« C’est vos prénoms ? Ils sont sympas ; Matt, Morgane. C’est plutôt agréable à prononcer. » Sa silhouette se découpe dans l’air alors que machinalement, elle aimerait jouer avec une de ses armes. Enfin, avec le sac en main, c’est pas pratique. Et ce ne serait sûrement pas très malin, avec les deux excités. Pas qu’être excitée la dérange. Enfin. « Ah. Et je suis Ironie, ou Emiko. A vous de décider lequel vous préférez. » Ton libre, elle laisse le vent couler et emporter. Elle devrait peut-être demander depuis quand ils sont là, et un millier d’autres choses, et pourtant, c’est comme si pour l’instant, elle avait suffisamment parlé. Puis c’est pas le moment, même pour des dires sans doute intéressants. Il faut attendre un retour. Les bavardes inutiles qui pensent combler le vide, c’est lourd. Pas séduisant. Vraiment.

Pas à son image.

Emiko. C’est mignon, ça sonne bien, c’est… qu’un prénom quoi. Il regarde la brune armée ouvrir la marche et la suit. C’est elle qui a la voiture après tout. Enfin, il la suit après avoir ramassé sa balle qui se traîne toujours misérablement à ses pieds. Elle le ralentie plus qu’autre chose. Et la bloquant sous son bras il répond à Emiko :

- Nan j’en ai pas vu.

On m’en a juste parlé. Et apparemment c’est vrai. Il suit le chemin que trace Emiko et jette de brefs regards autour de lui. Histoire de se repérer, au cas où. Si c’est leurs vrais prénoms ? Il laisse échapper un « ouais », même s’il n’a pas la certitude que le sien est celui-là. Quelle importance ? Il serait capable de ne pas reconnaître son prénom si on le lui présente. Alors Matt ça lui va.

- Emiko. C’est plus agréable à prononcer.

Il reprend les paroles de la brune avec un sourire. Ironie ça fait agressif, ça fait grrr ça fait… Ouais quoique c’est pas mal non plus en fait. Il pointe finalement ses armes de la main et demande :

- Tu les avais déjà à ton arrivée ou tu les as trouvées ?


Ou plutôt, tu les as cherchées ?

Ça parle armement. Ça devient un peu plus fun, comme discussion. Mais Morgane est curieuse. Trop curieuse. Sans doute trop fatiguée, aussi. Et quand on fatigue, le sérieux lâche. Et pour le peu qu'elle en avait... Alors elle s'élance, et attrape l'un des pistolets dans le holster d'Emiko.

Elle court pour échapper à l'éventuelle poursuite.

« Hé, comment ça... »

PAN. « ... Marche ? » Elle a glissé par terre. Son doigt a appuyé sur la détente. La balle s'est logée dans son cou. A remonté dans son crâne. Février s'effondre sur le sol dans une flaque de sang sombre.

Février est morte.

D'elle-même.

« Parce qu'en février, fais ce qu'il te plaît. »

« Plus agréable à prononcer, hein ? Elle ne réagit pas, esquisse un simple sourire en guise de réponse. Puis vient une question. Elle continue d’avancer, observant les contours de la Bugatti se former. « Ca change quelque chose ? Au final, elles sont avec moi, non ? » La réplique est sortie, solitaire, indépendante. Si avec un certain Taïga elle aurait été indifférente et délibérément un poil provocante, ici-bas, elle n’est que dégagée et narquoise. « Je les ai prises un peu plus tôt. » Pause, relâchement. « C’est e… » Ironie n’a pas le temps de finir sa phrase, de pointer du menton la voiture à présent proche, que la sauvage se faufile à ses côtés et lui arrache un pistolet. Bondissant tout autant que s’enfuyant, elle entame une phrase excitée et… Ne la finit pas. Son pied dérape dans la boue, son doigt presse la détente et la balle part. Le sang gicle, le corps s’affale à deux pas du véhicule, inerte. Silence. Silence après les phrases, les cris, les pas, la chute. La mort. Emiko ne bouge pas. Son visage surpris, presque incrédule, se tourne vers Matt, cherchant les yeux du blanc. Non mais j'hallucine ? Les secondes passent, elle se détourne et tend sa jambe, avançant vers les restes de la gamine. Elle grimacerait presque face aux giclées zébrant la Royale et le sol. Mais non. Elle se dit juste que c’est bien stupide. Trop stupide, même. Débile. Qu’une gaffe comme ça, on en rit plus qu’on en pleure. 'Enfin. Ce qui est fait est fait, hein. Se penchant, la brune récupère son arme, encore enserrée et noyée dans la flaque pourpre qui peu à peu s’étend. « C’est quand même con, comme fin. » Constate-t-elle simplement, essuyant l’objet coupable contre son jean, puis le rengainant. Le pire ? Cette phrase sortie, ça la ferait presque rire. Elle esquisse en toutes réponses un de ses sourires spéciaux et insaisissables. Amusée ? Gênée ? A qu’en dire. Le moment est passé. Elle observe son compagnon, le seul restant.

...

Non mais, t'y crois ? T'as bien vu ça, comme moi ?

Naaaaaan… Sérieux ? C’est pas possible. Nan, nan, mourir aussi stupidement ça frôle l’impossible. Et devant la scène qui s’est déroulé, le rire s’échappe sans qu’il le retienne d’entre ses lèvres. Il ne sait pas si c’est nerveux ou juste naturel. Mais une mort comme ça, vraiment, ça mérite d’être inscrit quelque part, dans un livre des morts les plus stupides sans doute. Ça ressemble bien à Février de mourir comme ça tiens. Son rire s’attenu puis finit par s’arrêter. Parce que la forme est drôle mais le fond est carrément morbide. Il répond à la brune encore vivante, presque avec sérieux :

- Ouais, ça craint quand même.

Ça craint grave même. Parce qu’elle a quand même clamsé. D’une façon débile, mais bien réelle. C’est dommage, elle était marrante Février. Même dans sa mort. Mais bon y a pas de try again ici, donc adieu Morgane. Il regarde un instant le cadavre maculé de sang, putain c’te boucherie et finit par se détourner pour voir la voiture. Ouaaah la relique. Ça date du moyen-âge ce truc ou quoi ?

- C’est ça ta voiture ?

Ton légèrement moqueur en réalisant, parce que décidemment, il s’attendait à mieux.

« Et encore, t’as loupé un vieux tacot tout dégueulasse. On pouvait marcher à côté,  tellement il était lent. Enfin. J’ai jamais dit que c’était une Audi. C’est une Bugatti. Elle était pas pour moi à l'origine. » Changement de conversation à trois cent soixante degrés. Le cadavre est limite oublié. Ironie s’adosse au capot, lâchant machinalement le sac à la place passager. « Fais quand même attention, tu risquerais de la vexer. Elle roule plutôt bien. » Totalement narquoise et moqueuse, elle déplie sa main pour venir flatter la Royale. Car bon, ce serait tout de même bête de se mettre à dos leur moyen de transport. Pis c’est pas comme si elles avaient rien traversé ensemble. « Du coup, je t’aurais bien proposé une arme. Mais je vais éviter. Tu montes ? » Ce serait presque de la provocation, là, dans son ton. Enfin, les yeux embués de malices et la voix gardant une certaine banalité à l’évocation indirecte des restes à ses pieds, elle contourne la voiture pour aller côté conducteur. Installée, elle pose le fusil à pompe au niveau de ses pieds, canon pointé vers le sol, histoire de pas faire une suite à la série des mots débiles.

...

T'as un endroit particulier en tête ou ?

Elle était pas pour elle ? Parce qu’elle l’a volé ?  Il soupire. C’est clair que c’est pas une Audi, ça n’a pas la même gueule. Et puis genre, vexer une voiture, nawak. Il se rapproche donc de la Bugatti, sceptique sur le fait qu’elle puisse ‘bien avancer’. Il doute que sa vitesse de pointe soit très impressionnante. Enfin elle est en bon état, c’est déjà ça. Quand il passe à côté de la brune il lâche :

- Ça va hein, j’suis plus doué qu’elle.

Au paint-ball en tout cas. Parce qu’en fait il doute avoir déjà tenue une vraie arme. Mais bon ça ne doit pas être si différent, à part le recul peut-être. Répondant à son invitation il s’installe à son tour, prenant le sac sur ses genoux et posant la balle à ses pieds. Son regard se pose sur le sac. Y a quoi dedans ? Il ne pose même pas la question à Emiko et l’ouvre sans gênes. Après tout, elle n’avait qu’à pas le mettre à sa place. Il en sort de la nourriture, intéressant, de l’eau, intéressant, des canettes de bière, tiens j’avais soif justement. Il en ouvre une et en boit quelques gorgées. Il tend la canette à la brune pour lui en proposer et la ramène presque aussitôt vers lui.

- Ha mais nan, pas d’alcool au volant.

Sourire narquois et il en revient à son fouillage méthodique du sac. Il en sort un T-Shirt blanc bien trop grand pour elle –mais parfait pour moi génial-, une paire de chaussettes – what the fuck ?- , du matériel de soin –elle se prépare pour une guerre ou quoi ?- et puis une brosse à dent. Elle est donc hygiénique malgré le sang qui tapisse ses habits ? Enfin il ne fait que lui lancer un regard amusé. Puis il remet tout dans le sac, n’importe comment évidemment.

- Au fait, t’as tué qui ?

Son regard se pose sur la chemise tâchée de sang de la brune. Quoi ? Après tout elle donne l’impression d’en être capable.

« Non mais. Il fouille son sac, là ? Et puis tout n’importe comment ? Sur le coup, Ironie ne réagit pas. Non. A quoi bon ? Elle le dévisage ostensiblement, posant un coude sur le volant, la tête de côté reposée sur son poing. Puis vient le coup de la canette. Sa canette qu’il ouvre sans gêne apparent. Puis il lui tend genre... Trois secondes ? Avant de la reprendre avec un commentaire qu’elle saisi plus comme provoquant qu’autre chose. C’est pas pour autant qu’il semble attendre une réponse, hein. Non. Evidemment. Alors elle l’observe, sans un mot, imaginant ce qu’il doit penser à chaque découverte. Il reste en suspens sur sa dernière trouvaille, la divine brosse à dents. Alors, finalement, il daigne lui offrir une œillade amusée. Deux secondes d’intérêt, à tout casser. Puis il remet tout dans le bagage, sans vraiment savoir si l’un va avant l’autre et vous avez compris la démarche. Enfin. Il change de sujet. Une question. Ses yeux se perdent sur sa chemise, et elle ne soulève pas. Non. Se penchant vers lui, elle pose les mains sur le rebord du siège avant de venir mordre le bout de la canette, la soulevant. Puis vu qu’on sait jamais ce qu’il peut se passer, et car de la bière dans le décolleté c’est vraiment pas agréable, elle ajoute sa main –ses doigts– pour pouvoir en toute sécurité subtiliser quelques gorgées. Satisfaite, elle relâche l’emprise. En plus elle est à moi. « Comme si il y avait le moindre risque. Et puis. Je n’avais pas dit qu’elle se conduisait toute seule ? Au gré des envies. » Car oui. Ironie est ainsi. Elle aime pouvoir. Sa voix se module pour donner quelque chose de moqueur et… Pas que. « Pourquoi ? J’ai l’air d’une meurtrière ? Je me voyais plus en tant qu’agent ou espionne, tu vois. » Elle retourne à sa place, car bon. C’est sympa. C’est tentant. Mais. Voilà. « Avoir un partenaire ne me dérangerait pas. Mais non. Je n’ai tué personne. »  Le pour l’instant reste figé dans l’air. Félin, presque sensuel. « C’est pas ma faute si les hommes tombent quand ils me voient. » Qui sonne comme un : pas assez résistant, et encore moins endurant, tu vois ? Elle hausse les épaules, ajouterait même une moue dramatique. Mais. Non.

Quand même pas.

Il la regarde, la laisse boire dans la canette. C’est qu’elle est obstinée. Et puis il l’écoute, continue de la regarder, elle qui s’est rapprochée. Vas-y, penche-toi un peu plus, que j’vois mieux ton décolleté. Et puis quand elle se replace, il relève le regard, lui lance un sourire innocent et réplique :

- Et alors ? Les espions et les agents peuvent tuer.

Ce qui ferait quand même d’elle une tueuse. Il ne s’en inquiète pas pour autant et le fait qu’elle n’est tuée personne ne provoque pas en lui une vague de soulagement, peut-être même presque de la déception. Bah ouais c’est vachement classe de tuer des gens c’est connu. Mais ça fait de l’action, et puis une fille dangereuse ça la rend souvent plus désirable nan ? Enfin elle est déjà dangereusement sexy. Il sourit à sa dernière réplique et la dévisage un instant avant de répondre :

- Bah, y a de quoi.

De quoi tomber devant elle car le regard est retenu par ses traits, ses formes bref parce qu’elle est carrément bonne wesh. Enfin de là à crever c’est une autre histoire. Il reprend quelques gorgées de la canette. Il voudrait bien lui répondre que lui n’est pas tombé, sauf qu’il s’est quand même ramassé la gueule quand ils ont dansés.

- Les chutes ont d’bon côtés parfois.

La sienne, il l’avait bien apprécié.

« Ce mec l’amuse. Oui. C’est indéniable. Ses répliques la feraient presque rire. Non mais quelle répartie. Bref. « Disons que le mélange espion et agent sonne de manière plus… Sexy ? Meurtrière. Ca fait presque vomir à dire. » Oui oui. Elle y attache de l’importance. Enfin, elle ne sait même pas pourquoi elle sort ça. La spontanéité qui la possède ne l’étonne même plus. La façon dont il la dévisage la ferait sourire, mais elle n’est pas si facile, hein. Voyons. Quoique. L’écoutant, elle tend une main évasive vers la canette, qui devrait bientôt être vide, d’ailleurs. « Tu n’oserais pas finir. » Sauf que la boisson est un peu loin. Il a changé de main. Non mais égoïste. « Ca dépend lesquelles. Faut savoir savourer les bonnes, c’est tout. » On sent le rire et les sous entendus dans sa réplique, ça l’amuse. Elle se penche, encore, plus, pose sa menotte restante a côté des jambes du voisin, histoire de pas s’étaler comme un tas, car les tas, c’est jamais très élégant. Ou séduisant. Au choix. « En fait tu te demandes juste d’où vient ce sang. Je me suis prise les tripes du mec sur lequel j’étais tombée, à mon arrivée. Un accueil comme un autre. Il avait l’air plutôt sympa, ce gars. » Puis le rouge, ce n’est pas comme si c’était une couleur désagréable, non ? Ce n’était pas une des couleurs du désir ? De plus, elle se rappelait d’une fois ou on lui avait dit que pour le nouvel an, les italiens offraient des sous vêtements rouges à leurs amis et proches. Elle avait adoré l’idée. Haussement d’épaules. Elle est à deux doigts d’obtenir son bien, mais reste à moitié figée. « Y’a un gay qui m’a menottée. » Alors là.

…

Mais pourquoi ?

S’il n’oserait pas finir ? Bien sûr que si, elle croit quoi ? Il la voit tendre la main pour prendre la canette qu’il a machinalement passer de sa main gauche à sa main droite. Instinctivement égoïste, que voulez-vous ? Il s’amuse alors à décaler toujours un peu plus sa main à mesure qu’elle se penche. T’y as cru hein ? Eh bah naan. Il l’écoute avec un sourire narquois collé à son visage. Des entrailles miam, très apetissant. Puis il finit carrément par tendre le bras tenant la boisson, dans le sens opposé, le plus loin possible de la brune. Vas-y, j’ai une superbe vue là. Son regard auparavant plongé dans son décolleté, se relève lorsqu’elle se fige. … Hein ? Une tafiole qui quoi ? Il la regarde, étonné et avec une mine légèrement dégoûté. T’as d’autres traumatismes à me raconter ? Oui, c’est traumatisant de se faire attacher à un gay, tout à fait. Puis son regard se pose sur son autre poignet où il reste encore un bout de la dite menotte. Sans hésiter il le prend dans sa main gauche, le soulevant et lui ôtant ainsi tout appui. Hein hein.

- Ça explique ça ?

« Moment de silence. Elle reste figée, dans un demi qui-vive. Je le prends pour mon psy, ou quoi ? En suspens, elle va pour vriller ses yeux dans ceux du blanc lorsque que voilà. Il lui agrippe la main menottée, qui évidemment, est celle appuyée, et la soulève victorieusement. Arrêt. La phrase tonne dans l’air, et elle, Ironie, se sent basculer. Vers le bas. Elle n’a pas le temps de pousser le moindre cri, qu’elle s’affale la tête entre les jambes du concerné. A croire qu’avec lui, rien ne se fait jamais à moitié. Non mais je fais quoi, là ? Sa cervelle a comme un court circuit, alors que son esprit, lui, est déjà parti. Les secondes défilent, puis elle semble réaliser. Enfin, ce n’est pas comme si elle s’en offusque. A quoi bon, avec lui ? Ramenant sa main libre, elle vient la poser sur la cuisse de Matt, pour se redresser quelque peu. « Ah bah bien. » T’es fier, t’es content ? Semble sous entendre son ton narquois. « Et oui. Il était vraiment… Je. Non. Je suis pas sûre que tu veuilles entendre l’histoire, hein ? » Elle en grimacerait presque, ou pas. Presque, quoi. « Non mais un gay. Tu te vois, toi, comme ça ? J’ai du passer plus la moitié de mon temps avec lui, tu sais ? Je suis marquée. » Et un petit sous entendu sur la fin, mais bon, personne ne le voit, hein ? Elle attend juste qu’il lui lâche la main, ou qu’il en fasse quelque chose d’autre que la brandir avec émerveillement, car la position, là, ce n’est pas idéal.

Gniaha victoire. Il ricane intérieurement quand il voit la brune s’affaisser sur lui. Bah oui bien, c’est même très bien. Ça lui plaît à lui cette position. Ça lui plaît même beaucoup. Ça augmente le désir voyez-vous, la sensualité du geste et ouais bref ça l’excite quoi. Il lui sert un sourire innocent –oubliez la crédibilité- quand elle se redresse. Nan j’suis pas intéressé par les gays, j’veux pas savoir son histoire.

- Nan, nan, j’me vois pas du tout. Et puis j’savais pas que les gays pouvaient autant marquer.

Sourire moqueur. Il ne desserre pas son emprise sur le poignet d’Emiko. En fait il a presque oublié qu’il la tenait toujours. Mais elle est bien là, hein. Tout près. Et il aime la proximité.

« C’est pas qu’elle est pas calée, ainsi affalée et écartelée mais… Quand même. Enfin. N’empêche qu’il lui réplique quelque chose de tout à fait abject. Ou presque. Non mais d’où ? Elle lance un regard envieux à la canette perdue au delà de l’habitacle. Non mais c’est quoi ce bras long, là ? Elle essaierait bien de ramper, mais vous voyez, c’est toute une histoire de dignité. Même si les frottements ça peut déstabiliser, si vous voyez… « J’ai soif. » Nourris-moi. En gros, c’est ça. Tu prends, tu compenses. La brune finit par se recaler quelque peu, choisissant de mettre son avant bras au lieu de sa main, car c’est pas pratique, ça fait mal au dos et puis voilà, vous comprenez la démarche, vous êtes des grands intelligents. Du coup, rien qu’à ça, elle se sent déjà mieux. Le ronronnement satisfait n’est pas loin. Dommage, elle n’est pas si chat que ça. « Je parle du choc psychologique, pas d’autres marques. C’est… Ah. Pas avec… Immonde. » Car oui, il lui met des images totalement dégueulasses en tête. Ne serait-ce qu’un, qu’un suçon quoi. Enfin. C’est pas comme si elle était vraiment offusquée. Mais quand même, un peu. Quoique. Elle apprécierait se venger. Tu sais si mon coude il glisse, tu souffres. M’enfin, elle dit ça, elle dit rien. Juste un sourire félin qui en dit long sur les choses qu’elle imagine. « Tu vas m’en faire une, justement, de marque. » Ca pourrait sonner comme un ordre. Sauf que non, c’est le simple constat de ‘tu me tiens encore la main’. Pas qu’elle lui dise de lâcher. Mais. Voilà. C’est. Je serais presque bien comme ça, en fait.

Il voit le regard qu’elle lance à la canette toujours trop loin pour elle. Ouais moi aussi j’ai soif. Et sans se départir de son sourire il ramène la canette à ses lèvres, en boit quelques gorgées. Jusqu’à sentir qu’il n’en reste plus qu’une et avec toute sa générosité possible –si, si, il faut y croire- il la donne à Emiko. Enfin il lui aurait donné si sa dernière réplique n’avait pas interrompue son geste. Attends, elle me demande de lui en faire une là ? J’rêve pas hein ? Il la regarde un instant, une lueur d’incompréhension se mêlant à l’envie dans son regard. Si, sûrement qu’il rêve. Parce qu’il finit par comprendre que c’est de sa main dont elle parle. Il lâche son poignet avec un « ha » légèrement déçu et lui tend la canette. Pour ce qu’il reste de toute façon. Et puis il récapitule avec un sourire amusé :

- Donc t’es tombé sur un gars qu’est mort devant toi, un gay qui s’est attaché à toi… Quoi d’autre ?

Finalement les péripéties de la brune sont assez distrayantes.

« Le liquide descend dans sa gorge, ultime et seule gorgée. Soupir. Pendant une seconde, elle s’était demandée si il oserait finir. Après tout, pourquoi pas ? N’était-il pas du genre à ? Lâchant un sourire vague, elle hésite à laisser la canette dans son sac. Vous comprenez, les poubelles, le reste. Mais pas cool pour la place. Alors elle rehausse la tête, et jette. Pef, fait la conserve qui tombe sur le crâne de Morgane. Pleck, finit-elle en atteignant le sol en sang. « Panier. » Non, elle n’avait pas vraiment fait exprès, n’était pas du genre à cracher sur les décédés. Mais le mal était fait, alors qu’importe ? Elle avait vu la mort, l’avait sentie et même goutée. Ils risquaient tous de finir ainsi, à eux de tourner le tout différemment. C’était selon. « J’ai piétiné un cadavre, aussi. D’ou les chaussettes, tu vois. » Sa voix était libre, railleuse, narquoise ou moqueuse ; son corps, lui, calme, distrait et sensuel. Une loque peut-être ainsi, oui oui. « Il m’est arrivé un paquet d’aventures, pour une simple journée. » Tu veux vraiment savoir, connaître ? Supposait son ton. Ah, et ne cherche pas, y’a pas moyen que tu sois là depuis plus longtemps que moi. Ils étaient tous dans le même bateau, pour l’instant, non ? « J’ai même dansé la carioca avec un gars plutôt sympa, je sais pas si tu vois ? » Sympathique dans tous les sens du terme, même l’esthétique. Elle se redresse, les deux mains en appui, cambre le dos dans un étirement félin, puis se détend, reprenant sa place, son siège, son éloignement. Elle est le dos entre la portière et le dossier, une jambe ramenée, l’autre repliée et posée, mais il lui semble bien loin. Non mais un écart de dix, quinze centimètres, faut pas abuser. Ahin.

Il ne peut s’empêcher de grimacer au bruit de la canette retombant sur quelque chose de mou. Certes, elle est morte et enterré. Enfin non justement mais, bref, minimum de respect quoi. Et puis merde pour jouer au basket faut un vrai panier et puis une balle. Oui, il y accorde de l’importance. C’est sacré le basketball. Et puis il ne comprend pas le rapport entre un cadavre piétiné et les chaussettes. Pour la journée ouais. C’est vrai que ça ne fait pas longtemps qu’il est là lui non plus. Mais c’est toujours plus cool quand il se passe des choses non ? Qui aime la monotonie ? Certainement pas lui déjà. Il sourit à sa dernière réplique. Ouais, ouais je sais, j’suis parfait. Non il n’a pas besoin d’alcool pour avoir un excès de confiance en soit. C’est naturel. Quand elle s’éloigne –quoi, déjà ?- il tente de s’installer plus confortablement sauf que décidemment, cette voiture a du être confectionné pour les nains. Abandonnant il finit par de nouveau poser son regard acier sur Emiko et répondre d’un ton presque défiant :

- Non j’vois pas. Explique-moi plus en détail.

Explique-toi, exprime-toi. Parle-moi.

Regard.

A sa première remarque il ne peut s’empêcher de chercher son reflet dans les rétroviseurs, mais il se ravise. C’est mes yeux, ils sont forcément beaux enfin. Son sourire s’agrandit, et il ne dit rien, la laisse continuer. Il ricane à l’appellation le blanc. Tellement de sous-entendu. Alors il lui répond :

- Ouais, ouais, je le connais même très bien.

Et puis amusé, il enchaîne :

- Il a même rencontré une femme. T’sais le genre, élégante gestuelle, regard rebelle même presque conflictuel. Qui paraît irréel, pourtant loin d’être artificielle.

J’t’improvise presque un slam là. En fait c’est sortit tout seul, parce que ça l’amuse et qu’il dit ce qu’il pense. Et que dans cette vielle ville moisie pourrie et abandonné, c’est bien ce qu’il y a de mieux, de trouver encore le moyen de s’amuser. Il reprend, avec le même air faussement innocent qu’elle avait auparavant :

- T’vois le genre ?

« Elle serait presque étonnée. Totalement improvisé ? Oui oui, cette nouvelle qualité la laisse plutôt perplexe. Enfin. Non. « Je crois. » Elle le toise du coin de l’œil, puis, narquoise : « Ils semblent former une bonne paire. » Et ce n’est pas une question. Juste un constat. Moqueur, mais bien là. « Je n’ose pas imaginer les péripéties qu’ils pourraient endurer. Entre deux tripes et un mur délavé. » Non car les murs délavés c’est blanc. Du coup. Quoique. Elle se tait. Un moment. Judicieusement.  « Direction l’hôtel ? » Je rêve d’une douche, là. Puis elle se remémore avec qui elle est. « Non mais. Pour la propreté, toussa. » Crédibilité. Zéro.

…

Et pourtant.

Bug. Qui ne dure que quelques secondes mais quand même. Il la regarde, le sourire figé. Direction l'hôtel hein direct. Et la manière de penser de Matt fait qu'il comprend tout à fait autre chose dans la phrase de la brune. Il s'imagine un autre scénario. Et puis ce n'est pas la phrase d'après qui le ramène à la réalité, faut pas croire quand il part, il part loin. Alors même si il croit avoir comprit le vrai fond de la phrase il ne peut s'empêcher de répliquer:

- Ouais t'as raison, un hôtel c'est plus propre.

Quoi? Elle tend une perche, il va pas la louper.