Ils avaient marché. Longtemps. Beaucoup. Le soleil ne tarderait pas à se coucher, et vaguement, il se demanda si ça influencerait quelque chose sur les déroulements déjà bien étranges de la ville. La rouquine en sang avait vu l'arrivée d'une autre rousse. D'un autre roux. Putain, ça pullulaient les roux ici ! Et ils étaient partit. Vite. Lui ne faisait pas vraiment attention si le blond le suivait. Ce dernier s'était dit capable de le suivre, non ? Et puis, ça serait insultant de le materner. Pas sur que Katana apprécie, chacun sa fierté. Ils avaient croisé bien des bâtiments qui dépassaient, au loin. Nombre de maisons, sans doute un hôtel, plus loin, un hôpital. Rien n'avait vraiment attiré leur curiosité ou intérêt.

Et aussi, pas de Médor en vu.

Lui s'était détendu, marchait d'un pas long et calme, ses nerfs n'étaient plus en feu. Un peu de répits. Le gilet appuyait contre la plaie de son épaule et la serrait, improvisant une espèce de bandage, aidé de son bout de chiffon. Ça saignait moins. La douleur pulsait, mais devenait moins affolante. Maintenant, il évitait de faire le con avec des mouvements brusques. Tant qu'il le pouvait, tout instant de calme était le bienvenu. Puis se profile un aéroport avec avion craché, piste d’atterrissage et hangar. Ça, c'était intéressant. Un coup d'oeil au blond et il l'indique du bout de la tête.

« Hangar. Doit y avoir de quoi s'improviser quelque trucs. »

L'huile ça brûle très bien par exemple. Et puis, outils de bricolage, essence, outils de sécurité... tant de chose qui peuvent devenir si dangereux entre de mauvaise mains ! Et gageons que le blond et le brun ont de très mauvaises mains...

« Y'a la carcasse d'un avions aussi. J'ai croisé des gens qui s'étaient réveillé dedans, et pas dans un train. »

Et ils étaient morts, maintenant. Est-ce que cette information était utile ? Aucune idée, mais c'était déjà une marque de bonne volontés de la donner, non ? Le brun observe, plisse les yeux et voit. Sur la piste, des cadavres, du sang. Devant le hangar, deux corps de jeunes femmes, l'une avec l'autre, qui semblent tout juste endormies. Paisibles.

« Il a du se passer un truc, y'a des cadavres partout. »

Là, n'est-il pas gentil d'indiquer à son petit camarade mal-voyant ce que lui voit ? Quitte à travailler en équipe, autant se foutre dans le même pétrin. Mais surtout pire que les morts :

« Et y'a une putain de chaîne avec des menottes qui bloque les portes du hangar ! Quelqu'un à cru bon de marquer son territoire, il semblerait. »

Mais est-ce que ça serait suffisant ? Certainement pas. Maintenant, ouvrir la chaîne malgré tout. Et déplacer les cadavres qui les empêchaient d'entrer tranquillement.

Franchement pas aidé...

Il l'avait suivit, plutôt tranquille - la visibilité était encore correcte et il pouvait sans trop de peine voire la silhouette de son nouveau compagnon de voyage se détacher sur le paysage mort qui les entouraient. Si sa mémoire était bonne, ils avaient pas mal crapahuté, passant à proximité des maisons vides où il avait été avec la blonde et d'autres bâtiments qu'il n'avait pas jugé utile de relever - c'était agaçant mais il ne pouvait se fier qu'à ce type pour les déplacements, chose qu'il aurait jugé absolument inconcevable s'il avait été en état de voir clairement.
Ils arrivèrent sur ce qu'il identifia une piste d'atterrissage avec un avion crashé, vu les formes qu'il interprétait, avant de se retrouver devant un bâtiment et de s'arrêter. Un hangar, donc - il devait y avoir effectivement de quoi s'occuper un bon moment là-dedans et d'improviser tout un petit arsenal. De l'essence, des outils... Pas mal de choses à envisager, donc.
Le brun continua, disant qu'il avait croisé des gens qui s'étaient réveillés dans l'avion au lieu du train - étrange, après tout, toutes les personnes qu'il avait croisé jusqu'ici s'étaient réveillées dans le train sans aucune exception. Ces personnes venant de l'avion étaient-elles différentes d'eux ? Qu'avaient-elles de plus ou de moins pour se réveiller à un autre endroit ? Ça ne pouvait pas être un hasard - rien n'était jamais un hasard ici.
Il y avait une légère odeur de sang portée dans le vent - aucun doute que des cadavres se trouvaient également par là. D'ailleurs, l'autre ne tarda pas à le confirmer tandis que le blond louchait sur ce qu'il devinait être deux corps féminins juste devant le hangar - quel pied.

« J'sais pas ce qui s'est passé, mais ça m'semble avoir été un sacré carnage. »

L'autre annonça qu'il y avait également une chaîne et des menottes qui bloquaient la porte du hangar - mais quel était le fils de chien qui avait fait ça ? S'il le trouvait, il se ferait un plaisir de lui foutre sa crosse dans la gueule, à ce crétin. Quoi qu'en un sens, c'était pas plus mal - au moins, ils étaient quasiment sûrs de trouver quelque chose à ramasser à l'intérieur.
Le blond grogna, avançant et butant sur un cadavre. Agacé il le déplaça du pied, tendant la main pour trouver la chaîne, la tâtant pour se faire une image mentale d'où se trouvaient les menottes et plus particulièrement la chaîne. Avec un peu de chance, ça fonctionnerait.
Détachant l'arme dans son dos, le blond la prit comme une matraque, abattant la crosse du fusil sur la chaîne des menottes - de toute manière, il ne perdait rien à faire ça.

Spoiler:

Le blond s'acharne, lui regarde. Lui regarde ce qu'il y a dans les poches des deux cadavres, mais ne voit rien d’intéressant. Les deux ont des clefs, mais si ça servait à ouvrir, alors, elles ne seraient pas morte dehors. Il les installe, les traînant un peu, confortablement l'une et l'autre, là où elles ne pourraient pas déranger et être dérangées. Elles semblent être mortes ensemble et quelque part, il les envie. Il se demande si ça n'aurait pas été mieux de mourir avec elle. Il a un rire amère qui sort du fond de sa gorge.

Se lève, regarde le blond.

« Quelle ironie, pour ouvrir cette chaîne, il nous suffirait d'avoir l'outillage de dedans. »

Car nul doute qu'il doit y avoir un coupe-boulon ou quoi que ce soit de ce genre à l'intérieur. Il laisse son regard se promener un peu sur les murs de taule, repère parfois des fenêtres de plastique translucides ondulés. Ça, ça ne se casse pas facilement. Ils n'allaient pas resté dehors comme des cons comme ça non plus, non ? Et oui, utiliser une balle aurait sans doute ouvert la porte. Mais pas questions, c'est sacré, ici, les balles. Surtout quand on sait l'armurerie du commissariat vide.

Il fait le tour. À la recherche de quelque chose, une fenêtre, une brèche à exploiter. Qui sait, une autre porte, même ? Il ne pouvait vraiment croire que le seul accès à ce foutu hangar était clôt. Et trouve. Une autre porte. Se sent un peu bête à ne pas avoir simplement regardé ça avant. Porte qui s'ouvre. Il est gentil, il va prévenir le blond. Revient et le laisse galérer un peu, avant, finalement.

« Sinon, y'a une autre porte. »

Sourire sardonique. On se sent cons, hein ? On est deux, va.
C'est pas parce qu'on est des monstres dans l'âme qu'on n'a pas le droit d'un peu s'amuser.

Spoiler:

Frustration. Intense frustration. Il avait tenté de péter les menottes – en vain – et l’autre se ramenait presque la bouche en cœur pour lui dire qu’il y avait une autre porte. Il se sentait con – mais il ne devait pas être le seul. Il avait manqué de prudence – ça lui aurait couté quoi de faire le tour du hangar pour trouver une porte, une fenêtre ? Bien évidemment qu’un tel endroit n’aurait pas qu’une seule issue – c’était même une question de survie en cas d’incidents. Il ne réfléchissait pas assez et ça ne pourrait que s’avérer un problème dans les heures qui suivraient s’il ne se reprenait pas. Il poussa un soupir, remettant l’arme dans son dos avant de se diriger vers l’inconnu.

« Entrons alors. »

Il devait réfléchir – à tout prix. Que pourraient-ils trouver dans un tel endroit ? Près d’une piste d’atterrissage ? De l’huile, de l’essence, des outils. De la peinture, des produits chimiques. Vu la taille du hangar, très probablement des appareils aussi – même si l’idée de s’enfuir à bord d’un avion lui semblait trop peu probante pour qu’ils puissent la mettre en pratique. Mais il ne l’écarta pas, la glissant dans un coin de son cerveau – on ne savait jamais, s’il mettait la main sur quelqu’un qui pourrait réparer une éventuelle avarie… Mais pour le moment, il y avait plus important, bien plus important. Les cadavres pourraient probablement distraire un temps le monstre s’il lui venait l’envie de trainer par ici, mais il doutait fort que l’animal laisse deux proies fraiches lui échapper. Ils ne devaient pas cesser de bouger – rester immobile, comme il l’avait été au commissariat, c’était se mettre en danger inutilement.

Ils entrèrent dans le hangar. Le blond plissa les yeux – des traits de lumières venaient sans peine jusqu’au sol du hangar, rendant très probablement visible la poussière qui stagnait tout autour d’eux, minuscules particules qui se déplaçaient dans l’air : au vu de l’odeur de vieux qui régnait ici, il l’imaginait sans peine. Il distingua quelques grosses formes – probablement des avions vu là où ils étaient.

« Alors. De l’essence ou de l’huile, des outils, de la peinture… N’importe quoi qui sera utile. »

Il marmonnait doucement, commençant à se déplacer en plissant les yeux pour voir où il foutait les pieds – ou bien tenter. Quand sa vue redeviendrait normale ? C’était une question qui le taraudait – avec un tel handicap, il ne parviendrait pas à survivre dans un tel monde.

Fin de la rigolade. Le blond, un rien Pet-sec ne semble pas avoir autant apprécié la situation que lui. Alors, lui suit sans rien dire, un léger sourire flânant sur ses lèvres car tout de même. C'était... vraiment con. Le sérieux revient bien assez vite. Il entre, se demandant vaguement si « Katana » ne devait pas le laisser aller en premier. S'il y a quelque chose qui les attend à l'intérieur, ce n'est sans doute pas avec sa vision de taupe qu'il pourra y voir quoi que ce soit.

« Sécuriser le périmètre, ça te dis rien ? »

Alors, lui il regarde, il observe les avions, il observe l'outillage éparpillé, les raies de lumières où volent la poussière. Sans doute n'y a-t-il rien de plus dangereux que eux deux... et puis dans le cas inverse, le blond serait sans doute déjà en charpie, brave cobaye qu'il avait été d'avancer.
Bon, au boulot, maintenant. Le blond parle, le brun s'est déjà mit au travail, soupirant quant à cette sensation d'être le larbin, dans l'histoire. Non, sans doute Katana a-t-il parlé par habitude. Pas vraiment parce que... et puis, ça fait partit de leurs accords, non ? Le brun prend sur lui, lance un « Woof. » entre chien et loup en guise de réponse et cherche.

Huiles, bouteilles, essence ; de quoi se refaire un p'tit stock de Molotov, agrémenté d'huile pour que ça accroche mieux encore. Arme potentiellement coupante, hache, coupe boulon, scie...

« Le vrai soucis, ça va être de transporter tout ce qu'on veut, je crois. »

Marteau, pied de biche... C'est pas le paradis, mais franchement, ça y ressemble.

Le blond grogna légèrement.

« Va sécuriser un périmètre quand t'as l'impression de voir dans de la flotte. »

Les remarques sarcastiques, il s'en passerait volontiers. Il se déplaçait à pas lents, sans bruits, tendant l'oreille pour savoir si quelque chose se trouvait là - visiblement non et c'était plutôt une bonne nouvelle.
Il entendit une espèce d'aboiement, retint un ricanement et se dirigea vers celui-là, laissant ses doigts trainer avec une précaution renouvelée - manquerait plus qu'il choppe le tétanos ou une saloperie du genre. Il avait déjà un fusil et une matraque ; il empoigna ce qui semblait être une hache, la soupesa et la reposa en pestant - inutile de se charger inutilement. Ses doigts se refermèrent sur ce qui semblait être un couteau multi-usage attaqué par la rouille et il eut un léger sourire - ça ne saurait remplacer une vraie arme, mais il trouvait ce contact infiniment plus rassurant qu'autre chose. Déplaçant lentement ses doigts pour chopper le manche, il frotta quelques instants la lame avant de l'enfoncer dans l'établi, entendant avec satisfaction l'endroit gémir. Ce serait suffisant. Il reposa l'arme dans un coin pour ne pas l'oublier plus tard, s'approchant ensuite du brun.

« Je peux t'être utile ? »

Fallait pas non plus abusé, hein.

Spoiler:

Vexé de la remarque, le blond ? Lui ne s'arrête pas là et reprend, calmement.

« Et c'est pour ça qu'on est deux. »

Car c'est pour ça qu'ils se sont ensemble, après tout. Pour avancer à deux, intelligemment, s'associer pour détruire la bestioles. Alors, c'est vrai que le brun à son avantage avec sa visions qui marche Nickel. Mais et après ? Il est certain que Katana tira son épingle du jeu à un moment où un autre. Rien qu'en se servant du fusil qui dort dans son dos.
De la reconnaissance ? Ah, il n'est pas assez idiot non plus, n'y croit guère. Alors oui, c'est peut-être pas bon pour l'estime, c'est peut-être dur, mais faut se faire confiance quand même un peu. Il y croit à tout ça ? Sûrement. Peut-être pas. Qu'importe.

Il ramène dans un espace un peu libre de l'essence, de l'huile et des bouteilles vides qu'il trouve. Il compte bien se refaire son petit stock de cocktail et à la questions du blond, hausse les épaules.

« J'sais pas. Tu te sens l'âme d'un barman ? » Il grogne un instant et continue : « L'idéal, ce serait vraiment d'avoir un sac... Plus grand que le miens, j'entends. Doit bien y'avoir ça ici quand même... »

Car un sac plein d'une bouteille et 4 fumigènes... c'est vraiment triste. Surtout quand tant de chose brillent avec insolence de leur intérêt. Alors, il se remet à fouiller. Dans les avions, s'il le faut ! Il refuse de croire qu'un hangar entier sera vide de Sac.

Le Traqueur avait perdu la trace de sa proie, faisant défaut à son nom. Sans doute les quelques balles l’avaient déstabilisé, l’avaient un peu affaibli, ou peut-être étonné. Mais il avait vite fini par retourner à sa traque. Et à présent il a retrouvé sa proie. Proie qui s’est infiltré dans le hangar. Avec une proie qui lui avait aussi échappée. Alors sans aucun doute, les deux hommes peuvent reconnaître le bruit caractéristique des pas de la bête lorsqu’elle s’approche. Entre eux et le Traqueur, il n’y a plus que la paroi fragile du hangar. Le Traqueur attend quelques secondes et s’appuie sur la paroi. Il y a un bruit de ferraille et de crissement, et la paroi cède sous la masse, le hangar s’effondre à moitié. Dans un souffle rauque la bête approche sa gueule d’Hadès. Voit-il des traces de brûlures sur la bête? Non, car s’il avait prêté attention à la substance de sa peau, il aurait deviné qu’elle était ignifuge. Le Traqueur n’est pas que puissant, il est surtout résistant. Et rancunier. Ses crocs se referment alors sur la jambe droite d’Hadès commençant à le traîner sur les débris tombés laissant une giclée de sang...

La fiole a été ramenée, la vue revient à Taiga petit à petit. Misha a obéit, alors la Ville remplit sa part du contrat, à contrecœur.

Tout était calme.
Puis l'instant d'après, l’Armageddon était là. Sonnez les tambours de guerre.
Il avait d'abord entendu les pas sur le sol, prémices certains d'une prochaine rencontre avec la monstruosité vivante. Le blond s'était légèrement reculé, inquiet - d'où allait-il sortir ? Qui allait-il attaqué ? Il en était encore à se poser des questions quand le hangar s'effondra sur lui-même, laissant la créature libre de venir les attaquer - et c'est à Hadès qu'il s'en prit.

Taiga n'était pas stupidement téméraire.
La vie de ce type n'était rien pour lui.
Lui, tout ce qu'il voulait, c'était Misha. Retrouver Misha. Encore une fois.
Alors il recula, encore et encore, tournant le dos sans hésitation à l'homme qui se faisait probablement mettre à mort. Il n'avait pas beaucoup de temps, et ce temps, il en avait tellement besoin...
Alors il s'éloignait tandis que sa vue s'éclaircissait - mais jamais il ne se retourna malgré ce qu'il pouvait entendre.

Il avait entendu les tremblements. Avait sentit les prémices de ce qui allait se passer, alors, il s'était armé. Une hache de secours, au cas où, dans une main. Le flingue avec quelque rares balles dedans dans l'autre. Il s'était approché du blond, au cas où. Puis finalement, calme, lenteur, secondes qui s'égrainent lentement, trop lentement, un supplice.

Et là. Là, le hangar qui s'effondre d'un coup, qui le prend par surprise, qui lui fait un instant écarquiller les yeux. Il arrive à éviter les débris, mais pour se retrouver nez-à-nez avec un vieil ami dont il souhaite mort. Se fait avoir, sa jambe est fauchée, mangé,e la douleur est intense, presque insoutenable.

« Merde !  Si tu veux tir... »

Non, il ne tire pas. Il se tire, justement, l'autre. Et là, ça fait une espèce de « bong » dans son ventre. Quelque chose qui tombe, lourdement. Toute sa haine, toute sa colère qui revient, d'un coup. Qui surpasse même sa douleur. Ses yeux s'injecte de sang, il se sent devenir fou. Tout ça pour ça ?

Alors, il lève son flingue. On ne lui tourne pas le dos. On ne le trahit pas. On ne lui tourne pas le dos !

Il tire. Tire, vise la tête, vise le dos, et tire.

Crève, connard. Et tu sais quoi ? La haine, ça donne des ailes. Tant pis si lui même crève pour ça. On sera deux à y passer.

Les coups de feu sont tirés, la trajectoire aurait été parfaite si Hadès n'avait pas eu une paire de crocs énormes plantés dans sa jambe. Le bruit l'agace et alors qu'un des deux projectiles touche profondément Taiga à l'épaule la bête tire un peu plus sur la jambe meurtrie.

Le sang continue de gicler, la douleur est difficilement supportable. Le blond aussi perd du sang, il ferait mieux de se dépêcher s'il veut s'en aller, le Traqueur est joueur et peut décider de changer de proie d'un instant à l'autre.

La douleur explosa dans son épaule, le faisant tituber et presque tomber à genou.
Le fils de pute lui avait tiré dans l'épaule. Une juste vengeance, probablement, puisqu'il l'avait abandonné à la merci de la bête.
Mais il avait plus important, tellement plus important que de se confronter à cette stupide monstruosité. Misha...
C'était pour lui, tout ça - pour lui qu'il avançait, qu'il mettait un pas devant l'autre, grimaçant sous la douleur et l'effort, sentant le liquide chaud et poisseux couler sur son dos. Il ne devrait pas abandonner - pas avant de l'avoir retrouvé, de l'avoir dans ses bras, de lui avoir dit à quel point il était important...

Il l'avait loupé ! Il avait tiré pour tuer et finalement... ? Il l'a vu chanceler, oui, presque tomber, mais se relever et partir ? Non ! Non, tout ça parce que la bête l'a fait bouger ?

« Merde ! »

Il sent les dernières parcelles de sa raison qui se détachent, s'éloignent, se désagrègent... La douleur revient, avec les intérêts. Il ne sent que la haine. La haine pour tout, pour la situation, pour lui, pour tous. Alors, il se tend, attrape la hache de tout à l'heure, se redresse et frappe.

« Pourquoi ?! »

Il se redresse d'avantage, malgré la jambe. S'agrippe aux poils, tente d'enfoncer sa main libre dans l'oeil. De l'autre il frappe. Mouvement amples, il veut juste blesser, évacuer.

« Pourquoi tu m'as fait louper, saloperie ?! »

Il vise la tête, il vise la gueule, tant pis s'il abîme encore plus la jambe.

« Pourquoi je suis ici ?! »

C'est finit de toute façon, non ? Alors, il frappe encore.

« Qui je suis ?! »

Tchac. Tchac. Tchac. Est-ce qu'il touche ? Est-ce qu'il attaque le cuir de cette bête ? Vise les dents, vise l'oeil, vise les points mous.

« Où est-ce que je suis ?! »

Tchac. Il finira par ne plus avoir la force de se débattre. La truffe maintenant.

« Qu'est-ce que je suis ?! »

Continuer. Yeux de fou, plus de raison, juste tout mettre à feu et à sang.

« Putain de merde ! »

Même lui. Surtout lui.

Elle l'a sentie, ils l'ont tous sentit. Ces vibrations dans le sol, l'odeur caractéristique de ce monstre qui avait tué tant des siens, avant. Perchée sur les débris un peu plus loin, la lumière se reflète un instant sur son pelage rouge sang. La louve semble regarder de ses yeux morts l'humain se débattre. Elle peut entendre les coups donnés, le sang couler. Elle peut sentir la rage qui anime l'humain, la folie qui tient la créature. Et un instant la louve Alpha ressent la même haine que l'humain, un grondement sourd s'échappe de sa gueule. Alors, tous animés par la même peur, la même rage, le reste des loups s'alignent autour d'elle. Il manque le mâle dominant, elle fera sans. Ce sera son combat. Les loups s'élancent, profitent de l'inattention momentanée du monstre.
Hadès peut voir cinq loups massif se jeter du même élan sur le Traqueur.

Est-ce que la situation change ? La situation ne change pas. Il est condamné. Son mental l'a déjà quitté, s'est envolé, vers elle. Se lover dans les bras de celle qui, une fois perdue, lui a fait perdre tout le reste. Est-il faible à ce point là ? L'anneau raisonne dans sa tête.

Des loups aux couleurs extravagantes arrivent, attaquent. Un instant, sa tête s'assombrie, son instinct d'attaque s'efface et il reste là, inerte à observer. Et il sent leur haine. Quand leurs crocs s'enfoncent dans la fourrure du monstre, il ressent le même picotement qui parcourait son bras à chaque coup de hache. Alors, il se remet à marteler, en animal, la tête si proche de lui, qui lui tient encore la jambe. Son esprit redevient blanc, clair, limpide. Attaquer.

Est-ce que les loups vont le crever après ça ? Ça ne sera pas la première fois qu'il se fait bouffer par ses prétendus alliés. Au moins, il n'a pas de haine envers eux. Servir de chaîne alimentaire, c'est chiant, mais moins que pour ce monstre dont il s'est promis la mort. Et puis, plus de fuite possible. Pas avec sa jambe dans cet état. Pas avec des loups aussi gros.

Quel dommage. Il ne lui restait que deux types à buter. Le blond. La sale gueule de vivant. Il y pense à peine, juste des images fugaces qui passent devant ses yeux, décuplent sa rage, le fait frapper encore plus, malgré tout ses membres à l'agonie. À eux six, ils peuvent peut-être y parvenir, faire tomber le monstre.

Ils sont tous animé d'une même sauvagerie.

Les coups pleuvent. Tout n'est que douleur. Tout n'est que blessures. Le sang coule, il gicle et arrose les alentours. La bête énorme pousse un hurlement aussi puissant que lancinant. Il déchiquette, il arrache à coups de dents et de griffes tout ce qui se trouve autour de lui.
Les loups s'acharnent mais le Traqueur est résistant. Il sait déjà qu'il a peu de chances de s'en sortir mais il est décidé à en entraîner autant qu'il le peut avec lui. Alors il se déchaîne, des lambeaux de chair et de pelage sale sont arrachés à leurs propriétaires.

Hadès se retrouve au milieu d'une bataille qui vient de commencer. Une bataille de Titans lancés en plein combat comme ce qu'ils sont au fond : des bêtes enragées.

La louve alpha sent la force des muscles de son adversaire quand elle plante ses crocs dans son épaule. Aveuglée par la rage, elle ne pense qu'au sang à l'odeur putride qui coule dans sa gueule, à la chair déchirée du monstre. Elle ne voit pas qu'autour d'elle, les loups tombent. Obnubilée par sa revanche elle n'entend pas le fragile loup blanc pousser son dernier râle. N'aperçoit pas le corps tordu et brisée de la louve aux reflets violets. Elle ne fait que secouer furieusement sa gueule arrachant toujours un peu plus de chair, recouvrant sa propre fourrure du liquide rouge et poisseux qui s'échappe de la plaie. Quand, d'une secousse brutale, le Traqueur se débarrasse d'elle, elle retombe souplement à terre. Et quand elle pose ses prunelles enflammées par le combat sur ses camarades, c'est tout son monde qui s'écroule. Elle les a menée à leur perte. Un instant, elle fait abstraction du combat pour venir secouer du museau le louveteau venu bravement combattre. Mais la boule de fourrure bleue ne se relèvera plus. Dans sa rage que les remords ne font qu'accentuer elle ordonne au dernier loup encore debout de la rejoindre. Et d'un même bond, la louve recouverte de sang et le loup roux se jettent à la gorge du Traqueur. Il ne leur faut pas longtemps pour trouver la partie la plus sensible où ils plongent leurs crocs sans attendre. La pression de leurs mâchoires est telle que le sang fini par couler à gros bouillons, véritable rivière pourpre s'étalant sur le sol. Le Traqueur se débat encore quelques instants mais s'écroule, vaincu. Dans sa chute, sa masse écrase Hadès, broyant ses os et tout son être.
La louve Alpha se relève et contemple un instant les bêtes mortes et le hangar dévasté.

La gueule lâche sa jambe à un moment. Sans doute. Et ? Et il n'arrive pas à s'en rendre compte. Il martèle, il grogne, pousse des hurlements presque inhumain. Il voit les autres loups qui tombent du coin de l’œil. Mais ne pense qu'à tuer ce monstre.

Il n'arrive pas tellement à penser en fait. Juste quelques vagues notions qui lui passent dans les yeux, vivre l'instant présent et tuer le monstre. Survivre encore quelques minutes, que cette proie tombe. Il se contentera de sa chute, à elle. Est-ce qu'il a encore envie de tuer le blond, l'autre sale gueule de vivant ? Non. Ce sont des notions encore bien trop humaines, notions qu'il n'a plus. La vengeance, l'envie, la tristesse, l'abandon... Il ne ressent rien de tout ça. Juste un sentiment animal de devoir se débarrasser de sa proie. Haine et douleur, terrible douleur. La plaie de son épaules qui s'ouvre de nouveau.

Il n'arrive plus à penser à la bague, à avant. Il n'est déjà plus.

Et puis, le coup final, porté par la louve. Celui qui le laisse les yeux grand ouverts tandis que dans un râle, la bête s’effondre. Sur lui. Sa jambe ne lui permet pas de fuir, de se pousser. Et il sent, alors, son corps être réduit en bouillie. Qu'importe, son être l'est déjà. Pourtant, il trouve encore la force de se débattre. Sent ses poumons se faire écraser par sa cage thoracique, se percer. Il crache du sang et, haletant, il arrive à dégager sa tête, les bras, arrive à traîner sa carcasse, s'extraire en partie. Il voit la trace de sang qui mène au blond et un sentiment de haine réanime ses yeux.

« Tuerai... »

Il recrache encore du sang, comme il crache sa haine à la face de cette ville. Avance encore, traînant contre le sol. Il lui semble parcourir des km ; il n'a même pas réussi à sortir entièrement de sous la bête. Et il sait que sa fin est là. Mourir en bête enragée, en loup solitaire, entouré du cadavre de plein d'autre loup. Et étrangement, ça lui va. Il aurait souhaité que ce soit sa meute. Il regarde la louve, pointe la traînée de sang qu'à laissé Katana.

« Proie. »

C'est sans doute inutile. La louve ne lui doit rien, rien du tout. Mais quelque part, ça le console, penser que sa haine pour ce type l'attendra, comme sa balle s'est figée dans l'épaule. De croire que la louve ira le bouffer. Que lui non plus ne passe pas la nuit, hein ? Ça le console. Et il sourit, son visage barbouillé de son propre sang. Il n'aura été que haine. Haine et mort et ça lui va bien.

« Ha... dès. Je... Hadès. »

Et ça lui va comme nom. Ses yeux se vident de toute vie, son souffle se stoppe, comme s'arrêtent ses pensées et sa souffrance. Rejoindra-t-il son royaume ? Ou elle ? Qui sait... Comment savoir.

C'est la fin, le rideau se ferme.