Monday : assembly line

Au milieu des couvertures, Noan aurait aussi pu trouver une chemise froissée et une paire d'escarpins abandonnés par Janvier.

Alors qu'elle effectuait sa petite exploration, quelque chose l'observait. Une voiture depuis trop longtemps oubliée la guettait de ses phares par delà la porte ouverte. Elle était garée juste à l'entrée du commissariat et avait furtivement roulé sur ses pas alors que Noan avançait dans le bâtiment. Lorsque cette dernière menaça d'ouvrir la salle d'armes, la voiture réagit au quart de tour.

Elle alluma son gyrophare. Oui, parce qu'il s'agissait d'une voiture de police. Voiture de police qui à priori prenait son rôle très au sérieux. " Vous êtes en état d'arrestation " brailla son gps modifié au point de pouvoir retranscrire ses propres volontés.

Insipide. Premier mot qui lui venait. Fade, mais au goût écœurant. Pourtant, elle avala son verre d’une traite. Ne cracher sur rien. Surtout pas dans ces conditions. Ça aurait même peut-être le mérite de la réveiller. Quoique. Vu son débordement précédent, une dose de caféine n’était pas vraiment le plan idéal. Qu’importe. Gobelet jeté, elle regarde à nouveau la porte. La guette. Pourrait la traquer, pour le peu qu’elle se mette à bouger. Louvoie entre les objets au sol. Talons qui claquent trop. Sa main apposée contre l’acier.

Gyrophare. Elle sursaute irrépressiblement. Ce son. Fuite. Le besoin de fuir, qui l’étreint. C’est trop soudain, elle retourne à son état de bête traquée, l’œil agrandi, figée, aux aguets. Qui ? Doucement, elle se coule à côté de la fenêtre, dos plaqué au mur, son collant déjà réduit à l’état de charpie se pare d’un nouveau trou, file. Elle jette un coup d’œil. Lance un regard à l’extérieur. Voiture de police. Mieux, la bougresse se met à parler. Alors qu’elle serait bien en mal de distinguer quelqu’un à ses abords ou son intérieur. Se rendre ? Mais bien sûr. Avec plaisir même. Et c’est ce qu’elle fait. Au-delà de la peur, l’envie de savoir prime. Elle passe sous la fenêtre. Ouvre complètement la porte entrebâillée, sans bruit. Hésite, finalement. Un pas sur le côté. Finalement, un en avant. Elle sort. Se plante devant la voiture. Personne. Pourtant, elle parle et bouge. De son propre chef, c’est ce qu’elle tente de faire croire ? Nonchalante, illisible, elle pose un pied sur la roue avant, s’y appuie allègrement, croise les bras et se penche à la vitre.

▬ Modèle téléguidé ? Il y a vraiment du progrès. Voyons si ça, ça l’emmerde. À moins que tu – elle pointe son index vers la place du conducteur - ne sois une IA ? Quoique. Sa main vient alors se poser sous son menton. Ça m’étonnerait qu’un tel niveau soit possible.

Ou alors celui qui s’occupe de cette ville est vraiment doué, parce que la science, d’accord, mais ajoutez-y le mot fiction, et soudain les données sont moins compatibles dans sa petit tête. Et si c’est le cas, il serait temps d’abandonner ton angoisse perpétuelle et ton masque facial pour la vraie terreur, tu ne penses pas ? Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’amnésie, la tension et la caféine ne font aucun bien à ses nerfs. Parler à une voiture qui veut l’arrêter, s’y frotter, normal.

(Bon sang, je suis désolée du temps de réponse ;.; Il fallait me tirer les oreilles plus tôt. Je te le dis si jamais j'oublie à nouveau : ici Janvier qui gère la voiture de police o/)

" Vous n'êtes pas drôle. " répond le GPS à la remarque de Noan. La voiture fait rugir son moteur et s'écarte brutalement. Elle répète, mécaniquement. " Vous êtes en état d'arrestation, veuillez garder vos mains en évidence. " Et un coup de gyrophare pour la forme. Aaah, cela faisait si longtemps...

Maintenant qu'elle y pense, bien qu'en le disant elle plaisantait à moitié - petit rappel : cette fille a un sens de l'humour aussi développé que l'affection pour le PSG à Marseille -, finalement, une voiture qui se baladait seule, il n'y avait pas quarantedouze solutions. Et il était presque possible qu'elle se trouve dans celles qu'elle venait d'énumérer. La peur était devenue latente, et, enfin, son cerveau se mettait en marche pour autre chose que des besoins primaires. Regard fixé sur le capot, elle cherchait d'autres possibilités.

Alors quand la voiture tenta de la dégager, elle du le fait de ne pas aller pitoyablement aller déclarer sa flamme au sol par un douloureux baiser à ses seuls réflexes.

▬ Je n'ai jamais prétendu l'être.

Très chers, exploit du jour. Nous venons donc de découvrir un exemplaire de Policus Mecanicus au sens de la blague encore plus atrophié que celui de mon sujet d'étude scarifié. La brune se retint de lui jeter un regard mauvais. C'était étrange, mais cette réaction trop automatisée, après un temps de pause... Tu penches pour une IAA ? Bien. Maintenant que damoiselle se sent en situation de test, il est temps de commencer. Alors après s'être reprise, elle se plante à hauteur du pare-brise, bras croisés, dos droit, regard suspicieux.

▬ Étant juste à côté, je ne vois nul besoin d'user de ton gyrophare.

« Te gêne pas, on est entre nous. » Autant pousser dans ses retranchements. Elle se rapproche à nouveau, pose sa main sur la poignée. Un discret coup d'oeil. Si la voiture s'avise de la charger, elle aura le temps de disparaître par la porte toujours grande ouverte. Ou l'accueillir à bras ouverts. C'est vrai, quoi. Une machine qui parle, alors pourquoi pas un monde où les blessures se régénèrent et l'où on ne peut mourir ? Bien sûr. Elle exerça une pression sur la poignée, tentant d'ouvrir, sans toutefois enclencher le mécanisme.

La voiture la laisse approcher, suspicieuse. Elle hésite un instant à ouvrir la portière à une pareille inconnue. Mais peut-être qu’elle lui sera utile pour retrouver tous les malfrats de cette ville? Travailler à deux c'est toujours plus efficace. Elle la testera. La porte s’ouvre brusquement et pour toute invitation: « J’espère que vous avez votre permis. »

Alors alors, pas de réaction ? Car c'est qu'elle s'est laissée prendre au jeu, la grande brune. Arrêter de jouer la proie quelques instants, ne serait-ce que face à une voiture parlante, ça lui allait très bien. Surtout en ayant toujours sa solution de secours à porté de pied au cas où la voiture se déciderait à la charger - voiture, rhinocéros, tu le sais pourtant, que ce n'est pas censé réagir pareil. ... Une voiture n'est pas censée réagir. Ahem. -, solution qu'elle lorgna encore une fois, alors que le mécanisme se déclenchait. Étonnée ? Et pas qu'un peu. Un coup la machine voulait l'arrêter, un coup l'emmener à bord ? C'était étrange, mais elle la sentait... Suspicieuse. Suspicion partagée par les deux partis, cela va sans dire. Elle hésite. Et merde, c'est peut-être l'opportunité d'en apprendre plus, de coopérer.

Alors quand bien même le fait de rentrer dans une voiture de police la rebute - qui ne le serait pas. En général les flics sont pas là pour vous offrir des fleurs -, mieux vaut toujours à la place conducteur qu'à l'arrière, non ? Elle s'y engouffre et se pose doucement sur le siège. Ses gestes restent de temps en temps inachevé, comme en suspension. Il faut admettre qu'elle est un peu ébranlée par la situation. Elle a l'impression de rentrer dans une chose vivante.

▬ Hey. Je sais pas trop pourquoi tu m'autorises à faire ça. À vrai dire, elle ne conçoit même pas l'existence d'un tel engin. Alors dis-moi ce que tu attends de moi.

Sans plus de mots, elle boucle sa ceinture, et constate avec satisfaction qu'elle n'a pas besoin d'ajuster le siège. De retour à son attitude habituelle, désinvolture envolée. Parée, ou presque. Car elle non plus, ne sait pas si elle a jamais eu son permis. Comment pourrait-elle savoir. Mais il lui semble au moins avoir des réflexes de conduite. En tout cas, elle a du un jour savoir, et elle estime à son reflet qu'elle a vu dans l'une des maisons qu'en tout cas, elle a l'âge de savoir conduire. Alors doucement, toujours, elle entame une marche arrière afin de sortir de la courte allée menant au commissariat. S'apprête à entame une manœuvre afin de s'engager sur la route. Sauf qu'elle ne sait pas où on va. Elle grimace ; ses talons la gênent. Pas tant que ça, mais ça reste peu pratique au possible. À quoi tu pensais en t'habillant comme ça. Alors, mains posées sur le volant, ne sachant trop où diriger sa voix ni son regard, elle interroge comme dans le vide.

▬ Alors, par où ?

" Nulle Part " répond la voiture en se mettant doucement en marche. Ce qui ne l'empêcha pas de piler net pour ne pas écraser un piéton qui avançait droit sur elle. Il s'agissait de Dame qui venait juste de quitter son groupe à la gare.

Spoiler: