Je sens que ce matin va être une pure soirée

06h-08h

La tête lourde comme un lendemain de mauvaise cuite. Bourdonnements. Doucement, le jeune homme leva une paupière, puis une autre. Il grogna tout en tentant de se relever et le son de sa voix lui arracha une surprise. Surprise moins grande que l'image qui s'offrit à ses yeux. Il était lové contre une fille. Une fille. Il s'écarta précipitamment de la silhouette blonde encore endormie et essaya de rassembler le fil de ses souvenirs.

Ah. Ahaha. Oui. Il était nulle part. A Nulle Part. Comment oublier ? De brefs évènements de la veille lui revinrent en mémoire. La Mairie. Landscape. Poppy. Le cadavre. Ombre. Les égouts. Les Statues. La salle glauque...Et plus rien. Blackout. Trou noir. Il venait juste de se réveiller, là, à côté d'une fille plus inconnue que tout le reste. Il fut soulagé de voir qu'il n'avait à priori rien fait d'autre que de se servir d'elle comme d'un oreiller. Il soupira en fermant les yeux. Il ne savait pas du tout ce qui s'était passé et n'avait aucune envie de le savoir à vrai dire. Il s'assit en tailleurs et ramena ses bottes d'équitation sous ses cuisses. A son grand déplaisir, il constata que ces dernières étaient toujours couvertes des immondices des égouts. Il fit la moue et hésita à les enlever puis se rappela que courir pieds nus n'était probablement pas une bonne idée. Il se sentait sale. Tous les pores de sa peau semblaient lui hurler leur désir de prendre une douche séance tenante. Et lui même ne doutait pas que le contact de l'eau fraiche aurait eut le mérite de le sortir de son état à demi comateux.

Il jeta un coup d'oeil mi-interrogatif, mi-blasé à la Blonde-Oreiller et reconnu qu'elle ne lui était pas si inconnue que ça. Il l'avait déjà croisé. A la mairie. Elle était avec Novembre le ténébreux dans la cafétéria. Et elle avait un nom de paquet de spaghettis. C'était tout se dont il pouvait se rappeler. Pourquoi est-ce que je me suis endormi à côté de Spaghetti ? Pourquoi ? Pourquoi je suis dans une ville paumée sans souvenirs ? Pourquoi je suis crade sans douche à proximité ? Pourquoi de putain de merde je suis où ? Il leva les yeux au ciel et pu s'apercevoir qu'il était dans un bâtiment couvert. D'accord. Un autre tour de tête lui fit découvrir des silhouettes d'animaux.

Il se releva en sursaut. Panique. L'adrénaline se mit à affluer dans ses veines. Jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent que les animaux en question étaient immobiles. Calme. Il s'avança un peu vers un hippopotame. Ce dernier ne réagit pas. Toujours sceptique, West ne le quitta pas des yeux en reculant...et tomba. Tomba sur quelqu'un. Pas la fille. Un type avec une veste à froufrou bleu. S'il n'avait pas lui même porté des bottes d'équitation et un chapeau de cow boy, West aurait pu se permettre des plaisanteries douteuses sur l'accoutrement de l'homme. Homme contre lequel il venait de s'écraser à grand bruit.

Embrumée. Les vapeurs de sommeil restaient en suspens dans mon esprit. J’étais fatiguée et je sentais mes pensées dérivées et je n’arrivais pas à me concentrer sur une pensée en particulier. Je voguais ainsi dans les méandres du sommeil jusqu’à ce qu’un bruit de chute étouffé brise le silence paisible. Dans un sursaut je me mis debout, soudain aux aguets, effaçant toutes traces de sommeil et de brume. Mes yeux cherchaient frénétiquement la source du bruit autour de moi. Dans ce bref geste je m’aperçus que j’étais dans une salle peu éclairée, avec ce qui semblait être des animaux empaillés et des squelettes. Mais je ne faisais qu’enregistrer les informations, l’analyse viendrait après. Enfin mon regard tombait sur une masse mouvante près de moi, je me retins au dernier moment d’envoyer mon pied dans ce tas vivant. Tas que je discernais vite être un garçon sur un autre. Ok, il y avait donc des mecs entassés à côté de moi, tout va bien. Mais d’ailleurs qui était-ce ? Le brun n’était pas Novembre ou encore Hippocrate, non c’était… un des gars que j’avais croisés dans la Mairie. Par contre le blond, aucune idée. Bien donc récapitulons, changement de décors et de personnes. Quoi d’autre encore ? Dans un moment de panique je regardais rapidement mes mains et mon corps et poussais un soupir de soulagement. Non moi au moins je n’avais pas changé. Bien inutile de se demander où j’étais, je ne pourrais répondre à cette question. Comment j’y étais arrivé ? Le mur de l'église nous avait bien téléporté, mais je ne me souvenais pas m’être fait avaler par un mur cette fois. J’étais avec Décembre et Hippocrate venait de partir, et puis ensuite, rien.

Décidément ces pertes de mémoire commençaient à m’énerver. Où était Décembre à présent ? Si je pensais Novembre et Hécate assez débrouillard, je m’inquiétais plus pour la rousse qui avait tendance à attirer les ennuis… Sentant la nervosité remplacer la douce accalmie du sommeil, je cherchais instinctivement de quoi fumer. Sortant le paquet que j’avais glissé dans ma poche, j’en allumais une et inspirais une bouffée. Au rythme des volutes de fumée, mon stress baissait peu à peu jusqu’à ce que mon estomac finisse par se décontracter quelque peu. Bien, maintenant il fallait bouger, et dans la mesure du possible retrouver les autres. Car on formait un groupe n’est-ce pas? Sortant ma lampe torche, je l’allumais et balayais la salle peu éclairée du faisceau de lumière avant de finir par le pointer sur les deux inconnus. Oui, même le brun de la Mairie restait inconnu, je ne savais même pas son ‘pseudo’. Un instant je les regardais imprimant leurs traits dans ma tête et me retenant de leur rejeter la faute de la perte de Décembre. Mais à leur expression plutôt ahurie je ne pouvais que comprendre qu’ils étaient dans le même état que moi. Sans un mot je me détournais d’eux et me rapprochais des différents animaux empaillés. Le silence était pesant mais je n’étais pas du genre à engager la conversation. Pour l’instant je vérifiais plutôt qu’il n’y avait rien de dangereux traînant dans les parages et sortait ma carte afin de chercher un quelconque indice.

Il se releva en s’époussetant et essaya de garder toute la dignité dont il était capable. Il jeta un œil particulièrement snob sur les environs exactement comme s'il n'avait absolument pas été impressionné par les animaux empaillés. La blonde venait de se réveiller à ce qu'il pouvait constater et elle se mit à sortir une cigarette. Cigarette. L'odeur du tabac lui fit se dilater les narines et il huma avec plaisir. Fumer. Il en mourrait d'envie. Il observa du coin de l'oeil le paquet qu'elle referma dans sa poche et retint un gémissement. Dignité mec, dignité. Va pas te vendre pour une clope.

Il bavait toujours devant cette hypothétique source de nicotine lorsque le blond à froufrou sortit de sa torpeur. Il hurla. Ok. Au moins avait-il eut lui même la décence de ne pas crier. Quoiqu'il en fut, après son beuglement de fillette apeuré, il vint se positionner près de Spaghetti et...se mit à la courtiser ? Non mais je rêve ? On est paumé dans un musée et lui il drague cette nana ? Elle est vieille en plus. Songea-t-il pour lui même. Il lui donnait dans la trentaine. Quarantaine. Bref, pas son terrain. Et de toute façon pourquoi diable irait-il songer à draguer une demoiselle en pareilles circonstances ?

" T'es gentil, t'arrêtes de draguer Spaghetti, elle a pas le temps pour ça. " souffla-t-il d'un ton âcre. " Et toi non plus d'ailleurs. Le temps est compté ici, j'sais pas si tu sais. " Il dévoila son compteur et l'agita sous le nez du jeune homme en froufrou.

Il fit glisser la cordelette de son chapeau de cow boy pour le faire tomber dans son dos, dévoilant ainsi sa chevelure brune emmêlée. " Donc. Je propose qu'on rassemble nos informations. Et qu'on essaye de comprendre, si tant est qu'il y est quelque chose à comprendre. "

Il essayait de prendre des initiatives. Pas sûr que cela fonctionne. Il s'approcha de la Blonde et s'appuya à la rembarde qui protégeait les animaux empaillés. " Tu me passes une clope dit ? " demanda-t-il d'une voix où il n'avait pas réussit à contenir l'envie. " S'il te plaît ? " ajouta-t-il. Politesse. L'essentiel.

Le cri du gars blond m’arrachait un sursaut. Mais il n’est pas bien celui-là ! Et puis comme ça s’il y a un danger quelconque il nous a fait repérer, super la discrétion. J’haussais un sourcil et lui jetais un regard glacial lorsqu’il fit sa révérence et se présenta. « Oui une belle nouille, ça te va à ravir ton prénom mon cher. » Voilà ce que j’avais envie de lui répondre. Non mais quel boulet, vraiment. Et puis le brun se mit à parler. …. Spaghetti ? C’est moi qu’il appelle Spaghetti ? Autre regard glacial mais en direction du brun cette fois. Nos informations ? Et si j’ai pas envie de te les donner, Monsieur le Sage ? Non, je n’étais pas enclin à dévoiler ce que je savais. Et puis de toute façon pour ce qui se passait maintenant, pourquoi je me retrouvais ici et avec ces deux là je n’en savais rien. J’avais beau ne pas l’accepter mais peut-être qu’il n’y avait pas d’explication rationnelle. Tandis que je réfléchissais à un possible lien entre nous trois le brun se rapprocha et me demanda une cigarette. Et si je dis non tu feras quoi ? Je le jaugeais du regard un instant. Détailler le ‘possible’ ennemi. Car s’il se faisait plutôt sympa ça n’allait peut-être pas durer qui sait ? Je finis par ressortir mon paquet et lui tendit une cigarette :

« Et profite bien c’est la première et dernière que je te passe. »

J'étais déjà trop généreuse, qui sait quand je retrouverais un paquet de cigarette ? Même s’il m’en restait encore il fallait économiser, le plus possible. Comme la nourriture et l’eau. D’ailleurs j’avais faim. Et soif. Mes pensées dérivèrent sur le sac remplit de provision de Novembre. Mais où était-il quand on avait besoin de lui ? Mon ventre se contracta à l’idée de ne rien trouver à manger, mais je n’en montrais rien aux deux autres et reprit, murmurant presque :

« Je pense qu’il n’y a rien à comprendre et que mieux vaut survivre que discuter sur un problème qu’on ne peut comprendre ni résoudre. Il faudrait partir d’ici, ton cri –je m’adressais au blond- à peut-être été entendu par je ne sais quoi de dangereux. »

Et surtout il fallait que je retrouve les autres et que je puisse me nourrir, car je n’allais pas tenir longtemps avec quelques chips d’avaler depuis hier. Je repris ma carte et la détailla du regard. Les lieux où j’étais allé avaient apparu, tel le centre commercial. Et… Tiens, le musée. Il n’était pas loin de l’église, tout autour de ces deux bâtiments le reste de la carte restant blanc sauf le trajet entre le pont et l’église. Bien, de la nourriture il y en avait dans les maisons, il fallait donc que je revienne sur mes pas et que je retraverse le pont. Je leur demandais :

« Manger, ça vous dit ? »

S’ils répondaient oui, on reviendrait aux maisons sinon, j’irais toute seule et ils se débrouilleront.

Comme si Elle avait pu renifler la panique et l'incompréhension de Noodles, Elle tourne Sa conscience vers lui. Pauvre petit pantin perdu, tu désires à ce point connaitre ton passé ? Alors Elle va t'exaucer. Et une petite sphère lumineuse apparait devant le visage de Noodles.

Spoiler:

Une clope. Il soupira d'aise en sentant l'objet familier entre ses doigts. Cigarette mon amie, tu m'avais tant manqué. D'une main fébrile, le brun plongea la main dans sa poche. Là ses doigts heurtèrent une boîte aux contours bien connus. Une boîte de cigarette. Ah. Aha. Bien, en voilà toujours une d'économisée songea-t-il passablement heureux comme s'il se disait qu'il avait bien commencé sa journée. Il s'empara du briquet et aspira goulument une première bouffée. Tous les muscles de son corps semblèrent se détendre. C'était agréable.

" Merci. " La politesse on vous dit. Ca ne fait jamais de mal.

De bonne humeur à présent, il hocha vigoureusement la tête à la réflexion de Spaghetti et constata avec envie qu'elle possédait une carte. Information intéressante. " Ouais manger c'est une bonne idée. Je te suis. " L'appel du ventre. Il lui semblait que son palais réclamait séance tenante un bol de chocolat chaud ou des viennoiseries de type croissants et pains au chocolat. Faim. Faim de bonnes choses. Et soif aussi.

L'inconnu aux cheveux blonds et à l'allure de gay prononcé parlait beaucoup trop. West leva les yeux au ciel constatant qu'en plus pas une parole ne semblait lui être adressée. Génial. Vu l'accoutrement ridicule de Noodles, le brun songea que ce dernier ne risquait pas de séduire la fille aux cigarettes. " Mec. Tu parles trop. " murmura le brun entre deux inhalations de fumée.

C'est alors qu'il se passa deux choses à la fois. Une petite boule de lumière - un souvenir - se planta devant la nouille en bleu. Et quelqu'un cria. Une voix aïgue qui le fit sursauter. West jeta un regard à Calvetti, contempla Noodles un moment et souffla à la blonde. " On file pendant qu'il est dans sa vision ? J'ai pas envie de me le coltiner. "

Egoïste. Oui.

Il commença à sortir de la pièce non sans espérer que Calvetti n'allait pas se comporter en héros au grand coeur et ignorer le cri. Mais il la suivrait quoiqu'elle fasse. Elle savait où trouver de la nourriture et West était une personne intéressée.

Le souvenir ne se fait pas prier, envahissant son esprit....

Noodles: