06h-08h

Quand Landscape me prends une fois de plus dans ses bras pour me porté, je tente de protester, encore trop occupée à vouloir mettre le garçon à l’abri, mais il me coupe dans mon élan.

« Tu as pas mal forcé sur ta cheville, laisse moi te porter... Je t'interdis de protester. »

Arrivant dans le centre commercial, il me repose au sol, avant de s’occuper de la porte. L’aidant, je pousse un rayonnage d’étagère contre la porte. Plus personne passera sans l’enlever.
Je sens mes forces me quitter de plus en plus. Quand Landscape vient m’embrasser, je sens mon cœur bondir dans un sursaut malgré mon rythme cardiaque déjà trop rapide. Mes muscles commencent tous à se détendre, alors que je me rends compte à quel point on a frôlé la mort.
La mort.
Je me sens trembler de façon imperceptible, alors que ma respiration se fait légèrement plus difficile. Evidemment, le contrecoup était à prévoir. Heureusement, le blond commence à parler, me permettant de me concentrer sur autre chose que mes pensées. Il baisse la tête, avant de continuer :

« Pardon... J'ai réagis comme un gamin immature... Je n'avais qu'une seule et unique pensée... Je voulais que tu t'en sortes... Peu importe ce qu'il devait m'arriver. Donner ma vie pour te sauver... Je veux une mort comme ça si on doit vraiment mourir dans cette ville. Tu l'as dit toi même, on va tous y passer... »

Je sens mes défenses tomber les unes après les autres, ces boucliers étranges s’étant dressés contre la peur qui m’avait permis de réfléchir. Un autre tremblement me prit. Du calme October. Attends au moins qu’il ne te voit pas. Oui, voilà. Ne pas mettre encore plus le seum au blond, je l’ai déjà assez fait, vu ce qu’il vient de dire. Comme pour un peu plus tôt, ma panique semble refluer. J’ai un besoin de protéger si puissant que ça ? J’arrive à m’étonner.
Quand me rapproche de lui, ses mains sur ma taille, je sens mes joues rougir, et mon cœur prendre un rythme décidemment trop rapide qu’il ne faudrait. Quand il dépose un baiser sur mon cou, je frissonne et rougit –oui, les deux à la fois-, nichant ma joue contre les cheveux blonds du garçon.

« Je t'aime... N'oublie jamais ça... »

Je me mordille la lèvre, ayant l’impression de pouvoir toucher l’émotion de Landscape, réellement. Pas parce que je le ressens aussi, non, mais vraiment car j’avais l’impression qu’il est palpable.

« Moi aussi... Je t'aime... »

Puis, aussi furtive qu’elle était apparue, la sensation disparait. Pas les émotions par contre, les miennes.
Je passe une main dans le dos du garçon, m’appuyant contre lui autant pour être en mode je-suis-là-pour-toi que pour me confirmer que oui, on s’en est sorti. Finalement, mettant mon visage dans le coup de garçon à mon tour, je lui souffle, après lui avoir mordillé furtivement et dans un geste que moi-même je n’ai pas prévu, comme un écho du passé :

« Restons pas là à pioupiouter. Ratatouille serait encore capable d’être ignifugé. »

Lui prenant la main, je l’entraine à travers le supermarché, pressée de l’écarté de cette horreur. Je sens mon cœur battre à mes tympans, et perçois comme en écho celui de Landscape qui pulse dans ma main.
Finalement, arrivant à la pharmacie, avant d’ouvrir la porte, je lui dis d’une voix assurée qui me rassure –pendant un instant, j’ai douté d’y arrivé- :

« N’essaie plus jamais de mourir pour moi, d’accord ? Je ne me le pardonnerai pas. »

Ou comment-essayer-d’expliquer-à-un-mec-qu’on-préfère-le-protéger-plutôt-qu’il-nous-protège.

Après un temps d’arrêt, Landscape revient finalement me prendre dans ses bras, avant de me caresser le dos comme on ferait à un enfant effarouché. Mine de rien, c’était pas loin de ça. Maintenant qu’on commence à être en sécurité, je sens la tension accumulée lors de mon mode héroïque me retomber dessus. Cherchant à ne pas laisser la panique m’envahir, je respire le parfum du garçon pendant qu’il me répond.
Il veut pas que je meurs pour lui non plus hein ? Bah, je vais rien dire pour le moment. Mais je ne me retiens pas de penser qu’évidemment c’est hors de question, que s’il fallait que je soit blessée pour le sauver eh bien je le serai, et je ferais tout pour le sauver.
Il se laisse tomber sur le matelas, m’emportant avec lui. Je me blottis contre son torse, tentant d’empêcher mes mains qui commence maintenant à trembler. Ça sert à quoi que j’ai peur maintenant ? Pourquoi j’étais si calme avant, dans le parking ? Comment ai-je pu l’être autant ?
Je sers mes bras contre moi, croisés sur ma poitrine. Voilà, là au moins je ne risque pas que les tremblements incoercibles prennent le dessus. Au moins la main du blond dans mes cheveux me rassure.

« Je me demande en faite... Pourquoi je m'obstine à vouloir m'enfuir de cette ville... Personne m'attend à l'extérieur... La seule personne que je connais c'est mon cousin, Seth, et il se trouve aussi dans cette ville... Et... je veux rester avec toi... »

Très vite, je me souviens de la tête brune du souveni, à qui un blond avait demandé si Landscape était son cousin. Il sait donc qu’il est ici ? Je réussis à sourire, relevant la tête vers le garçon.

« Tu veux t’enfuir de cette Ville parce qu’elle est remplie de trucs pas très amical, et parce que cet endroit nous fait tous flipper voir psychoter –sauf Hippocrate peut-être, il a l’air de passer son temps à me prendre pour une gamine effrayée-. Moi aussi je veux partir. »

Un autre tremblement me prend, et j’ai peur qu’il n’ait peur pour moi. Aussi, je fais passer ça pour un frisson de froid, dénouant mes bras pour passer mes mains sous le t-shirt de Landscape, les posant sur son torse. Et oui, arrêtez de croire, c’est vraiment innocent.

« On va y arriver, ensemble. »

Et avec Hippocrate aussi. Mais j’ai pas vraiment envie de le dire à voix haute là.

Landscape me tourne, mettant mon dos contre son torse, mes mains dans les siennes. Intérieurement, je suis rassurée qu’il y a cru. Et puis, il fait pas chaud, malgré ma veste. Enfin. Je pose ma tête sur une de ses épaules, fermant les yeux. Aller, on reste calme.

« On s'en sortira... Dès qu'Hippocrate sera revenu, on ira explorer cette ville ensemble... Et on trouvera le plus d'information possible sur cette endroit, il doit bien y avoir une sortie quelque part... »

Ouais, Hippocrate… Il était vraiment en retard. Mais plus question de le chercher, après ce qu’il venait de se passer. Non non, hors de question.
Je rouvre légèrement les yeux.

« Je me demande où il est passé d’ailleurs… »

Un frisson secoue me épaules contre mon gré.

« J’espère que tu comptes pas essayer de le chercher de nouveau… »

Parce que si c’est le cas, je le suivrai. Malgré ma peur totale.
Sous mon coude, dans la poche de mon gilet, je sens le briquet que j’avais glissé dans ma poche. Le briquet du cadavre. J’avais fouillé les poches d’un mort. D’un mec qui était suspendu à une poutre à cause d’un rat géant. Rat géant qui avait faillit nous bouffer.
Je me sens trembler un peu plus. En fait, si j’avais pas eu cette transe chelou, on serait sans doute mort à l’heure qu’il est, enfin moi au moins. Landscape n’aurait pas eu le temps de remonter sur la poutre avec que le rat ne me goûte, ou m’éventre. J’aurai pu être morte, là.
Morte.

Je sens un frissonnement me prendre une fois de plus, quand Landscape embrasse mon cou. October, tu vas rester sage, c’est un ordre. Sage.

« On va attendre encore un peu... Une heure ou deux... Si il revient pas, on partira en exploration juste nous deux... Gaspiller notre temps trop longtemps pourrait nous poser des problèmes... Au pire, on lui laissera un mot. »

J’acquiesce, d’accord avec la proposition du garçon. Le temps est précieux ici, nos sabliers ne se gênent pas de nous le rappeler. Donc si le vieux continu à trainer à revenir, faudra bouger. On lui laissera une canne avec le mot aussi, au cas où.
Je pousse un léger soupir. Malgré mes remarques ironiques débiles et décalées, j’aime vraiment pas l’idée de le laisser dans Nulle Part. Ok il est un adulte responsable et tout ça, mais on sait jamais ce qui peut nous tomber dessus ici –suffit de se reporter à notre expérience de quelques instants plutôt, avec Ratatouille, pour se le prouver-.
Landscape me couche alors sur le matelas avant de me recouvrir de la couverture, et je sens mes yeux se fermer sans que je ne le veuille vraiment. La fatigue des dernières heures tombe sur moi comme une chappe de plomb ; loin d’être fatiguée, je me sens vieille. Trop. Beaucoup trop. Vraiment, tout ça n’est pas bon pour mon état mental, mais apparemment pas non plus pour celui physique. Bon, au moins, je ne me transforme pas vraiment en vieille. Ce serait la meilleur. Mais heureusement, c’est impossible un truc pareil.
Landscape est allé fumer à la fenêtre. Oh, je vais pas mourir à cause d’un peu de fumée. Pas après tout ce qu’il s’est passé.

« Tu veux te reposer un peu ? Je te réveillerais dans une heure au pire... Ne t'inquiète pas, je veille sur toi. »

Contre moi, je commence à me laisser tenter par l’oubli. Seulement, un bruit me fait sursauter, et je me relève d’un bond. Apercevant le garçon au sol, à genou, la main sur le visage. Mon sang ne fait qu’un tour, je le rejoins dans la seconde.

« Landscape ! »

Je le secoue doucement, ne sachant pas trop quoi faire, mue par une peur sourde. Si je le perdais ? je ne sais même pas ce qu’il a !

« Tu es blessé ? C’est quoi le problème ? »

Effrayée, paniquée, ma voix est montée dans les aigües, déstabilisée de ne rien pouvoir faire, de ne même pas avoir la moindre idée du problème. Mes mains agrippées à son bras, je sens des larmes de frayeur emplir mes yeux –sans pour autant rouler sur mon joues- alors que je sens l’effroi m’envelopper un peu plus.

Landscape relève finalement les yeux vers moi, après avoir enlevé sa main de son visage, trouvant je ne sais où la force de me sourire un peu, avant de m’embrasser en me caressant la joue.

« Tout va bien... J'ai juste eu un vertige... »

Ouais, enfin, chacun sa façon de trouver que « tout va bien »… La frousse qu’il m’a fichue remonte toute mon angoisse, et je sens mes mains trembler. Surtout, qu’il ne le voit pas. Heureusement, il est trop occupé à vouloir être rassurant, un sourire pas super joyeux aux lèvres m’expliquant que c’était parce qu’il avait pas assez mangé, et qu’il avait fumé, et donc a+b…
Alors que je retourne m’assoir sur les matelas, histoire de cacher mes tremblements du à la panique pulsant encore dans mes veines, observant les allées et venues du garçon, qui sortit finalement deux cuillères.
Il pose une boite de conserve –raviolis- à côté de mon matelas, deux cuillères posées dessus. Je grimace un peu en sentant l’odeur des raviolis, l’idée de les manger froid ne me réjouissant pas. Le truc, c’est que je fais pas ma difficile, mais j’ai le ventre totalement noué. Quand je prends la cuillère pour essayer de manger, je le sens ricocher contre la boite de conserve. Une fois. Deux fois.
Je repose le boite, coinçant mes mains entre mes cuisses. Arrête de trembler !.
Et puis, en plus, je préférai laisser plus à Landscape, qu’il me refasse jamais ça. D’ailleurs, je prie pour qu’il ait pas remarqué mon début de Parkinson d’angoisse, sinon ça va pas le faire. Faut pas qu’il voit que la panique commence à me gagner. Comme une bombe à retardement.

« Tu… Tu peux prendre ma part si tu veux, j’ai pas vraiment faim.. »

Pitoyable.
Tu commences à redevenir pitoyable October. Tu étais bien mieux en princesse guerrière.

Je suis Landscape des yeux quand il va se lève, abandonnant son repas, et je me retiens de protester. Il faut qu’il mange lui !
Je regarde son étrange manège en silence, un certain amusement mangeant un peu ma peur. Il essaie de créer une plaque de cuisson en système D ? C’est pire qu’avoir des ressources là. C’est plutôt avoir un grain. Mais en fait, c’est génial.
Finalement, il prend ma cuillère, prenant un ravioli avant de le lever vers moi.

« Allez, une cuillère pour Landy, une cuillère pour Octy ~ Ouvre grand la bouche ~ Le petit train va entrer en gare ~ Si tu manges pas, je mangerais pas non plus et je sais que ce n'est pas ce que tu veux. »

Je le regarde quelques secondes, lui et son sourire, décontenancée. Avant de lui donner une pichenette sur la tête, ne cachant pas mon amusement teinté de tendresse.

[list]« Idiot… »

Je lui prends la cuillère, mangeant finalement, un léger sourire dessiner sur les lèvres. Mais faut pas rêver non plus, je le sais, je ne vais pas beaucoup manger. Juste de quoi tenir.

« Je me demande ce que fiche Hippocrate… Tu crois qu’il a pu croiser Novembre et Hécate ? »

Après tout, c’est une possibilité. Ce qui expliquerait son retard. Je fronce les sourcils, n’appréciant pas vraiment faire référence à Novembre. J’en ai de trop de mauvais souvenirs-sentiments.

Une fois que Landscape est sur que, non, je ne vais pas mourir de faim, il commence à manger à son tour. Je prends mon temps, une boule toujours coincée dans ma gorge, malgré tout. Finalement, il pose sa cuillère –et j’en profite pour faire de même, il ne va pas m’obliger à manger s’il le fait de toute façon pas- et m’ébouriffe les cheveux.

« Il a du rencontrer des gens en route, pas forcément Novembre et Hécate, je pense qu'il doit y avoir d'autres personnes ici. »

J’hoche de la tête, encore un peu inquiète –même si jamais je ne l’avouerai-. Il recommence alors à manger, mais je ne bouge pas. Je n’ai vraiment pas faim. L’image du rat géant me hante un peu trop à mon gout.
Landscape s’allonge finalement, se servant de ma cuisse comme oreiller, ce qui me fait sourire distraitement. Quand il caresse ma joue, quand i m’embrasse, j’ai l’impression de sentir des picotements là où il passe, comme des lignes de feu. Bref, October, tu es grave.

[list]« Je t'aime October... Et je... Tu peux m'appeler Jaden si tu veux... Juste parce que c'est toi... »

Je souris devant sa légère gêne alors qu’il baisse la tête, amusée et touchée. Sans rien dire, je passe mes doigts dans ses cheveux d’or, les contemplant. Mais je n’arrive pas à retrouver l’espèce de… plénitude, que j’avais ressentie avant l’épisode du rat.
Me baissant légèrement, faisant en sorte de ne pas bouger le garçon, je récupère le bloc-note trainant non loin, et son stylo, commençant à écrire.

Nulle Part

-Rat géant {Ratatouille}
-Pieuvre géante {Poutchou}
-Ronces kidnappeuses
-Loups ( ?)
-

J’arrête d’écrire, car je sens ma main qui commence à trembler, et il faut que je l’en empêche. Mais d’un autre côté, c’est vraiment pas cool. Je mets des surnoms débiles et dérisoires, mais c’est juste histoire de dédramatiser. Sinon je crois que j’abandonnerai vraiment tout espoir.

Je sursaute quand, plongée dans mes pensées en fixant le bloc-notes, le bruit de la porte se fait entendre dans la boutique. Hippocrate est rentré.
Une pointe de joie et de soulagement me saisit, largement noyé par ma contrariété que finalement, même si je voulais qu’il débarque, j’aurai plutôt préféré que ce soit à un moment où on a vitalement besoin de lui. Comme quand un rat géant a envie de nous bouffer par exemple.
Mais je me retiens de rire en voyant l’air hagard qu’il aborde en constatant notre proximité, à Landscape et moi. Jaden… Je me demande si je l’appellerai comme ça. Après tout, il m’a dit que ça le dérange pas, mais bon, s’il avait demandé à ce qu’on ne l’appelle que par son pseudo à la base ça devait bien être pour une raison. Mais d’un autre côté, je trouve ce prénom absolument trop classe. M’enfin.
Le médecin semble enfin se reprendre, et pendant un instant je sens de sombres pensées me traverser. Pourquoi était-il si surpris ? C’est vrai que, techniquement, le blond et moi ne nous connaissons que depuis quelques heures. Intense, mais même pas un jour entier quoi. De quoi passer pour une belle péripatéticienne. Mais je me reprends vite. De toute façon, l’homme regarde toujours d’un œil critique tout ce qui dépasse son nez. Donc bon. Affaire réglée. Tu es bien avec Jaden, October, un point c’est tout, en fait pas un chichi juste parce que l’autre peut pas s’en remettre.
Pourtant, j’ai presque l’impression que la voix de Novembre résonne encore dans ma tête, me demandant si Landscape n’est pas mon petit ami. Et si j’étais une mangeuse d’homme, avant… ? Non. Je secoue mentalement la tête –ben ouais, si je le fais vraiment Hippocrate se fouterai de moi jusqu’à la fin des temps, à me parler toute seule-. Non, je n’étais pas ça, je les aimais mes petits amis Et puis merde. Même si je l’étais, je ne compte pas recommencer. Je resterai avec le blond. Un point c’est tout.

« Bon, et bien les jeunes, je vois que vous vous amusez bien, je ne vous dérange pas, j'espère ? »

Je compte bien lui répondre, sachant très bien ce que je pourrai lui balancer à la figure pour qu’il ravale cette ironie débile –bordel, on a faillit se faire bouffer par un rat !-, mais Landscape se relève, et je fronce légèrement des sourcils en le voyant s’éloigner pour aller vers Hippocrate. Ouais, décidemment, maintenant il aurait pu rester où il était –comment ça je sais pas exprimer mon soulagement, et je le transforme en agacement ?-, se lançant dans une de ses tirades dont lui seul à le secret. Tirade qui, ne s’en finissant pas, se solde en monologue. Je le suis des yeux, amusée, l’écoutant parler simplement sans rien dire. Je dirai ses quatre vérités –ou pas, j’ai pas vraiment envie de re-déclencher un problème dans le groupe- au médecin après.
Quand il parle du bracelet, je grimace, et quand il le prend en main, se rasseyant assez loin de moi pour ne pas me toucher, je fronce des sourcils. On devrait le bruler, ce truc. A l’idée du feu, je touche distraitement le briquet du malheureux mort dans le parking, dans ma poche, observant le blond repartir chercher la bouteille de wiskhy qu’il avait pris pour Hippocrate. Oh, génial, en plus fallait qu’on lui fournisse ses doses comme à un enfant, au vieux. Cela dit, je ne fais aucun commentaire sur ça. Je préfère répondre à la question initiale.

« Oui, en effet, on se débrouille très bien, pendant que monsieur faisait sa longue balade –tu avais perdu son déambulateur ou quoi ?- nous s’est frotté de très près à un rat de la taille d’un dog allemand, qui était bien décider à nous bouffer, sans compter le cadavre où on a pu contempler à loisir comment on aurait très fortement pu finir. Donc oui, c’était très amusant comme expérience, pour nous qui ne sommes que des gamins dans une Ville qui n’a absoooolument rien d’étrange, comme je ne fais que psychoter, et qui ne pensent qu’à fricoter. »

Outch. J’y suis allée vraiment fort là. Un peu trop. Une agressivité du au contrecoup de ce qu’il s’est passé dans le-dit parking. J’ai l’impression de sentir mes doigts me picoter, là où j’ai joué à tarzan sur la queue du monstre, à l’évocation de celui-ci. Je sais que je ne devrais pas m’en prendre au médecin comme ça. Le pire, c’est que c’était sorti tout seul. Et je sentais mal la leçon de moral, ou autre engueulade et truc du genre qui va suivre. Mais faut croire qu’il y a des sujets sensibles.

Quand Hippocrate commence à applaudir, avant de cracher son venin –que j’avais cherché, j’en conviens tout à fait-, je serre les dents, l’écoutant me balancer nos quatre vérité. Fuck le vieux. Bordel. C’est nous qui avons subi une situation atroce. Je ne lui demande même pas ce qu’il fichait –il est trop perdu dans sa fichue tirade qui m’énerve autant qu’elle me blesse-. Hé, stop la boisson, c’est mauvais pour ton sang-froid. D’accord, j’arrête de parler en mode rebelle. Mais sérieusement, je pense avoir le droit de faire une petite crise à, vu ce qu’il s’était passé au parking. C’est quoi son excuse à lui ?
Je sais bien que je suis pas dans un conte de fée. Je suis pas débile, contrairement à ce que tu penses du haut de ton piédestal d’ainé alcolo. Mais Landscape et moi avons quand même une cervelle hein.
Ça aussi, je le tais. Pour entendre la suite, et fin, de son monologue

« Ce serait donc bien que tu saisisse aussi que ça peut être un peu fatiguant de vous voir jouer au prince-piplette et à la princesse-physchotique. Donc tu excuseras le vieux et son "déambulateur" d'être parti faire une promenade pour pêcher des infos pendant que vous "fricotiez" bien gentiment. La prochaine fois, je viendrai assommer les méchants monstres qui attaquent le château. A coup de déambulateur peut-être. Quoique. Je vous laisserai entre jeunes. Comprenez, mon dentier risquerait de se décrocher pendant la bataille. »

Je serre les dents un peu plus, à m’en faire mal, les poings serrés pour planter mes ongles dans ma peau –histoire de me convaincre de pas lui sauter dessus et les lui planter dans la gorge-. Réveil, on a aussi cherché des infos ! Et puis, ce putain de parking, c’était à cause de lui, on le cherchait.
Mais monsieur préfère sortir sur une dernière réplique, soigneusement choisie. Ouais ben. Au moins sans dentier il me casserai un peu moins les oreilles, parce que moi j’ai pas besoin d’appareil auditif pour l’entendre.
Je suis Landscape des yeux, qui sort de la pharmacie avec un dernier regard. Il compte tout arranger ? Je sens mon cœur sursauter. Et s’il nous refaisait sa crise du supermarché ? Je me lève rapidement, alors que Jaden est déjà dehors. La main sur la poignée, j’inspire, j’expire. Réflexe venu d’un autre temps, avant cette amnésie à deux balles, je tente de me défaire le plus possible du stress ambiant, et de celui grandissant à l’intérieur de moi depuis Ratatouille. Ignorer le premier, calmer le second. Une fois à peu près sure de pas repiquer une crise, j’ouvre la porte.
Je remarque distraitement qu’il fait plus clair, mais à peine, qu’auparavant. Mais à vrai dire, ce n’est pas ma préoccupation première. Le blond est en train de fumer, à distance respectable du médecin. Le rejoignant, je regarde Hippocrate, restant bien campée sur mes deux jambes –au moins s’il se remet à se foutre de ma gueule je ressemblerais pas à un chiot se faisant gronder parce qu’il n’a pas été sage-, disant de la voix la plus neutre possible :

« Nous aussi on est allé à la pêche aux infos, quoi que tu en penses on est pas des gamins et on ne se croit pas dans un compte de fées, et on a apprit plusieurs trucs de la part d’une fille appelée Hécate, et d’un mec… »

Pas d’hésitation, aller October, tu te fous de ce mec, et du doute qu’il a renforcer en toi.

« Surnommé Novembre. En gros, il y a pas mal de bêtes louches dans cette Ville pourrie. Des loups, des ronces qui enlèvent des gens, le rat géant, le poulpe de Landscape… »

Je jette un rapide coup d’œil au garçon, ayant bien compris que Poutchou est un sujet sensible –en même temps, se faire à moitié bouffer est pas très réjouissante comme classe verte-, avant de finir :

« On a encore récupéré quelques trucs au supermarché. Et enfermé notre cher nouveau copain le rat dans le parking, avec un cadavre tout frais, donc il vaudrait mieux l’éviter. »

Tiens, faut croire qu’il faut toujours quelqu’un pour faire des grandes tirades. Mais bon, faut bien qu’on le fasse un jour ou l’autre, ce résumé de la situation.
Je ne remarque que maintenant que j’ai enfoncé une fois de plus mes ongles dans la paumes de ma main. Je ne suis pas lunatique au point de passer du stress et de la colère au calme, faut croire. D’ailleurs, je sens que la boule dans mon ventre m’ordonne de recommencer à râler, poruquoi pas crier, sa fait tellement de bien. Mais je reste là, sans bouger, sentant la chair de poule recouvrir mes bras sous ma veste et mon gilet à cause du léger vent extérieur.