Oh ! Une pomme pote ! __

08h-10h

Un pas. Une marche. Rien de grandiose et pourtant, l'acteur de ses mouvements les réalisait avec une lenteur étonnante. Ses yeux bleus cachés derrière une paire de verre transparent se perdaient dans l'étendue des lieux. Où se trouvait-il ? Cette première question fut rapidement suivie d'autres. Qui était-il ? Comment s'appelait-il ? Que faisait-il ici ? Tant d'interrogations et si peu de réponse... Ses deux pieds finirent leur course sur le sol dur et froid du quai. Un frisson parcourut son corps à cette sensation et il remua doucement ses orteils. Quelque chose l'empêchait des les mouvoir comme il le désirait. Son regard tourna donc vers le sol pour y apercevoir deux taches blanches. Il s'agissait là de chaussons. Etrange... Pour se promenait-il dans de tels souliers ? A nouveau la question demeura quelques instants dans son esprit avant de disparaitre par manque d'arguments pour y trouver une solution. Au moins, il avait les pieds au chaud. Sans mouvement brusque, il tira sur son pantalon pour le soulever légèrement. La chaleur si confortable venait donc principalement des chaussettes où se trouvait une sorte de chien étrange. Sa tête lui semblait familière et sympathique. Cela ne l'empêcha pas de le faire disparaitre une nouvelle fois sous son jean. Naturellement, ses mains virent ensuite tirer sur ses manches retroussées pour couvrir sa peau pâle mais rapidement, il les replia une nouvelle fois. Tic ou simple habitude ? Qu'en savait-il ? L'homme exécuta un pas de plus, hésitant. Pouvait-il vraiment s'aventurer dans cet endroit si... mort ?

Son visage se tourna pour observer ce qui se tenait derrière lui mais il réalisa sa stupidité en constatant qu'il n'y avait que le train d'où il venait de descendre. Qu'espérait-il voir ? Ses yeux se mirent ensuite à se promener à nouveau autour de sa personne. Un silence presque oppressant régnait sur les lieux, lui laissant une sensation désagréable si bien qu'il se sentit obligé de tousser un peu. Il cherchait inconsciemment à donner un peu de vie à cette gare, pour se rassurer. Rien à droite, rien à gauche... Ni passants ni bagages... Il le possédait pas de valise non plus d'ailleurs. Il ne se souvenait pas en avoir dans le train. Enfin, il ne pouvait réellement se fier à sa mémoire trop vide à son goût. Ses mains reprirent une exploration impossible pour son regard. Fouillant les poches, elles en sortirent quelques objets. Une pièce s'échappa de son emprise pour tomber sur le sol accompagné d'un son tintant. Celui-ci résonna dans tous les lieux et l'homme se figea, de peur qu'on ne vienne s'en prendre à lui pour avoir osé briser l'atmosphère pesante du quai. Avec lenteur, il s'abaissa pour ramasser le morceau de métal récalcitrant et rangea le tout dans ses poches à nouveau. Il reprendrait sa fouille plus tard. Le mouvement qu'il avait effectué lui avait procuré une sensation étrange au niveau du torse... Comme si quelque chose s'y était appuyé sans qu'il ne sache quoi. Une fois redressé, il prit donc la liberté de saisir entre ses doigts ce fameux quelque chose. Il l'analysa sous tous les angles possibles mais n'en tira qu'une seule conclusion : il s'agissait d'un gousset. Il ne put en dire plus qu'un bruit attira son attention ailleurs. Quelqu'un d'autre se trouvait non loin de lui...

08h-10h

Le réveil était passé par plusieurs étapes et avait été long, difficile, pâteux. Un peu comme lorsque vous vous réveillez à une heure dont vous n’aviez pas l’habitude, tiré du sommeil le plus profond qui soit avec une lenteur insistante. « J’ai dû boire un verre de trop hier soir » avait été la première pensée à peu près cohérente et complète qui lui avait traversé l’esprit. Ses paupières avaient beau s’obstiner à rester collées, ça ne l’empêchait pas de percevoir la lumière grisâtre qui perçait au dehors. Jour, donc. Pourquoi les rideaux n’avaient-ils pas été tirés quand il était rentré ?
Ensuite, l’inconfort de sa position l’avait amené à la déduction logique qu’il ne se trouvait pas dans son lit. Dormir dans un fauteuil ? Quelle drôle d’idée.
Finalement, ses yeux avaient fini par trouver la motivation de s’ouvrir et lui avaient offert le loisir de contempler son univers. Lequel s’était avéré lui être parfaitement inconnu. Néanmoins, cela expliquait beaucoup de choses, dormir avait dû être une épreuve difficile au milieu d’une plèbe bruyante et dans un endroit inconfortable à souhait ; pas étonnant qu’il ait eu autant de mal à émerger.
En parlant de gens, tiens, il n’y avait personne. Pas un chat, un silence complet englobait tout l’endroit absolument désert. Et le train était arrêté en gare depuis un bon moment visiblement, puisque plus personne ne s’attardait sur les quais. « Je suis arrivé » avait-il alors songé évasivement tout en dépliant son corps courbaturé d’être trop resté immobile pour se lever et à son tour sortir du wagon.

Il avait fait quelques pas d’une allure tranquille, vraiment peu hâtive ; une chape de sommeil pesait encore lourdement sur ses épaules et il ne se sentait pas pleinement conscient de lui-même. Quelque chose ne tournait pas rond, quelque chose clochait et tiraillait un coin de son esprit mais il n’arrivait pas bien à y poser le doigt, parce que ça s’échappait dès qu’il tentait de se focaliser dessus. Comme un moustique qui vient vous bourdonner à l’oreille dès que la lumière est éteinte mais qui s’évanouit aussitôt qu’on la rallume.
Et puis, brusquement, il avait pris conscience d’un truc embêtant. Du moins, qui l’était à première vue.

« Mais je suis où, au juste ? »

Finalement, hier soir avait dû connaître plusieurs verres de trop.

Méthodiquement, et sans se départir de son calme, le jeune homme avait entrepris de réorganiser les évènements de la veille, jugeant que les choses s’éclairciraient très certainement s’il arrivait à se sortir la tête du cul.
Etait alors advenu le premier choc de sa journée, lequel avait au moins eu le mérite de le réveiller complètement à la manière d’une douche aussi glaciale que brutale.

Il n’était pas seulement foutu de savoir ce qui avait bien pu se passer avant maintenant.

Ni l’avant-veille.
Ni l’avant-avant-veille.
Ni… enfin, bref. Soyons concis : il n’y avait rien. Nada. Niet. Ou presque. Mais juste ça, ça ne suffisait pas pour définir toute une vie, eh ? Ses entrailles s’étaient bizarrement tordues, sensation peu familière et parfaitement désagréable sur laquelle il n’eut pas grand mal à poser un nom. Il avait pris sur lui, s’était forcé à respirer profondément, avait fermé les yeux, les avait rouvert, avait pu constater que le décor était toujours le même…
Puis il s’était dit qu’il y avait VRAIMENT un problème.

Ensuite, il était sorti du train, parce que rester à l’intérieur d’un endroit clos n’aiderait pas : le silence était oppressant, dans cet endroit complètement fermé. Ce faisant, ses mains étaient naturellement venues fouiller ses poches à la recherche d’un indice, n’importe. Elles trouvèrent un portefeuille, l’ouvrirent, le refermèrent, déplièrent un papier et le présentèrent à la vue perplexe qui ne savait quoi en déduire, examinèrent l’Ipod et constatèrent qu’il était déchargé, puis tombèrent sur l’alliance.
… hein ?
Son cerveau fit un espèce de court-circuit l’espace de quelques secondes. Et il glissa l’alliance dans la poche de sa chemise sans songer à vérifier si elle était à sa taille.

C’est à peu près à ce moment-là qu’il avait pris conscience de ne plus être seul. D’avoir un sablier autour du cou aussi – srsly, wtf ? – mais surtout, de ne plus être seul. L’incongruité de ce nouveau machin pouvait bien attendre un peu, il n’allait visiblement pas s’enfuir et l’inconnu serait peut-être à même de l’aider. Alors, sans trop bien réfléchir à la suite, il s’était avancé vers lui avec cette même démarche tranquille, comme si tout était parfaitement normal.
On savait pourtant bien, au fond, que c’était exactement l’inverse.

08h-10h

Un frisson, une grimace.
Elle ouvre un œil et sursaute sous le froid. Un coup d’œil sur sa tenue : une robe d’été, des escarpins et un petit sac à main. Elle grelotte. Depuis combien de temps est-elle ici ? Et d’ailleurs, ou est-elle ? Elle se lève, difficilement, et s’enlace, posant ses longs doigts manucurés sur ses épaules. Elle tente ainsi de se réchauffer un peu mais, malheureusement, elle n’y parvient pas réellement. Alors elle ouvre le sac qui se trouve près d’elle. Peut-être y découvrira-t-elle une source de chaleur ? Malheureusement, il ne contient rien qui pourrait lui être utile pour cela : Un peu de maquillage, un miroir, un papier plié en trois et un anneau. Elle cligne des yeux en le voyant, pourquoi se ballade-t-elle avec une alliance ? Serait-elle mariée ? Ou est-ce qu’elle appartiendrait à quelqu’un d’autre ?

Elle avance et regarde autour d’elle. Un train. On dirait un TGV ou quelque chose du genre. Des rangés de sièges sont alignés deux par deux et une allée séparer les rangées. Elle avance, doucement. Pas à pas. Elle n’est pas rassurée. Elle ne se souvient pas avoir pris le train récemment… Elle ne se souvient de pas grand-chose à vrai dire. Elle porte une main à son front, fronce les sourcils et tente de retrouver ses souvenirs. Problème assez important : Elle ne sait plus à quoi elle ressemble, à quel nom elle répond. Elle ne sait plus qui elle est. Elle se tourne au quart, observant son reflet dans le miroir. « Mignonne… » pensa-t-elle, un sourire légèrement triste. Une évidence vient de la frapper comme une gifle : Elle ne sait pas qui elle est. Mais elle se souvient de quelque chose, c’est assez vague mais c’est la seule chose dont elle se rappelle.

Elle entreprend de descendre du train, quittant le wagon et posant un pied sur le quai. Un silence de mort. Elle l’avait déjà remarqué mais il se fait plus présent, plus oppressant. Une bourrasque fait virevolter sa robe et la fait claquer des dents. Elle meurt de froid. C’est là qu’elle remarqua ce qu’elle avait au poignet. La chaîne s’était déplacée, glaçant un peu plus la jeune femme. Elle relâcha son bras et, de sa main droite, effleura le cadran de la montre. Qu’est-ce que c’était ? les minutes défilaient lentement mais elle ne comprenait pas à quoi il pouvait bien servir. Elle haussa les épaules et avança un peu. Bouger la réchaufferait peut être. Alors elle se mit à marcher. C’est là qu’elle les aperçus, ces deux hommes. Elle eut un soupire soulagé : elle n’avait pas croisé âme qui vive depuis son réveil, c’était assez effrayant. Après tout, elle aurait pu être morte ! Elle finit par approcher d’eux et leur souris, un sourire qui se veut sûr d’elle.

« Bonjour ! Je… Je ne sais pas où je suis, vous pouvez peut être m’aider ! »

Un soupir de soulagement s'échappa presque des lèvres de l'amnésique. Il ne se trouvait pas seul en ces lieux sordides et inconnus. D'abord un homme blond à l'allure fière puis une jeune femme en robe tout aussi classe s'approchaient de lui. Une sensation de ridicule et de banalité l'envahit... Que faisait-il en chaussons alors que ces personnes étaient vêtus d'une façon admirables ? Passerait-il pour le bouffon à une fête de roi ? Pour dire vrai, il ne savait réellement à quoi ressemblait son visage et espérait trouver un miroir ou un court d'eau pour y observer son reflet. De ses doigts, Apple pouvait aisément visiter ses traits et laissait son cerveau tenter de créer une image à partir de ses informations mais il resterait des zones d'incertitude. La couleur de peau ? Peut-être portait-il un coup de soleil sur les joues ? Elles ne le brulaient cependant pas alors la possibilité qu'elles possèdent la même teinte que le reste de son corps n'était pas à exclure. La plus grande inconnue se tenait dans sa chevelure. A nouveau, sa pigmentation lui échappait mais cela importait peu pour le moment. A quoi servait de se creuser la cervelle en retournant toutes les possibilités quand il avait enfin trouvé des personnes pour l'aider à se repérer ? Avec de la chance, ceux-ci seraient suffisamment gentil pour l'aider voire l'accueillir ou au moins l'amener à un hôpital pour qu'il se fasse examiner.

Cependant, la phrase de l'arrivante le déstabilisa. Elle ne savait pas non plus. Son regard se tourna naturellement vers le blond, peut-être lui possédait-il la réponse à leurs interrogations.

"Je ne connais pas cet endroit non plus... et vous ?"

Une touche d'espoir avait tinté dans sa voix. Ses yeux quand à eux oscillèrent entre les deux personnes. Il réalisa que la femme avait froid à la façon dont elle tenait ses bras et s'il portait une veste, l'amnésique se serait fait un plaisir de lui offrir pour la réchauffer. Malheureusement, il craignait que retirer sa chemise pour la mettre sur ses épaules ne soit déplacé. La réponse du beau blond ne tarda pas et un vrai soupir cette fois-ci sortit des lèvres du brun. A ce rythme, ils n'allaient pas aller loin. Ils se devaient de trouver d'autres personnes pour demander de l'aide et surtout, se rendre dans un lieu chauffé pour éviter que la demoiselle en robe ne gèle sur place. Sans trop réaliser, son cerveau analysait et réfléchissait à vive allure. La chose qu'il comprit par contre, était qu'il devait partager ses pensées avec les autres sinon ils ne seraient jamais informés. Ainsi donc, il reprit la parole.

"Nous devrions aller ailleurs. Vous avez froid non mademoiselle ? Il ne faudrait pas que vous tombiez malade dans un lieu que nous ne connaissons pas... Et nous croiserons surement d'autres personnes vivants ici et capables de nous aider."

Un sourire s'étira sur ses lèvres, exprimant sa volonté d'aider sans arrière pensée. A aucun instant, l'idée de se jouer d'eux ne traversa son esprit. Il cherchait naturellement des solutions qui leur conviendrait à tous les trois. Ne serait-il pas plus agréable de rester ensemble ? Ainsi, ils se sentiraient moins... étrangers à cet endroit. La sensation demeurerait, certes, mais ils ne seraient plus seuls à y faire face. Apple avait ressenti un véritable soulagement lorsque ces deux personnes étaient apparues et assumait que le sentiment était partagé... Peut-être se trompait-il.

Une troisième personne était là. A ce rythme-là, l’endroit n’allait pas tarder à être noir de monde. Et dire qu’il s’était cru seul…
Elle sortait du même train que lui – en même temps, il n’y en avait pas d’autre à quai –, peut-être savait-elle quelque chose que lui ignorait ? Dans la mesure où il avait l’impression que sa mémoire était à peu près aussi remplie que celle d’un nouveau-né, ça ne devait pas être bien difficile. Il la dévisagea un court moment, fronça les sourcils ; un fugace sentiment de déjà-vu l’avait assailli au moment où il avait posé le regard sur elle, mais il s’était dérobé à lui au moment où des doigts mentaux avaient tenté de s’en saisir. L’examen visuel plus approfondi ne lui apporta rien de nouveau. Pas plus que ses paroles, d’ailleurs.
Ces dernières suscitèrent une interrogation de la part de l’autre homme, qui se tourna vers lui. Un haussement d’épaules et une réponse négative lui furent offerts en retour.

Tout comme le brun, il se rendit bien vite compte que la femme semblait avoir froid. Tout comme lui, il ne lui proposa rien pour la réchauffer un tant soit peu. A la différence qu’il n’était ici que question de pur égoïsme : qu’elle soit trop dévêtue pour la température ambiante n’était pas vraiment son problème. Et puis à vrai dire, il se souciait bien plus de sa propre personne que d’elle : si d’aventure il se cédait sa veste pour couvrir les jolies épaules nues de la demoiselle, c’était lui, avec sa simple chemise, qui risquait ensuite d’avoir froid.
Il estimait que la situation actuelle était déjà suffisamment étrange et problématique pour en rajouter une couche en chopant la crève.

— Bonne idée, acquiesça-t-il à la proposition de quitter les lieux. A quoi bon s’attarder dans un endroit qui, de toute évidence, n’avait strictement rien à leur apporter sinon ce souffle d’air très froid qui ratissait le quai quasiment vide ?
Evidemment, faire « équipe » avec ces deux-là n’était pas pour le ravir. Mais il n’était pas stupide : vu son état actuel, se la jouer cavalier solitaire était tout sauf une bonne idée. Un groupe était une solution de sécurité non négligeable dans ces circonstances.

Le blond ne songea absolument pas à prolonger la conversation en abordant les problèmes de mémoire qu’il rencontrait. Peut-être parce qu’il ne voulait pas se retrouver seul dans ce cas ? Qu’ils ne sachent déjà tous pas où ils se trouvaient étaient une chose, mais qu’ils souffrent également d’une même amnésie globale en était une autre, et il lui semblait absurde qu’ils soient tous dans cette même galère. Ainsi, avouer de son propre chef qu’il n’était pas capable de sortir une seule information quant à sa vie passée avait un petit quelque chose d’un peu humiliant, comme révéler une faiblesse ou un péché mignon mal assumé. Du moins voyait-il les choses sous cet angle.
Pour la même raison, il ne prit pas l’initiative de lancer les présentations en leur demandant leur nom. Peut-être aussi parce qu’il s’en fichait un peu, au fond : il n’avait pas l’intention de devenir grand ami avec un type qui se trimballait en pantoufles dans un lieu public. A quoi bon connaître son identité quand lui-même n’était même pas capable de sortir son propre nom ?

Son regard balaya rapidement les deux personnes, puis partit à la recherche d’une sortie. Ce n’est qu’alors qu’il réalisa l’apparente vétusté des lieux désertiques : pour une gare dans laquelle des trains marquaient encore leurs arrêts, c’était plutôt étonnant. Mais lui restait-il seulement de quoi s’étonner davantage après l’inconcevable de la situation dans laquelle il s’était réveillé ?
Sans attendre de réponse de la part des autres, il se mit en marche en direction de ce qui était visiblement le hall de la gare. Il y aurait peut-être un guichet occupé, savait-on jamais. Quitte à trouver des personnes vivantes et capables de les aider, c’était peut-être par là qu’il fallait commencer. Ce faisant, le poids qui s’accrochait à son cou se rappela à son bon souvenir et ses mains vinrent examiner l’étrange sablier qui s’y trouvait accroché par une mince chaîne. La fille arborait le même, se rendit-il brusquement compte. Mais pas l’autre homme. Fallait-il y voir un signe particulier ? Il voulut ôter ce pendant au goût particulièrement douteux pour mieux l’examiner, mais la chaîne était trop étroite pour permettre le passage de la tête et le fermoir, grippé, refusa de s’ouvrir sous ses doigts. Alors il se contenta de faire ce que la grande majorité des gens fait quand elle se retrouve avec un sablier entre les doigts : le retourner.

Il a couru pour échapper au Traqueur. Il a couru plus vite que les autres sûrement par l'habitude de courir. Il a couru sans savoir où aller, sans regarder la direction qu'il prend. Et en quelques minutes il s'est retrouvé sur les quais. Mais il était pas seul. Des humains étaient là. Alors il a dressé le dos et a grogné un petit peu. Le tout n'était pas très convainquant mais il l'a quand même fais, trop essoufflé pour reprendre la course.

Citation :: Tout est calme. Tout est calme à part qu'un loup jappe tout près, à bout de souffle. Et le mal de crâne revient, le tirant implacablement de son sommeil sans rêve. Sans rêve, oui, mais ce n'est pas le pire. Sans mémoire, aussi. Boarf, il s'en fout, au fond, non ? Non, car du coup, il ne sait pas ce que vient faire cette montre argentée à son poignet. Ni pourquoi un décompte digital s'affiche dessus. Il a du commencé à soixante-douze, mais maintenant, le temps défile, les secondes passent. Le train est toujours à l'arrêt, mais le compte à rebours, lui, a commencé.

Debout, petit jouet. C'est l'heure du repas. Le Temps a faim, il n'attend pas.

..il ouvra les yeux.un toit, arrondis et court. Massant ses tempes il réfléchit,regardant autour de lui..il est étalé sur une allée, dans un wagon,sur une moquette qui pue pas trop. Il y a peu de lumière, peu de bruit. Ça a l'air d'un endroit parfait en fait..sauf que le maux de tête est toujours là, comme d'habitude.
Il se redressa en râlant, fouillant dans ses poches.Au moin, ses doliprane l'avaient suivis dans ce trou..en gobant un, il arrêta son regard sur la montre argentée qui ornait son poignet.Un compte à rebours, c'est pas réellement ce qu'est censé indiquer ce genre de montre..il appuya sur les différents boutons machinalement, mais rien ne changea..elle était peut-être cassée...
Il se redressa alors,regarda par les fenêtres sales du wagon et vit un quais. Un peu d'air frais lui ferai du bien, autant que les pastille d'aspirine qu'il s'enfilait quotidiennement..Aussi, se dirigea t-il vers la porte, se prenant au passage les pieds dans l'un des fauteuils, s'étalant à terre dans un vacarme qui ne dut être bien discret, et se releva dans une pelleté de jurons tous plus élégants les un que les autres.

"Bon sang, mais qu'est ce que c'est , ce foutoir..."

Il força la porte automatique du train sans grands problèmes, fermant les yeux pour apprécier l'air frais. S'il rouvra les yeux, ce fut alors pour tomber sur un loup..enfin, une sorte de gros husky avec un air fatigué, essayant de grogner sur un groupe de gens. Marchant tranquillement (prudemment, s'étaler sur un quais devants un chien de cette taille n'est jamais conseillé) il passa près de la bête, grattouillant l'arrière de ses oreilles touffues.

"T'as l'air en avoir bavé, bestiole, mais t'es une belle bête, alors fais pas le con.", tout en continuant son chemin, et rejoignant les gens aperçus précédemment. Une nana en robe légère (bien qu'il n'avait lui même pas très chaud, mais garda les mains dans les poches), un mec avec un air coincé et un petit brun avec une bonne gueule de gentil.

"Salut." Il leva une main pour agrémenter son salut,ça suffisait largement, il n'allait pas en faire plus non plus..

08h-10h

Ecoutant patiemment ce que racontaient ces deux hommes, Isis observait autour d’elle. Le premier avait l’air plutôt gentil. Il avait un air d’enfant perdu. Elle eut un petit sourire amusé en se disant que le charmé aurait été très agréable. Malheureusement elle n’avait pas tellement la tête à cela. En effet, bien plus préoccupée par sa propre identité, elle ne cherchait que cela pour le moment. Elle poussa un petit soupire lorsque le brun anéantit son premier espoir. Il ne savait pas non plus. Alors elle tourna à son tour le regard vers le blond. Un frisson parcouru de nouveau son corps et elle secoua un peu la tête. Ses bras étaient recouverts d’une chair de poule disgracieuse. Elle inspira doucement pour tenter de se réchauffer. Puis le jeune homme à lunette repris la parole. Il lui demanda si elle avait froid. Un instant, elle fut blasée. C’était visible non ? Mais son attention la toucha tout de même alors elle ne dit rien, hochant simplement la tête. Il expliqua quelque chose qui était totalement vrai et mademoiselle soupira, attendant alors les réponses de leur compagnon. Isis constata qu’il n’était pas très bavard et poussa un petit soupire. Elle observa autour d’elle et aperçu une porte pour entrer dans la gare.

Elle allait prendre le chemin de celle-ci lorsqu’elle se rendit compte qu’un énorme loup avait fait son entrée sur les quais. Elle eut un mouvement de recul et se figea. Pas que la demoiselle ait spécialement peur des animaux sauvages mais elle ne savait pas où elle était, qui elle était, pourquoi elle était là. Elle ne savait pas ou elle était et ne connaissait pas les risques. Et si attraper un rhume pouvait être embêtant, se faire sauvagement mutilé par un loup pouvait l’être tout autant. Alors elle recula un peu, restant en retrait. C’est là qu’elle vit un nouvel arrivant. On ne pouvait pas le louper avec ses cheveux bleus. Elle haussa un sourcil et ouvrit la bouche en le voyant gratouiller la bête. Il les salua et elle tenta, sans grand espoir.

« Bonjour. Je suppose que vous ne savez pas non plus ou nous sommes… ? » demanda-t-elle en priant qu’il le sache.

La scène s'était déroulée rapidement. Le loup apparut, sorti de nulle part et les fixant avec haine de ses yeux vides et terrifiants. Un homme s'ajouta ensuite sur le quai, grattant l'arrière du crane de la bête avant de les approcher. Le brun ne put que se demander si cette créature lui appartenait. Comment pouvait-il emprunter une allure aussi nonchalante si telle n'était pas le cas ? La jeune femme prit la parole pour répondre à la salutation du nouveau venu et Apple l'observa faire presque désabusé... Ne réalisaient-ils pas qu'ils papotaient paisiblement alors qu'un monstre se tenait juste derrière eux, prêt à les attaquer à chaque seconde ?! Le brun ne paniquait pas spécialement mais il comprenait simplement que ce n'était ni le moment ni le lieu de faire connaissance. Ils se devaient de trouver un endroit plus sûr avant d'essayer de collecter des informations pour savoir où ils se trouvaient. Le fait qu'aucun d'eux ne le sache le perturbait tout de même... Comment était-ce possible ? Ils descendaient du même train, l'un d'eux devait bien se souvenir du terminus de la locomotive non ? Chassant ses questions sans réponses et pensées inutiles, le porteur de lunettes se concentra sur les choses importantes du moment et interrompit la discussion entre l'homme aux cheveux bleus - étrange d'ailleurs - et la demoiselle :

"Vu son comportement, je doute que cet... animal soit le votre, non ?"

La question visait évidemment le nouveau inconnu et il l'observait donc. Aucune méchanceté n'apparait sur son visage, il posait la question simplement pour s'assurer si la créature pouvait vraiment les attaquer ou si son maitre se trouvait parmi eux. Au fond, la réponse semblait couler de source vu le comportement du loup derrière eux et l'homme enchaina donc :

"Vous ne pensez pas qu'il serait plus sur de parler ailleurs ? Quelque part où il n'y aurait pas un énorme loup en train de nous montrer les crocs par exemple... ?"

Un léger sourire poli s'étira sur ses lèvres, accompagné d'un regard insistant. Il s'inquiétait pour leur sécurité à tous et ne voulait pas spécialement partir seul si jamais ils préféraient demeurer dans cette zone de danger. Le brun continuerait de faire de son mieux pour les convaincre de partir... Le temps pressait après tout et il n'avait aucune envie de finir hacher par des crocs puissants. Avant cela il aimerait avoir eu le loisir de découvrir tous les mystères qui semblaient englober le début de ce passage de sa vie... La curiosité n'était cependant pas la seule raison de vouloir vivre. Il possédait aussi un instinct de survie que tous les humains conservaient quelque part au fond d'eux, parfois au plus profond pour certains. C'était dans des situations comme celle-ci qu'il servait. Ses yeux bruns se posèrent une nouvelle fois dans ceux blancs de la bête. Un frisson d'effroi courut le long de son échine. Décidément, le regard de l'animal happait le sien à chaque instant mais la sensation restait la même : la peur. Que pouvait-on ressentir d'autres en voyant une telle paire de globes oculaires ? Tout indiquait chez ce loup qu'il était anormal, même ce pelage aux reflets étranges... Non, ils devaient vraiment partir et essayant de lancer le mouvement, le brun fit quelque part en arrière, les invitant du regard à le suivre. Pour aller où ? La question restait sans réponse mais il savait qu'ils devaient se rendre dans un lieu plus accueillant. Peut-être croiseraient-ils des personnes capables de leur répondre ? L'homme ne perdait pas espoir. S'ils étaient tous les quatre ici, d'autres s'y trouvaient certainement aussi... il fallait simplement leur tomber dessus.

Et pof, pof, pof. Agitation. Encore. Toujours. La Ville est d'humeur taquine ce matin.
Devant le contact humain, il y a le loup qui grogne et dont le pelage se hérisse. Il ne ressemble pas à une bête apeuré et même s'il est fatigué, il fait claquer ses mâchoires d'un geste menaçant en regardant dans la direction de Doliprane. Il est aveugle, mais il sent tout à fait son odeur. Il s'approche dangereusement, prêt à bondir.

Il y aussi Apple qui disparaît comme par magie, téléporté par la Ville et qui se retrouve dans le Parc du campus, assit sur un banc à côté de Dieu.

Et des pas fluorescents apparaissent sur le sol, juste à côté d'Isis et Ténor comme pour les enjoindre à les suivre.

Elle sourit de toutes ses dents.

En moins de temps qu’il n’en faut pour écrire What the fuck ?!, il se passa beaucoup trop de choses en beaucoup trop peu de temps pour que l’esprit rationnel du jeune blond les accepte. D’abord, un loup fit son apparition sur le quai (normal). Ensuite, un bonhomme aux cheveux curieusement bleus descendit à son tour d’un wagon du train à l’arrêt (quand je vous disais que la place allait bientôt être noire de monde). Puis le type qui portait des pantoufles s’évanouit dans l’air sans crier gare (ça ne me pose aucun problème, je vois ça tous les jours). Last but not least, des traces de pas fluorescentes firent leur apparition juste à côté de lui et de la brunette (d’un banal… !).
Le loup n’avait pas l’air bien engageant : il était gros, il grognait et puis… bah, c’était un loup, quoi. Pas un clebs. Pas une bestiole qui vous ramènera la baballe en frétillant. Mais ça n’avait pas l’air de déranger le nouvel arrivant qui, lui, semblait plutôt à l’aise avec le grand animal. Ça aurait presque pu l’intriguer, lui, si le brun pantouflard n’avait pas choisi cet instant précis pour disparaître sous leur nez comme si de rien n’était. Et, bon, en toute franchise, sur l’échelle de l’étrange, la disparition d’un homme se plaçait avant l’apparition d’un loup. Du moins était-ce comme ça que ça fonctionnait aux yeux du blond. Pour les traces de pas en revanche, il n’avait pas encore décidé de leur classement, mais il ne devait pas être bien loin de la tête.

En fait, la seule chose qui arrivait à convaincre le blond de ne pas être plongé en plein rêve, c’était justement le fait de s’en poser la question. Ainsi que celui de trouver tout ce qui l’entourait anormal : tout est toujours absolument normal et parfaitement logique, dans un rêve. Jusqu’à ce que l’on s’en réveille et qu'on prenne le temps d'y réfléchir avec l'esprit moins embrumé.
Il songea néanmoins à répondre au salut décontracté du gus à la tignasse bleue, une sombre histoire de politesse, tout ça. Et puis le nouveau venu, face à l'attitude peu amicale de l'animal, se tira sur les rails sans demander son reste, talonné par ce dernier.
Il le suivit un court moment du regard en espérant vaguement qu'il ne lui arriverait rien de grave, mais son propre cas lui importait plus que celui d'un parfait inconnu et il avait autre chose à faire que se soucier de lui. De plus, il était parfaitement d’accord avec ce que le brun avait dit quand il était encore là : à moins de vouloir rester sur les quais dans l’espoir d’avoir la Révélation et qu’un miracle se produise, mieux valait partir d’ici au plus vite et se contenter d’un espoir certes beaucoup plus modeste que le premier, mais également plus plausible : celui de trouver d’autres personnes et que celles-ci soient capables de leur donner quelques explications.

Il posa son regard sur les pas. Puis sur la femme. Et de nouveau sur les pas.

— Vous venez, ou vous préférez rester sur place à vous les geler ?

Ce disant, ses yeux étaient revenus trouver la brunette, vers la fin de sa tirade ; après tout, elle était celle qui semblait le plus souffrir du froid ici. Et puis quitte à ne pas savoir où aller ni où l’on était, autant suivre quelque chose de bizarre dont on ignorait l’origine et encore plus la destination. Après tout on n’en était plus à ça près.

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