La bise de Morphée

La bise de Morphée 04h-06h

Première arrivée…:

Il faisait froid dans le train. Et il faisait encore plus froid dehors. Les yeux demi-clos, Sugar resta immobile un moment sur le pan de la porte du wagon. Il fixait la petite marche sans trop savoir pourquoi, perdu dans des pensées invisibles, incolores. Rien ne lui revenait et sans éprouver forcément de la tristesse, il éprouvait un certain vide. Mais il ne paniquait pas. Etait-ce parce qu'il avait trop sommeil ? Etait-il si stoïque, d'habitude ? Dormir… Et le froid, ce satané froid, il ne l'aidait pas ! Cette basse température aurait dû être renommée Morphée.
Finalement, il lèva la jambe et un premier pas se posa sur la marche, puis un deuxième. Il était sur le quai. Il continua de fixer le sol quelques secondes, et relèva finalement la tête. Ou est-il ? Et quelle heure est-il, réellement ? Il faisait sombre, il était tard, c'est tout ce dont il pouvait être sûr. Perdu, il était perdu, dans tous les sens possibles du terme. Que devait-il faire ?

Un soupir.
Voyons voir le sens des priorités. Dormir, manger. Voilà ! Il devait trouver un endroit ou dormir. Et il n'avait pas envie de faire le clochard sur ce quai, bien que les bancs auraient eu l'air confortable pour n'importe qui d'aussi assommé. Le visage de Sugar était inexpressif. Survivre, comprendre. N'était-ce pas tout aussi important ? Il fronça les sourcils et, soudain, se tapa les joues avec de petites claques, et leva les bras en l'air en hurlant un « Ooooooh ! » qui ne voulait rien dire. Cela sonnait un peu comme un cri de guerre. Il avait une sorte de petit sourire sur le visage, un sourire fier. Bon, alors, où était-il ?

Il pouvait bien combattre le sommeil encore un peu.
Il fit le tour des bancs, de la poubelle, marcha le long du quai. Pourquoi fallait-il que son wagon soit tout au bout ? Main dans les poches, il lui manquait une écharpe dans laquelle enfouir son nez. Direction les escaliers, il y avait sûrement un souterrain pour rejoindre le coeur de la gare. Il n'était pas assez rebelle pour passer directement sur les rails. Son pas était, enfin, plus décidé et il avançait… quelque part. Il saurait bien où plus tard.

Looking up the sky

Synopsis:

Moi, je croyais qu'aucun homme ne pouvait savoir comment il réagirait face à telle ou telle situation avant de la vivre. Je me trompais. Et la preuve, elle était juste ici.
Comme je l'avais toujours pensé, si je me réveillais un jour amnésique, je ne paniquerais pas. Le problème, c'est que je ne savais pas que je l'avais toujours pensé, justement parce que j'étais amnésique. D'ailleurs, je ne savais plus si j'aimais le bleu, le rouge, ou même les vêtements que je portais.
J'étais perdue.

Comme toutes les personnes qui l'étaient, la première chose qui m'était venu à l'esprit, c'était " Je suis où ? ". Non, pas " Qui suis-je ? ", parce que si un jour, je me réveillais sur un champ de bataille, que je sois moi ou un abricot, je m'en ficherais.
J'étais quelqu'un de perdu, qui venait de se réveiller dans un train, et je n'avais pas besoin d'en savoir plus.

Comme j'étais quelqu'un de perdu, je devais me trouver. Et ce n'était pas en restant là que quelque chose allait changer. Alors j'ai ouvert les yeux, je me suis appuyé sur mes mains, et je me suis levé. Mes bras étaient engourdis, mes jambes aussi. Alors je me suis cassé la gueule.
J'avais honte, mais j'étais toujours vivante.

Finalement, j'ai réussi à me lever, et à tenir sur mes deux jambes. Je suis sortie du Wagon, j'ai regardé dans toutes les directions. Même en bas, des fois que le train aurait roulé sur quelqu'un. J'étais vraiment stupide, mais je m'amusais moi même.

J'ai commencé à marcher. C'est là que je l'ai aperçu. C'était une petite silhouette quand j'étais éloignée , et ça devenait un petit brun tout chétif de près. Je n'avais pas besoin de lui parler pour savoir que je l'aimais bien, mais quand j'ai du le faire, j'ai paniqué.

Je ne savais pas quoi dire, parce que je ne savais même pas si il était perdu comme moi. Quitte à passer pour une imbécile, je lui ai demandé.

« ... Tu te souviens de quelque chose ? »

C'était bizarre comme question, et je ne l'avais même pas vouvoyez. Je n'allais pas passer pour une imbécile, mais pour quelqu'un de malpoli, de bizarre. Et de perdu.

Sabbath

Plus il marchait, et plus il distinguait une silhouette. Cela le ravissait d'imaginer une autre personne ici, il pourrait demander son chemin. Les lumières n'étaient pas très fortes mais, en dépit de l'abondance des coins d'ombres, c'était surtout le fait que cet endroit était désert qui était inquiétant. Un peu comme dans ces jeux vidéos avec des zombies… Ha ! Non ! Il ne voulait pas y penser, ce genre de jeu le répugnait ! Un frisson parcouru Sugar et il continua de marcher d'un pas décidé, son sourire effacé par cette mauvaise pensée et l'air quelque peu abattu.

C'était une femme. Il s'arrêta en la dévisageant discrètement, un sourire poli sur le visage. Elle n'était pas très grande et brune. Une apparence classique, une personne normale. Pas un zombie. Ouf, c'était déjà ça ! Finalement, elle prit la parole avant lui. Il referma sa bouche dans un claquement sec, les sourcils arqués vers le haut, légèrement désolé d'avoir failli interrompre la jeune femme. Il se demandait aussi si elle l'avait entendu pousser son espèce de cri de guerre ? La honte !

« Ha… Heu… » Il fut quelque peu pris au dépourvu par sa question. Taquin, avec une expression de défi, il commença : « Bonsoir, non ? ». Pour faire comprendre qu'il plaisantait, il pouffa un peu et lui fit un visage aimable. « Je ne suis donc pas le seul à avoir tout oublié. C'est un peu effrayant, non ? ». Il disait ça mais n'avait pas l'air du tout effrayé.

Il jeta un oeil autour de lui mais ne vit toujours rien de plus. Les escaliers n'étaient pas loin derrière la fille. D'un geste de main, il l'invita à le suivre. Sugar gardait une attitude décontractée, rassurante, comme il en avait toujours l'habitude. Ainsi, il pouvait apaiser son entourage et parler de tout et de rien pour détendre l'atmosphère.

« C'est peut être un peu égoïste de ma part, mais je trouve ça rassurant de ne pas être le seul dans cette situation… Serrons-nous les coudes, d'accord ? » Son sourire était presque éblouissant malgré l'obscurité. « Ha et au fait, ça risque de ne pas être très agréable de se nommer avec des "tu". Je m'appelle, euh… » Il réfléchit un instant et son regard s'assombrit. Quel était son nom déjà ? « Sugar ! » fit-il finalement en repensant à la bague qu'il avait dans sa poche. Son sourire semblait plus forcé au moment où il avait prononcé son « Nom ».

Looking up the sky

J'étais sauvée. En plus d'avoir trouvé quelqu'un qui partagerait ma route, cette personne s'avérait être adorable.

« Bonsoir, non ? »

Cette phrase là, elle m'avait paniqué. Je pensais qu'il était sérieux, mais il ne l'était pas. Ça, je m'en étais rendue compte seulement quand il me fixa d'un air amusé. Je me suis donc rassurée, je n'étais passée pour une demoiselle impolie qu'à moitié. Rassurant. J'avais donc viré la moue gênée qui avait pris place sur mon visage.

« Je ne suis donc pas le seul à avoir tout oublié. C'est un peu effrayant, non ? »

En fait, maintenant qu'on en parlait, c'était carrément flippant. On était quelque part, mais on ne savait pas où, à un certain moment, mais on ne savait pas quand, et on était quelqu'un, mais on ne savait pas qui. En bref, c'était vraiment effrayant.

« C'est sûr, mais pour le moment... On ne peut pas y faire grand chose. » J'avais souris.

Ensuite, je l'avais suivi sans dire un mot de plus.

« C'est peut être un peu égoïste de ma part, mais je trouve ça rassurant de ne pas être le seul dans cette situation… Serrons-nous les coudes, d'accord ? »

J'avais hoché la tête, souriante. Les choses auraient pu être pire, vraiment.

« Ha et au fait, ça risque de ne pas être très agréable de se nommer avec des "tu". Je m'appelle, euh… Sugar ! »

J'avais oublié mon nom. C'était un sentiment particulier de ne pas pouvoir se rappeler. C'était un vide dans la tête, c'était... Bizarre. Et moi, contrairement à lui, je n'avais aucune idée. Mais alors vraiment aucune. D'ailleurs, je ne savais même pas où il avait pu choisir ce pseudo, même si elle était adorable. Ça lui convenait bien.

« Oh, euh... » J'avais détourné les yeux, ça m'aidait à réfléchir. Mais rien ne me venait à l'esprit. « J'aime bien qu'on m’appelle " Tu " parce que, euh... »

C'était faux, et je devais dire la vérité.

« ... Désolé, je n'ai pas d'idées. » avais-je fais, un peu honteuse.

De toute façon, nous étions arrivés à l'escalier, et je m'empressa de passer en tête du groupe. Les marches franchies, je leva les yeux. Au dessus de nous, le ciel, grand, écrasant, infini.

« Tu ne trouves pas que le ciel, c'est vraiment quelque chose de joli ? Skye... C'est pas mal, non ? »

The sky is empty, tought

« Oh, euh... J'aime bien qu'on m’appelle " Tu " parce que, euh... »

Sugar ne put s'empêcher de rire. J'aime bien qu'on m'appelle « Tu » ! Haha, c'était tordant. C'était évident que ce n'était pas vrai, mais c'était adorablement mignon de se chercher une excuse comme ça. Sûrement riait-il un peu trop fort car la demoiselle sembla un peu honteuse.

« ... Désolé, je n'ai pas d'idées.
- Pardon ! » s'excusa-t-il en essayant de contenir son rire. « Bah, on peut pas dire que j'ai été très original, c'était un peu facile. Par contre, ce serait mieux que tu aies un nom tu ne crois pas ? Un "tu" n'est pas assez joli pour une belle femme comme toi, non ? »

Il lui fit un sourire confiant. Il complimentait sans arrière-pensée, et on pouvait sentir sa sincérité simple, agréable. Puis son regard se remit face à lui, observant chaque chose présente tandis qu'il grimpait les marches. C'était une gare tout ce qu'il y a de plus banal pensa-t-il une fois arrivé au pied de l'escalier. En levant la tête, il cherchait un quelconque panneau indiquant la sortie. C'était grand mine de rien.

« Tu ne trouves pas que le ciel, c'est vraiment quelque chose de joli ? Skye... C'est pas mal, non ? »

Sugar se tourna vers la femme avec un petit sourire, arrêtant le pas. Puis il la dévisagea quelques secondes. C'était fort impoli et son regard était insistant. Finalement, il sorti d'une traite :

« Oui, je trouve que ça te va très bien ! » Il souriait à pleines dents. « Tu m'as l'air d'être une personne pensive, en tout cas sensible. Quand je dis sensible je veux pas dire chochotte, hein, enfin j'espère que tu m'as compris ! Bref, tout ça pour dire que Skye te va à ravir. Je t'appelerai comme ça dorénavant, ok ? » Il laissa échapper un petit rire et lui tourna le dos. Il fronça les sourcils. « Il ne semble pas y avoir de carte… » lâcha-t-il finalement dans un ton plus bas.

Regardant autour de lui, il remarqua une grande horloge. Huit heures ? Il faisait bien noir pour qu'il soit aussi tôt. Il réfléchit. Levant légèrement son pied, il remarqua une plante écrasée par son talon. Non. L'horloge devait être arrêtée depuis longtemps.
Instinctivement, il emboîta le pas puis s'arrêta net.

« Oh, pardon, je marche mais… Je sais même pas ou je vais et j'ai pas envie de te laisser derrière ! » Il se tourna vers la jeune femme. « Skye… On fait quoi ? Je sais pas toi, mais moi, je commence à avoir sérieusement sommeil et un peu faim, aussi. On va chercher un hôtel ou quelque chose comme ça à l'extérieur ? »

Il gardait ses mains bien enfouies dans ses poches. Il avait toujours aussi froid et d'ailleurs, de la buée sortait de sa bouche quand il parlait. Il ne pouvait s'empêcher de se trouver étrange, d'être aussi calme alors qu'il était amnésique. Pire : il n'était pas seul dans ce cas. Qu'est-ce qu'il se passait, à la fin ? Enfin, une question pourtant essentielle lui effleura l'esprit : pouvait-il retrouver ses souvenirs ?

I was born for this

" Belle femme", " Pensive. ", " Sensible ".
Sugar était gentil. J'aurais aimé être tout ça à la fois, mais l'image qu'il avait de moi était brouillée. Lui était trop adorable, trop enfantin. Et ce qui me navrait, c'est que j'étais la même. Et l'équipe doucereuse que nous formions m'inquiétait. Quelque chose basée sur la bonne entente mutuelle, la sympathie des uns pour les autres, l’honnêteté et l'aide qu'on ne refuse jamais d'apporter... C'était cliché certes, mais c'est ainsi que je voyais les choses.

Ça allait le faire ?
Oui.
« Oh, pardon, je marche mais… Je sais même pas ou je vais et j'ai pas envie de te laisser derrière ! » Il se retourna vers moi, l'air confus. « Skye… On fait quoi ? Je sais pas toi, mais moi, je commence à avoir sérieusement sommeil et un peu faim, aussi. On va chercher un hôtel ou quelque chose comme ça à l'extérieur ? »

C'est vrai que dans la catégorie gens-qui-ne-savent-plus-trop-quoi-faire, on excellait tous les deux. On était des perdus, des vrais, des uniques.

« Il faudrait trouver un toit, c'est vrai... Il y a des maisons par ici ? » Dans la logique, dans une ville, aussi délabrée soit-elle, il y en a. Et dans cette même logique, la question à se poser, c'est... « Il faut choisir une direction pour avancer. On va à l'Est ? On dit que c'est le côté du bien. » Techniquement parlant, c'était à droite. Pas à l'Est. Et d'ailleurs, la gauche était le côté du mal, donc.
J'avançai.

La ville est silence. Seul un vent sourd résonne. Le sol mouillé prête à penser qu'une pluie légère s'est abattu sur la ville. Elle annonçait le début d'un voyage singulier, elle annonçait le début d'une marche matinale. C'est chose faite.

Notre errance allait être longue, très longue.

Le temps est long sans mémoire.
Est-ce pour couper court à la lenteur de ce vagabondage que le souvenir s'échappa de la Tour ? Toujours est-il que la petite sphère lumineuse se mit à éclairer la pénombre de l'aube naissant pour voleter autour de Skye.
Tiens-tu à retrouver ton passé ?

Spoiler:

[HRP] Afin de coller avec la suite de leur trajet où-ils-ne-savent, suite du RP ici : https://nulle-part.forumsrpg.com/t450-je-ne-sais-plus-ou-sont-les-priorites#6769 [/HRP]

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