The explorers and the haunting drugstore.

« On ne peut pas le savoir. On ne sait rien du tout de ce qui se passe ici. »

Sans blague. Comme si je n'avais pas remarquer.
Enfin. Je regarda autour de moi. La pièce est poussiéreuse, encore pire que... Que quoi? J'ai l'impression d'avoir un exemple à donner, de connaitre un endroit plein de poussière. Mais encore une fois, je n'arrive pas à savoir quoi.
Avec un soupir de dépit, je laisse tomber l'idée d'essayer de percer ma mémoire. J'ai bien compris que ça ne servait à rien. Au moins, il ne fait pas humide comme à l'extérieur.
Hippocrate commence alors à marcher, jetant des coups d'oeil aux différentes étagères tout en m'appuyant le moins possible sur ma cheville - qui n'a pas apprécié d'avoir du marcher de la barque à ici-. Je mets mes mains dans les poches de mon gilet, mes mains dans les mitaines des manches de ce dernier, ne sachant trop si je dois attendre qu'il trouve quelque chose ou si je dois jeter un coup d'oeil moi aussi. Mais les seuls noms que je vois, je crois en connaitre vaguement quelques uns, alors de là à savoir à quoi ils servent...
L'homme se tourne alors vers moi

« Je crois qu'il y a une pièce là-bas... »

Il croit? Il l'a remarqué ou alors c'est ces espèces de trucs dont il se souvient, comme le fait de soigner? M'enfin. Avec docilité, parce que de toute façon je ne peux rien faire d'autre, je le suis. La pièce est constituer d'un très simple mobilier, sans doute était-il utilisé comme bureau.
Hippocrate commence à ouvrir les armoires, et sachant très bien que je ne saurai l'aider, je remets mes mains dans les poches de mon jean's. Il y a toujours le collier à l'intérieur, que je n'avais eu le temps de mettre avant qu'on ne chute du pont, et je le glisse autour de mon cou avec soulagement. Oui, décidément, il est important.
Un bâillement m'échappe. Pourquoi donc? J'avais du dormir dans le train pourtant. Mais après tout, il faisait nuit. Il est quelle heure?
Une idée me traverse alors, et je sors aussi mon petit appareil photo. Il est différent de celui que j'avais vu dans mes souvenirs, si c'étaient bien mes souvenirs, mais il fait très bien l'affaire. Non seulement je sais qu'il y a l'heure afficher sur l'écran quand il s'allume, mais en plus il y aura sans doute des photos... Des photos et donc mon passé! Des brides d'informations!
Fébrile, j'allume l'appareil en appuyant sur un des bouton du haut. Une fois. Deux fois. J'essaie l'autre bouton à côté, plus gros. Deux fois. Trois fois. A la cinquième, je comprends que ça ne sert à rien.

« En plus, il fallait que je n'ai plus de batterie! »

Puis, relevant la tête, je demande à l'homme, me rapprochant légèrement -j'étais restée sur le seuil-, appuyant le moins possible sur ma cheville pour ne pas qu'elle semble me brûler comme elle le fait à chaque fois que je la sollicite de trop.

« Vous trouvez quelque chose? »

Hippocrate ne tarde pas à me répondre.

«Oui. Viens par là, y'a une chaise, assied-toi, je vais m'occuper de ta cheville. »

Lui obéissant –je n’ai pas le choix de toute façon- je me pose sur la chaise près de lui, être ainsi me rappelant vaguement quelque chose, où plutôt j’ai l’impression que ce n’est pas la première fois que je fais un truc du genre –bon, j’ai bien du aller chez le médecin un jour, ça devait être pour ça. Ne serait-ce que le jour de mon premier souvenir, j’avais du ensuite aller à l’infirmerie avec ce beau garçon-. Beau garçon ? Oula October, tu te calmes, de suite. Arrête de penser des trucs chelou, c’est de pire en pire.
Ça doit être la fatigue. M’enfin. L’homme était reparti alors que j’étais dans mes pensées, du coup je suis assise là, toute seule à attendre. Et je n’aime pas ça. Comme si perdre la moindre seconde me stressait. Génial. Maintenant, tu recommences à psychoter. Reprends-toi avant qu’Hippocrate ne te vois, sinon tu auras encore l’air maline s’il te capte.
Soupirant, je prends alors en main le sablier autour de mon coup. Comme dans le train, les grains tombent un par un, lentement mais sûrement. Pourtant, le bas du sablier reste vide. Je fronce les sourcils devant ça, mais l’homme revient alors.

« Bon. Je vais te faire un bandage. Pour guérir, y'a pas de secret après. Du repos et c'est tout. »

J’hoche de la tête docilement, bien que je ne réponde rien. Je pense toujours au sablier. Je sais qu’il est spécial, c’est comme un… pressentiment. Mais pourquoi ? Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas l’homme frissonner.

« Donne moi ta cheville... Je pense qu'après, on devrait dormir. T'as l'air fatiguée, je le suis aussi. Et ici, on est plutôt à l'abri.... »

Etrangement, sa dernière phrase me surprend. Non, pire. Elle me, euh… fait rougir ? Allo, ici la Terre, October, atterrit ! Mais je crois comprendre ma tête, pour une fois. Un peu grâce à mes deux souvenirs d’ailleurs. En soit, ce n’est pas Hippocrate le problème –il est peut-être tout à fait, voir même plus, bien pour son âge, il reste trop vieux-. Mais, en revanche, je sais que trop bien que déjà, par deux fois en seulement deux souvenirs, j’avais été persuadée d’avoir trouvé l’Amour. Je n’étais qu’une fille qui passe son temps à courir après les garçons ou quoi ?
Cela dit, j’aime moyennement l’idée de dormir. Il le faudra bien à un moment où à un autre, mais non seulement je ne comte pas rester dans cette ville assez longtemps pour avoir à dormir, mais en plus ça revient à perdre du temps… Temps, précieux temps... Et je ne veux pas perdre une seconde avant de rentrer chez moi. Ah et aussi, qui sait s’il ne m’abandonnera pas dans mon sommeil ? Mais d’un autre côté, il vaut mieux que je laisse quelques petites heures à ma cheville, parce qu’on ne sait jamais. Juste de quoi la reposer assez pour pouvoir ensuite ne pas risquer de la fragiliser un peu plus. Qu’elle m’élance ne sera pas grave, mais si j’aggrave ma blessure, je serais dans de beaux draps. Bref.

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée. D’accord pour ma cheville mais… Je ne sais pas, je n’aime pas l’idée de perdre du temps. Et puis, je ne compte pas rester dans cette fichue ville assez longtemps pour avoir sommeil ! »

Oh oh, October, il va de nouveau être reloud avec toi…

Hippocrate bande ma cheville méthodiquement, me répondant :

« Cette fichue ville, comme tu dis, est en effet dangereuse. Tu penses pourvoir l'affronter dans ton état ? Avec une cheville en moins ? Et la fatigue. Ne ment pas. Je t'ai vue bailler tout à l'heure. Et oui, en effet, je ne te quitte pas du regard, parce que malgré tout, je n'ai pas envie que tu disparaisse mystérieusement quelque part dans les rues. »

Ok, un point pour lui. Attends, attends, il a vraiment dit qu’il n’a pas envie que je disparaisse mystérieusement ? Je réussis tout juste à ne pas montrer mon air étonné. Il est quand même un tout petit peu plus gentil que ce que je croyais, moins froid du moins. Cependant, comme s’il se rendait compte de ma constatation mentalement intérieur, il reprend après un soupir :

« Être seul dans cet endroit, ça ressemble à courir droit dans les bras de la mort. Tout à l'heure, en tombant du pont, on a eu de la chance. De la chance et seulement ça. Sans le tapis d'herbe, on serait morts.

Un autre point pour lui. L’utilisation d’un mot que j’avais préféré m’interdire à moi-même –c’est vrai qu’imaginer que ma vie se soit finie au bas du pont m’était plus que désagréable, et tout est tellement pas normal dans cette ville que j’ai décidé de bannir ce mot- me fait frissonner. Mais l’homme se relève alors, me tournant le dos tout en achevant :

« Tu veux sortir dehors, dans l'humidité, comme ça, seule ? Je ne suis rien pour toi, personne. Je n'ai aucun droit de te l'interdire. Mais réfléchis juste bien. Tu ne veux pas perdre du temps ? Si tu meurs, du temps, tu n'en aura plus du tout. »

Un dernier point pour lui. Oh, pas ce verbe non plus… On ne va pas « mourir » non plus, hein ? Les maîtres de ce maudit jeu, qu’ils soient des personnes, des spectres, des pixels ou des gens derrière un ordinateur en train de nous surveiller comme des bêtes de foire, n’ont pas le droit de nous faire mourir ! On ne peut pas mourir !... N’est-ce pas ?
Je lève les mains, sur la défensive, bien qu’il ne puisse pas le voir.

« Ok, c’est bon, je m’avoue vaincu. Pas la peine d’attirer la malchance… Il n’empêche qu’il faut vraiment faire attention au temps qu’on perd. Je ne pense pas que ce soit un hasard, que tout le monde a un espèce de compte à rebours de poche sur lui.

Hé oui, faut pas croire, mais ça cogite là-dessous. Je regarde autour de moi.

« Donc on se pose dans cette partie de la pharmacie ? Ou on regarde encore si on peut trouver quelques trucs ? »

Être au calme, sans trucs bizarre qui poussent des cris dans la nuit noire, sans pluie qui vient boucher la visibilité, sans stress, avec des habits qui ne sont plus autant trempés, je suis calme. Faut croire que quand je suis calme, je réfléchis calmement. Suffit qu’il y ait pas de truc surnaturel.

Hippocrate scrute les deux parties de la salle de la pharmacie, avant de déclarer :

« Je pense qu'on peut s'installer ici. Pour ce qui est du confort, c'est pas encore ça. Personnellement, ça ne me dérangera pas de dormir à même le sol. A notre réveil, on peut aller dans le centre commercial, on trouvera bien des choses pour améliorer le confort du coin. Sauf si tu ne pense pas pouvoir dormir comme ça. »

Je regarde le sol, pas très sure. Non, tu peux le faire October. Pas la peine d’un matelas pour dormir, vu comment tu es fatiguée. Et je me vois mal aller tenter de trouver les rayons literie du centre commercial.

« Ça va aller ? »

J’écarquille les yeux. Il s’inquiète ? Bon, je l’ai définitivement mal jugé. Il est peut-être froid, mais pas méchant non plus. Raison de plus pour pas faire ma difficile.

« Pas de problème »

Il rajoute encore :

« Met ta veste en boule sous ta cheville pour un peu plus de confort. Et pour ton histoire de compteurs... on y réfléchira plus tard, promis. »

Hein que quoi ?! Il a vraiment accepté ? Alors que ça a plutôt l’air de l’enquiquiner ? October, stupide October, arrête d’être surprise. C’est pas super cool pour Hippocrate, s’il savait ce que tu pensais sur lui…
Je m’assois alors par terre, une jambe repliée sous moi, l’autre –celle à la cheville fragile évidemment- devant moi, dans une position ne me tiraillant pas. Appliquant le conseil du peut-être ancien médecin, je prends mon écharpe et l’enlève, ainsi que mon gilet, pour surélevé ma jambe –et puis il fait assez chaud ici-.

« N’empêche, je comprends pas comment c’est techniquement possible qu’on ait tous perdus la mémoire, de façon aussi radicale, dans la même ville perdue, venant du même vieux train, ni qu’ils nous soient rendus par des… boules lumineuses. »

C’est définitivement surnaturel, et c’est pas moi qui psychote cette fois, ce sont tout simplement des faits. Aucun truc rationnel peut expliquer ça. Dans quelle galère on est tombée en allant dans ce train, que ce soit de notre plein gré ou non ?

L’homme se couche à son tour, non sans avoir glisser un « bonne sieste » qui aurait presque pu me faire sourire. Presque. Si je n’étais pas en train de me calmer, perturbée par le simple fait qu’il compte dormir là, dans la même pièce que moi. D’un côté, je suis mal à l’aise parce que je le connais que depuis quelques heures, d’un autre par la simple proximité alors que je dois dormir. Génial. C’est pas ça qui va m’aider.
Il ne répond que par un marmonnement incompréhensible à mon listing de tous nos problèmes. En même temps, je crois qu’il veut presque plus dormir que moi. Ou du moins il n’est pas perturbé comme je le suis, c’est évident. Pourquoi faut-il que mon instinct de fille m’embête maintenant ?
Poussant un soupir, je tente de me calmer, de m’endormir. Et après un temps qui me sembla interminable, après m’être tourné et retourné, le sommeil vient enfin, m’emportant sans même que je ne m’en rende compte.

Un énorme bruit, de ceux très facilement identifiable que font les objets quand ils se brisent, retentit dans la pharmacie, me sortant de mon sommeil avec un sursaut. Pendant un instant, c’est le vide. Sans identité, je ne sais même pas où je suis. Qui je suis. Et, l’adrénaline offerte par ce réveil brutale, je reprends vite mes esprits. October. La ville bizarre, avec les souvenirs anormaux sous forme de boules lumineuses. Hippocrate, que j’ai autant de mal à apprécier qu’à ne pas le faire –oui, c’est vraiment bizarre ça-.
Un bruit me fait alors frissonner, je me relève dans l’instant. Hippocrate, lui, saisit déjà l’objet qui se trouvait au-dessus de l’armoire. Il y a quelque chose de plus dans la pharmacie. Une boule d’angoisse monte dans ma gorge. Et même dans cette situation, j’arrive encore à dire, dans un murmure étrangle :

« Je croyais qu’on était sensé être en sécurité ici… ! »

Et pourtant, je suis Hippocrate sans hésitation. Parce que, les idées de nouveau clair après ce sommeil pas vraiment lourd –et dont j’étais sorti bien violemment, assez pour pas avoir besoin d’émerger-, je me rends compte qu’au final, je fais confiance à cet homme. Bien sur que je ne lui dirais pas.
Alors que je sors à sa suite de la pièce, je remarque immédiatement une forme au milieu de débris de verre. Et heureusement, je comprends que c’est quelqu’un. Un soupir de soulagement serait sorti de ma bouche si je n’avais pas alors remarqué l’état du garçon. Des mèches blondes allaient en tous sens sur sa tête, dont les traits fins semblent crispés dans la semi-obscurité. Hippocrate le soulève alors, et je comprends l’urgence de la situation en voyant un liquide bizarre le recouvrant sur certains endroits plus que d’autres, et son bras d’où une blessure repoussante suinte sans se préoccuper du mal que ça devait faire au garçon.
L’homme-surement-ancien-médecin l’emmène dans l’arrière-boutique, et je le suis, prête à aider. L’homme confirme immédiatement ma pensée en m’annonçant qu’il allait avoir besoin d’un coup de main. Je me sens alors légèrement trembler. Le ton sérieux d’Hippocrate me donnant peur pour le blond, je dis cependant d’une voix qui, malgré son léger tremblement, est assurée :

« Oui. »

Je le regarde l’allongeant sur le manteau resté au sol, et je me tourne déjà vers l’étagère où Hippocrate avait trouvé quelques trucs un peu plus tôt, cherchant déjà des yeux ce qu’il y a dessus. Comme ça je suis prête.

« Des compresses, vite. Et trouve du désinfectant. »

Là. Un sachet, sur l’étagère du milieu, où un tas de compresse dépasse légèrement. Je le saisis, le posant immédiatement à côté de l’homme. Puis, ne pouvant prendre le temps de fouiller des cartons où rien n’est indiqué, je sors rapidement de la pièce, passant dans la partie principale de la pharmacie. Je ne pense même pas à avoir peur, concentrée dans une seule idée. Eviter la mort. Je prends à peine le temps de me faire la réflexion que, décidemment, je semble ne pas apprécier la mort. Qu’importe.
Je regarde les rayons, à toute allure. Je frôle la crise en ne trouvant rien semblant être ce qu’il m’avait demandé, quand enfin mon regard se pose sur un spray recouvert légèrement de poussière. A l’horizontale, il y a écrit « Désinfectant ». Génial. Le saisissant avec rapidité, je retourne dans la pièce, tendant le spray.

« Voilà. »

Je jette un regard angoissé au garçon blond. Il faut qu’Hippocrate y arrive. Il se passe trop de trucs bizarres dans cette ville pour qu’en plus on ait quelqu’un avec de gros problème. Même s’il ne meurt pas, son bras m’angoisse. Je sens que c’est dangereux. Beaucoup trop à mon gout. Qu’est-ce qui a bien pu se passé ?

Le blond murmure alors quelque chose, d’une voix faible. Un prénom pour être précis. Si la situation était favorable pour, j’aurai demandé qui est cette Wendy. Seulement, c’est pas vraiment le moment de poser des questions. Pourtant, le garçon continue à le faire.

«Qui.... êtes vous...? »

J’ai faillit lui dire de se taire, pas la peine d’être médecin pour savoir que vu son état, c’est pas une bonne idée de ruiner ses forces à parler –parce que ça lui semble d’un effort énorme, je me demande même comment il a fait pour réussir à venir, à se trainer, jusqu’ici-, seulement Hippocrate me devance :

« Aucune importance, contente toi de rester en vie pour le moment ok ? Un cadavre dans ma pharmacie, c'est pas un truc qui me tente, pour être honnête. »

Je note avec une pointe d’amusement, qui ne dure qu’une demi-seconde, la façon très possessive de parler de la pharmacie. Mais l’évocation du cadavre me fais une sueur froide. Il ne faut pas qu’il meurt.
La douleur dans ma cheville se réveille alors que je bouge en obéissant aux ordres d’Hippocrate lancer à mi-voix –autant dire que c’est vraiment une situation urgente, pour que j’obéisse ainsi sans problème et sans poser de question-.

« October. Vu l'état de sa plaie, ça va être vraiment vraiment très douloureux, le désinfectant. Je veux que tu tienne son bras sur le sol, d'accord ? Tiens le bien. On doit le soigner.... Et si il crie trop... On va devoir trouver un truc pour le bâillonner. On ne sait pas ce qu'il y a dehors, et je ne veux pas que quelqu'un nous repère... »

J’hoche de la tête une fois le bras plaqué au sol, une grimace en voyant le pue de la plaie. C’est vraiment ignoble comme blessure. Effrayée par ce qu’il va se passer, je ferme les yeux quelques secondes, puis demande d’une voix presque inaudible :

« Il… va s’en sortir ? »

A vrai dire je ne comptais pas lui demander à la base, mais j’ai trop peur de voir le blond se raidir, et expirer… L’image me fait frissonner violemment. Finalement, j’affermis ma prise sur le bras du garçon, me mettant de façon à ce qu’il ne puisse pas boguer, fixant ensuite mes mains.

« Je suis prête. »

Je pense bien que ce qui nous attend ne va pas être une partie de plaisir, pas du tout. Bien que je n’arrive pas à assimiler cela à un souvenir, j’imagine sans problème ce qui va se passer le temps qu’Hippocrate le soigne. Mais après tout ce qu’on a vécut, je dois bien réussir à le supporter. Et la vie de ce garçon en dépend. Je vais pas me mettre à me rouler en boule dans un coin maintenant, malgré que tout me crie de le faire. Je sens ma cheville me tirailler, mais le bras du garçon entre mes mains plaqué au sol m’aide à l’ignorer. Ce n’est pas le moment non plus. Aller October, vous allez le sauver.

Lorsque, finalement, Hippocrate applique la compresse pleine de désinfectant, je dois lutter de toutes mes forces de fille pour ne pas qu’il arrive à sortir de ma prise. Je serre les dents quand je dois utiliser mes deux pieds, et donc ma cheville blessée aussi, pour qu’il ne se débatte pas de trop. L’inconnu pousse des râles, il n’arrive même pas à avoir assez de force pour crier. Je me sens faiblir devant une telle chose, avant de me reprendre. Il faut le sauver, pas s’apitoyer sur son sort. Pendant un moment pourtant, je ressens de façon soudaine et inexplicable un sentiment de douleur et de peur intense. Comme si j’étais à la place de ce pauvre mec. Je me secoue, et les émotions disparaissent aussi vite qu’elles étaient venue. Encore sous le choc, sans comprendre, je maintiens avec automatisme le garçon au sol.Les compresses prennent une teinte écarlate et blanchâtre au fur et à mesure, une grimace m’échappe. Mon compagnon d’infortune –car au final, c’est ce qu’il est- parle alors de sa voix posé.

« Ça va aller. Tiens le coup encore un peu. Et arrête de te débattre, tu perds tes forces pour rien, tu en aura besoin. Et moi je suis débile, je ne sais même pas si tu comprends ce que je dis... »

Je lève les yeux par réflexe, un regard surpris vers Hippocrate, ayant du mal à me dire que j’ai bien entendu. Il s’est traité d’idiot ? Enfin, là n’est pas le plus important. Les compresses semblent un peu plus saines de minutes en minutes, et je n’ai plus besoin de m’épuiser autant qu’au début pour le maintenir. Avec soulagement, je vois le médecin se lever, aller vers la boutique principale. Je devine ce qu’il cherche, et je sens même un soupçon de fierté quand je remarque que j’avais raison alors qu’il revenait avec un bandage. Sans hésitation, il le fixe sur le bras du garçon.

« Bon, ça devrait tenir comme ça. Va falloir te trouver des vêtements propres. Et secs. Sinon, tu va chopper la mort... C'est quoi ton nom, ici ? »

« Ici ». Evidemment. Cette constatation me fait froncer les sourcils. Bien sur, on ne peut pas dire que ce sont nos prénoms après tout. Enfin, j’aime bien celui que je me suis choisie moi. Cela dit je suis sortie de ma rêverie par la main qu’Hippocrate pose sur mon épaule, qui me fais imperceptiblement tressaillir.

« Merci pour l'aide. Oui, il va s'en sortir. Il a de la chance d'avoir mis les pieds ici et d'être tombé sur nous, sinon, il aurait sans doute perdu...
-La vraie chance, dis-je avec un léger fatalisme, pensant aussi intérieurement la fin de sa phrase, ce serait de ne pas être arrivé dans cette ville. Mais oui, merci de l’avoir sauvé. »

J’adresse un sourire, très léger, mais reconnaissant à Hippocrate. Je suis des yeux la main de l’homme qui rabat le manteau sur le garçon. Il a l’air si faible… Je me demande bien ce qui a pu lui arriver. Mais je n’allais pas me jeter dessus pour le savoir, d’abord il reprend un peu des forces, se remet de tout ça. Il demande alors :

« Tu te sens assez en forme pour venir avec nous ? On va chercher des matelas. Sinon, reste ici et dors un peu. »

La surprise de l’entendre dire ça passe très vite. Après tout, maintenant qu’on est réveillés, autant chercher quelque chose pour dormir. Après tout, le peu de temps que j’ai dormi –deux heures tout au plus- n’a pas été extrêmement agréable, sur le sol.

« Et des habits pour lui au passage »

Puis, pris d’un élan d’affection étonnant pour le blond, je lui dit, tout en me relevant –veillant à ne pas appuyer de trop sur ma cheville dont la douleur, si elle s’était calmée grâce à mon rapide repos, me tiraille à nouveau un peu- en regardant ses yeux mi-clos :

« Je m’appelle October, ici. Et lui, rajoute-je avec un léger signe de tête, c’est Hippocrate. Contente que tu sois en vie ! »

Allez savoir d’où me vient ce calme soudain, parce que c’est pas non plus de la joie, mais presque –comparé aux récents évènements-, mais je sens, alors que j’observe encore quelques secondes le garçon, mon cœur faire un bond. Je fronce légèrement les sourcils. Oula October, il t’arrive quoi ?
Me ressaisissant, je regarde la porte de sortie de la pharmacie, attendant le départ.

Le blond se relève alors, semblant chanceler un moment, mais dis finalement de l’appeler Landscape. Mais ce qu’il dit avant m’intrigue. Est-ce que ça signifie qu’il connait son vrai prénom ?
C’est alors qu’il dit, tremblant comme un petit chien perdu effrayé –et non cette réflexion n’est pas méchante, au contraire, je trouve ça mignon, et puis nous le sommes tous un peu en fait, je ne devais pas être vraiment mieux quelques heures, même minutes, plus tôt- il dit :

« Je... Je viens avec vous... Me laissez pas seul... S'il vous plait... »

Avec un sourire compatissant, je lui tends la main pour l’aider à se relever. C’est Hippocrate qui prit alors la parole.

« Bon. On va donc aller chercher de quoi faire de cette pièce un endroit un peu plus... sympa. Histoire de pouvoir dormir correctement, sauf si quelqu'un d'autre décide de rentrer et de casser de précieuses bouteilles de sirop. Il jette un petit regard en coin à Landscape. Non pas que je pense que nous aurons besoin de médicaments, mais si tous ceux qui passent par ici sont dans le même état que toi... »

Comme je relève les yeux pour le regarder, je m’aperçois qu’il regarde son manteau encore au sol, avant de lever sa main et l’observer. Ne comprenant pas trop à quoi ça rime, je ne fait très vite plus attention à ça, suivant l’homme alors qu’il nous fait signe de venir. Je lève alors les yeux vers le garçon blond, à côté de qui je reste sans vraiment trop savoir pourquoi alors que je ne le connais pas, du moins, je l’ai moins côtoyer qu’Hippocrate, observant son teint blême. J’ai juste le temps de me dire que, malgré tout ce qui lui ait arrivé, il reste mignon, avant de me reprendre. Je ne vais quand même pas confirmer cette sensation d’être un cœur d’artichaut tout de même ! Malgré ça, je lui demande :

« Sa va aller ? Puis, après une légère pause, je rajoute. Dis-moi Landscape, Jaden c’est ton vrai prénom ? Comment le connais-tu ? »

Avançant dans la boutique, alors que je fais attention à appuyer le moins possible sur ma cheville, nous rejoignons la porte d’entrée. Est-ce que je suis prête à retourner dans ce monde de fou ? Je soupire. Nous n’avons pas le choix. Je pose ma main sur la poignée, exactement comme lors de notre entrée ici. Bon. Let’s go.