Je suis Landscape sans rien dire. Il avait vraiment cru que j’allais rester bien sagement en retrait alors qu’il allait chercher Hippocrate dans cet endroit maudit ? Je suis effrayée, mais pas débile, et jamais j’aurai accepté. Et puis, pour rien au monde j’aurai raté la sensation de sa main dans la mienne, nos doigts mêler. Mon cœur avait fait un bon encore une fois quand il m’avait pris la main.
Il passe devant pour aller dans un… parking ? Oui, un parking souterrain. Je me sens frissonner, un mauvais pressentiment me prenant à la gorge. En plus du bruit de nos pas sur le sol, un bruit… d’eau tombe régulièrement. De l’eau, dans le parking ?
Evidemment, il fallait qu’on trouve vite la source de ce bruit. Quand au détour d’un levage-de-lampe-de-poche-pour-trouver-la-source-du-ploc-ploc, on voit un homme, capuche baissée, éventré. Je n’entends même pas Landscape qui me dit de ne pas regarder. Mes yeux s’écarquille de frayeur, mes jambes se mettent à trembler.
Ma fierté se cogne à ma détresse, mais réussit à retenir un cri de frayeur. Je sens mon cœur tambouriner à ma poitrine, et c’est belle et bien de peur cette fois et non parce que je suis juste une fille avec ses hormones. Ma vision se trouble, et je commence à trembler, alors que je sens la peur prendre peu à peu possession de tous mes membres.
On va tous mourir dans cette putain de Ville, les uns après les autres. On ressortira pas de ce cauchemar vivants. Pourquoi ? Pourquoi il fallait que je me retrouve ici ? Pourquoi, pourquoi putain il faut qu’on tombe sur ce pauvre type, qui aurait pu être Landscape, Hippocrate, Novembre, Hécate, Océan, Katya, moi ou tous les amnésiques bloqués ici ?! Juste parce qu’il faut quelque chose pour nous secouer, on était trop heureux au gout de cette Ville maudite ?! A croire qu’elle vivrait et jouirait de notre peur –oui, j’assume ma vulgarité, merci- !
Je sers la main de Landscape plus fort qu’il ne faudrait, le pauvre. Je détourne les yeux de l’homme, remarquant que les tremblements avaient cessé grâce à ma colère. Même ma peur viscérale n’arrive pas à la cheville du dégout que j’ai pour cette Ville. Evidemment, je suis terrorisée, je ne suis pas une super héroïne direct sortie d’un BD. Et si le choc me paralyse, je me sens bouillir de rage. Et je sais que dès qu’elle sera partie, j’aurai envie de m’enfoncer six pieds sous terre pour tout oublier.

« On va tous finir comme lui », crache-je, incapable de parler dans les thermes exacts de mort.

Contre quoi on se bat au juste ? On ne le sait même pas !

Je reste là,idiote, bouche ouverte de surprise, de colère et de culpabilité après que la claque ait résonnée dans tout le parking. La claque. Il venait de me gifler. Les torrent d'émotion qui me prends arrive a me faire oublier les circonstances dramatiques pour lesquelles ça venait d'arriver. Le cadavre lui-même, et ma peur liée a lui se retrouve dans un coin de ma tête.

«Arrête ça! On va s'en sortir putain! J'ai dit que j'allais te protéger! »

J'aurai pu etre surprise devant la colère de Landscape, tant ces deux mots ne sont bons que pour une oxymore. Mais ma prore rage, contre cette Ville qui m'emmerde et lui qui m'a ainsi fait descendre ma fierté plus bas que terre.
C'est alors qu'il s'excuse, baissant la tête et relachant enfin son emprise sur mes épaules qui était un peu trop forte à mon goût, elle aussi. Je sens le dur goût de la haine s'infiltrer. Evidemment que ça ne change rien a mes sentiments, mais malgré cela je reste mpi et je ne vais pas simplement sourire et dire que ce n'était rien! Je reste la fille qu'Hippocrate avait sans doute trouvé exaspérante.
Et pourtant, et pourtant je risque de craquer au moment où il me prend dans ses bras. Seule ma fierté blessée m'en a empêcher. Je reste tendue, totalement crispée, ne bougeant pas d'un cil en sentant le blond nicher sa tête dans mon cou.

« Je te jure qu'on va s'en sortir...
- C'est pas a coup de gifle qu'on y arrivera.»

Ni avec des engueulades. Mon ton tranchant contraste avec quelque chose dans ma tête qui m'empeche d'ler jusqu'au bout de de que je pense. Quelque chose qui me dit que me prendre la tête avec lui sera loin d'être la chose la plus intelligente et la plus heureuse que je ferais a Nulle Part. Donc je ne rajoute rien, restant simplement sans bouger, les poings serrés.

Quand Landscape vient m'embrasser, me caressant la joue, je me bouge pas d'un milimètre. Rancunière, moi? Naaaaan. Du tout.

« Ecoute... Je suis sincèrement désolé... J'ai juste... Peur. »

Il a peur? Et moi alors? On est tombé sur un cadavre putain! Normal qu'on soit un peu déboussolés! Je l'aurai pas giflet moi! C'était du pur réalisme! Comment voulait-t-il qu'on puisse croire en une possible réussite de fuite de cette Ville? Fuck...
Im souvenir vient illiminer le cadavre, et ke retiens une grimace, avant de s'avancer vers Landscape. Encore un souvenir pour le blond? A vrai dire je préféré ça que découvrir un quatrième ex.
Le garçon ne touche pas immédiatement son souvenir, il m'embrasse, avant de me regarder de ses yeux ambrés piur me dire:

« Je t'aime... Et je te ferais sortir de là. »

Alors qu'il touche son souvenir, je me sens frissonner quand j'assimile ce qu'il m'avait dit. Il m'a vraiment dit qu'il m'aime. Non. Non, tu vas pas redevenir guimauve juste pour ça. Ça suffit par contre a me convaincre de pas toucher son souvenir, de pas être... comme ça. Mais je dois me résonner, me calmer, me reprendre, toussa toussa.
Une fois sure qu'il n'a plus conscience de la réalité, ou du moins qu'il est trop connecté à son souvenir, je m'éloigne de lui, marchant un peu dans le parking.
Je mets ma main sur ma joue, à l'endroit même où il m'avait giflé. Deux sentiments opposés tiennent à se faire entendre. Je sens encore mon coeur papilloner à cause de la, euh... déclaration du blond, qui me donne une espèce de lumière au bout du tunnel obscure qu'est Nulle Part. Ouais je sais, je suis une poète quand je veux.
Mais d'un autre côté, excuse ou non, il m'avait foutue une claque! Et j'ai encore le droit de dire et penser ce que je veux sans me faire gifler pour autant. Et puis, de base j'étais déjà en colère contre la Ville, donc j'arrive pas vraiment a prendre ce qu'il vient de se passer à la légère...
Mes pas résonnent dans le garage, alors que je marche pour essayer de me vider de mes émotions. Autant dire que c'est raté. Je suis amoureuse, je suis effrayée, je suis en colère, je suis rancunière, et je boude contre le monde.

Landscape:

La voix de Landscape manque de me faire sursauter, tout comme le bruit soudain de ses pas. Il a donc fini de voir son passé? Je parie que c'était encore avec Wendy. Heureusement que je me suis retenu de regarder, sinon j'imagine même pas.
Je vois le faisceaux de sa lumière, et dans un soupir imperceptible, contre le sentiment de joie et de tristesse que ma simple temporaire disparition l'ait mis dans un tel état, je revient vers lui.

« October !!! »

Il me tourne le dos, semblant vraiment pas rassuré. D'un autre côté, on sait pas où est le truc qui a fait ça au pauvre mec nous tenant compagnie dans ce parking. Ma voix a toujours son ton froid, boudeur, rageur et énervé -oui tout ça à la fois-.

« Je suis là. »

« Tu comptes encore t'en prendre à moi parce que j'ai voulu dégager un trop-plein d'émotion? » « Je vais encore me faire gifler comme une enfant qu'on puni pour avoir dit quelque chose de pas bien? »
Aucune de ces répliques parvient à sortir, quand j’aperçois ses yeux ambrés brillants à la lumière de sa lampe de poche. Il avait vraiment eu peur, par ma faute. Et c'était tellement mignon... Donc à la place de toutes les choses cinglantes que j'aurai pu lui sortir, si ça n'avait pas été lui, je murmure:

« Désolée... »

Bien sur que je lui en veut encore, mais... mais faut croire que les mecs, c'est vraiment mon point faible. Ça aurait été une fille, elle se serait déjà prit mon point. Mais voilà, c'est une garçon. C'est Landscape. Alors je reste les yeux fixant tout et n'importe quoi, sauf son regard ambre.

Quand Landscape se tourne pour me prendre dans ses bras, je puise dans toute ma volonté de girl-indépendante-qui-se-débrouille-trop-bien-toute-seule pour pas céder.

« C'est moi qui m'excuse... Je suis un idiot... Je... Me laisse pas, je t'en supplie... »

Ne pas céder, ne pas céder. C’est pas par pur fierté, ni un mode étroite-d’esprit power, mais si je cède à mes envies de juste laisser tomber et profiter de son étreinte, alors oui, je ne suis qu’une marionnette de mes sentiments. De cette fixation pour les garçons, ces sentiments que j’arrive fichtrement pas à contrôler. Donc, ne pas céder.
Je ne regarde pas ses yeux, n’imaginant que trop bien à quoi ils ressemblent. Il passe sa main sur ma joue, encore un peu cuisante à cause de la gifle, et une légère grimace étire toute seule mes lèvres, contre moi. Ne pas céder.

« Si... On a vraiment aucune chance... De s'en sortir... Je veux faire en sorte... De passer le temps qu'il me reste avec toi... »

Ne pas céder. Ne pas céder. Ne pas céder. Ne-pas-cé-der. October, tu ne cèderas pas.
Même quand tu vois qu’il a baissé la tête, semblant vraiment s’en vouloir pour ta joue. Même quand il vient m’embrasser avec tendresse. Même quand tu sens ton cœur bondir à cause de ça.
Une larme coule le long de sa joue, illuminée par l’effet d’ombre et de lumière de la lampe de poche.
Je cède.
La partie rageuse de moi décide finalement de me laisser tranquille avec un dernier cri de haine intérieur, détestant ma faiblesse dut au blond –encore pire avec lui qu’avec les garçons en général-.
Je lève ma main, la passant sur la joue où la larme du garçon avait coulé. Il l’avait déjà effacé d’un revers de manche. Un garçon qui pleure ? Ça aurait presque pu me faire sourire, si je ne savais pas qu’on a tous de bonnes raisons de craquer ici. Et sachant que je suis en partie la cause de ses problèmes, c’est certain que je ne me le permettrais pas. Et en plus, mon amour pour lui m’en empêche aussi.

« Pleurs pas… Je suis désolée… On va y arriver! »

C’est vraiment pitoyable la façon dont je me contredis sans même le vouloir. Mais d’un autre côté, je crois quand même vraiment en ce que je dis –la force du désespoir, parce que je ne veux pas que Landscape devienne défaitiste-.

« Je suis une guimauve... murmure-je plus pour moi que pour lui. »

Et je n’ai pas précisé ce qu’est le « y ». Mais moi je fais pas en sorte que les gens vont mieux à coup de gifle dans le visage.

Quand un bruit de pas, lourd et flippant, se fait entendre alors que seule la lampe de poche de Landscape nous permet encore d'y voir quelque chose, ce dernier me fait passer derrière lui, me tenant par la main. En même temps qu'un mauvais pressentiment, je sens un cri de protestation monter dans ma gorge. Je ne sais pas d'où ça me vient, mais je doit protéger Landscape.
Même la créature qui sort de l'ombre n'arrive pas à ébranler cette certitude. En revanche, elle arrive à ébranler ma certitude qu'on survivra tous les deux.

« Ne restons pas ici... »

Sans blague. Mais on va où ? Parce que cette bête, cet espèce de rat gigantesque, doit pas être très lent dans son genre. Mais avant que je n’ai le temps de faire quoi que ce soit, Landscape me prend dans ses bras, vous savez de cette façon que tant de fille aime et se retrouve ainsi rougissante dans les bras de leur petit ami, comme lorsqu’un jeune couple de mariés entre dans leur novueau foyer. Sauf que là en l’occurrence c’est pas vraiment la préoccupation, j’ai pas vraiment envie de faire ménage à trois avec cette créature.
C’est dans ces moments-là que je me dis, vraiment, c’est dommage qu’Hippocrate puisse pas, je sais pas moi, entrer dans mes pensées comme s’il lisait ce que je pense. Parce que, alors que j’aurai du mourir de peur, perdre mes moyens, avoir des centaines d’émotions se cognant, entre la peur, le défaitisme et cette sensation de devoir protéger Landscape…
Mais non, rien. Le blanc.
Total.
Je peux presque sentir les rouages de mon cerveaux –oui je sais que c’est de neurones et pas des engrenages qu’on a dans la tête, merci-tournés dans mon cerveau. Tout ce que je suis est tourné vers un seul but : s’en sortir face à ce… truc. De préférence à deux. Et le blond tout seul dans le pire des cas. Cette bête ne nous aura pas, et sûrement pas nous deux.

« October, essaye d'atteindre une des poutres ! On pourra échapper à cette chose ! Tu vas te hisser en première et je te rejoindrais juste après avec ton aide ! »

Oui, excellant plan. Enfin, sauf s’il sait sauter très haut ou que des ailes lui pousse soudainement sur le dos –qui sait, avec cette Ville qui se la joue à j’aime-donner-l’impression-que-t’es-dans-un-jeux-vidéo-d’horreur-. A un détail près. Il faut qu’il passe le premier.
Je jette un coup d’œil à la créature, qui semble bien avoir envie de faire de nous son prochain repas, après le pauvre mec mort sur la poutre. Wait, s’il était sur la poutre, c’est que quelqu’un l’y avait mis nan ? Je vois mal l’animal accroché tout joliment un cadavre pour attendre l’heure du casse-croute.
Bon. De totue façon, on peut rien faire d’autre. Donc je reviens au problème initial. Landscape doit monter le premier –déjà il me surélève pour que je monte. Bon. Je sens que si je lui dis de passer le premier, il va refuser. Autant être efficace.
Je lève le bras, l’étirant le plus possible pour réussir tout juste à toucher l’arrête de la poutre. Là, c’est ironique. Parce que si j’ai pas la force suffisante dans les bras, on est plutôt mal parti. Il avait pas du penser à ça.
Seulement, la peur donne des ailes, et faut croire que l’adrénaline parcourant mon corps me suffit, et aussi le besoin oppressant de mettre le blond en sécurité lui aussi, car je me hisse rapidement sur la poutre. Crochetant mes jambes sur celle-ci, je tends mes bras à Landscape, l’aidant à se hisser. Puis, regardant autour de moi, le souffle court mais le calme anormal de mon esprit, la peur elle-même semblant être écrasé par cette impassibilité inébranlable, je souffle autant pour moi que pour le garçon :

« On trouve la sortie, et genre rapidement. Parce que je te parie ce que tu veux que ce truc va pas resté à nous admirer depuis en bas. »

Ce calme. Il sort d’où ? Enfin, c’est pas le moment d’essayer de comprendre. On se fera pas avoir. Le contrecoup, il viendra bien à un moment où à un autre. Mais que quand on sera tranquille, s’il vous plait. Et non, ce n’est pas négociable.

Spoiler:

Landscape me prend la main, commençant à marcher sur la poutre. Sait-il au moins où il va ? Après tout, on n’y voit plus rien. On dirait une reprise de mauvais gout d’un énième film d’horreur, avec les trucs typiques de-la-lumière-qui-s’éteint-parce-qu’il-y-a-ungros-méchant-pas-beau. Mais bon, reste concentrée October. Si tu tombes, tu seras vraiment dans la bouse –et en plus tu entrainerais sans doute le garçon dans une mauvaise situation-.
Enfin, j’aperçois la porte. Me retournant, je distingue dans les pénombres le rat qui ne semble pas vouloir abandonner son futur petit déjeuner, mais malgré ce détail plutôt obnubilant, je distingue dans les ténèbres quelque chose éveillant en moi un souvenir. De l’essence. Mais bon, pour l’important, c’est la porte enfin visible. Le blond aussi l’a vue, apparemment.

« Le passage pour le supermarché est là-bas... Avant de descendre... Il faudrait détourner son attention... Je vais tenter de l'éblouir avec le flash de mon polaroïd, si ça marche pas, je serais obligé d'utiliser le couteau suisse... »

Il est sérieux ? Non, mais, vraiment ? Il croit que ça va marcher ? Il va à la mort ! J’essaie de l’en empêcher, plus tendue encore qu’avant, plus crispée qu’il est humainement possible, mais déjà il met son plan en action, et ma rétine imprime le flash, m’éblouissant moi-même un instant. Le temps que j’arrive à nouveau à y voir quelque chose, perçant l’obscurité, je distingue Landscape faisant du rodéo sur le rat.

« Landscape !! »

Mais il est malade bordel ! Si quelqu’un devait tenter ce genre de trucs désespérés pour sauver l’autre, ce doit être moi !
Evidemment, comme dirait l’autre, ce qui devait arriver arriva : la bête, lassée d’avoir un chevaucheur indésirable, écrase Landscape en roulant sur le dos. Seul un cri étranglé parvient à sortir de mes lèvres, alors que la panique commence à percer le calme plat.
Un scintillement attire alors mon regard : là, dans la poche du cadavre. Mue par un sentiment désespéré que ce sera un couteau, je décide de tenter le tout pour le tout –parce que de toute façon, il n’y a plus vraiment le choix, je ne laisserais pas Landscape dans cette mauvaise situation. Non, mieux, je vais l’en sortir-. C’est alors que le rat décide de reporter son attention sur moi, ce qui me tire un sourire mauvais –de ceux hésitant entre l’expression terrorisée, le dégoût ironique et le rire hystérique- alors qu’il saute sur la poutre. Oui. Bien. Evidemment. Pourquoi ne pas tout de suite me bouffer si déjà ? Aller que je viens jusqu’à te cherchant, déclenchant un tremblement de terre avec ma fat masse ? Ah mais, October, tu es attirée par les males nan ? Ah, pas par ce genre de male ? Dommage.
Mesurant la distance entre le sol et la poutre, et repensant à ma cheville blessée, je grimace. Si je saute, je risque de l’abîmer définitivement. Et il ne fait pas bon vivre de se péter un os à Nulle Part, d’après ce que je vois.
Encore étonnée de ma capacité de réflexion dans une situation si flippante, je ne m’y attarde pas. Mes yeux sont fixés sur le rat géant. Par sur ses yeux me regardant avec l’air d’un chasseur ayant coincé sa proie non, mais sa queue. Cette queue longiligne aux poils rares et drus. Je grimace. Je n’ai plus vraiment je choix. Soit je me fais bouffer, soit je joue à Tarzan.
Tendue comme un ressort, je serre les dents tout en sautant de la poutre trop tôt pour qu’il puisse m’attraper. La queue, ne pas rater la queue… Je me vois dériver. Avoir mal calculé.
Juste avant le choc avec le béton, je sens mon bras s’agripper à quelque chose de gras, de sale, et qui bouge, et mon autre main s’en saisit aussi dans le quart de seconde, ce qui me permet de me ramasser en me contentant simplement d’écorchures sur les genoux et, quelques centièmes de secondes plus tard, les paumes de mes mains. Sans prendre le temps de céder à l’onde de douleur me traversant à cause du choc, je me relève, me mettant à courir. Droit vers le cadavre.
Penchée en avant, je me sens perdre l’équilibre à plusieurs reprises, ne tombant pas que grâce à un miracle inconnu. Ma bonne étoile, malgré tout ça, peut-être. Ou alors la certitude pulsant en moi m’ordonnant de sauver Landscape, et moi aussi dans la foulée.
Ma main plonge dans la poche du garçon mort, ne cherchant pas à réfléchir et à philosopher sur une quelconque violation du cadavre qui n’a sans doute rien demandé. Ma main se ferme sur un objet dont la forme me fait écarquillé les yeux.
Un briquet.
Mais qu’est-ce qu’il veut que je foute avec un briquet ?! Cette Ville n’aurait pas pu au moins me donner un cadavre avec un truc utile sur lui ?! Mais une BRIQUET quoi ! C’est pas avec ça que je vais allez loin ! Comme si une simple minuscule flamme pouvait faire de ce monstre une torche vivante ! Comme si…
Wait.
Je me fige, la main serrée sur l’objet.
Le briquet.
Une flamme.
L’essence !
Je me retourne avec rapidité. Maintenant, il faut juste que je gère. Juste que je ne réfléchisse pas. Juste que je sauve Landscape.
Me remettant à courir, ignorant mes poumons en feu –mieux vaut avoir l’impression de mourir que de mourir vraiment n’est-ce pas ? Je forme une boucle, priant pour que ce qui semble être un certain temps d’arrêt utilisé pour connecter deux neurones histoire de se décider quoi faire fasse à nouveau effet, me laissant le temps de rejoindre le coin où j’avais vu ce qui avait éveillé… Même pas un souvenir, juste un instinct, une intuition, comme celle pour la flasque d’Hippocrate. Mais ce n’est pas vraiment le moment pour réfléchir à la nature de ce genre de truc. J’atteins enfin au but.
Maintenant, tout se joue. Soit la bestiole décide qu’en fait, parce que cette Ville se fout tellement de notre gueule que ce pourrait être le cas, elle est même ignifuge, soit elle a quand même un temps soit peu d’animalité en elle, et elle sera effrayée. Comme on dit, c’est le moment de vérité.
Prenant le bidon d’essence, qui ne faisait sans doute pas plus d’un litre, je me remets à courir vers Landscape qui n’est maintenant plus qu’à quelques mètres. Me plaçant devant lui, je déclare d’un ton froid, comme détaché de tout ce qu’il se passe, bien que tranché par ma respiration saccadée à force de faire mon petit marathon sous-terrain :

« Monsieur le cow-boy, les Hommes ont un jour découvert le feu. Pars devant, je te suis. »

Balançant le bidon ouvert au sol, priant pour que ça marche, je me baisse, et utilise le briquet. Quand le feu prend, je me recule vivement, les flammes commençant déjà à suivre la trace du liquide, et grandissant de plus en plus.
Evidemment, ça va pas tuer monsieur Ratatouille. Mais au moins, c’est pas aujourd’hui qu’il bouffera du blond passionné de rodéo et de la brune –enfin noire, mais ça se dit pas pour une couleur de cheveux- au soudain sens héroïque. Qui commence à redouter le contrecoup du calme qui l’avait envahie.
Maintenant, on court.