12-14h
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C'cool cette bagnole n'empêche.
La brune aurait pu s'endormir au volant que ç'aurait été la même. Ouais, enfin c'est comme ça qu'elle a failli faire de la bouillie de Dame la dernière fois. ... Tu me diras, t'façon elle a disparu sûrement happée par la Ville - et pourquoi pas retenue prisonnière dans un mur de l'église ou changée en gargouille -, lui rouler correctement dessus lui aurait peut-être épargné pas mal.
... Noan ? Noan, tu vas encore bien dans ta tête ?

Le paysage défile sous ses yeux, et son humeur se love tellement dans le « blasé » qu’elle juge totalement inutile de faire remarquer à la Grise qu’elle est pas suffisamment conne pour être incapable d’émettre le moindre raisonnement, et que oui, elle sait qu’en continuant tout droit elles finiront par sortir.

Et même son agacement inexpliqué – un jour elle comprendra qu’elle est humaine et que par conséquent, quand on est pas politicien ou autre, ça peut être dur d’afficher un air impassible H24 – décline lentement, quoique la tension reste sous-jacente, quand le paysage s’éclaircit autour d’elles. Les pavés et l’asphalte se sont fondus dans les herbes, qui elles sont de plus en plus hautes.

Wait what. C’est pas du tout à ça qu’elle s’attendait. Ils avaient été emmenés ici hein ? Donc pour une certaine raison, et rendus amnésiques ? So what the Hell’s wrong with dat ? Sérieux. Les empêcher de s’enfuir, ceinturer la ville avec je sais pas, un bon gros mur, ça aurait pas été plus logique ? C’est comme si un Bisounours avec la bouche en cœur les enjoignait à se tirer d’ici. On leur filait même la voiture, et hasta la vista !

Sauf que c’est vicieux les Bisounours, en vrai. Ça se trouve c’était un pedobear.

On peut pas leur faire confiance. Y avait même des trucs bleus dans l'herbe. Ça se trouve c'était une nouvelle forme de drogue.

Alors quand la voiture s'arrêta, que son horrible voix de GPS retentit, Noan resta là, l'air un peu dans le gaz pendant, oh, au moins une seconde. Avec sa vivacité habituelle, elle s'apprêtait à bondir hors de l'habitacle, sortir, explorer, chercher trouver pourquoi comment qui quoi, bref, fouiner comme elle avait apparemment l'habitude de le faire. (Et même dans ton passé, et surtout pour le pire... Oh pardon chérie, j'avais oublié que c'était un point sensible.) Mais je t'ai dis, elle peut pas faire confiance au monde qui l'entoure non.

Et elle a pas si tort que ça. Mais y a pas trop le choix. Ses mains glissent doucement du volant, comme à regret, et elle se retourne vers la Grise.

▬ Si ça ne vous dérange pas, je vais faire un tour quelques minutes, y a une substance étrange au sol.

Et si ça la dérange c'est un peu pareil, parce que la grande perche est déjà sortie. Posant les pieds délicatement sur le sol. On sait jamais, l'herbe pourrait la bouffer. Elle inspire, une grande bouffée. L'odeur est déjà différente d'en ville. Et le vent est un peu plus fort, aussi. Sa peau frissonne agréablement sous ses vêtements trop légers. La forme grise d'un bâtiment se dessine au loin, elles sont encore trop proches pour voir la ville dans son intégralité. Bien. La prochaine destination est droit devant, donc.

La voiture se met à rouler. Bigoudi regarde avec méfiance le volant, non tenu. Décidément, elle ne s'y habituera pas. Et la nonchalance avec laquelle la jeunette prend ça... Ben tiens, c'est que ça serait presque normal, hein ?

Le regard rivé à la fenêtre, la vieille vérifie que la voiture ne fait pas n'importe quoi. Il faut bien quelqu'un pour surveiller, puisque l'autre inconsciente a l'air de s'en contrefiche. Elle peut ainsi assister en direct à la transition pierre/herbe. Euh... Elle hausse un sourcil. C'est tout ce qu'il y a après la Ville ? De l'herbe ? Un champ ? Enfin un champ... On ne peut pas se fier à ce qu'on voit ici. D'autant plus que la substance bleue qui recouvre l'herbe incite plus que fortement à la prudence, à la méfiance voire à la paranoïa.

Et la voiture a le bon goût de s'arrêter là. Bigoudi soupire et la gratifie d'un de ses regards par en-dessous. Et Noan descend. C'est une blague. Elle descend. La vieille se met à grommeler.
- Oh tiens, quelque chose de très suspect dans une Ville qui est déjà plus qu'étrange, on va voir ? Je vous jure ces jeunes... De mon temps, on n'aurait jamais fait ça. On était plus réfléchis que ça...
Et elle s'éloigne de la voiture, en plus ? Attendez... Elle n'allait pas laisser une pauvre vieille dame inoffensive et sans défense toute seule dans la voiture, quand même ? ...Non ? ...Si. Bien. Belle moralité ! Sauf qu'elle, elle n'a pas spécialement envie de rester seule dans cette voiture. Elle a pensé à ça, la brunette ? Elle a pensé à son aînée ? Et voilà. Aucun respect, je vous dis.

Bigoudi posa donc les pieds sur la surface bleue. Entrevit la silhouette grise d'un bâtiment au loin. La voiture n'aurait pas pu faire l'effort de les amener là-bas ? Enfin, Noan pouvait marcher si elle voulait, mais elle avait passé l'âge des randonnées. Elle lâcha un soupir, encore un, et pointa la structure de sa canne, regardant la jeunette d'un air interrogateur mais résigné. Vu sa tête, ça paraissait évident. Elles iraient là-bas. Si elles survivaient à la chose bleue.

« J'm'emmène au vent. »

Elle inspire. Garde l'air. En elle. Jusqu'à la limite. Expire d'un souffle fluide. « Hey ? « Rien. J'me sens vivre un peu. Elle aurait pu écarter les bras, hurler et courir, sans se donner de limites, sans s'en reconnaître. Elle aurait pu ouvrir les bras en grand et se laisser éclater. Ouais. Oublier le train. Oublier la gamine aux cheveux roses, le camé, le gamin, les maisons abandonnées. Oublier la rue, la blondine et la rousse. Oublier le commissariat, l'église. La vieille et oui, même oublier la disparition de Dame, et celle-ci avec. Oublier le contexte pour s'enfouir dans le moment.

Oublier la douleur et la peur au lieu de simplement les repousser, les tenir vainement à l'écart.

Et la porte claqua quand Bigoudi en sortit, et la brune eut juste le temps d'effacer la lueur dans ses yeux, de saper le bonheur doux-amer dans lequel elle s'était plongée, de reprendre son expression habituelle. Enfin. Son manque d'expression. L'air résigné de la grand-mère lui tira, sans trop qu'elle sache pourquoi, un quart de sourire parfaitement innocent. Juste amusé. Elle hocha la tête. Comme un oiseau, encore. Reporta son attention sur la substance étrange au sol. C'était bleu, on était dans cet endroit, forcément c'était pas net.

Donc tenter de savoir ce que c'était, quand bien même ça pouvait vous sauter à la gueule, c'était une réaction parfaitement normale. Enfin ça, c'est selon Noan. Faut pas abuser, elle allait pas le toucher directement, elle était pas si suicidaire que ça. Ouvrant la porte de la voiture, farfouillant dans ses affaires, elle en exhuma le paquet de clopes - vide. Autant que ça aie une utilité. Et de s'en servir pour porter un peu de la substance plus près, en prenant soin de ne pas la toucher. Et d'une voix plus douce, posée :

▬ Dites. Vous auriez vu un jour quelque chose d'approchant ?

On sait jamais. L'expérience des aînés. Enfin, si elle daignait lui répondre.
Tu veux pas reporter ton attention sur ce que t'as entre les doigts ? Qui sait, ça pourrait vraiment te sauter à la tronche.

Spoiler:

La vieille dame fait le tour de la voiture pour rejoindre Noan, qui a l'air de vouloir enfin faire appel à son savoir et à son expérience, marchant précautionneusement dans la substance bleue brillante. Elle la surveille, la chose bleue. Pas question que ça la fasse tomber, qu'elle ne puisse plus décoller ses pieds ou que ça soit toxique ou elle ne sait trop quoi qui pourrait bien avoir été inventé pour compléter leurs péripéties.

Elle se penche au-dessus du paquet de cigarettes tendu par la brunette. Oui, bon, c'est bleu et ça brille. Tu n'arrives pas à le voir, petite ? Quelle catastrophe, le sens d'observation des jeunes, de nos jours... Mais elle ne peut pas nier, Bigoudi, que ça la flatte indubitablement qu'on fasse appel à son autorité et son savoir - ces petits scélérats, ils ne savent rien et ne veulent jamais l'avouer.

Quelque chose d'approchant. Ce n'est dans aucune des deux scènes dont elle se remémore, donc même en cherchant bien... Elle lève les yeux au ciel. Elle est amnésique, bon sang de bonsoir, comment pourrait-elle savoir si elle a déjà vu ce machin ? Si ça trouve c'est un produit ménager. Ou, plus probablement, comme tout ce qu'il y a ici, c'est dangereux. En tout cas, elle a beau fouiller, elle doit bien avouer qu'elle n'a aucune idée ce que ça peut être. Et ça la met en rogne.
- J'en sais rien, petite, je suis amnésique, comme tout le monde. Mais je n'ai pas envie de m'attarder à un endroit trop suspect. Pose ce que tu as pris, ou même garde-le si tu veux le faire analyser ou je ne sais trop quoi qui pourrait passer par une tête de jeune, mais on devrait bouger d'ici avant que ça nous avale toutes crues.

Elle crache presque ses paroles au sol bleu, en le fixant, comme si ça allait lui faire quelque chose. Saleté. Puis, prudemment, en s'appuyant sur sa canne, elle retourne du côté passager, tapote soigneusement ses chaussures avec sa canne pour être sûre que le bleu ne reste pas sur elle et se glisse dans l'habitacle. La vieille claque résolument la portière. Prochaine destination : la vague silhouette grise là-bas, qu'elle aperçoit en plissant ses petits yeux.