrées à celles, si bleues, de Novembre. Dis quelque chose. Parle moi. Pourquoi tu restes si silencieux ?

Bon. Alors. Comment dire ?

Putain. Y'avait un stalkeur chelou, énervé et silencieux qui leur traînait dans les pattes, une blonde qui reprenait ses vieilles habitudes de flicette, à toujours questionner tout le monde sur tout et n'importe quoi avec son air accusateur qui faisait légèrement flipper - ça sentait la séance d'interrogatoire, c'était pas bon signe, ça -, et puis... Une rousse qui tapait l'incruste, aussi.

Faire sortir tout le monde... Haha. La bonne blague. Il en avait rien à foutre, des autres. Dans la vie, et particulièrement à Nulle Part, c'était chacun pour sa peau. Il avait bien vu où ça menait, de s'occuper des autres. Dans la merde. Donc l'autre pleurnicharde, là, il lui lança un bref regard exaspéré parce que si elle commençait à se plaindre comme ça, elle irait vraiment pas loin dans cette ville, et la raya de la catégorie "potentiellement utile" pour le moment.

En plus, Opium n'avait pas vraiment l'air dans son assiette, elle affichait une expression vide, comme si elle allait s'évanouir d'un instant à l'autre. Pourquoi j'suis entouré de lâcheurs ? Et bien... Peut-être pour que toi aussi, tu lâches, lui souffla sa conscience. Ouais, ben ta gueule, la conscience, parce que sur le coup, l'aidait pas vraiment.

Et puis Hécate qui avait perdu le gosse, quoi. Déjà qu'avec elle, ses chances de survie étaient minces, là ça frôlait carrément le zéro absolu ! (Oui, le zéro absolu c'est une mesure d'agitation thermique, et alors ? Il était pas vraiment au courant de ça, aux dernières nouvelles.) D'ailleurs Hécate, pourquoi elle le fixait comme ça ? Avec ses grands yeux tristes et perdus ?

Ça le mettait mal à l'aise. Un instant, il se demanda si c'était à cause de son apparence vieillissante. S'il faisait pitié à ce point là. Son regard se durcit une fraction de seconde, en même temps que la haine revenait. C'était assez déroutant, cette contradiction qui lui broyait l'estomac comme autant d'informations que son cerveau n'était pas capable d'assimiler. L'avant, ce qui aurait du être la base de tout, était devenu l'après, la fatale sentence qui contrariait tout ce qu'il avait cru ou pensé jusqu'à maintenant. Et maintenant, c'était le point d'impact. Le choc entre passé et futur, le point d'intersection, vers lequel tout convergeait.

Enfin tout, c'était vite dit. Parce qu'au final, y'avait pas grand chose. Enfin pas grand chose de bien. Mais après tout, qui pouvait dire ce qui était bien ou pas, dans sa vie, hein ? Lui seul. Et l'impression qu'il en avait, c'était une impression de merde. Et cette putain de pluie qui s'arrêtait pas...

« Ok. Et maintenant ? »

Maintenant, tu te reprends, t'oublies ce putain de souvenir, tu vas chercher la bagnole et tu te tires d'ici. Avec ou sans les autres. Oh, vraiment ? Ne pas s'énerver. Ne pas péter les plombs. Ne pas remettre la faute sur elle.

Parce que visiblement, elle ne savait pas.

Mais elle avait cherché, quand même, en se mêlant de ce qui ne la regardait pas. Nouvelle contradiction, intangible, inextricable. Est-ce qu'il l'accusait, ou essayait de lui trouver des excuses ? Respirer, se maîtriser, ne pas faire de connerie. Passer à autre chose. Effacer et recommencer. Temporairement.

Sauf qu'il était bloqué dans le passé. Comme à chaque fois, il n'arrivait pas à s'en détacher. Fascinant, ce qu'on pouvait se montrer con, et s'attacher à des choses inutiles. Heureusement qu'il pleuvait, alors. Avec un peu de chance, les gouttes d'eau masqueraient l'étincelle de hargne qui grandissait dans son expression. Mais que pouvait cacher la pluie, sinon le désespoir ? Il n'en était pas encore là. Tout dépendrait d'Hécate. Depuis trop d'heures il avait la désagréable impression qu'elle ne voulait plus lui parler - et à vrai dire, c'était peut-être mieux. Pour elle, pour eux. Plus simple, aussi. Plus simple de dire "non."

HJ:

Spoiler:

« Ok. Et maintenant ? »

Et…et maintenant ? Comment ça « et maintenant ? » !? Qu’est-ce que ça voulait dire, ça, hein ? En fait, il aurait sans doute mieux valu espérer qu’il se taise plutôt qu’il parle… Elle resserre les poings en tremblant. Un tas de scénarios plus invraisemblables les uns que les autres se bousculent dans sa tête, en criant chacun « laisse-moi la place, je suis ta meilleure option ». Mais il n’y a pas de réelle option.

Elle voudrait avoir la force, avoir la force de déclencher sous son crâne la même tempête qu’après son souvenir dans le parking. Etre capable de le gifler avec la même violence, de l’embrasser avec la même douceur qu’avant. Mais elle se sent lasse. Et lâche. Elle n’a plus envie. De se battre, de ramper, de rugir et de pleurer. Elle est une coquille vide, voilà. Un coquille sur laquelle la pluie continue de ruisseler sans cesse. Et l’avenir d’une coquille vide, quelle importance peut-il avoir ?

Elle a envie de ricaner. Tout ça pour ça ! Toutes ces pertes, ces douleurs. Cette conversation avec la ville. Pour rien. Plus rien n’a d’importance. Et son cœur flanche.

Détruit les Maraudeurs.

La maxime lui revient en tête avec force, comme un boomerang chassé, sans cesse de retour. Elle se sent comme une proie, traquée par ses propres pensées, sans un instant de répit. Détruit les Maraudeurs. Et à quoi bon ? Ok, et maintenant ? Et maintenant quoi ? Maintenant est inutile. Tout est inutile.

- Maintenant rien. Je crois que je me suis trompée.

Que dire de plus ? Qu’elle voulait le retrouver et qu’elle a si mal de se sentir rejetée ? Car ce silence, c’est bien ça n’est-ce pas ? Un rejet. Dire qu’elle est désolée, désolée d’avoir cru qu’ici, peut-être , ils pourraient échapper au passé, et tout recommencer ? Mais on n’échappe pas à son passé. On n’échappe à rien de tout ça.

Le sourire faible qu’elle esquisse dessine des fossettes désabusées sur son visage. Les Maraudeurs ne sont déjà plus rien, n’est-ce pas.

Ont-ils jamais été quelque chose ?

Calvetti-Lexi leur donna rendez-vous à la Tour, et le brun acquiesça en silence. Bon point de repère, cette tour. Encore fallait-il pouvoir y accéder. Et le reste du groupe suivit la blonde comme de bons petits soldats bien éduqués. Ne restaient qu'Opium, Hécate, Novembre. Hécate qui répondait.

C'était quoi, ça ? De la déception ? Du regret ? Une certaine forme de soulagement ? Probablement un mélange confus de ça, et d'autres émotions aussi contradictoires que détestables. Oui, parce qu'au final, si ressenti il y avait, ça voulait dire que d'une certaine façon, et malgré tout ce dont il pouvait se souvenir sur elle, sur eux, une part de lui n'était pas prête à accepter la résignation d'Hécate.

Bon, ok, cette part de lui, elle survivait à peine sous le flot de refoulement qui menaçait à chaque instant de l'engloutir. Parce que le reste de son être hurlait au "fuck les sentiments, ça mène nulle part", et en un sens, ce reste avait raison. Ils étaient Nulle Part.

Sa mâchoire se contracta en une moue mécontente. Tant pis s'il faisait mal. Tant pis si elle s'en allait. À la limite c'était le but. C'était mieux. Ça l'empêcherait de faire une connerie qu'il regretterait.

« C'est bien de t'en rendre compte. Pas trop tôt, surtout. »

Ce constat lui arracha une nouvelle grimace. Ouais, effectivement, elle s'était trompée depuis le début, sur toute la ligne, et lui aussi, sans doute. Se tromper sur soi-même, c'était quand même le comble. C'était à la fois rageant et déroutant. Parce qu'effectivement, il n'avait rien du prince charmant qu'elle avait du s'imaginer, et il ne voulait pas. Sa vie, c'était de la merde, mais au moins il ne pataugeait pas dans la niaiserie comme certains. C'était d'ailleurs le seul avantage qu'il pouvait en tirer, outre quelques trucs utiles à l'occasion, comme savoir se servir d'un flingue.

Barre-toi, s'teuplaît. Me force pas à te le dire. Peur de ne pas se maîtriser, le dealer ?

Elle suit du coin de l’œil Calvetti qui s’éloigne d’eux, suivie de près par mademoiselle cheveux de flammes et l’autre type à l’air désabusé. Avant de reporter toute son attention sur Novembre. Il lui semble que ce petit face à face étrange a trop duré. La tension qu’elle sent crépiter dans l’air la ronge, la détruit, lui arrache des petits lambeaux de cœur. Elle songe à cette amnésie qui la tient, et un quart de seconde durant, espère qu’elle redevienne totale et absolue. Qu’on lui prenne de force tous les souvenirs qu’elle a construit depuis son arrivée ici. Les souvenirs du parking, et ceux de la piscine. Ceux du restaurant. Tous. Qu’on lui prenne ce qui la fait souffrir. Parce que l’amnésie est certes difficile, mais elle l’est toujours moins que ce revirement de situation pour le moins déroutant. Déconcertant.

« C'est bien de t'en rendre compte. Pas trop tôt, surtout. »

Elle arque légèrement ses sourcils. Surprise. Désorientée. Qu’est-ce qu’il veut dire, hein ? Pourquoi est-ce qu’il la traite comme ça ? Qu’est-ce qu’elle a fait ? Et lui, pourquoi se traite-t-il comme ça, comme si il était quelqu’un de mauvais ? Comme si il n’était pas capable de douceur. Est-ce qu’il considère qu’elle n’est pas assez bien pour lui ? Ou peut-être tout le contraire…

Elle voudrait faire un pas en avant. Ne s’en sent pas le courage. Si jamais il faisait un pas en arrière… Elle se hait d’être aussi lâche, elle le hait d’être comme il est. Et en même temps, il y a cette étrange attirance. Celle-là même qui lui faisait regretter son étreinte, son épaule, il n'y a pas une heure. Cruel paradoxe. Tout est cruel ici-bas. Même sa vie d’avant lui semble cruelle et froide, au travers du peu de souvenirs qu’elle a rassemblé. Et lorsqu’elle réussit enfin à réagir, à parler, sa voix est aussi froide que cette pseudo-vie, malgré la rancœur contenue qui menace de l’étouffer de l’intérieur.

- Oh, je vois. Je vois, Môssieur savait tout depuis le début, Môssieur devinait depuis le début que rien n’irait. Je suppose que Môssieur le savait aussi, lorsqu’il m’a embrassée dans le restaurant, hein ! Mais prendre ses responsabilités c’est compliqué, surtout quand on atteint un certain âge.

Elle a appuyé durement sur les deux derniers mots. Oh, comme c’est petit, comme c’est bas de jouer la dessus. Surtout quand on est comme elle, quand on porte soi-même une malédiction. Elle aurait presque honte de lui faire ainsi une scène. On dirait un couple qui se dispute, songe-t-elle avec amertume. Oui, mais ils ne sont pas un couple. Il ne leur a laissé aucune chance d’y ressembler, de près ou de loin.

Et ça fait mal.

HJ:

Se battre contre lui-même, c'était une chose. Une chose qu'il ne pouvait pas faire en même temps qu'il se battait avec Hécate. Puisque la tirade qu'elle venait de prononcer, c'était bien sa contre-attaque. Une réplique, cinglante, qui lui rappelait tout ce qu'il essayait de surmonter. Et c'était autre chose que de tenter de raisonner sa conscience.

L'avantage des mots, quoi qu'on puisse en dire, c'était certainement qu'ils ne frappaient pas. Ils blessaient, mais on ne réalisait pas immédiatement. Sans se soucier du contre-coup, du moment où les reproches tourneraient en boucle dans sa tête, et où la culpabilité voudrait se frayer un chemin jusqu'à son esprit - parce qu'assurément, il allait regretter -, Novembre répliqua. Froidement. Enfin essaya. Parce que les piques de la brune faisaient mouche et qu'il se sentait déjà bouillonner intérieurement. Sa voix vibrait d'une colère difficilement contenue. À qui était-elle adressée ?

« Ferme-la. C'était une erreur. Depuis le début, c'était une erreur. »

J'ai juste été trop con pour le voir à temps. Ou trop naïf, ça reste à voir. Il avait essayé. Il avait voulu croire, lui aussi. Amères désillusions, quand il avait réalisé. Pour une fois, il avait du mal à soutenir le regard d'Hécate. Il détourna lentement les yeux. Adios le vert pailleté. Parce qu'il n'y voyait que le reflet de ses propres échecs. Parce que ça faisait mal, de détruire. Ça faisait mal, de décevoir. Il serra les poings, jusqu'à ce que ses articulations blanchissent. Il fallait qu'il se calme. Il en avait conscience, mais il n'y arrivait pas.

Il inspira profondément. Vraiment, ça devait s'arrêter là, avant que ça dégénère. Il fit l'effort de la regarder en face pour lui parler. Il fallait être direct, et passer à autre chose. S'il en était seulement capable.

« Tu me connais pas. C'que t'as vu au parking, c'était rien à côté. Crois-moi, c'est pas une bonne idée. »

À côté du reste ? Alors quoi, quel reste ? Comme s'il y avait un reste ! Il était vieux, mais pas encore sourd. La brune semblait haïr cet instant au même titre que lui. Avec un peu de chance, une deuxième claque et des larmes, c'est tout ce que ça coûterait pour écourter la scène.

Amertume dévorante et rancœur sans pitié. C'était à lui-même, qu'il en voulait. Et c'était Hécate qui prenait.

« Ferme-la. »

Les larmes se mêlent à la pluie sur ses joues. Silencieuses.

« C'était une erreur. »

Elle cache ses mains qui tremblent dans ses poches.

« Depuis le début, c'était une erreur. »

Une terrible erreur d’y croire. Une terrible erreur de lui faire confiance. Une terrible erreur de l’avoir croisé. Une erreur d’être ici. Une erreur de vivre ?

Elle le fixe, les yeux embués. Parce que oui, elle pleure, oui, elle est faible, et ça n’a aucune importance. Plus rien vraiment n’a d’importance. Que ce regard bleu qui se détourne du sien, cette colère qu’elle peut y lire, cette haine. Toutes ces émotions négatives qui l’atteignent de plein fouet. Cette incompréhension, aussi.
Elle n’a plus envie de faire un pas vers l’avant, vers lui. Au contraire, elle envie de s’enfuir en courant. Loin, loin, à l’autre bout du monde. Mais ce monde ne veut pas d’elle, sinon, pourquoi se sentirait-elle si mal ? Elle se demande pourquoi elle n’est pas morte noyée. Pourquoi elle n’est pas tombée du pont quand ils y sont passés en voiture. Après tout, il n’est pas trop tard pour y remédier… Pensée pleine d’amertume, douce amertume.

« Tu me connais pas. C'que t'as vu au parking, c'était rien à côté. Crois-moi, c'est pas une bonne idée. »

Pourquoi il parle, hein ? Pourquoi il ne se tait pas ? Je n’ai pas assez mal, peut-être ? Ça ne lui suffit pas ?!

- Ah oui, je ne te connais pas, oui, c’est vrai ça. Et tu te connais beaucoup mieux, peut-être ?! T’es qu’un pauvre amnésique, comme tous les autres ! Tu crois que t’es le seul à avoir eu une vie de merde ? Le seul à avoir été enfermé dans un placard ?

Elle éclate de rire, un rire sans joie, qui résonne étrangement sous cette pluie. Un rire mêlé de larmes. Ramener ce souvenir à la surface n’est sans doute pas une bonne idée.
Qu’importe. Puisqu'elle l'a perdu. Lui comme les autres.

Lui plus que les autres.

- Laisse-moi rire. T’es juste comme tous les autres. Comme tout le monde dans cette Ville ! Pourquoi tu ne dis pas tout simplement le fond de ta pensée ? T'es qu'un lâche... Incapable d'aller au bout de ce que tu avances...

Et elle a mal, toujours plus mal. C’est elle, désormais, qui s’arrache des morceaux de cœur. A chaque parole. Elle qui n’a plus envie. Plus d’envies. Plus d’objectifs. Puisque rien n’est jamais comme elle veut, au moins la mort ne peut-elle être qu’une seule et unique chose. Le néant. L’amnésie. La vraie.

La paix.

Il se rendit compte des larmes. Trop tard. Oui, la vérité, ça faisait mal. Peut-être qu'elle aurait pu être moins brute. Sauf qu'il n'aimait pas enjoliver les choses. Ça n'aidait pas les gens à percuter. Il n'aimait pas non plus la voir pleurer, malgré tout ce qu'il avait pu dire. Ça aussi, ça faisait mal. Sans doute plus que les mots. Sans doute plus que la Ville. Une bouffée de remords, qui étouffait sa trachée.

S'il se connaissait mieux... Haha. Déjà trop à son goût. Plus qu'elle. Assez en tous cas pour savoir qu'il n'avait rien de quelqu'un de fréquentable, ni même de quelqu'un de bien. Mais ça, à la limite, ça lui passait complètement au-dessus de la tête. Non, le problème, c'était qu'avec ses derniers restes de mémoire, il s'était découvert être quelqu'un de dangereux et impulsif. Quelqu'un d'assez désespéré peut-être pour ne plus avoir peur de tuer, par vengeance ou par haine.

Et il se trouvait que, malencontreusement, Hécate faisait partie des souvenirs de ce type trop violent pour être honnête. Voilà ce qu'il savait, et ça lui suffisait amplement pour s'éloigner avant que les choses dégénèrent. Mais bon, il devait déjà être trop tard, puisqu'ils en étaient là. Il avait beau avoir la haine, elle lui faisait quand même de la peine. Sentiment de pitié qui l’écœurait, tout à coup. Même son rire lui faisait peur. C'était un rire dément, inapproprié. Un rire au désespoir.

Et puis le venin. Qui ne lui laissa pas le temps de réfléchir à autre chose. Il n'y avait plus d'issue. Aucune alternative. Les vieux réflexes firent le reste. En quelques instants il l'avait saisie par le bras, l'avait attirée contre lui, avait plaqué une main contre sa bouche, l'autre tenant fermement le pistolet contre sa tempe. Elle était là, tout contre lui... Sauf qu'elle n'était plus en sécurité.

« Tu la fermes. »

Il se surprit à utiliser la même intonation qu'avant. Le même ton plein de haine et de rancœurs oubliées. La scène avait quelque chose de cruellement familier.

« Voilà c'qui s'est passé. Voilà qui j'suis », souffla-t-il à son oreille. « T'as de la chance d'être encore en vie. J'sais pas si j'arriverai à hésiter, cette fois. »

L'instant qui suivit lui parut se dilater. Comme s'il passait rapidement en revue tous ses doutes et toutes ses certitudes. Qu'est-ce qu'il avait à perdre ? Pourquoi il ferait ça ? Qu'est-ce qu'elle foutait là, cette sale fouineuse de flic ? Est-ce qu'il l'avait aimée ? C'était peut-être une erreur. Est-ce qu'il voulait la tuer ? Puis se rétracter subitement, au moment où il accentua la pression sur la tête de la grenouille en devenir, le doigt crispé sur la détente.

Est-ce qu'il voulait vraiment faire ça ? Ça lui coûtait quoi, après tout ? De tirer ? En temps normal, ça lui aurait sans doute attiré une foule de problèmes. Mais ici, à Nulle Part, personne ne saurait. Il y avait bien Opium, mais ils ne se connaissaient pas vraiment, ou du moins plus vraiment, si elle lui semblait vaguement familière. Et elle comatait gentiment depuis tout à l'heure. Ça pouvait très bien passer pour un accident... À quoi tu penses, putain ?!

Son doigt ripe sur la gâchette. Il n'a pas tiré. Son index vient se placer en-dessous de la détente, de telle sorte qu'il ne puisse pas. Il soupire et laisse ses épaules s'affaisser légèrement. À quoi bon ? Le canon de l'arme effleure la peau d'Hécate avec hésitation. Oscille, indécis. Effectivement. J'peux pas aller jusqu'au bout. Il se fait peur, parfois. D'avoir osé. D'avoir osé essayer.

Il n'avait pas envie d'être son meurtrier.

HJ:

« Tu la fermes. »

Il est tout près. Trop près. Elle se demande comment elle a pu ne pas le voir bouger. Pourquoi elle n’a pas réagi. Depuis quand est-elle aussi inattentive ? Et lui si rapide ? La main de Novembre qui la bâillonne. Et son flingue. Là, sur sa tempe. Froid, métallique. Glacé. Comme la mort qu’il apporte.

Le temps perd son cours. En a-t-il déjà eu un, ici ? Son esprit se vide entièrement. Seul reste le flingue, la chaleur de la main qui contraste avec la froideur de l’arme. Et les paroles qui résonnent à ses oreilles.

« Voilà c'qui s'est passé. Voilà qui j'suis. T'as de la chance d'être encore en vie. J'sais pas si j'arriverai à hésiter, cette fois. »

L’idée se fraie cruellement un chemin dans son esprit. Elle comprend à moitié. Refuse de comprendre totalement. Encore en vie ? Grâce à lui ? Parce qu’il a hésité ? Elle ne bouge plus. Ne pleure plus, ne tremble plus. Reste absolument immobile. Sans même la force de rire nerveusement, douloureusement. Si c’était pour en arriver là, il aurait mieux fait de ne pas hésiter la première fois, en effet. Au moins, ça lui aurait évité tout ça. Et vu leurs relations au vu du souvenir du placard, ils ne s’appréciaient pas. Et c’était tant mieux.

Pourquoi avait-il fallut qu’elle tombe sur lui ici ? Pourquoi était-elle ici, d’ailleurs ?

La pression du canon s’accentue un peu, tandis qu’un long frisson dévale sa colonne vertébrale. Son esprit, si vide, s’emplit soudainement. On dit qu’on revoit toute sa vie avant de mourir. Peut-être est-ce vrai. Et que revoient les gens qui ne se souviennent de rien, ou presque ?
Les images du temps passé à Nulle Part la dévorent de l’intérieur. Les visages qui tourbillonnent. La voix de Chocolat, celle de Superman. « Grande sœur ». Leurs regards, surtout. Voilà, ce qu’est sa vie à elle. Sa vie entière, réduite à une poignée d’heures dans une ville de fous.

Et puis soudain, elle sent l’hésitation. Celle de Novembre. Comme si c’était évident. L’arme se fait moins forte. Elle glisse un regard en coin, essaye de l’apercevoir. Son doigt a quitté la gâchette. Y a-t-il été à un moment ? Elle n’y a pas fait attention. Trop concentrée dans l’attente. Et le voilà qui hésite. Étonnant quand il vient de dire qu’il n’était pas sûr d’y arriver cette fois. Et cette hésitation, c’est pour elle, n’est-ce pas ? Pour qu’elle décide. Pour qu’elle soit maitre de quelque chose au moins, dans cette ville. Quelque chose qu’on ne lui volera pas…

Lentement, sans trembler, sa main se lève, remonte doucement pour se poser sur l’arme. Le doigt à quelques centimètres de la gâchette.

Si facile. Plus de soucis.

Pas tout à fait. Un souvenir vient la hanter, dérangeant. Le regard vert de son petit frère qu’on lui arrache. Si semblable au sien. Ce regard qui la supplie. Retrouve-moi, n’est-ce pas ce que lui dit ce regard ? Et après ? Que lui est-il arrivé ? Où est-il allé ? Est-il vivant, tout simplement ? Elle voudrait oublier ce regard. Oublier cette demande de le retrouver. Oublier ce petit frère qu’elle ne connait pas.

Et elle ne peut pas. N’y arrive pas.

Les tremblements la rattrapent soudain, s’emparent de tout son corps, la secouent. Qu’est-ce qu’elle fait là, déjà ? La fatigue lui tourne la tête. Ses doigts, posés sur l’arme. Et celui qui tient l’arme. Est-ce qu’il veut la tuer ? Est-ce qu’il veut sa mort ? Pour de vrai ? Elle se mélange. N’arrive plus à penser à rien. Les paroles de Novembre tournent dans sa tête. Détestables.

- Qu’est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois devenir « mauvaise » ? Est-ce que je dois tuer pour que tu veuille de moi ?

Murmure. Stupide.
Elle perd pied, bascule lentement.

Et c’est le noir.

HJ2:

(HRP: Ceci est une aparté introduisant ma sortie vers la Tour. Ne pas paniquer.)

Aparté:

Doucement et en crapotant bien plus que d'habitude, le petit engin s'avance vers son maître. Cette fumée ne lui réussit vraiment pas. Il a allumé les fars pour se repérer dans le parking mais s'est tout de même perdu. Oui il n'a pas le GPS, il n'est pas high-tech le vieux. Mais enfin il arrive vers celui qui l'a appelé avec une lenteur exagérée par rapport à avant, non la fumée ne lui réussit vraiment pas.

HJ:

C'est fou ce qu'un canon de pistolet pouvait changer la donne. C'est fou ce qu'il pouvaitt faire peur, quand il était là, tout contre vous, patient, menaçant. C'est fou aussi ce que c'était pathétique de devoir en arriver là pour se faire entendre.

Il sent la peur, qui a saisi Hécate. Il se doute que ce n'est pas la première fois qu'elle la ressent, même si elle l'a oubliée. Malaise.

La main de la brune se posa doucement sur la cross de l'arme. Son doigt n'était qu'à ça de la détente. Qu'est-ce qu'elle essayait de prouver ?

Maintenant, lui aussi il a peur. La tension dessine des éclairs invisibles dans l'air, arabesques saccadées qui criblent soudainement son cœur.

Est-ce qu'elle allait tirer ? Est-ce qu'elle allait finir ce qu'il n'était pas foutu de commencer ? Tous les scénarios catastrophe défilèrent dans son esprit, alors qu'il se demandait ce qu'il pouvait encore faire pour arrêter le massacre. Mais rien. Il ne pouvait rien faire. Il ne contrôlait rien. Et depuis le début, il ne s'en rendait pas compte.

Puis elle sembla revenir à la réalité. Elle non plus, ne voulait pas finir. Et puis un souffle, un murmure. D'une cruauté désespérée. Auquel il ne répondit rien. Elle faisait bien ce qu'elle voulait, il n'allait pas choisir pour elle. Encore moins lui demander ça. Il n'avait pas à faire d'elle ce qu'il était devenu. Un assassin. Et s'en rendre compte lui glaçait le sang. Elle n'avait pas à être comme lui. Et le fossé qu'il y avait toujours eu entre eux, il ne voulait pas qu'elle le comble.

Il la sentit partir en arrière. Comme ça, tout à coup. La rattrapa en reculant légèrement, après un instant d'hésitation. Elle semblait inconsciente. Change rien. Un crachotement de moteur lui fit lever la tête, soudain sur la défensive. Mais ce n'était que la carcasse métallique qui lui servait de voiture. Putain, l'aurait pas pu venir plus tôt, c'con de tacot ? Fallait croire que non. Il rangea enfin son flingue et traîna la brune plus qu'il ne la porta jusqu'à la portière arrière la plus proche. Ben oui, dans son état actuel, le "porté-princesse", fallait pas trop y compter. Ça serait con de se péter le dos pour ça, 'voyez.

De sa main libre, il ouvrit ladite porte. Sa décision était prise. Hors de question de laisser Hécate l'accompagner à la tour. Il y aurait des pièges, il y aurait la Ville. Là-bas plus qu'ailleurs, sans doute, puisqu'il y serait. Il y aurait du sang, aussi. Il en était certain. Outre cela, il ne pouvait tout simplement pas oublier ses actions passées. Il n'y arrivait pas, c'était juste hors de sa portée. Quand il voyait Hécate, il revoyait la peur, dans son regard, le flingue, braqué sur sa tempe, et sa propre colère, qui se reflétait dans ses yeux larmoyants. Alors non, il ne l'emmènerait pas. Parce qu'il était incapable d'oublier.

Il l'installa à l'arrière, allongée sur la banquette, et claqua la portière. Si elle se réveillait, elle ne le laisserait jamais faire. Elle recommencerait à crier, à pleurer. Elle ne comprendrait pas. Elle avait l'air tellement perdue et faible, à travers la vitre crasseuse martelée par la pluie... Et c'était de sa faute. Elle parlait de prendre ses responsabilités, tout à l'heure ? Et bien c'était ce qu'il faisait. Il l'éloignait de lui, et c'était tant mieux. De toutes façons il n'y avait pas de bonne solution. Celle-là était sans doute la moins pire. Reste comme tu es. Il tapota le toit de la deux chevaux et lança, d'un ton sans appel :

« Tu l'emmènes loin. En lieu sûr. »

Pour la première fois depuis leur arrivée au centre commercial, les Maraudeurs étaient totalement éclatés. Décembre était introuvable, Superman était perdu, Calvetti partait exploser la tour. Lui ne voulait plus revoir Hécate. Quelle blague... Y avait-il jamais eu de cohésion, entre eux ? Jamais. Et maintenant lui aussi, devait partir exploser la tour. À défaut de comprendre, il fallait surprendre. La Ville devait payer. Ou ce qui se cachait entre ses murs.

HJ2:

Ils souffrent, en partie à cause d’Elle. En partie à cause de leurs sentiments stupides. Alors la Ville tient sa promesse, respecte la règle et la malédiction d'Hécate disparaît tandis que le tacot l’emmène loin de Novembre. Son attention est focalisée sur le brun, un jouet intéressant finalement. Et il rajeunit de sept ans. Mais maintenant, qu’importe l’apparence que tu portes, tu as perdu la seule qui t’acceptait tel que tu es.

Spoiler:

Opium luttait pour garder les yeux ouverts. C'était toute sa volonté qui se mobilisait pour l'empêcher de s'endormir. Rester aussi longtemps dans un magasin enfumé ne lui avait pas fait du bien.

« Tiens. Au lieu de t'agacer, dis-moi ce que tu sais. C'est la tour, qui m'intéresse. Le reste, j'ai déjà vu. »

Effort surhumain pour attraper la cigarette qu'il lui tendait. Sa main retomba lourdement par terre, crispée sur son Graal. Elle ne pouvait même pas l'allumer. Elle murmura « Un briquet... » mais sa voix était si faible qu'elle n'atteignit pas les oreilles de la femme-grenouille et du vieux. Elle n'eut pas la force d'insister. Surtout qu'au final, elle s'en foutait pas mal de fumer cette maudite clope. Sa gorge était dans un trop sale état pour supporter autre chose que cet oxygène d'une pureté merveilleuse.

La Tour. Elle eut une pensée pour H2O. Il devait être mort à cette heure-ci. Mais elle était si épuisée qu'elle s'en moquait. Son corps entier était engourdi, courbatu, réclamant quelques heures de sommeil. Réponds-lui. Allez, c'est pas bien compliqué... Sa bouche était desséchée, et le simple fait de l'ouvrir pour parler lui arracha une grimace de douleur. Le vieux et la grenouille semblaient absorbés dans leur discussion. Elle lui répondrait plus tard. Oui, plus tard...

Elle s'allongea discrètement et trouva aussitôt une position confortable sur le bitume. Un manteau tout neuf lui servit d'oreiller. La pluie la rafraichissait. Les voix, bien qu'amères, la berçaient. Ses lèvres s'étirèrent en un très léger sourire et elle se laissa aller dans le sommeil. Au diable les ronces vivantes et les dangers : elle voulait dormir.

Spoiler:

Lorsqu'il se retourna, il constata qu'Opium s'était endormie à même le sol. Très bien. Il n'aurait visiblement pas de réponse de sa part. C'était tellement frustrant de savoir qu'elle détenait des infos, mais qu'elle n'était pas en état de les communiquer. Sourire ironique. Il fallait l'avouer, il avait la poisse.

Bwarf, s'il n'y avait que ça.

Il y avait surtout du vide, en fait. Un grand vide. Un vide pesant. Un néant qui l'oppressait plus qu'il ne le soulageait. Et ce grand vide, c'était l'absence. Peut-être pas encore un manque. Peut-être déjà un manque. Il n'en savait rien, mais ça le dérangeait. Sauf qu'il n'avait plus la force de s'énerver, maintenant. Et il y avait toujours la frustration de ne pas avoir tout dit. De ne pas avoir tout fait. D'avoir coupé court à quelque chose qui aurait du aller plus loin, sans doute. Ç'aurait rien arrangé. Fais-toi une raison, putain. Ouais, c'était même évident.

Il jeta un dernier regard à Opium, qui pionçait sous la pluie. Mais bon, c'était pas comme s'il pouvait vraiment la déplacer à l'abri, puisque passé un certain âge, ça devenait compliqué, hein. Il n'avait même pas de briquet à lui laisser, si elle n'en avait pas... Bah, tant pis. Elle se débrouillerait, la corne d'abondance était juste derrière eux - le centre commercial, sauvé des flammes.

S'il l'avait un jour connue, ce n'était plus le cas. Et parfois, il se disait que ça valait mieux. De ce qu'il savait de son passé, ses connaissances étaient rarement amicales. Autant s'en aller tout de suite, alors. Partir comme le lâcheur qu'il était, hein ? Il n'y avait rien d'autre à faire. La tour hérissait son sommet noir à l'horizon, le défiant sans doute d'y entrer. D'y piétiner la ville. Détruire le centre d'une cité, n'était-ce pas l'atteindre au cœur ? Pour la deuxième fois, il quitta le centre commercial.

C'était étrange à dire, mais il faisait confiance au vieux tacot pour emmener Hécate loin des dangers de Nulle Part. Il n'avait plus à s'occuper d'elle, alors. Il n'avait plus à s'inquiéter. Facile à dire. Parce qu'il ne pouvait pas. Mais bon. Il se concentrait sur cette putain de tour qui voulait l'écraser de toute sa hauteur, depuis le vague du ciel, à la place. Sur l'eau qui s'infiltrait impitoyablement dans ses vêtements depuis qu'il avait quitté le couvert du centre commercial. Sur le nuage au-dessus de sa tête qui le suivait comme son ombre. Accroche-toi, Nulle Part. Dans quelques heures, tu feras moins la fière.

J'arrive.

Suite.

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Ça va clasher ce soir dans koh-lanta!

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