Vous connaissez peut-être ces sommeils réparateurs, sans rêves, dont on déteste sortir ? Ben voilà ce à quoi j’ai eu droit. C’était magnifiquement reposant. Enfin, jusqu’à ce que je sente quelqu’un bouger. Cela dit, je refusais de sortir du sommeil. En fait, je pense que j’aurai longtemps encore continué à dormir si un sixième sens ne m’avait pas ordonné d’ouvrir les yeux. Et je les ouvre.
Pour constater que, à la lueur des chandelles presque éteintes, Loki n’est plus là. Disparut. Etrangement, ça ne m’étonne pas. Pas trop. Enfin, sa m’amuse presque. Presque. Parce que d’un autre côté, je me sens frustrée. Frustrée qu’il me laisse ainsi toute seule. Mais surtout frustrée de comprendre que je voulais continuer un bout de temps à être à ses côtés.
Me relevant, je m’étire de tout mon long, levant mes bras loin au-dessus de ma tête, avant de bailler. Puis, je me baisse pour prendre un des chandeliers se trouvant sur la table de nuit, et remarque à ce moment un truc inhabituel qui attire mon regard. Sur le mur, je lis le message qu’il a laissé à mon attention, qui me tire un sourire mi-amusé mi-méprisant. Pourquoi voudrais-je le rejoindre dans sa promenade ?
Mais d’un autre côté, je sens que tout me pousse à le retrouver. Cette fichue sensation qui fait que mon cœur fait un bon quand je le regarde, alors même que tout me crie de rester à une distance respectable de cet homme.
Alors que je me lève, je sens la veste –dont je ne faisais même plus attention, habituée maintenant à l’odeur et le poids après ce repos- tomber, aussi je la rattrape d’un bon réflexe. Hésitant quelques secondes, je hausse des épaules avant de l’enfiler. Après tout, ça serait inutile de la laisser ici.
Je sors de la pièce par la porte intérieure, un chandelier à la main, perdue dans mes pensées. Je commence à savoir ce que je vais faire. Je vais étouffer ce besoin de savoir ce qu’il s’est passé, ainsi que celui de rejoindre Loki, et chercher ce qui me cause tous ces problèmes. L’image du corps du garçon revient s’imposer dans mon esprit, et je sens mon regard se durcir. Oui, je ne vais pas courir après un homme, c’est hors de question. Je vais d’abord éclaircir ma situation.
Même si je sens une partie de moi râler devant cette décision, je me prépare à sortir de l’église, éteignant les bougies en soufflant rapidement dessus, avant de jeter négligemment le chandelier au sol. Quelqu’un passera bien le ramasser demain.
L’extérieur est à peine plus clair, et je discerne tout juste une autre grande bâtisse pas trop loin. Bien. Il y aura surement du monde là-bas aussi. D’une démarche fluide, j’avance, encore perdue dans ma tête. Je ne peux m’empêcher de me demander quelle est la source, ce qui a bien pu se passer pour que je ressente un tel mélange d’émotion envers Loki. Et puis, d’abord, je me pensais –non, je le suis, j’en suis sure- individualiste, alors… pourquoi lui ?
Alors que je vois ce qui semble être l’entrée d’un jardin, je vois un mouvement au niveau de celui-ci. Une personne. Grande. Que je reconnaitrais les yeux fermés, sans aucun doute.
La frustration d’être contente de l’avoir retrouvé aussi facilement m’agresse à nouveau. Il m’avait laissé tomber, oh, certes avec un mot écrit à la cire –pourquoi je m’amuse légèrement d’ailleurs d’une telle idée ?- pour me tenir compagnie, mais tout de même…
Je me glisse dans l’ombre d’un arbre, certaine qu’il ne m’a pas vu. Qu’est-ce que je fais ? J’aurai l’air faible, si j’arrive énervée –même si c’est contre moi et non contre lui, il ne pourrait le savoir-, ça donnerait l’impression que je lui suis dépendante, comme une drogue, un truc du genre. Pas question. Cela dit, j’ai bien envie de ne pas revenir tranquillement, comme en le suivant comme un bon petit chien. Alors, veillant bien à ce qu’il ne me remarque pas, je me glisse avec mon pas discret de félin dans le jardin, passant par-dessus des arbustes aux formes tarabiscotées. Il est tourné vers l’église, c’est parfait. Me faufilant dans son dos, j’enlève d’un geste rapide et précis la veste que je n’ais que passé par-dessus mes épaules, lui lançant dessus.
Puis, l’air de rien, je me tourne vers le jardin, mes yeux brillants de cet humour sarcastique se reflétant même jusque dans mes mouvements –si, je vous assure, je peux être sarcastique en jetant une veste-, disant :

« Après la petite prière nocturne, c’est le jardinage au clair de lune ? »

Il faut avouer que les lieux de cette ville semble vraiment bizarre, simplement à cause de leur… désolation, et le fait qu’on la visite de nuit. C’est vraiment étrange ça d’ailleurs, d’être perdu en pleine nuit au milieu de nulle part. Ha, mauvais jeu de mot, et je promets que je n’ai pas fait exprès. Donc c’est vraiment pas normal, je trouve, même si je saurai pas expliquer en quoi ce serait normal que ce ne soit pas le cas, de notre temps de pouvoir se perdre dans une ville. Bref, arrêtons là la réflexion sur cette ville. Je sais très bien que c’est juste pour pas que je pense trop à l’homme, beaucoup trop proche, dont la promiscuité me revient d’un seul coup, maintenant que j’ai envoyer paitre la colère contre moi-même qui m’avait prise. Pourquoi toute ces émotions ? Je veux connaitre mon passé. Notre passé.

Je distingue dans l’ombre que Loki lève un sourcil l’air légèrement méprisant. Alors c’est comme ça hein ? Rousse au bois dormant ? La rousse au bois dormant a des griffes, monsieur le dieu, alors fais attention.

« Et tu as même pensé à me ramener ma veste »

Je résiste à lui envoyer une autre remarque moqueuse. Je ne pense même plus au fait qu’il m’a laissé tomber, maintenant que je suis là. C’est régler. Et c’est pas sur ça que je vais être rancunière, il faut avouer que si ça se trouve, j’aurai fait la même chose. Même si c’était lui.

« Je n’allais pas la laisser à un musicien malpoli. »

Il fallait bien que je cache mon trouble. Parce qu’il est clair qu’il avait vu ce que j’avais fait de sa veste –et autant dire que c’en étant carrément gênant-. Je détourne le regard, observant le jardin. Carrément bizarre. Enfin, comme tous les trucs dans cette ville.

« Joli jardin, cela dit »

J’hausse un sourcil. Joli jardin ? Peut-être, en journée, vu sa taille, cela dit l’adjectif « joli » ne serait pas le premier me venant à l’esprit. Enfin. Je ne dis rien, encore décontenancée, me demandant sans arrêt pourquoi j’ai dormi avec cette fichue veste.

« Ce ... manoir, là-bas. Il est peut-être habité. Would you like to visit it ? »

Habité ? Pourquoi ça me semblerait étrange ? Surement parce que tout semble abandonné dans le coin. Enfin, non, il faut arrêter d’avoir des idées bizarres comme ça. Il y a bien des gens autres que nous ici. J’hoche de la tête, reprenant mon sang-froid, comme si le fait d’être à l’extérieur, et non dans un endroit semblant étroit, je respire mieux malgré la présence proche de Loki. J’arrive à me retrouver, ou plutôt à me perdre un peu moins.

« Oui, allons-y. On trouvera bien quelque chose. »

Clair, net et précis. Pas de besoin de plus. Pas besoin de parler pour ne rien dire. Ah, enfin je te retrouve Chlore.

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