Viens on fait une grande place avec des statues et on l'appelle : "La grande place avec des statues" !

10h – 12h

Dans un premier temps, il avait commencé à se mettre en marche et suivre le parfait inconnu, prenant de grandes pincettes pour ne pas se faire lui-même pincé. Puis dans un second, cette luciole était venue se poser devant ses yeux. Il soupira à nouveau, l’une de ses activités favorites, il n’avait pas de temps à perdre avec un insecte en ce genre s’il ne voulait pas perdre de vue cet homme… Enfin certes pour perdre de vue, il faudrait pour cela voir, et ce n’était pas avec la faible lueur de celle-ci qu’il allait pouvoir améliorer cette situation. Il se contenta donc de la contourner avant de continuer de suivre l’homme au loin.

Au fur et à mesure, les pas continuent et font bouger la mélasse à leurs pieds, les effluves nauséabondes remontent bien entendu mais l’objectif reste présent, suivre l’homme sans faillir. Et puis, au fur et à mesure qu’ils avancent, les lieux semblent changer. Il ne parvient pas à le voir, mais le résonnement des pas changent, la galerie s’élargit-elle ? Se rétrécit-elle ? Aucun moyen de le savoir, mais l’homme continu d’avancer. Le petit blond plisse les yeux pour tenter de voir la silhouette devant lui, mais rien à faire, elle est trop… Trouble. Pourquoi ? Telle était la question… Et puis cette luciole qui revient l’embêter…

« T’es encore là toi ?! »

Il tente alors de l’écarter d’un geste vif de la main, entrant en contact avec celle-ci...

La souvenir s'infiltre dans la mémoire de Caruso, l'emplissant toute entière....

Caruso:

Le clapotis de l’eau derrière lui avait rapidement indiqué qu’une des personnes tombées dans les égouts l’avait suivi. C’était une bonne nouvelle en soi : après tout, même si la personne en question ignorait dans quoi elle avait mis les pieds, le fait qu’elle le suive ne pouvait que l’arranger.
Pauvre petite brebis égarée.
Il l’avait entendu s’immobiliser à un moment donné, mais malgré la tentation il ne s’était pas arrêté, s’arrêtant juste à son tour, histoire de ne pas le perdre. Son regard avait balayé rapidement les environs avant d’être finalement attiré par ce qui semblait être une empreinte luisante. Il n’y en avait pas qu’une lui apprit un examen plus approfondi : elles étaient toute une volée qui s’enfonçait plus profondément dans les boyaux humides et suintants.
Dès qu’il entendit l’autre derrière lui s’agiter à nouveau il reprit sa route, suivant résolument le chemin tout désigné, ignorant vers quoi il allait – mais, après tout, il s’agissait de l’unique piste qu’il avait.
Il finit par se retrouver face à une porte qui luisait étrangement.
Le blond soupira, posant ses mains à plat avant de pousser, priant quelque dieu inconnu que la porte s’ouvre, qu’il puisse entrer et quitter ce coin humide et crasseux. Parce que bon, ça allait bien cinq minutes les égouts mais à la longue, c’était plus agaçant qu’autre chose.

Qu’est-ce que c’était que ça ?! Sincèrement ! C’était comme si une image rémanente avait envahi toute sa tête… Et cela semblait… Étrangement familier… Alors c’était de ça dont Dragon avait parlé… Un souvenir… Les acteurs de ce rêve étrange étaient restés flous et c’était bien dommage, mais il était certain d’une chose : il avait un frère et une sœur. Et autre chose, cette information n’était pour le moment d’aucune utilité. Dans l’heure, une seule chose importait, suivre le blond dans la galerie et ne pas le perdre. Mais qui savait combien de temps il était resté dans son « coma ». Il n’entendait plus de bruit dans l’eau. Était-il déjà parti loin de lui ?

Il fit un pas rapide pour se remettre en marche sans perdre de temps, et un autre résonna alors plus loin lui faisant écho. Il n’avait pas bougé ? Le temps qui s’était écoulé durant son demi-sommeil avait-il été si court ? Non… Il était certain d’avoir eu une léthargie certes courte, sans doute une minute, mais l’homme aurait dû avoir le temps de s’éloigner… Mais alors… Il l’avait attendu ? Pourquoi ? À peine quelque minute plus tôt, il l’avait limite envoyé bouler… Quoi que fasse cet homme, il avait un plan en tête, et s’il tendait un piège, les chances de tomber dedans étaient fortes… Mais cela ferait bouger les choses et révélerait les véritables intentions de… Caruso se stoppa à peine une demi-seconde. Il n’avait pas vu grand-chose dans cette obscurité, mais il lui semblait avoir vu un être difforme devant une lueur bleuté… Non, il s’agissait forcément d’une erreur… Ses yeux ne devaient simplement pas être accoutumés à l’obscurité. Caruso marqua la distance qu’il s’était imposé, observant de loin l’homme ou plutôt dans l’heure, la « chose » qui semblait faire des efforts pour bouger une porte.

La porte cède sous la pression. Tout est sombre, sur les murs des runes fluorescentes de couleur orange s’entremêlent. L’air est humide et oppressant. Silence pesant, brisé seulement par le bruit de gouttes qui s’écrasent à fréquence régulière sur le sol un peu plus loin. Sur l’un de murs les runes bougent pour inscrire ce message, anodin peut-être : « Il fait froid dehors ».

Sous ses doigts la porte pivota. Comme si tout ce qui la retenait jusque-là venait de brusquement céder, le panneau de bois glissa doucement, s’ouvrant sur une pièce dans laquelle le blond s’empressa d’entrer.
A l’intérieur, tout était sombre – ou presque. Des rais de lumière orange glissaient sur les murs, le bruit des gouttes qui s’écrasaient régulièrement au sol. C’était humide, sombre. Et il faisait froid. Ce qu’il ne semblait pas être le seul à penser – haussant un sourcil appréciateur, le blond put observer les rais lumineux des murs se rassembler, inscrivant un message qui concordait parfaitement avec ce que lui-même pensait.

« Je ne peux qu’être d’accord. »

Soit, il parlait à un mur – mais honnêtement, rien de ce qui pouvait se passer ici ne pourrait le perturber plus. Après tout, il était arrivé il ne savait comment dans un train, s’était retrouvé téléporté dans une salle des machines, était passé à travers une trappe ou un trou pour atterrir dans un parc d’attraction souterrain et s’était finalement engagé dans des égouts après un détour par le palais des glaces.
Tout était absolument normal, voyons. Il n’y avait rien qui clochait et ce putain de pressentiment qui lui tiraillait les tripes depuis deux bonnes heures n’avait absolument rien d’inquiétant.
Ou si peu.

« Où sommes-nous ? »

Le mur allait-il répondre ? Ce serait intéressant.
Il jeta un coup d’œil dédaigneux en arrière, apercevant la silhouette de l’autre type, histoire de s’assurer qu’il n’était pas trop loin – ce serait dommage que son petit pigeon s’envole.

Et cette porte finit par pivoter lentement, très lentement. Cela témoignait parfaitement des efforts que l’homme devait faire pour la déplacer. Ce n’est que lorsqu’il franchit la porte à la hâte que Caruso accéléra le pas pour ne pas qu’elle se referme sur lui, priant pour pouvoir tout de même rester loin de cet homme, jugeant mal de la distance à cause de l’obscurité ambiante. Cette nouvelle pièce dans laquelle ils venaient de pénétrer était… Étrange, pour ne pas dire, mystique. Un ensemble de couleur luisait faiblement dans l’obscurité pour rappeler à Caruso qu’il ne croyait pas au spiritisme, mais que les fables qu’on lui racontait démarraient souvent ainsi. Cette hypothèse fut d’ailleurs confirmé par la réunion des traits en un message simple : « il fait froid dehors ». Le regard du petit blond se haussa sans qu’il ne comprenne tout à fait. Comment ? Pourquoi ? Sa curiosité naturelle revenait au grand galop sans qu’il ne puisse rien faire pour la stopper.

Il entendit alors la voix de son compagnon improvisé non loin de lui. L’homme était bien plus proche que prévu ! Il fit alors plusieurs pas saccadé pour s’en éloigner à nouveau de manière raisonnable. Pourtant, la pièce ne lui permettait pas et il était encore bien trop proche à son goût… Peut-être que cette distance serait comblé en quelques pas… Si l’homme avait une idée de l’endroit dans lequel il se trouvait. L’obscurité qui régnait tout de même en maitre jouait quand même en sa faveur.

« Je ne peux qu’être d’accord. »

Caruso failli s’étouffer. Sérieusement ? Il parlait avec un mur ? Il devait y avoir un sérieux problème avec les gens qui venaient ici… Et puis qu’en savait-il d’abord ? Ils se trouvaient certes en un endroit où il ne faisait pas chaud mais… Ce qui ne coïncidait pas était le « dehors »… Pourquoi dehors ? Ils se trouvaient actuellement en intérieur même si l’on pouvait rêver mieux comme intérieur. Mais ce « mur » leur parlait de dehors… Menait-il vers l’extérieur ? Était-ce une énigme ? Il ne lui avait pas semblé qu’il faisait si froid lorsqu’il se trouvait à la gare… Peut-être que ce mur menait à un lieu froid en extérieur ?

L’homme posa une autre question au mur. Sur le moment, il n’y eu pas de réaction, le petit blond se sentit donc l’obligation d’intervenir.

« Sous terre, dans le prolongement des égouts. Mais ça tu le savais. »

Même si son ton avait été quelque peu insolent, il ne voulait pas se donner d’air supérieur outre mesure car pour le faire, il aurait fallu qu’il ait des réponses aux questions qui se posaient, or, il n’en avait pas. Pourtant, malgré tout, l’homme paraissait vif d’esprit, peut-être qu’en lui communiquant des données, il pourrait en récupérer de nouvelles…

« Un lieu froid en extérieur. Est-ce possible ? Quelque chose derrière un mur par exemple ? À moins qu’il ne faille la réponse à une énigme… »

Rester bref, il n’avait pas envie de partir dans une discussion longue et de toute façon, cet homme paraissait bien plus détaché que Dragon un peu plus tôt, sans doute que cela lui suffirait pour comprendre où il voulait en venir.

Étrangement, l’idée de taper la causette avec un mur lui déplaisait moins que celle de faire l’effort de se tourner vers le gosse derrière lui pour lui parler. Comme quoi, le contact humain, c’était pas vraiment pour lui. Toujours est-il qu’il avait commencé à parler au mur, comme si c’était tout à fait normal et pas du tout inquiétant. Après tout, un peu plus ou un peu moins d’étrangeté dans ce lieu…
Et pourtant, bien qu’il lui ait sciemment tourné le dos et ignoré tout le long du chemin, le type derrière lui se sentit obligé d’ouvrir la bouche pour répondre à une question qui ne lui était pas destiné. C’est pourquoi le blond reprit la parole, la voix coupante comme le fil d’une lame et plus que glaciale.

« Je pense que tu es suffisamment intelligent pour comprendre que je ne m’adressais pas à toi. Et si ça peut te contenter, j’ai bien évidemment remarqué qu’on était toujours dans les égouts. Je suis plutôt rassuré qu’un imbécile comme toi l’ait également constaté, comme quoi ton cas n’est pas totalement perdu. Par contre, ton raisonnement est plus que limité. Un lieu froid en extérieur ? Réfléchis cinq minutes à la stupidité de ta logique. Et la prochaine, garde tes âneries pour toi à moins que tu n’aies quelque chose de pertinent à dire. Je n’ai pas de temps à perdre avec quelqu’un qui raisonne comme un crétin. »

Il siffla légèrement, agacé, commençant à avancer le long du mur, sa main posée sur la surface froid, observant d’un air concerné les runes. Il allait faire le tour de la pièce, au moins le temps de se calmer. Ce mec l’agaçait et l’envie de lui en coller une le démangeait – il ne lui restait plus qu’à trouver une raison pour ça. Quoi que « sa voix ne me revient pas » constituait-elle une raison suffisante pour s’en prendre l’esprit léger à quelqu’un ? Moui, il devait pouvoir s’accommoder de ça…
Toujours est-il que la vraie question était plutôt : qui communiquait par ces runes ? C’était évident que quelqu’un leur parlait, ou avait au minimum laissé ce message derrière lui. Mais comment cela s’activait ? Est-ce qu’il lui serait possible de communiquer par cet intermédiaire ? Pourrait-il avoir des réponses ?
Il avançait toujours, s’approchant des runes lumineuses et se glissant quelques instants dans leurs lumières étranges, sa silhouette désormais difforme se dessinant en ombre chinoise sur le sol…

Ce n’est pas la réponse attendue. Des étrangers ont pénétrés leur domaine. Les runes se colorent de vert et un bruit sourd se fait entendre. Crissement et frottement de pierre, un mur s’ouvre un peu plus loin. Une lumière bleue se dégage de la salle sur laquelle il ouvre. C’est la seule issue possible à présent, la porte est verrouillée derrière Caruso.

Dans le même temps, une petite sphère de lumière se matérialise dans la salle. Elle accorde un nouveau souvenir à Katana. Que comptes-tu faire, petit jouet ?

Le petit blond s’était concentré tant et si bien que le reste n’avait plus que peu d’importance. Aussi, les réponses sèches que lui adressait l’homme qu’il avait pourtant suivi jusqu’à présent ne tiquèrent même pas en son esprit. Sans doute que s’il avait tenté d’y prêter une oreille attentive, il se serait rendu compte de sa propre erreur et serait parti dans la direction opposée, après tout, si cet homme passait plus de temps à injurier qu’à réfléchir, cela voulait simplement dire qu’il l’avait surestimé. Mais Caruso continuait à réfléchir, déjà égaré dans ses pensées les plus lointaines, réfléchissant à la possibilité de résoudre une éventuelle énigme. Un lieu froid en extérieur… Ou alors devait-il répondre de manière inversé, par exemple une réflexion sur le fait qu’il fasse chaud en intérieur ? Peut-être était-ce en réalité quelque chose de plus complexe, mais il manquait de donnée pour pouvoir résoudre un quelconque problème. En l’absence de données, il se recentra sur ce qui l’entourait et le moment présent.

« … raisonne comme un crétin. »

Caruso haussa un sourcil. Il parlait de lui ? Entre la personne qui causait à un mur et celle qui s’adressait à un humain, laquelle était la plus irrationnelle ? Mais il se contenta d’un soupir. Nul ne servait d’avancer ses idées alors… Peut-être que finalement cet homme était aussi logique que Dragon… Peut-être que le gamin se serait avéré plus utile finalement… Sentant l’homme s’éloigner, il commença à détourner les talons pour retourner en arrière, mais les choses n’allaient pas se passer ainsi. La porte claqua violemment alors que les runes viraient au vert. Avaient-ils déclenché quelque chose ? Un craquement sonore se fit entendre, mais le petit geek ne tourna pas de suite la tête, préférant d’abord exercer une pression sur la porte qui ne bougea pas d’un pouce… Définitivement, il était coincé. Mais alors que son cœur commençait à s’emballer, son cerveau lui imposa de se calmer. En se tournant il vit une nouvelle brèche dans le mur que l’autre type avait sans doute du remarquer aussi. On leur imposait de suivre une route, une nouvelle fois, on les contrôlait à distance… Qu’importe ce qui se trouvait plus loin, que ce soit bon ou mauvais, ils se jetaient de toute façon tout droit dans la gueule du loup… C’était ainsi ? Très bien ! Caruso commença à avancer dans la direction de la faille qui venait de s’ouvrir. Il allait jouer le jeu, mais quel que soit la personne qui les guide, elle allait avoir un adversaire de taille, cette partie n’était pas jouée d’avance. Une fois engagé, il allait gagner, peu importait comment.

Il y avait quelque chose chez le gamin derrière lui qui l’agaçait prodigieusement. Sa manière de parler, de réagir, de respirer. Quelque chose, un rien qui l’incitait, qui le poussait à vouloir le frapper et le faire enfin taire. Parce que s’il y avait bien quelque chose qui lui tapait sur les nerfs, c’était ces gens qui parlaient à voix haute pour ne donner que des fragments de réponse. « Il fait froid dehors »… Un léger sourire lui échappa. Quelque part au fond de sa mémoire, ça lui rappelait une vieille comptine, un vieux chant qu’une voix chantonnait à son oreille. Qu’était la suite, déjà ? Il fait froid dehors…

« Moi je suis dedans… »

Son sourire s’accentua. Les paroles lui avaient échappées. Un vieux chant d’hiver… Il glissa une main dans ses cheveux, reniflant légèrement en constatant que la porte derrière eux s’était refermée dans un sourd grondement et qu’une autre s’était ouverte. Les runes étaient devenues vertes. Il soupira une nouvelle fois – qui s’amusait à les guider ainsi ? Ils n’étaient pas seuls. Il y avait quelque chose, un truc qui les guidait sans hésiter. Il entrouvrit les lèvres, avisant ensuite une boule lumineuse qui voletait à ses côtés. Une boule de lumière… Comme avec la gamine. Était-ce un souvenir, ça aussi ? Avec intérêt, il tendit les doigts, effleurant l’orbe lumineux avec méfiance.

La mémoire revient à Katana, naturelle, à sa place....

Katana:

Il arrive de là 12h -14h

Ses paupières se soulevèrent lourdement mais se rabaissèrent aussitôt. Une sensation étrange mais qui commençait presque à lui être familière l'envahit. Il bougeait d'endroit sans trop le réaliser. Son esprit était confus, il voyait encore cette douce lumière, celle du reflet de l'eau tandis qu'il s'enfonçait dans les profondeurs de ce lac. La téléportation terminée, il sentit de nouveau de l'eau et se redressa d'un coup, stimulé par ce toucher qui l'effrayait. Toussant, le liquide ayant empli ses poumons sortit pour rejoindre celui qui l'entourait. Essoufflé, le blondinet garda le visage rivé vers le sol, les fesses dans l'humidité. Il essayait de reprendre une respiration normale, de faire disparaitre cette panique qui s'était emparée de lui. La mort ne lui plaisait pas. Il refusait de mourir et lorsqu'il se sentit un peu mieux, il ferma une nouvelle fois les yeux, prenant une grande inspiration qui manqua de l'étouffer. La puanteur qui régnait dans les lieux l'avait pris à la gorge et une toux de plus le saisit. Toutes ces aventures étaient surement mauvaises pour sa santé... Non pas qu'il s'en inquiète particulièrement.

Avec difficulté, Vodka quitta les eaux stagnantes pour se lever. Ses jambes tremblaient un peu à cause du choc doublé de la téléportation. Il fit quelques pas en avant pour trouver un coin au sec et déposa sa main sur le mur pour se tenir. Ceci fait, il se mit enfin à regarder autour de lui... Un homme se tenait là et son cœur manqua un battement.

"T....Taiga ?"

Lui ? Pourquoi maintenant ? Alors qu'il se trouvait au plus faible il fallait qu'on le mette sous le nez de ce connard ! Pourtant, son seul désir était de se mettre dans ses bras et de le serrer. Enfin... à y regarder de plus près, il y avait quelque chose d'étrange avec lui et ça le rendait pas particulièrement désirable. Son... corps semblait difforme et un de ces sourcils clairs s'arqua.

"T'es passé à la machine ou quoi ?"

Il avait vraiment une gueule de merde et cela permit au blondinet trempé de récupérer ses moyens, ou plutôt sa stupidité habituelle. Lâchant le mur, il s'étira un peu avant d'approcher de l'homme qui l'avait tant martyrisé par le passé. Arrivé non loin, il retira le petit pull qu'il avait enfilé dans le supermarché pour l'essorer un peu. Au final, torse nu semblait être sa destinée.

Du mépris. C’est avec un sourire suffisant aux lèvres que le blond reprend contact avec la réalité, ouvrant ses pupilles anis sur le reste de son monde – qui se composait actuellement d’une porte, de murs et d’un sol suintant les égouts. Pas vraiment le palais dont il aurait pu rêver, mais il faut bien commencer quelque part, n’est-ce-pas ? Et puis, ce souvenir dont on l’avait gracieusement gratifié avait de quoi être plaisant – il avait indéniablement toujours été aussi… Lui-même. En un sens, c’était rassurant : que ce soit dans cette réalité ou dans une autre, il était toujours la même personne. Une personne sans nom mais qui visiblement avait des goûts plus que corrects en matière de proie. Le dénommé « Nakajima » était plus qu’appréciable pour les yeux.

Il daigna ensuite s’intéresser à ce qui l’entourait, notant le silence total venant de l’autre gamin mais ne s’en préoccupant pas plus que ça. Après tout, il avait parfaitement démontré son inutilité jusque-là, donc pas la peine de s’en faire pour lui. Par contre, le bruit de chute dans l’eau le fit tiquer. Sérieusement ? C’était le quatrième. Ca en devenait… Lassant, à la longue. Il soupira légèrement, avançant de quelque pas quand une voix se fit entendre.

« T… Taiga ? »

Le type l’avait appelé… Taiga ? Il fronça les sourcils. Ca ne lui disait rien, mais visiblement l’inconnu avait l’air de le connaître. Il s’avança encore, cherchant à avoir une meilleure vue de l’inconnu. Puis finalement, il se tint devant lui, étudiant avec sérieux les traits de son visage, retrouvant quelque chose de familier dans ces pupilles, dans ce nez, ce visage, ces lèvres. Comme s’il les connaissait. Quelque chose qui lui tordait l’estomac, qui le rendait presque… Nerveux. Et qui surtout, surtout, lui donnait envie de le faire rougir de colère. Taiga… Etait-ce lui ?

« … Tu me connais ? »

La question était posée d’un air légèrement hautain, avant que le type en face de lui n’enchaine. Passé à la machine ? De quoi parlait-il ? Il voyait les yeux de l’autre le fixer obstinément. Il baissa les yeux, les sourcils froncés, jetant un d’œil à la lumière, puis à son ombre.
Il retint sa respiration.
Il y avait quelque chose. Quelque chose qui n’était pas normal, qui n’était pas correct. Quelque chose qui lui donna une crampe d’estomac et le fit ciller. Putain, où était passé son corps magnifique et qu’était cette chose qu’il était désormais ?
Il détourna lentement les yeux de sa silhouette, refusant d’affronter cette chose en face et préférant toiser méchamment le type qui n’y était pour rien mais n’avait que le malheur d’avoir croisé son chemin.

« T’es qui ? D’où tu me connais, toi ? »

Il ne l’avait jamais vu avant d’ouvrir les yeux dans le train. Il en était certain. Alors…
Pourquoi se sentait-il ainsi ? Comme s’il était…
… Important ?

Vodka sentit son cœur se serrer douloureusement en entendant les propos de l'autre blond. Il ne se souvenait pas de lui... Peut-être qu'au final, Misha était le seul à tenir à Taiga. Peut-être était-ce à sens unique ? Qu'en savait-il ? Il ne se souvenait que de deux misérables scènes sur toute sa vie ! La colère montait lentement en lui à cause de sa douleur. Il ne savait rien, il ne connaissait personne... Il ne se connaissait même pas lui-même. Jouer à l'idiot permettait d'oublier tous ces facteurs inquiétants voire effrayants pour certain mais là, le blondinet n'avait plus envie. Lentement, il fit un pas en arrière pour reculer, s'éloigner de la source de sa souffrance.

"Je sais que tu t'appelles Taiga. Faut croire qu'on se connait mais c'est sans importance.... Tu t'en souviendrais sinon tu penses pas ?"

Ses yeux verts le fixaient durement. Depuis son arrivée, il s'était montré presque sérieux par moment mais jamais ainsi... jamais si refermé. Il remit son pull, frissonnant de froid mais ce morceau de tissu encore humide ne servit pas à grand chose. Un juron lui échappa alors qu'il se détournait. Comment sortir de cet endroit ? Il se mit à observer un peu les lieux... Ca ressemblait fort à des égouts, autant visuellement qu'au niveau de l'odeur d'ailleurs. Il voulait se changer les idées, prendre une grande bouffée d'air frais... Son regard ne se posait plus sur l'homme déformé, il préférait erreur sur les murs sales que de devoir soutenir le sien.

"Sans importance oui..."

Les mots avaient été murmuré. Le blond se parlait seul, avec amertume. Comment pouvait-il se mentir à ce point ? Tout son corps lui indiquait le contraire. Ses envies qu'il ne comprenait pas, son instinct qui lui indiquait qu'il pouvait avoir confiance en Taiga mais non... il rejetait. C'était sans importance, tout n'était qu'une illusion douloureuse. On se jouait de lui.

Il l’observait avec une curiosité somme toute naturelle : après tout, qui ne serait pas intrigué après avoir entendu quelqu’un vous interpeller comme s’il vous connaissait ? Pourtant, la réaction de l’autre fut plus que surprenante. Le visage se ferma tandis qu’une légère douleur s’échappait sur son visage. C’était quoi, ça ?
Il serra les lèvres. Puis il y eut un changement imperceptible ; le type recula, comme un animal acculé dans un coin. Comme s’il avait peur, comme s’il voulait se protéger – et le blond ne comprenait pas pourquoi ? Pourquoi il lui répondait aussi sèchement, pourquoi il le fixait avec hargne. Sans importance ? Pourtant, au creux de son corps, quelque chose lui soufflait que ce n’était pas aussi anodin. Qu’il ne devait pas le laisser croire ça, parce que ce n’était pas vrai.
Pourtant, il ne dit rien.

« Je m’appelle Taiga, alors… Il souffla, haussant les épaules en examinant le mur. Ce n’est pas comme si j’avais choisi ce dont je voulais me souvenir. Eh, pourquoi se sentait-il obligé de se justifier ? C’était mauvais, très mauvais – et même carrément inacceptable. Ce n’est pas parce que tu croise quelqu’un dont tu te souviens que les autres s’en souviendront aussi. Et puis… Et puis, il y avait cette boule, cette envie de le taquiner, de le provoquer, de le faire rougir jusqu’à la honte ou la colère. Mais ça, il le garda pour lui, secouant la tête en passant une main dans ses cheveux, grimaçant à l’odeur de sa manche – l’odeur de l’égout l’avait littéralement imprégnée. Enfin. »

Il lui jeta un coup d’œil, observant le pull bien trop fin et surtout trop humide, trop moulant qui dévoilait absolument tout du torse qu’il feignant de cacher. C’était vraiment un beau garçon. Pourquoi ne se souvenait-il pas de lui ? Il n’y avait que ces impressions rémanentes, comme s’il se trouvait là où il devait se trouver, avec la personne qu’il fallait. Il poussa un nouveau soupir, retirant sa veste pour la poser sur les épaules du garçon en silence, ses yeux verts intimant le silence à son interlocuteur avant de lui tourner le dos, s’éloignant de quelques pas.

« Tu viens ? On ne va pas rester encore deux heures ici. Il y a forcément une sortie quelque part. »

Comme si tout était à sa place depuis son arrivée ici. Il lui jeta un coup d’œil, ouvrit la bouche puis la referma. Les questions seraient pour plus tard. Il voulait bien lui accorder ça.
Puis il recommença à avancer, oubliant complètement le type de tout à l’heure.
Celui qui venait d’arriver était tellement plus intéressant.
Il lui avait amené tellement plus.
Son nom.
Et un lien.

Le blondinet avait juste envie de lui dire de se taire. Pourquoi se justifiait-il maintenant ? N'avait-il pas précisé que c'était sans importance ? Il ne voulait pas l'entendre dire tout ça. Il ne voulait pas et désirait hurler pour qu'il la ferme mais les mots ne sortaient pas de sa gorge alors il se contentait de rester silencieux en fixant ses chaussures trempées. Un instant, il s'amusa à imaginer la tête qu'il avait. Mouillé de la tête aux pieds, dans un bermuda de couleur flashy pas du tout en harmonie avec le pull moulant, ses pompes ne payaient pas de mine non plus... Il devait avoir l'air d'une sorte de chien perdu, sans maitre ni collier. Un bref pouffement lui échappa mais la sensation de chaleur sur ses épaules le sortit de ses pensées presque loufoques. Que se passait-il encore ? En quelques secondes, il comprit vite ce que Taiga venait de faire et sentit sa gorge se nouer. Cherchait-il à le faire craquer ? Avait-il déjà tout compris et souhaitait-il profiter de l'influence non négligeable qu'il lui portait ? Vodka inspira profondément mais toussa un peu en sentant à nouveau les effluves répugnantes de l'eau stagnante. Il devait arrêter de tant réfléchir ou il finirait avec un mal de crâne. Pour le moment, il fallait sortir et le blondinet suivit sagement son... amant ? Ex ? Maitre ? Qu'en savait-il ? Tout était si confus.

"Mis... Vodka. Je m'appelle Vodka pour le moment."

Les mots étaient sortis doucement. L'hésitation de départ résidait dans son Misha. Il avait failli lui dire mais pour une raison inconnue, il n'aimait pas ce patronyme et s'il désirait donner une info un peu spéciale à propos de lui, quelque chose que personne d'autre ne connaissait... il n'arrivait pas à se résoudre à le prononcer. Il n'aimait pas, c'était comme ça. Peut-être en apprendrait-il la raison plus tard.

Un léger soupir lui échappa et il observa la salle où ils se tenaient. Il ne voyait pas de sortie... enfin si peut-être mais avec l'obscurité ce n'était pas évident de savoir ce qui était une ombre ou un trou.

"T'es aussi arrivé ici en disparaissant bizarrement ?"

Vodka se dirigea vers un mur, tâtant un peu celui-ci dans l'espoir de trouver un passage secret peut-être ? Il prenait garde en tout cas de pas faire tomber la veste. Il n'avait pas enfilé les manches, ne voulant pas la mouiller davantage et se devait d'être attentif pour qu'elle ne finisse pas dans l'eau sale qu'ils piétinaient.

Il avait posé sa veste sur les épaules du type et avait dû se retenir de laisser ses mains s’égarer comme elles voulaient le faire en premier lieu. Ne pas effleurer le fin duvet de son cou, ne pas laisser ses doigts trainer sur la nuque pâle, ne pas plonger ses phalanges dans les cheveux… Il s’était retenu, préférant fuir, comme le courageux lâche qu’il était. Mais ça, il ne l’avouerait jamais.
Parce qu’il n’avait jamais eu ces envies, bien entendu.
Il avait fait quelques pas, entendant finalement l’autre le lui emboîter et reprendre la parole, sa défiance précédente semblant s’être évaporée comme si le simple fait qu’il lui ait couvert les épaules de sa veste l’avait soulagé d’un poids.
Vodka, il s’appelait Vodka. Il se retint de lui jeter un nouveau coup d’œil, résistant à l’envie difficilement répressible de s’assurer qu’il était toujours là – même s’il l’entendant, s’il sentait sa présence à ses côtés, juste derrière lui, c’était comme si tous ses sens réclamaient d’être certains de sa présence. Dérangeant impression. Il souffla doucement, posant son dos contre le mur en lui jetant finalement un coup d’œil – quelle faiblesse.

« Je suis tombé dans un parc d’attraction, à vrai dire. Mais… J’ai été effectivement… Déplacé, dirons-nous. A la gare. Tu étais avec moi, je crois. Et je ne me souvenais pas plus de toi qu’en cet instant. Mais ça, il le garda pour lui. Je me suis ensuite retrouvé dans les sous-sols, je suppose. »

Il refit une dernière fois le tour de la salle, des lueurs bleues attirant ensuite son regard. Une sortie… Il se retourna, se retrouvant nez à nez avec Vodka dont il s’était rapproché sans faire attention. C’était vraiment un beau garçon. Quelque chose qui lui enserrait le cœur, comme une vieille tendresse… Il détourna les yeux, tentant de garder son air inflexible.

« Je crois que c’est la seule sortie. »

Alors il s’y dirigea, entrant dans la salle à l’inhabituelle lueur bleue. Mais après tout, qui était-il pour juger de ce qui était normal en cet endroit ? Il jeta un coup d’œil au garçon derrière lui. Lui, il n’avait pas envie de le jeter dans la gueule du loup comme avec la gamine. Il n’avait pas envie de le frapper comme le garçon de tout à l’heure. Il voulait juste…
Bah, ce n’était que des bêtises.
Après tout, il avait bien dit que c’était sans importance.

Le blondinet écoutait. Apparemment, lui aussi avait vécu des aventures étranges. Peut-être pas aussi farfelues et dangereuses que les siennes - il semblait les attirer aussi - mais tout de même, pour se retrouver avec une tête pareille, Taiga avait eu des ennuis. Vodka demanderait bien mais il sentait que le sujet était délicat. Il n'aurait pas été ignoré tout à l'heure sinon mais ils avaient le temps, il poserait sa question plus tard. Le rattrapant rapidement pour ne pas être laissé derrière, il suivit sans vraiment se soucier des éventuels dangers qu'apporteraient cette lueur bizarre. Tout était anormal ici de toute façon. Il voulait juste rester près de lui. Sa main se tendit vers la sienne mais il arrêta rapidement son mouvement pour la glisser dans sa poche mouillée, gêné par ce reflexe étrange. Ce n'était pas le moment de jouer au romantique ou de se laisser embarquer par ses émotions incontrôlables.

"J'ai trouvé des maisons où y a de la bouffe et à boire moi... un supermarché aussi mais il a flambé."

Un haussement d'épaules le remua un peu mais la veste demeura bien installée dessus. Il trouvait cela normal de partager leurs infos pour mieux comprendre comment tout se déroulait dans cet endroit. Les autres personnes qu'il avait croisé lui revinrent en mémoire et en pensant à Gabriel il décida de faire un test pour voir si Taiga se jouait de lui ou avait été sincère dans ses mots et ses gestes. Son regard se posant sur lui en tentant de faire abstraction de la déformation, il reprit la parole :

"J'ai croisé quelques personnes aussi... Presque baisé dans le supermarché, dommage que le feu nous ait dérangé !"

Un ricanement stupide lui échappa. Jamais il n'avouerait la réelle raison de son arrêt avec le brun et puis, il disait surtout cela pour voir la réaction de l'homme devant lui. Il surveillait tout en gardant un air idiot et détaché. Un vague sourire s'était étiré sur ses lèvres, narquois tandis que dans ses yeux brillaient une lueur espiègle. Allait-il s'énerver ? Comme dans ce souvenir avec ces femmes... Vodka espérait réellement voir une forte réaction sinon... sinon et bien il serait fixé et souffrirait davantage. L'idée lui paraissait inconcevable cependant, même un frémissement ou un poing qui se serrait lui suffisait. Il voulait lire sur son corps une preuve de son éventuel attachement. Il voulait savoir si ce blond tenait à lui autant qu'il le faisait de son côté.

La salle est petite, il y a une table en son milieu, avec diverses potions alignées.

Il avait senti quelque chose effleurer sa main. Quelque chose de chaud qui s’était approché avant de se rétracter, comme si la crainte l’avait saisie. Une main ? Il n’osa pas jeter un coup d’œil en arrière – si ça se trouve, l’autre allait juste fuir s’il se montrait trop… Trop lui. Alors il ne bougea pas, observant juste la pièce à la lumière bleue d’un air absent, ses yeux passant sur le mobilier sans le voir, trop à l’affût de ce qui se passait derrière lui. Apparemment, c’était une vraie ville : mis à part la gare, il y avait visiblement aussi des maisons et un supermarché. Qui avait cramé. Rien d’inhabituel. Il lui jeta un coup d’œil cette fois, un rictus moqueurs aux lèvres.

« Et tu n’as rien trouvé de plus chaud que ça ? Rien pris à boire ou à manger ? Quel sens des priorités… »

La voix était taquine. Loin du ton mielleux ou désagréable habituel, il lui parlait comme on parlait à un ami, un proche, quelqu’un qui comptait. Le sourire était au coin de ses lèvres même s’il devait plus ressembler à une créature difforme au rictus dérangeant. Il perdit son sourire, détournant ensuite les yeux – merde, il n’aimait pas qu’il le voit ainsi. Il n’aimait pas que le type en face de lui, que Vodka sache dans quel état il était, à quoi il ressemblait. Il ne voulait pas qu’il voit… ça. Mais c’était trop tard, après tout.
Et puis quelque chose bascula.
Le blond se raidit, serrant les dents tandis que ses épaules se crispaient et que ses poings se serraient, envieux d’un ennemi à abattre.

« Presque baisé dans le supermarché »

Alors c’était ainsi ? Il s’était juste leurré, avait juste cru quelque chose ? Une chose qui visiblement n’avait pas existé, quelque chose qui n’était pas – parce qu’il ne partageait pas. Parce que quelqu’un qui serait sien ne ferait pas ça. N’aurait pas le droit.
Ses choses étaient à Lui et à personne d’autre.
Ils n’avaient pas le droit de toucher.
Ils pouvaient regarder. Envier. Désirer.
Pas plus..
Il inspira, prenant la parole d’une voix glaciale sans tourner les yeux vers lui. Tout le trahissait, après tout – sa posture, son immobilité, sa raideur, sa voix. Alors qu’il lui fasse grâce de le regarder en face, de voir cette colère qui se reflétait dans ses pupilles.

« Tu m’en vois navré. Un supermarché, vraiment ? Il n’y a que la basse populace pour songer à coucher dans un tel endroit. »

Menteur, menteur – parce que lui se voyait parfaitement faire sa fête au type derrière lui dans une cabine d’essayage. Mais ça ne resterait que dans sa tête, pas vrai ?

« Si tu as fini de te lamenter sur ta baise ratée, tu pourras peut-être bouger ton cul et entrer là-dedans au lieu de rester stupidement planté là. »

Il entra, veillant à ne surtout pas se retourner. La pièce était petite et dénuée de tout meuble, mis à part cette table où trônaient quelques fioles. Qu’étaient-elles ? Il s’approcha encore, se penchant pour en attraper une, l’examinant avec curiosité.

« Hm, c’est bien étrange tout ça… »

Un sourire s'étira sur ses lèvres. Il ne put le contenir, il jubilait intérieurement. Sa réaction... il n'aurait pu espérer mieux. Ce ton froid, ce corps tendu, ses poings serrés, tout ! Tout indiquait qu'il tenait à lui et Vodka sentit son cœur s'accélérer un peu. Son pari risqué avait valu le coup et ce fut en trottinant que le blondinet s'approcha, incapable de contenir sa joie. Sa main effleura une nouvelle fois la sienne alors qu'ils observaient les fioles. Cette fois-ci, il serra cependant le poing du blond puis se mettant sur la pointe des pieds, il déposa un léger baiser sur sa joue, laissant de côté son aspect repoussant. Doucement, il murmura ensuite tout bas, sur le ton d'une confidence :

"J'ai menti. Désolé. J'aurais pas pu le baiser."

Satisfait, il recula ensuite et saisit à son tour une fiole. Le contenu prenait des couleurs étranges, en tout cas, ça ne ressemblait pas à l'alcool qu'il portait dans sa poche et qu'il avait si allègrement bu plus tôt dans la journée. Vodka l'ouvrit ensuite pour en sortir l'odeur, l'analysant avec un certain doigté. Il faisait tourner la bouteille pour regarder... quoi ? Il ne savait pas. Sa mémoire ne lui apportait rien mais les gestes se réalisaient avec naturel. Il semblerait que les boissons soient plutôt de son rayon et il jeta un coup d'œil à Taiga, levant la bouteille.

"Allez, ça s'boit, ça peut pas être mauvais ! Et sans rancune hein !"

Un clin d'œil accompagna sa phrase puis sans attendre son reste, il trinqua dans la fiole du blond avant de croiser son bras avec le sien. Autant y mettre un peu de fun non ? Il en avala ensuite l'intégralité cul sec. Conséquence ? Penser à cela était pour les faibles voyons ! Un vrai - ou presque - homme comme lui ne réfléchissait pas et testait directement. Un vrai abruti surtout... mais bon, quelles infos auraient-ils pu obtenir sinon ? Le seul moyen était de boire pour savoir.

La potion n’a aucun effet apparent sur Vodka et pourtant il peut sentir une sorte de confiance s’insuffler en lui. Sur le mur ces mots s’inscrivent : « Retrouvez la fiole bleu dans les égouts et ramenez là, ici. » En échange de quoi ? De ces potions qui vous sont offertes. Profitez, c’est une offre à ne pas décliner.

Spoiler:

L’autre aurait dû garder le silence, se sentir coupable ou… Ou quelque chose de ce goût-là. Pourtant, il n’eut pas une réaction que le blond aurait pu escompter. Il sentit des doigts effleurer à nouveau les siens pour ensuite les saisir, puis une bouche se posa sur sa joue, le laissant… Muet. C’était ça ? Juste ça ? Un test, un pari qu’il avait pris pour savoir… Savoir quoi ?!
Il souffla – ce mec allait le rendre fou. Pourtant, il ne dit rien, se sentant étrangement rasséréné. Il aurait dû se mettre en colère. D’ailleurs, il l’était. Il lui en voulait d’avoir fait l’idiot, de s’être foutu de lui de cette manière. Il se vengerait – ce serait certain. Il trouverait un moyen de lui faire passer l’envie de faire des trucs aussi stupides et…
Et s’il trouvait le type avec qui il avait fricoté, il lui ferait passer l’envie de toucher aux possessions des autres. D’une manière ou d’une autre.

Il souffla à nouveau, plus bruyamment, ses doigts faisant tourner légèrement la fiole qu’il tenait entre ses doigts. Il la déboucha, la portant à son nez – l’odeur ne lui évoquait rien de connu. Même au fond de sa mémoire, il ne trouvait rien d’approchant. Il allait la reposer quand Vodka en prit une à son tour, l’examinant à son tour avant de la lever, lui adressant un regard – un regard qui lui donnait l’impression d’être quelqu’un à ses yeux. Il frémit, avalant sa salive avec difficulté. Pourquoi il se sentait comme ça ? Ce n’était qu’un garçon. Un type comme il en existait des dizaines, des centaines. Il ne se souvenait même pas de lui !
Du moins… Sa tête ne s’en souvenait pas.
Mais son corps, sa physiologie…
Il détourna un instant le regard, le regardant à nouveau en le sentant faire tinter les fioles ensemble avant d’enrouler son bras au sien pour engouffrer vite fait le contenu de la fiole. Le blond manqua de s’étouffer, mais il ne dit rien. Après tout… Eh bien. Etait-ce un défi ? Le considérait-il ainsi ? Il jeta un coup d’œil au contenu de sa fiole. Que faire ? Boire, ne pas boire ?
Récapitulons. Il était dans une ville inconnue, sans savoir qui il était ni ce qu’il faisait là. Des gens se faisaient téléporter ou transporter par des ronces.
… Sérieusement, au point où il en était.
Il déboucha la fiole une nouvelle fois, l’avalant sans hésiter.

« Tu m’aura vraiment fait faire n’importe quoi. »

Un léger ricanement lui échappa à la remarque de Taiga puis il s'étira, faisant craquer un peu son dos et manquant de laisser tomber la veste qu'il rattrapa dans un reflexe in extremis. Il se sentait bien. La boisson n'avait pas de goût particulier, il préférait la vodka mais au moins, il n'était pas devenu difforme. Tant mieux. Il se passa la main dans les cheveux, les remettant un peu en arrière et cligna des yeux en voyant l'inscription.

"Dis moi que tu vois aussi ce qu'il y a écrit sur le mur..."

Il n'avait pas envie d'être l'alcoolo qui venait de dépasser sa limite et commençait à halluciner. A moins que cette boisson étrange sans saveur ne crée ce genre d'effets ? Bizarre mais pas impossible... il en restait qu'il devait s'amuser à parcourir les égouts maintenant. Mais pourquoi exécuterait-il un ordre d'un inconnu ? Jetant un regard au blond à ses cotés, il soupira doucement.

"J'pense qu'on devrait trouver cette fiole bleue. Peut-être que ça t'aiderait à... tu sais, reprendre une tête normale quoi parce que t'es vraiment moche là."

En parlant il avait fait un geste, montrant son propre visage pour illustrer ses propos. Il avait beau ressentir des sentiments forts pour lui, ce physique restait un vrai tue l'amour et ça serait avec joie que Vodka l'en débarrasserait. Ils pourraient peut-être s'activer à des activités plus... physiques et plaisantes après. Ce genre de pensée ne le surprenait pas. Il le désirait. Cette envie était simplement contenue à cause de ce corps déformé et parce qu'il lui manquait sa mémoire. Seul son corps et son instinct lui indiquaient cela... ses souvenirs eux ne mettaient pas en scène de tels échanges entre eux, même si cela semblait aller de soi. Mais bref, cela sortait du contexte actuel. Vodka espérait simplement récupérer - son - Taiga dans sa forme normale et ferait tout son possible dans ce but.

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