Le petit blond bien calé entre l’avant de la moto et ton propre corps tu attends avec toute la patience dont tu fais encore preuve que Miguel grimpe à son tour. Une fois les deux présents sur l’engin tu crochètes tes mains sur les poignées, signifiant le départ.
La moto semble avoir une idée précise de l’endroit où vous amener et tu espères juste que c’est bien un endroit où tu pourras juste te poser et décharger tes pauvres nerfs à vif.

Même si l’idée d’aller lentement semble l’irriter elle obéit cependant à tes désirs et garde une allure convenable pour que le bandana flottant en l’air, représentant Vinci, puisse suivre. Le trajet te semble durer une éternité et vous arrivez enfin devant un bâtiment relativement petit. Tandis que tes deux passagers descendent tu savoures encore quelques temps le plaisir d’être assise sur l’engin de rêves. Tu te doutes qu’après avoir avalé quelque chose et pris du repos tu retourneras bien vite sur la selle pour une virée un peu plus mouvementée que votre petite promenade aux allures de ballade de santé.

Sans un mot de plus tu entres dans le bâtiment, grimpant directement l’escalier et ouvrant une porte à la volée. Prudence : 0, Mirage : 1. Un soupir de soulagement franchit la barrière de tes lèvres tandis que tu t’affales comme un morse sur le lit moelleux qui ne semblait attendre que toi. Tu n’as même pas fait attention au parquet verni et n’a jeté qu’un coup d’œil rapide au tableau entièrement bleu accroché au mur, par contre ton regard intéressé a tout de suite repéré la salle de bain, tu iras vérifier si l’eau coule lorsque tes jambes accepteront de te porter à nouveau.

C'est fou ce que se comporter comme un gosse était tentant quand on en faisant la taille. Miguel était définitivement un vieux mais quand il s'agissait de Vinci, il avait l'impression de régresser au même rang que le petit blond. Et c'était le genre de truc qui pouvait l'énerver. Oh, mais il était tout le temps énervé le bougre. Mais il devait faire preuve de sang-froid. Entendant la petite voix du garçon lui demander son âge, Miguel ne pu s'empêcher de grimacer. Une question sans réponse.

▬ Probablement le double... non, le triple du tiens, bonhomme. Il aurait bien ébouriffé les cheveux de l'enfant encore une fois, mais il se retint. Pas de contact, ne pas s'attacher inutilement. Il ne répondit pas non plus à la remarque de Vinci lorsque le petit inconnu fut caler entre les bras et grimpa - non sans mal - à l'arrière. Après une hésitation, il finit par agripper le vêtement de Mirage. Mais pendant tout le trajet, il prenait garde à ne surtout pas se retrouver coller contre elle. Fallait pas lui demander l'impossible non plus.

Ses yeux avaient analysé le décor autant que possible mais rien ne semblait sortir de l'ordinaire. En descendit de la moto, Miguel ne cacha pas sa déception et soupira. Le temps de relever la tête et Mirage partait à l'aventure. ENCORE. Mais elle n'apprenait jamais cette cruche ?! Pressant le pas, il poursuivit la jeune femme et la retrouver tranquillement allongée l'air de rien. Au bord de la crise de nerf, Miguel attrapa le bas de la couverture et la retourna sur Mirage. Cette fille était juste sans défense.

▬ T'es complètement barge enfin ! T'as pas appris après la piscine et le supermarché ?! T'as un cerveau non ? Sers-t-en ! Vinci et moi on sera pas toujours derrière toi pour t'aider, ne nous inquiète pas plus que nécessaire en fonçant tête baisser dans un endroit complètement inconnu !

Il était en colère certes, mais c'était parce qu'il s'inquiétait. Mirage allait vraiment finir par se faire bouffer par un truc si elle continuait à partir dans tous les sens (même si pour la piscine, c'était lui à la base mais passons).

Vouloir jouer les bons samaritains, au bout d’un moment, ça pesait – et il le sentait dans tout son corps, dans ses jambes qui commençaient à protester, dans ses épaules qui s’affaissaient tout doucement à chaque pas sous le poids du sac. En jetant un regard en arrière sur le chemin parcouru, il n’était pas si éloigné. Sauf qu’il était debout depuis bien huit heures, n’avait pas pris le temps de boire ou de manger et à peine celui de se reposer. Alors niveau fatigue, il était blindé – et quand la grande bâtisse s’était finalement dressé devant eux, ce fut un intense soulagement qui l’envahit. Il allait pouvoir poser son sac, prendre une douche, se reposer, se restaurer : le minimum vital.
En approchant, il put observer les boucles blondes de Mirage s’engouffrer dans le bâtiment, rapidement suivie par Miguel. Il poussa un soupir, leur emboitant le pas et arrivant juste à temps pour entendre le brun faire la morale à la blonde qui avait, semblait-il, oublié toute notion de prudence. Il poussa un soupir, roula des yeux et lâcha bruyamment son sac près du lit – il recompta rapidement les têtes : une, deux, trois, puis se dirigea d’un pas lourd vers la salle de bain – en premier, la douche.

« Vous êtes encore assez en forme pour vous engueuler ? »

La voix était basse, légèrement rieuse – il rêvait de cette foutue douche. Entrant dans la salle d’eau, il enleva directement son tee-shirt – de toute manière, il était invisible dessous, donc… Il le posa sur un meuble, satisfait : la farine était toujours légèrement attachée dessus, le rendant un minimum visible. Un regard vers le bas lui apprit que c’était le même cas pour ses bottes et son pantalon : au moins une bonne nouvelle. Il ferma la porte derrière lui, se penchant pour vérifier que l’eau fonctionnait – et ça coulait, dieu merci. Il poussa un soupir de soulagement, tournant machinalement le robinet jusqu’à atteindre la température parfaite.
Il le referma ensuite, entreprenant de se déshabiller totalement – peu pudique, il rouvrit la porte de la salle de bain torse nu et en pantalon pour fourrer ses bottes contre le mur à côté de la porte, refermant ensuite pour finir son déshabillage et se glisser sous l’eau.
Ca faisait un bien fou. L’eau chaude qui coulait le long de ses membres engourdis et endoloris… un vrai délice. Il poussa un léger soupir de bien-être, passant ensuite la tête sous l’eau pour nettoyer la farine qui restait, grimaçant en fixant les espèces de grumeaux qui s’accrochaient à ses doigts – quelle idée merveilleuse il avait eu, encore. Enfin, maintenant qu’il y était…
Une fois sa douche finie il attrapa une serviette, se séchant rapidement avant de renfiler ses vêtements – il n’avait pas eu le temps d’en attraper d’autres, et c’était bien dommage. Enfin, il ferait avec. Soufflant légèrement, il rouvrit la porte, se frottant le crâne. Sous ses pieds nus il sentait le parquet et c’était peut être la meilleure sensation au monde – quelque chose de rassurant, qui lui semblait familier.

« C’est libre. »

Avançant dans la chambre, il s’assit sur le lit, virant sans ménagement ce qui encombrait l’un des coins pour pouvoir s’y vautrer, la serviette protégeant le tissu de ses cheveux humides.

« … Je crois que c’était la meilleure douche de ma vie, marmonna-t-il en baillant, sombrant rapidement dans un demi-sommeil. R’veillez-moi plus tard… »

Tes nerfs étaient déjà à bout avant que le petit scientifique te fasse une remarque mais là s’en est trop. Tu avais juste besoin de dormir, seulement ça. Besoin de te reposer, de penser à ce souvenir de merde, de comprendre et surtout tu avais juste besoin de bouger pour oublier encore. Mais non, apparemment tu as encore fais ce qu’il ne fallait pas faire. Selon lui tu ne fais jamais rien de correct en même temps. Tu le sais bien que tu n’aurais pas du filer comme ça, tu le sais bien qu’il y aurait pu avoir quelque chose qui te serait tombée dessus sans demander son reste mais tu as suivi tes impulsions, parce qu’au fond tu n’as plus que ça.

« Ben tu vois j’en ai peut être pas de cerveau, j’en sais rien après tout ! De toute façon s’il y a une bestiole ici elle nous tombera dessus quoi qu’il arrive. » Tu prends conscience de ton insouciance aussi bien que de ta stupidité alors que tu dis ces mots. Et surtout, tu comprends qu’il s’est inquiété alors tu te sens mal, assez mal pour t’arracher ces syllabes qui te brûlent la gorge et que tu aurais préféré garder pour toi en toute circonstance. « … Pardon. »
Tu sens déjà les larmes revenir mais il est hors de question de craquer à nouveau, pas ici, pas devant eux. Alors tu te lèves précipitamment à l’entente du son de la porte de la salle de bain qui s’ouvre, tu ne vois pas Vinci et c’est un miracle que tu ne le bouscules pas dans l’état dans lequel tu es.

Tu fais couler l’eau le plus fort possible alors que tu arraches à moitié tes vêtements, le contraste froid entre la vapeur d’eau et le carrelage de la salle de bain te ramène un tant soit peu à la réalité alors que tu te retrouves seule. Tu peux craquer maintenant, roulée en boule dans la baignoire. Mais tu sais que tu ne dois pas rester ici trop longtemps, autant pour les autres que pour toi-même. Surtout pour toi-même. Au bout de dix minutes de pleurs et de récurage intensif tu sors enfin de la pièce dans laquelle tu as l’impression d’avoir passé des heures pour aller t’asseoir au pied du lit et attraper une bouteille d’eau au fond de ton sac, prenant au passage la carte postale que tu avais déjà en arrivant ici. Tu poses ton regard bleu ciel sur le paysage sépia en retenant un soupir, grignotant les gâteaux pris au centre commercial.

Spoiler:

Il avait fermé les yeux. Combien de temps ? Une vingtaine de minutes, à tout casser – mais ça avait été vingt délicieuses minutes et il se sentait déjà bien plus en forme. Se redressant lourdement, le brun eut un sourire – Miguel et le gamin blond était endormis sur le lit. Apparemment, il n’était pas le seul à être victime de cette torpeur due à l’épuisement. C’est qu’ils avaient pas mal cavalé, depuis leur arrivée ici…
Le brun se passa la main dans les cheveux, se redressant et se laissant glisser au sol, aux côtés de Mirage. Sans rien dire il attrapa la bouteille d’eau de la blonde, buvant quelques gorgées avant de lui piquer également quelques gâteaux – des vêtements blanchâtres qui flottaient… Quelle image il devait donner. Mais ils avaient désormais le temps – celui de parler. Et c’est ce qu’il fit, toussant légèrement.

« Alors… Tu connaissais aussi Franco ? »

La question a un million. Après tout, ils semblaient avoir un lien, aussi ténu soit-il. Avait-il connu cette blonde dans cette autre vie dont les souvenirs lui revenaient morcelés ? Il étudia son visage, un long moment, tentant de se souvenir – en vain. Il n’y arrivait pas, n’y parvenait pas. Il poussa un léger soupir, renversant sa tête sur le couvre-lit pour observer le plafond.

« Il reste beaucoup de zones d’ombres… Mais je crois qu’il est effectivement mort. Et que j’ai failli y passer aussi… J’étais… Parti le chercher. Je crois que… Qu’un type bourré avait donné de fausses coordonnées d’atterrissages et que l’avion… A mis le feu au hangar où il se trouvait. J’suis… J’me suis précipité dedans, j’voulais le retrouver… Et une aile m’est tombée dessus. C’est tout ce dont je me souviens. »

Pourquoi lui racontait-il ça ? Peut-être parce qu’elle connaissait visiblement Franco. Et qu’elle avait le droit de savoir ce qui s’était passé. Parce qu’il était peut-être l’un des seuls ici à savoir ce qui était arrivé à Franco. Il avait murmuré ses explications, fermant à nouveau les yeux – il revoyait le feu, il sentait la chaleur incandescente sur sa peau, l’odeur de métal en fusion… Il sentait encore ses sens agressés par cette explosion de violence et de flammes. Il rouvrit doucement les yeux, soufflant tout doucement.

« J’ai pas réussi à l’sauver… »

Il avait voulu jouer au Prince Charmant, sauver son ami…
Et il avait échoué.

Il fait chaud, alors même que le soleil a déjà bien avancé dans le ciel. Tu dois être en fin d'après-midi maintenant. Tu es étrangement calme, craquer a fait un bien fou à tes nerfs qui jouent à présent aux abonnés absents. Les deux plus petits se sont endormis et tes cheveux sont encore humides. À ce que tu peux deviner Vinci a du se réveiller vu les mouvements flous autour de toi et la bouteille d'eau qui se met à léviter. Il tousse. Il parle. De lui, de Franco. Il ne semblait pas avoir envie d'en parler avant et maintenant que c'est le moment il repose le sujet sur le tapis comme si de rien était. Il en parle comme si de rien était. Et toi, tu n'as beau qu'avoir un seul souvenir très flous tu sens quand même cette boule revenir enrouler ses anneaux empoisonnés au creux de ton abdomen. Parce que tu préfèrerais crever plutôt que d'avouer que tu as mal. Parce que tu t'es époumonée pour le chercher, tu t'es jetée dans un incendie la tête la première. Et rien y a fait, il est mort.

Tu te contentes d'acquiescer alors, oui tu le connaissais. Et tu avais intérêt à bien le connaître pour avoir été aussi idiote. Tu te tournes vers l'endroit approximatif où doit se tenir le garçon, peut être que si tu avais pu voir à quoi il ressemble ça t'aurait aidée à te souvenir. Mais non, parce qu'au fond c'est comme si tu n'avais pas le droit de te souvenir, comme si ce quelque chose qui semblait tout diriger aussi te l'interdisait. Et ce sentiment de te voir contrôlée comme une marionnette te rends malade. Il te sors de tes pensées, et ton air étonné vient vite s'afficher sur ton visage. Alors lui aussi il s'est jeté dans les enfers pour sauver ce Franco. Les yeux dans le vague, une ombre de sourire.

« Le sauver, hein. Je n’ai pas réussi non plus. Ce hangar en flammes, je me suis aussi jetée dedans, tête la première pour aller le chercher. J’ai hurlé son nom, j’ai respiré de la fumée aussi brûlante que des braises, mais je n’ai pas réussi. » Une pause pour te ménager, parce que tu ne craqueras plus. Parce que t'en crèves d'avoir été si faible. « Je ne sais pas si l’autre aile m’est tombée dessus ou si je me suis évanouie à cause de la fumée mais dans mon souvenir j’ai repris connaissance en dehors du hangar. J’ai juste entendu qu’il y avait un autre blessé que les pompiers ou la police étaient entrain de sortir. Ça devait être toi. »

Et tu en était sortie salement amochée. Et après ? Que c'était il donc passé après. Ton regard vagabonde presque inconsciemment sur les cicatrices fines et blanches de tes poignets. Une main dans les cheveux qui vient machinalement tripoter la seule boucle d'oreille qu'il te reste. Tu es épuisée, et maintenant quoi ?

Ça avait quelque chose de rassérénant. Partager ses souvenirs avec elle – compléter le trou de sa mémoire. Il n’avait pas été le seul blessé. Et elle avait aussi tenté d’aller le chercher. Qui était Franco, pour eux ? Un ami ? Il jeta un coup d’œil à la blonde. Un frère, peut-être. Ou un amour. Il y avait tellement de possibilités. Une infinité, tout ça à cause de cette foutue mémoire qu’on se refusait à leur rendre. C’était tellement frustrant, tellement… Il soupira doucement.
Au moins, il n’était pas mort et ce n’était pas l’au-delà – tout du moins, pour le moment. On l’avait sorti du hangar en flamme. Blessé, mais vivant. Et après ? Qu’est ce qui avait bien pu se passer ? Avait-il retrouvé une vie normale ? Avait-il pu surmonter ça ? Il sentait encore, quelque part dans son cœur, la douleur de la perte de Franco. Il ne le connaissait plus, il ne se souvenait plus de lui – mais la vague de désespoir qui l’avait envahi alors que l’aile lui tombait dessus restait vivace. Il la regarda sombrer dans une légère mélancolie, le regard un peu vague et ses doigts frottant les fines cicatrices qui zébraient ses poignets – il avait trop de tact pour l’interroger là-dessus. Il préféra changer de sujet, pointant Miguel du regard.

« Je crois… Je crois que c’est mon frère. Il avait chuchoté, doucement, comme s’il n’y croyait pas vraiment. Ça peut être une grosse…. Une énorme coïncidence, mais… Je fouillais la chambre de la fiancée de mon frère, de Miguel… Il se passa une main sur le visage. Je sais pas. J’me trompe probablement et… J’veux rien lui dire tant que je ne suis pas sûr, avoua-t-il. Il ne voulait pas trop s’avancer, mais il y avait quelque chose chez Mirage qui le poussait à se confier, comme s’il la connaissait déjà. Après tout, c’était peut-être le cas ? Il eut un mince sourire, même si elle ne pouvait pas le voir. J’sais que j’ai deux frères… Miguel et Régis. Il se redressa brusquement, s’ébouriffant les cheveux. P’tain. Je veux… J’veux retrouver ma famille. Savoir si elle va bien. Savoir qui je suis… Il soupira une nouvelle fois. Comme tout le monde ici, je suppose. Désolé de t’ennuyer avec ça. »

Le ton change doucement, entrant dans une sorte de confidence confinée. Partager quelque chose avec quelqu'un. Comme si c'était presque naturel de discuter avec lui. Même s'il était invisible. Un petit sourire revient s'installer sur ton visage alors que peu à peu tes cheveux sèchent. Tu l'envies quelque part, d'avoir une famille. De s'en rappeler. Faire le lien entre Miguel et lui te fait rire doucement, deux caractères bien différents mais quelque part presque semblables. Mais tu comprends, tu comprends qu'il ne veuille pas lui en parler, pas encore.

« Ton frère hein. Tu as de la chance quelque part. Je ne me souviens que de deux cousins, et le dernier ne semblait pas ravi de passer du temps en ma compagnie. Et je crois bien qu’une des premières personnes que j’ai rencontrées ici est un autre de mes cousins. Mais il ne semblait pas s’en souvenir et moi je n’en savais encore rien, c’est dommage. » Tu grignotes ton bout de gâteau en y pensant, en sentant ce plaisir de manger, de te poser et de pouvoir juste reposer tes nerfs et ton corps qui demande grâce. « Je faisais de la danse classique. Petite en tout cas. J’aimerais en apprendre plus, retrouver ceux à qui je tenais, me souvenir d’eux ou alors me faire de nouveaux souvenirs avec eux. »

Tu te souviendras de ces prénoms, Régis et Miguel. Si jamais tu croises un jour un Régis tu lui en parleras. Parce qu'au fond tu voudrais l'aider Vinci, parce que tu l'aimes bien et que tu te sens bien là. Il est loin de t'ennuyer, au contraire tu as l'impression de partager quelque chose d'important avec quelqu'un et au plus loin que remonte ta mémoire, c'est à dire à peine dix heures, c'est la première fois.

C’était agréable – rester juste assis, dans un endroit où ils étaient relativement en sécurité. Prendre le temps de se poser, de manger, boire. De dormir aussi, songea-t-il en jetant un coup d’œil aux deux marmottes. Depuis combien de temps était-il ici ? Il faisait nuit noire à son arrivée – probablement une quinzaine d’heures. Il avait vu des compagnons mourir, disparaitre – et eux étaient restés. Et il avait trouvé des liens. Des gens sur qui compter. Il ne manquait que Lou pour être au complet… Lou… Elle lui manquait. Ses cheveux roux, son enthousiasme contagieux. S’en était-elle sortie ? Était-elle toujours en vie, à l’abri ? Il s’était promis de la retrouver. Y-arriverait-il ? Avait-il une chance ? Les questions le hantaient, le laissant empli de doute. Mais pour le moment, il était juste bien – parler avec Mirage était quelque chose d’agréable.

« J’étais pilote… Ou j’étudiais pour l’être, au moins. Il retient de justesse le « avec Franco » qui manqua de lui échapper – c’était évident, au final. Il se passa une main dans les cheveux, buvant une nouvelle gorgée d’eau. Si je peux t’aider en quoi que ce soit pour les retrouver… Je t’aiderais. Et il savait que c’était réciproque – ne s’étaient-ils pas entraidés jusque-là ? Il eut un mince sourire. Je m’appelle Flavio, d’ailleurs… Mais je n’ai pas l’impression que ce soit moi, en réalité. »

Il ne se connaissait pas, plus après tout. Il était incapable de se définir, de dire qui il avait été, a qui il était lié – et son prénom… Il n’était pas le sien, au final. Pour l’instant. C’est comme s’il appartenait à quelqu’un d’autre, quelqu’un qui n’était pas lui pour le moment. Alors il resterait Vinci – parce que c’était le nom que Lou l’avait aidé à choisir pour faire ses premiers pas ici.

« Mais appelle moi Vinci, murmura-t-il, un rire dans la voix. »

« Ce sera Vinci alors » un petit sourire, après tout c’est tout à fait son droit de ne pas vouloir reprendre son prénom. Tu le comprends un peu, s’il ne se reconnaît pas dans Flavio autant qu’il garde son pseudonyme qui semble le définir mieux. Flavio, une connotation bien du sud tu comprends un peu mieux vos origines communes. «  Je ne connais que mon nom de famille alors, je n’ai pas ce souci. J’étais machinchose Di Scipio, donc pour moi ça continuera à être Mirage pour un certain temps ».

C’était agréable de discuter comme ça, de prendre le temps de se poser, tu laisses aller ta tête contre le lit, toujours assise par terre avant de te saisir de la bouteille d’eau. Tu attendras que les deux plus petits ou au moins l’un d’entre eux soit réveillé pour piquer un somme. La danse et l’aviation, deux choses bien différentes mais qui semblaient incarner leurs deux rêves. Sa phrase suivante incarne même ta pensée. « Oui, je veux t’aider aussi. Si jamais je croise un Régis je lui en parlerais. Le premier cousin que j’ai croisé s’appelle Matt, enfin c’est son surnom mais je ne connais pas son prénom, et le plus petit s’appelle Alessandro mais je prie juste pour qu’il ne se soit pas retrouvé ici ». Oui quelque part la montagne d’orgueil et d’égoïsme que tu es arrive à penser à ce petit garçon et rien que l’imaginer coincé entre un rat géant et une grenouille mutante te donne des frissons dans le dos.

Elle comprit et il en était soulagé, au final. Puis il reprit la parole, un rire dans la voix.

« Dommage, je trouvais que machinchose t’allait particulièrement bien, entre nous. »

Il la regardait du coin de l’œil, tentant toujours de se souvenir. La connaissait-il ? La question le taraudait. C’était possible, probable – mais impossible de savoir tant qu’on ne lui rendrait pas sa mémoire. Avait-il d’autres connaissances dans cette ville ? Des amis, des cousins, son autre frère ? Ses parents peut-être ? Si la réponse était « oui » une autre interrogation se posait : pourquoi ? Pourquoi avaient-ils été amenés ici ? Pourquoi réaliser quoi ? Avaient-ils une mission précise, une tâche à accomplir ? Il souffla doucement, notant les prénoms prononcés par la fille. Matt, Alessandro. Il s’en souviendrait. Peut-être les connaissait-il aussi ? Il jeta un coup d’œil derrière lui quand il entendit Mirage parler du gamin plus jeune.

« Je me demande aussi pourquoi lui est ici… Qui laisserait un enfant aussi jeune se balader sans surveillance ? Il avala difficilement sa salive. Sérieusement… Avec tout ce qui traine, n’est-ce-pas tout simplement inhumain de laisser un enfant ainsi ? »

Et c’était eux qui en avaient hérité, de ce gamin. Il eut un mince sourire, attrapant un biscuit qu’il savoura doucement. C’était un plaisir simple mais qui lui semblait incroyablement réconfortant.

« Je me demande… Je me demande si on se connaissait, avant. »

Il avait murmuré, tout doucement. Après tout, ça le taraudait et il avait trouvé en Mirage quelqu’un à qui parler, à qui se confier.

C’était si simple de parler avec lui que c’était comme si c’était une vieille habitude qui revenait. Sa question fait écho à tes propres impressions, c’est si simple que cette habitude semble émaner de ton corps plus que de ton esprit. Mais si cela ne vient pas de ton esprit mais bien de ton corps alors c’est comme la nage ou le vélo, ça vient d’avant et ça ne s’oublie pas.

« C’est même monstrueux. Je n’ai pas pour habitude de me soucier réellement des autres mais un enfant aussi petit ne survivra pas longtemps ici s’il n’est pas bien entouré. » Une autre gorgée d’eau en sentant tes yeux picoter, le sommeil te guette au final. « L’envoyer ici volontairement c’est presque comme jeter en pâture un agneau à un crocodile, cruel ». Au fond tu te demandes si vous n’êtes pas tous des agneaux que l’on a volontairement envoyés à l’abattoir. Ca t’en donne la nausée, tu détestes cette idée, cette idée de ne rien contrôler du tout, juste d’essayer de survivre sans pouvoir te battre en retour. Un peu comme un pauvre nageur qui lutterait constamment contre des courants contraires pour ne pas se noyer sous une eau noire et sans fond.

« Oui, je me demande aussi. On était au même endroit, au même moment et pour sauver la même personne. Il est possible que l’on ne se soit jamais croisés mais… Je ne sais pas j’ai cet arrière gout d’habitude quand je te parle comme ça. Presque d’une normalité banale. » Mais tant que lui ou toi n’aura pas de souvenir de l’autre ça restera impossible à prouver. « Machinchose me va particulièrement bien en effet mais j’espère que mes parents ont été un tant soit peu plus originaux ». Tes parents, en avais-tu pour commencer ?

Mirage était d’accord avec lui sur le fait d’avoir des gosses ici. C’était comme les envoyer vers l’abattoir. Le brun soupira doucement, renversant sa tête sur le lit une nouvelle fois.

« Je me demande si nous avons fait quelque chose pour mériter ça. »

Il eut un sourire sans joie – après tout, c’était possible, non ? Que quelque chose les ait envoyé ici pour les punir de leurs actes. Une sorte de Dieu… Etait-il croyant, d’ailleurs ? Le souvenir dans la chambre de la fille le fit rosir – s’il était croyant, alors il était un sacré pêcheur, à préférer les garçons aux filles. Il avait d’ailleurs encore du mal à y croire – mais bon, Mirage était une très belle fille et elle ne lui faisait absolument aucun effet…
Ou alors il n’avait tout simplement aucun goût à ça. Mais ce n’était pas réellement important, après tout. Il s’étira légèrement, jetant un coup d’œil à Mirage.

« J’espère qu’on retrouvera nos familles… Et qu’on trouvera comment partir d’ici. »

Il avait murmuré, finissant par fermer les yeux.

« Tu devrais dormir un peu. On a pas mal été secoué jusque-là, profitons de l’accalmie… »

Après avoir mangé, bu et discuté calmement avec Vinci ça allait beaucoup mieux, tu as réussi à t’apaiser un peu et c’est vrai que la fatigue commençait sérieusement à pointer le bout de son nez. Tu te demandes en effet si le seul et unique fait que vous soyez ici était une punition en soit. Une sorte de sort bien mérité que l’on infligerait à des enfants ayant fait une grosse bêtise. Mais quel crime auraient pu commettre des enfants aussi petits que l’étaient Alice ? Le bout de chou était même en blouse d’hôpital. L’hôpital, ton premier souvenir te revient en mémoire, était-ce après l’incendie ? Mais pourquoi aurais tu eu les poignets attachés ?

Un léger frisson te prends pendant que tu murmures un « Peut-être que nous l’avons mérité, je ne sais pas. Ce que je sais c’est que, comme toi, je veux retrouver ma famille et surtout sortir d’ici. Sauver ma peau » déjà à moitié endormie. Tu rassembles le peu de force qu’il te reste pour aller t’allonger délicatement à côté des deux petits. Un petit somme et c’est reparti.
Tes yeux se ferment rapidement et ta respiration prend un rythme régulier alors que tes cheveux sont encore humides, une chose reste sûre, ça va frisotter.

Spoiler:

Avec un sourire attendri, il la regarda commencer à sombrer. Elle avait murmuré tout doucement en se hissant sur le lit. Le brun se redressa, jetant un coup d’œil aux trois corps endormis sur le couvre-lit. Avec un air tendre, il s’attarda sur Mirage et Miguel – c’était comme une famille, au final. Une famille qu’il s’était trouvé ici, qui s’entraidait… Il poussa un soupir. Est-ce qu’il arriverait à trouver d’autres clefs de sa mémoire ? Il en avait tellement envie. Savoir si Miguel était réellement son frère, savoir où était, qui était le reste de sa famille… Il y avait tellement de trous, tellement de zones d’ombre. Il soupira doucement, s’étirant – il n’allait pas pouvoir rendormir de sitôt. Alors il recula doucement, sortant de la chambre après un dernier regard aux trois autres, entreprenant de se balader à travers l’hôtel jusqu’à ce qu’ils se réveillent.  

Spoiler:

Les yeux collés et encore toute endormie tu émerges doucement de ce sommeil sans rêves. Il manque deux personnes, Vinci et le petit garçon blond. Tu espères un instant qu'ils sont bien tous les deux ensemble. Deux pas sur le parquet tiède te demandant quoi faire. Miguel est encore bien endormi et tu n'as pas envie de rester là trop longtemps. Mais quelque part tu n'as pas non plus envie de les abandonner. Tu décides donc d'aller faire un tour en te promettant de revenir.

Tu cherches dans tes poches, la carte postale vierge. Mais pas de stylo en vue, sans faire de bruit tu fouilles dans les tiroirs avant de tomber sur un bic. Parfait, trois phrases gribouillées à l'arrache. Partie en apprendre un peu plus. Je reviens vite, on essaie de se retrouver ici. Une petite pensée pour la dispute précédente. Vu la réaction de Miguel lorsque tu étais partie seule tu ajoutes une phrase, qui ne te ressemble pas. Pardon de partir comme ça. Je serais prudente, je reviendrais. Une promesse que tu te fais, tu reviendras ici. Parce que même sans t'en apercevoir tu t'es attachée à eux, comme des compagnons, comme un endroit où retourner.

La carte bien en vue tu fermes doucement la porte, ton sac en bandoulière que tu as partiellement vidé pour leur laisser de l'eau et de la nourriture bien calé sur ton épaule. Tu enfourches la moto, savourant à l'avance la vitesse que tu vas pouvoir prendre, cette fois.

« C'est toi et moi maintenant. Tu pourrais m'emmener quelque part où je pourrais en apprendre plus sur cette ville ? On ira à la vitesse qui te conviendra. ». Tes mains cramponnées au guidon et les fesses bien posées sur le siège.

La moto démarre en trombe, et l'emmène loin vers une destination inconnue de la jeune femme. Elle l'emmène dans les stations de métro la dépose devant, car elle ne veut souiller sa carrosserie.

Spoiler: