Suivant la direction pointé au hasard par le doigt de la fille-sans-nom, il se retourne parfois vers l'avion, avec l'espoir de voir du personnel débarquer sur la piste. Mais non rien. Et puis il regrette aussi soudain de ne pas être allé dans le hangar, peut-être qu'il y avait une carte de cette endroit. Il est trop tard pour regretter. Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir. Sauf que la confiance c'est justement ce qu'il semble manquer à Minou, qui avance en lançant des regards méfiant tout autour de lui. Et lorsque qu'il aperçoit un édifice devant lui, sûrement un hôtel, il a l'espoir d'y trouver quelqu'un qui pourrait leur expliquer la situation. Il pousse la porte et fait quelques pas dans la pièce, juste le temps de s'apercevoir que c'est un bar et qu'il est tout aussi vide que le reste.

- Bon, si vous avez soif il y a de quoi boire au moins.

Mais lui, l'alcool, ça ne le tente pas. Pas du tout même. Alors il jette un regard sur ses compagnons de voyage, cherchant à savoir ce qu'ils vont faire.

Lui non plus n'a pas eu d'idée fulgurante d'où aller. Alors il a suivi la direction indiquée par la fille avec les deux autres, la gamine toujours juchée sur ses épaules, sans trop s'occuper de son avis. Il est trop égoïste pour se soucier de ce que les autres pensent. Et ils arrivent dans le bar d'un hôtel. Il a l'air luxueux, mais un peu... Abandonné ? À croire qu'il n'y a personne dans cette ville...

« Tu veux pas goûter pour nous, le chat ? »

Il lui lance un sourire narquois et passe à autre chose. Il est sympa, le chat, mais il les avance pas à grand chose.

« C'est moi ou y'a vraiment personne dans le coin ? J'veux dire... Ça commence à être un peu inquiétant. D'habitude y'a des gens en ville. Je pense pas que tout le monde soit soudainement parti en vacances. »

Et il n'arrive toujours pas à se rappeler. De quoique ce soit avant cet avion écrasé. Ou posé sans aucune délicatesse. Et ça le frustre. Beaucoup. Progressivement, la panique s'insinue, là, dans sa tête... Parce que c'est pas normal, tout ça. Du tout.

Pour une fois, elle n'est pas devant mais derrière le groupe. Parce qu'elle s'est arrêtée pour jeter un dernier regard au hangar, toujours debout sous le soleil, qui reste là, immobile, comme s'il la défiait d'y pénétrer. Bah, ça sera pour une autre fois, tu perds rien pour attendre, mon gros, j'te ferai cracher  tes secrets ! Et fièrement, elle tourne les talons pour se lancer à la poursuite des types et de la gamine cheloue, sans pour autant oublier de lancer des regards curieux à droite à gauche.

Leur destination finale est pour le moins... étonnante. Un hôtel ? Enfin, non, rien de vraiment bizarre en fait. Elle ne peut s'empêcher de sourire aux deux idiots qui la devancent, sarcastique. « Eh bah vous voyez, quand vous voulez, vous êtes de très bons touristes, vous avez déjà trouvé où on logera ! ». Parce que c'est censé être plaisant, un hôtel, non ? Même s'ils s'arrêtent bien avant les chambres, dans une pièce remplie de tabourets hauts et de bouteilles d'alcool. Elle hausse un sourcil aux remarques qui s’enchaînent, soupire avant de passer devant monsieur cheveux bleus en le poussant très légèrement. « T'as besoin de quelqu'un pour gouter ça, toi ? ».

Elle flâne devant les étagères remplies d'alcools aux noms communs et exotiques, comme on ferait du lèche vitrine, promène un doigt sur les étiquettes couvertes de poussière pour faire apparaître les lettres. Enfin, elle s'arrête brusquement, saisit une bouteille et la brandit au dessus de sa tête. « Voilà un nom qui ne m'est même pas familier ! Voyons voir, j'me d'mande quel goût ça peut avoir... ». Elle débouche sans attendre le bouchon, et porte le goulot à ses lèvres, renverse la tête vers l'arrière et laisse le liquide lui brûler la bouche.

Très vite, elle grimace. « Putain, c'vraiment pas bon ce truc, eurk ! ». Elle fait semblant d'ignorer l'obsédé des prénoms et ses remarques pessimistes, mais c'est plus fort qu'elle. « Et alors, c'pas grave, si ? T'es entouré d'alcool, et c'est à ça que tu pense ? ». Elle choisit deux bouteilles au hasard sur l'étagère, en tant une à Minou, une à cheveux-bleus, et toise la gamine d'un air méfiant. « Pas pour toi, t'es trop jeune ! »

Il attrape du bout des doigts la bouteille qui lui est tendu. Il la regarde d’un air à moitié dégoûté, à moitié effrayé. Non il ne veut pas boire. Il n'a pas envie de devenir ivre, de tituber comme un ivrogne, de dire n’importe quoi bref, il ne veut pas être saoul. Alors il repose la bouteille sur le bar, commençant à feuilleter les pages de son livre. Les poèmes qui défilent sous ses yeux sont bien plus intéressant que ses compagnons d’infortune. Il a la vague impression de les avoir déjà lu, pourtant il prend autant de plaisir à les relire.

Spoiler:

Il plisse le nez en entendant la fille parler de loger là. Ok, ça a l'air classe, mais le manque cruel d'entretien dans le bar qu'il découvre le dégoûte profondément. Visiblement, le personnel absent ne saura jamais s'occuper de ses affaire correctement. D'ailleurs il n'a même pas de quoi payer, constate-t-il en fouillant dans ses poches. Peut-être que s'il dédicace son flyer, il aura la valeur d'une gros chèque cadeau pour la chaîne de l'hôtel ? Et il se retrouve avec une bouteille dans les mains. Il arque un sourcil sceptique devant l'étiquette poussiéreuse puis hausse les épaules. Si c'est vieux, c'est classe, cher, et ça doit avoir du goût, non ?

Il teste prudemment le liquide. Mais son palais délicat refuse d'avaler la moindre goutte de ce truc. Il recrache tout, sur Minou et son livre, en faisant la grimace comme un gosse qu'on a forcé à manger ses épinards.

« Eurk, c'est écœurant, ouais ! Bon, bah on va devoir annuler la fête, je crois. On cherche le personnel ? »

Que j'aille lui passer un savon. Quel accueil pourri ! Et en passant à la hauteur de Minou, il lui lâche :

« Tu transmettras mes excuses à... – Il lui prend le livre des mains pour lire l'auteur sur la tranche. - ... À Baudelaire. Mais bon, il devait pas en avoir qu'un, de bouquin, maintenant ça se produit en milliers d'exemplaires ces trucs là. Sûr qu'il m'en voudra pas. »

Et puis, il a une gamine sur les épaules, personne lui fera de mal. Surtout pas Minou, qu'il considère déjà comme un larbin malgré lui. Ça fera bonne impression auprès du Staff de l'hôtel.

Elle ne peut s'empêcher de ricaner en voyant la grimace sur le visage de Cheveux-bleus. « Alors, on supporte pas l'alcool ? ». Bon, en tout cas, c'est toujours mieux que de jouer les rabats-joie comme l'a fait Minou, en reposant la bouteille loin de lui. Ce qui est moins bien, c'est quand le précieux liquide ressort de la bouche du schtroumpf pour atterrir sur le livre tenu par Minou. Urg, pas cool ça, mec ! Elle lâche la bouteille qu'elle tenait, qui s'écrase sur le sol dans un bruit de verre brisé, fait trois pas, attrape la première chose qui lui vient dans ses poches, et flanque un bon coup de carte sur les cheveux bleus devant elle. « T'es vraiment pas poli, mon pauvre ! Tu pourrai au moins respecter un peu les autres ! ».

A son tour, elle s'empare du livre de Minou, le secoue doucement, comme si ça allait servir à quoi que ce soit, comme si les pages allaient sécher, avant de lui remettre dans les mains d'un geste assuré. « Ça va aller, il s'en remettra ! ». Elle lui fait un petit clin d’œil. Elle ne s'inquiète pas vraiment pour le livre. Elle n'aime juste pas les enfantillages. Ni les gens impolis.

Demi-tour rapide, elle rafle deux trois bouteilles après avoir remis la carte dans sa poche, se promettant de la détailler plus tard. Aucun doute, elle a été suffisamment intelligente pour prévoir son voyage, et sur les cartes, il y a toujours le nom du lieu où on est. Elle rattrape le Schtroumpf, le dépasse aisément, profitant que le poids de la fillette sur ses épaules le ralentisse. « Bon, alors, on s'trouve une chambre, c'est ça ? J'vous préviens, je veux personne qui ronfle avec moi ! », gazouille-t-elle joyeusement.

Choqué. Voilà ce qu'est Minou. Il ne les regarde même pas. Son regard est fixé sur son livre. Son livre dégoulinant. Son livre tâché. Par cet imbécile. Il serre les dents, reste impassible tandis qu'il essuie son visage du mieux qu'il peut. Il remet son livre trempé dans sa poche puis suit la jeune fille. En passant à côté de Sonic il affronte un instant son regard pour lui lâcher, froid:

- Personne n'en veut aux imbéciles. Ils seraient capable de croire qu'on s'intéresse à eux.

Puis il le dépasse, rattrape la jeune femme sans rien rajouter.