Les belles au bois dormant de l'A340

Spoiler:

16h-18h

Quel drôle de rêve quand même ! Le jeune homme s’étira longuement, un grand sourire aux lèvres. Il était bien content de ne pas se réveiller amnésique dans un train. Sans chaussures, en plus !

Ses paupières papillonnèrent et ses iris se fixèrent sur l’écran qui affichait un inquiétant décompte. Qu’est-ce que c’était que ça ? Il examina tout autour de lui, le regard encore vague. Il était dans l’avion. Quel avion ? Ah oui, il partait en vacances. Non, attendez, ça c’était dans son rêve. Qu’est-ce qu’il faisait là ? L’angoisse lui noua de nouveau l’estomac, comme dans son rêve, mais cette fois-ci, elle ne le lâcha pas si facilement. Sa vision devenait plus nette et il se rendit compte que l’avion était légèrement penché et que les lumières clignotaient, en proie à une évidente malfonction. Quelque chose n’allait décidément pas. Le garçon défit machinalement sa ceinture et se leva pour avoir une vue d’ensemble de l’intérieur de l’avion. Il y avait un groupe de jeune gens plus loin qui semblait s’agiter.

Il regarda ensuite par le hublot. L’avion était posé sur une piste d’atterrissage par ailleurs complètement déserte, à côté d’un hangar désaffecté. Enfin, posé était un bien grand mot. Écrasé serait plus exact. Comment se faisait-il que le crash ne l’avait pas réveillé ? Le jeune homme fit un petit pas de côté en direction du couloir.

« Aouch ! »

Il avait marché sur quelque chose. Son sac bleu ! Il l’attrapa et à la petite tâche de sang qui avait fraîchement souillé la toile, il comprit qu’il s’était légèrement coupé le pied avec la fermeture éclair. Il fit une grimace avant de poursuivre son chemin. Cependant il buta dans les jambes de son compagnon de voyage, qu’il n’avait pas remarqué. Embarrassé, il rougit un peu. Il hésita brièvement à le réveiller (si ce n’était déjà fait), puis il songea que la situation était assez grave pour se le permettre. Il s’éclaircit doucement la gorge avant de parler d’une voix si petite qu’elle n’aurait pas réveillé une souris :

« Mmh... Excusez-moi ? »

Elle a sa tête posée contre sa main droite, accoudé elle ne sait où. Elle sent sa paume contre sa pommettes, ses doigts dans ses cheveux si doux. Elle se sent flotter, dans ce moment où son corps se réveille, fait un check-up de la situation, et où son esprit résiste encore un peu. Sauf qu'un grand dadais butte contre ses jambes, l'arrachant en sursaut de son demi état de rêverie.

« Aïïïïïeuuuux ! Mais fait gaffe, t'vas m'faire un bleu aux jambes ! »

Elle lui lance un regard courroucé, elle boude, se tourne pour lui présenter son épaule, à cet impudent, prête à refourrer sa tête contre sa main. Mais elle le sent, quelque chose cloche. Le confirme une vision d'horreur qui s'offre alors à elle. Du noir. Sur ses doigts.

Son maquillage ! « Merde ! » lâche-t-elle tandis qu'elle se lève prestement de son siège. Vite, les toilettes ! Un miroir ! Et là, petit cri étouffé d'horreur : c'est bien ce qu'elle pensait : ça a coulé. Grave ! Garder son sang froid. Spouitch, le démaquillant sur le coton, Frouitch, le coton sur l'oeil, nettoyant la zone sinistrée, poutch, foutch, scritch et sbim, fond de teint, far à paupière, eye-liner et mascara.

Sourire, et elle se trouve impec. Pourtant... Elle papillonne des yeux un instant, se fait un baiser de loin, histoire de vérifier son gloss. Car il y a quelque chose qui cloche, mais elle ne comprend pas quoi. Le vernis est bon, pourtant. Nan, quelque chose ne va pas. Maquillage impec, vêtement Ok... Alors quoi ?

Elle réalise.
Cette personne que reflète le miroir.
Elle ne la connaît pas.

Et soudain, dans l'avion, un cri strident perce le silence, un espèce de « Kyaaaaaaaaa !! » suraiguë, à te vriller les tympans...

Parfois on voudrait dormir, et pas moyen. Et des fois, c'est l'inverse. Ben là, c'était l'inverse. Sanglée à son siège, la jeune fille entendait les bruits autour d'elle, comprenait confusément qu'il y avait des gens, mais pas moyen de se réveiller. A croire que son esprit était parti très loin, trop loin, et préférait ne pas revenir à la réalité.
Et puis il y eut ce bruit. Strident. Perçant toutes les couches de ouate dans lesquelles son cerveau était enveloppé, il la ramenait brusquement à la surface.

Elle se réveilla en sursaut. En prenant une grande inspiration, comme après une longue plongée en apnée. Le bruit avait cessé. Autour d'elle, des sièges plus ou moins occupés., des gens plus ou moins réveillés. Les lumières clignotaient bizarrement. Qu'est-ce qu'elle faisait dans un avion ? C'était quoi ces chiffres sur l'écran en face ?
Petit grognement quand elle détacha sa ceinture. Ouatch ! l'atterrissage avait du être musclé. En même temps, les lumières, l'inclinaison de l'appareil, l'air groggy des passagers, tout semblait indiqué que l'avion s'était crashé. Et plutôt en douceur tout compte fait.

Elle se leva, croisa le regard du gars du siège de devant et lui lança :
« Hey, c'était quoi ce bruit ? Y'a quelqu'un de blessé ? »

Oui parce qu'après tout, ils s'étaient quand même crashés.

Le vide, le néant, il n'y a absolument rien en elle. C'est gênant. Qui est-elle ? Elle semble avoir une conscience. Penser. Des informations apparaissent dans sa tête elle est une humaine, elle est vivante.
Puis le monde extérieur fait son apparition, elle prend connaissance. Tout d'abord les bruits, petits à petits ce qui semblait être une doux murmure comme une berceuse se mue en une voix criarde, désagréable. Elle ne cherche pas encore à comprendre ces sons. Puis ensuite vient le toucher, elle a froid, elle est allongée sur le sol, une sorte de vieux lino désagréable et froid, mal installée sa tête est face au sol. Au tour des odeurs, mais elle ne sent pas grand chose mis à part une senteur amère, elle picote, est presque désagréable mais elle l'attire, elle parvient à mettre un nom à ceci: la clope. Oui elle fume, ça lui vient en tête, ça aussi. Le cortège des sens se finit par la vue, pour l'instant c'est un rideaux noir, ses yeux sont fermés, elle les ouvre, ses cheveux tombés sur son visage masquent la lumière.

La jeune fille finit par se lever, sans doute animée par son simple instinct, au fond d'elle elle est vide et ne comprend rien. Elle est dans une sorte de couloir remplis de siège, avion, ce mot lui vient à l'esprit il semble vieux, abîmé les hublots salis montrent qu'il fait encore jour dehors et que l'avion semble ne pas avoir eu un atterrissage normal.

Un picotement se fait sentir à sa main, elle l'observe, un long trait cinabre barre cette dernière. Elle ne comprend pas tout de suite que c'est du sang, non avant, elle l'approche de son visage, et goûte cet étrange liquide écarlate. Sang. Un sourire se traça sur son visage, elle trouvait ça amusant, cette chose qui s'écoulait de sa plaie. Sans doute plus amusant sur d'autres.

« Hey, c'était quoi ce bruit ? Y'a quelqu'un de blessé ? »

Elle se tourna afin de voir qui venait de parler, elle vit une jeune fille, frêle aux cheveux relativement pâles. Était-elle blessée ? À la vue de sa main, la réponse lui parue affirmative, alors elle répondit, car sa bouche semblait scellée depuis bien trop longtemps, une voix éraillée en sortie - la sienne -.

« Légèrement.»

Puis elle avança vers elle - et d'autres personnes qui se détachèrent de l'ombre -, d'une démarche enfantine, était-ce un jeu ? Cela semblait amusant, de se réveiller avec rien, ni souvenir ni affaires.

« Vous aussi, vous avez tout oublié ? Quel est le but de ce jeu ? Ça à l'air rigolo. »

La charmante voisine du jeune homme ne semblait pas de bonne humeur. Il ne lui en voulait pas. Il l’avait bousculée, réveillée en sursaut, elle avait toutes les raisons d’être grognon. Il allait présenter ses excuses, mais la voilà qui filait vers les toilettes plus rapide que l’éclair. Il haussa les épaules. Un besoin urgent, sans doute. Il lui demanderait pardon lorsqu’elle reviendrait...

Alors qu’il pliait les genoux pour se rasseoir, un hurlement strident retentit et se fut à son tour de sursauter. Une voix s’éleva derrière lui pour s’en inquiéter et il se retourna pour voir un jeune fille élégante. Il allait lui répondre quand une troisième demoiselle fit son apparition. Elle prétendait être blessée et elle avait en effet du sang sur la main.

« Je crois que c’était la jeune fille qui est partie aux toilettes qui a crié... On devrait peut-être aller voir ce qui ne va pas... Et on pourra nettoyer un peu ta plaie par la même occasion ! Ajouta-t-il avec un sourire à l’adresse de la nouvelle arrivante. »

Il se mit en route vers les toilettes de l’avion, claudiquant pour ne pas mettre en contact avec le sol la partie écorchée de son pied. Il n’aurait plus manqué que ça s’infecte.
La seconde réplique de la fille à la main blessée le laissa un peu perplexe.

« Un jeu ? Tu crois que c’est un jeu ? Comme un jeu télévisé ? De la télé réalité ? Je pense pas qu’ils puissent effacer la mémoire des gens comme ça... Attendez, vous ne vous souvenez de rien, vous non plus ? »

Il jeta un regard interrogatif à l’autre demoiselle. La situation lui paraissait de plus en plus bizarre.

Vous vous inquiétez pour la brunette ? Pas de soucis, car elle revient. Au triple Galop même, ses talons frappent le sol en cadence. Instinct de survis, tu vois, elle vient de ce siège là, celui à côté du gars, elle y retourne. Y'avait des gens conscients et une part de son cerveau reptilien -bien que peu fufutte- se dit que c'est auprès d'eux qu'elle doit retourner. Et pas auprès des moults passagers qu'elle croise et qui se feraient pourtant une joie de l'aider. Puis le premier sur son chemin, elle le choppe aux épaules et le secoue, aussi violemment qu'elle le peut. Dans sa tête, ça donne quelque chose pire qu'un prunier !
En vrai, la personne a juste les épaules qui remuent un peu. Elle a pas de force, cette fille...

« Dans le miroir ! Y'avait moi qui me regardais mais c'était pas moi ! C'était pas moi !! »

Sa voix retourne dans les aiguë puis son ongle s'accroche à un truc, vêtements, sans doute. Elle ronchonne, se redresse et regarde.

« Mince, ma manucure... »

Elle est calmée, la brunette. Elle regarde et du bout des dents, arrange ce bout qui dépasse. C'est bon ! Grave, canon. Elle sourit. Ah mais... Ah, oui, mais c'est pas ses mains, ça !

« MAIS ! Mais c'est pas mes mains, ça ! »

Oui, comme on vient de le dire...

Effectivement, là, quelqu'un s'était levé et saigné de la main. Outre la blessure, par forcément profonde à première vue, c'est surtout le look, comment dire, nature ? débraillé ?.. allez, disons peu soigné de la fille qui sautait aux yeux. Ah oui et les yeux aussi d'ailleurs, ternes, cernés. Bon. Mettons.
Elle allait lui dire que c'était pas le peine de gueuler comme si on lui avait amputer la main, mais l'intervention du type d'en face l'en empêcha. Il avait l'air plus renseigné : apparemment, une fille était partie aux toilettes et ce serait elle qui avait crié. L'idée d'aller voir et de passer à l'eau la coupure semblait bonne. Le type parti devant, pieds nus, en boitant légèrement.
Et là, en chemin, la grande blessée sortit une de ces phrases, de celles qui vous prennent par surprise. Oublié ? Jeu ? Et l'autre qui répond, tranquille, apparemment ça lui parle à lui ce charabia. Comment ça je ne me souviens plus de rien moi non plus ? Ok, elle s'était bien rendu compte qu'effectivement, deux trois détails lui semblaient obscurs : pourquoi elle était dans un avion ? Pour aller où ? Quand ? Pourquoi ? Comment ?
Mais de là à tout oublier... faut pas pousser. Elle s'appelait..., elle habitait..., elle avait...

La jeune fille ne disait rien et semblait réfléchir. Mais dans ses yeux passèrent un instant un éclair d'effroi. Merde ! Elle se souvenait de rien. Non, mais de rien. Son nom, son âge, son adresse, quedal. Et non, ça avait pas l'air rigolo.
A la question posée, elle ne répondit pas. Pas le temps. Une espèce de... présentatrice tv pour émission tard le soir sur chaîne cablée (?) s'avançait dans l'allée. Pourquoi elle venait les voir eux et pas les autres, alors là mystère !
Arrivée là, elle tenta de secouer le pauvre homme, déballa une phrase et repartit dans les aigus. Ah oui, pas de doute : c'est elle qui avait crié.
En même temps, ça se comprend, c'est quand même déstabilisant comme situation.
Ah mais y'a pire. Y'a sa manucure. Attend bouge pas... c'est réparé c'est bon. Et là, le sourire qui veut dire : « ouah, canon ; c'est bon, le monde peut reprendre le cours de son existence ». D'ailleurs la voilà qui se remettait à s'agiter.

Pourquoi, pourquoi elle est venue vers eux ? Mais pourquoi ?

« Écoute Barbie, je sais pas comment je m'appelle, je sais pas où on est, et d'ailleurs c'est pas les souvenirs qui se bousculent. Mais écoute, je te le dis comme je le pense, ça va être drôlement utile de t'avoir avec nous. Un vrai atout. Ca va être géniale. On va adorer. »

Cette formulation s'appelle de l'ironie oui. Mais tant pis, elle venaitde se réveiller dans un avion crashé pour une destination inconnue entourée de gens... spéciaux et elle avait moins de souvenirs qu'un poisson rouge. Alors oui, un peu d'ironie. De toute façon, la fille d'en face le comprendrait pas.

Laissant la fille aux bottes montantes se réappropriait son corps, elle se tourna vers la blessée ...:
« Allez, viens on va passer ça sous l'eau ; si y'a encore l'eau courante. »
… et vers le type :
« vous devriez peut-être trouver des chaussures quelques part. Ca pourrait s'avérer utile pour la suite, quelle qu'elle soit non ? »

Elle écoute les réponses fusées, elles ne lui apportent pas grand chose et préfère observer le sang coaguler sur sa plaie, ce liquide rouge l'attire tant. D'où vient cette passion ? Un léger sourire se profile sur son visage.
Elle ne se soucie pas vraiment du picotement causé par la blessure, non ce qui la tiraille le plus c'est le vide béant qui creuse son être. Elle ne sait rien de qui elle est, tout juste elle visionne à quoi elle ressemble, mais quant à son passé et ses origines... Non sa tête est aussi vide que... que quoi ? Aussi vide que le regard d'un cadavre. Quelle étrange comparaison me diriez-vous mais c'est tout ce qui vient à son esprit.

« Allez, viens on va passer ça sous l'eau ; si y'a encore l'eau courante. »

La jeune fille vient de comprendre que c'est à elle que l'étrangère -sans doute la plus mature du groupe- s'adressait. Il est vrai que le groupe était plutôt bien bariolé, entre une gamine criarde et superficielle - d'ailleurs en la voyant agir comme ça, elle ne comprends pas pourquoi mais il lui vient l'envie de tracer quelques traits cinabres sur sa peau avec quelque chose de coupant, histoire de rigoler -, un homme sensé mais peu réactif et enfin une jeune fille frêle mais réfléchie et mature. Bon entre autre il y a elle, mais elle ne peut pas se juger non, elle est ce qu'elle est point. D'ailleurs elle ne sait même pas qui elle est.

Elle finit par suivre la blondinette, d'une démarche légère, presque sautillante, elle rigole un peu aussi. c'est vrai quoi, l'ambiance semble lourde, à croire que ça ne leur plait pas de ne rien comprendre et de ne rien se souvenir. Bon ok elle aussi elle n'apprécie pas trop, mais on dirait un rêve. Un peu désagréable. Mais ça semble loin de la réalité, alors elle a envie de s'amuser un peu. D'ailleurs ceci à un nom il lui semble, oui insouciance c'est ça. Elle est insouciante. C'est agréable de virer tous ces tracas comme ça.

« Et c'est quoi vos p'tits noms au passage ? Moi j'en ai aucun, enfin peut être que j'en ai un mais je m'en souviens plus. Appelez moi Nicotine ! »

Elle ne sait pas pourquoi, mais c'est le premier mot qui lui vient en tête pour son nouveau nom, peut être à cause de l'odeur de clope dont ses vêtements sont imprégnés.

Finalement, la jeune fille brune qui était partie aux toilettes en était sortie avant même qu'ils ne les atteignent. Elle était complètement affolée et alla même jusqu'à secouer les épaules du rouquin. Pas très fort, mais il pouvait quand même sentir ses ongles lui picoter la peau. La vision de ses mains sembla la calmer un instant, mais pas très longtemps. Attendri, le jeune homme voulut lui offrir quelques mots de réconfort. Mais la jeune fille élégamment vêtue fut plus rapide... Mais ce qu'elle dit à la pauvre demoiselle en détresse n'était vraiment, mais alors vraiment pas gentil. Il pouvait entendre l'ironie suinter dans ses mots et il se pinça les lèvres pour ne pas répliquer immédiatement.

Après tout, ils étaient tous sur les nerfs. Peut-être qu'elle ne pensait pas vraiment ce qu'elle venait de dire. C'était sans doute juste la frustration qui parlait. Mais sur ces paroles, elle lui suggéra de trouver des chaussures. Parce qu'insulter la jeune fille en sous-entendant qu'elle était idiote et inutile ne lui avait pas suffit, il fallait qu'elle dirige la vie de ses pieds, maintenant. Comme s'il n'était pas capable de penser à ça lui-même, lui qui supportait à peine le contact du sol avec la peau de ses pieds.

Il dut inspirer longuement pour s'éclaircir les idées car la moutarde lui montait au nez. Une fois cela fait, il se mit à sourire, toute pensée négative définitivement chassée.

« Allons, allons, ne laissons pas la mauvaise humeur nous faire dire des choses regrettables. On va trouver une solution à cette situation, on va s'en sortir ! »

Sur ces mots, il adressa un regard à la brunette paniquée car elle semblait être la plus affectée par ce qui se passait.

« Et promis, me trouver des chaussures fera désormais partie de mes priorités ! »

L'étrange demoiselle blessée à la main leur demanda alors leurs noms... Mais de toute évidence, ils étaient tous victimes de la même absence de mémoire. Probablement qu'aucun d'eux ne savait quel était son nom. Malgré cela, il lui répondit de vive voix :

« Je ne me rappelle plus de mon nom... Je ne sais pas trop comment vous pouvez m'appeler. »

Nicotine, hein ? C'était bizarre comme surnom. Elle devait vraiment aimer fumer. Ça ne dérangeait pas vraiment le jeune homme. Tout le monde avait ses particularités, après tout.

Elle regarde ses mains. Dessus, devant, paume, doigts. Fébrilement -Paniquement même- car punaise, elle a carrément pas de souvenirs de ça ! Ces doigts tout fins, la manucure parfaite, ces réti... -petite digression, elle se jalouserait presque la manucure, justement : les ongles sont longs, bien taillés... un joli boulot, il faut l'admettre et... - Mais les choses s’enchaînent, la privant de ses pensées réconfortantes. L'une qui avoue direct qu'elle ne se souvient de rien, puis qui sort quelques paroles que la brunette interprète positivement, même si elle ne comprends pas bien d'où viennent les éloges, et cette histoire de prénom, de chaussure, de prénom encore. Mince, et ils ne paniquent pas ? Mais pourquoi est-ce qu'ils ne paniquent pas ?! Y'a des trucs carrément Chelou, là, non ? Elle, elle est carrément pas elle et eux, ils ont pas leurs prénoms ? Ça leurs fait rien ?! Elle tente de rester calme -comprendre par là, paniquer juste de l'intérieur-, puisque même une ado reste zen -nan, car elle c'est carrément pas une ado, mais une jeune adulte, pigé ? - et va essayer de se présenter. Calmement.

« Moi c'est... »

Alors, c'est bien, c'est calme, mais non, y'a rien qui vient. Panique.

« J'sais pas ça non plus ! J'sais même pas si mon prénom c'est Jenny ou Monica, ou... !! » Pause. Calme. Roucoulement : « Oh ! Oh. Monica, ça serait cool... »

Le type avait pris une grande inspiration puis avait sourit et sortit un petit discours d'apaisement. Elle l'aurait bien vu finir par un : « tous-ensemble-tous-ensemble-ouai-ouai » avec une petite danse de groupe. Bon ok, elle avait peut-être un peu tendance à voir les défauts de ses nouveaux compagnons. Mais en même temps, vu la situation, valait mieux ne pas les découvrir en cours de route.
Elle jeta un regard au grand, celui qui dit « ok, c'est bon, j'ai été un peu loin, j'ai compris », et un petit sourire en coin. Parce que finalement, il était ni drogué ni bimbo et suivait les conseils : chaussures + top priorité = impeccable.

La bimbo , après avoir redécouvert ses mains, entrait dans la conversation. Monica... Monica ?

« Monica ! Heu... Écoute, tu fais comme tu le sens, mais Monica, c'est pas vraiment ce qui me vient à l'esprit en te voyant. Attend, le prend pas mal hein -elle pouvait parfaitement imaginer le regard de réprobation du type dans son dos-, c'est juste que je trouve ça un peu... madame tout le monde tu vois ? »

La brunette ne devait pas vouloir être madame tout le monde. La brunette voulait sûrement être parfaite, au top ; quelqu'un que l'on regarde et que l'on admire ; quelque chose de brillant et d'un peu classe. Un produit de luxe. Une marque de luxe. Ca, c'était la brunette.

« Tu choisis ce que tu veux, c'est ton nom, faut quand même que ça te plaise. Mais franchement moi je verrais plutôt un truc comme... Houlà ! »

Juste devant elle, un sac par terre qu'elle n'avait pas vu. Elle avait failli se prendre les pieds dedans et tomber. Beau sac. Vide, dommage. Avec écrit en gros dessus GUCCI.

« Oh ouii... un truc comme Gucci tu vois. C'est court, ça claque, ça fait classe. Ca te va bien. Après c'est ton nom, tu peux le choisir, profites-en. Faut que ça te plaise.»
Esprit court, talons qui claquent, fille classe : Gucci.

« Moi, c'est un peu comme monsieur... comme ça là, je sais pas trop.... »

Le petit groupe était arrivé devant la porte des toilettes. Exiguës, comme toujours. Et pas d'eau.

« Bon, heu... Nicotine... y'a pas d'eau. Le mieux je pense, c'est de trouver un tissu propre, nettoyer et faire un bandage. »

Gros, gros soupir. Merde, les émotions qui se réveillent. Instant de désemparement. Elle aurait aimé être seule là, tout de suite. Re-gros soupir : allez ! on se bouge.

« Ce que je propose, c'est que chacun récupère ses affaires, et qu'on bouge de là. Je pense pas que des secours arrivent, ils seraient déjà là sinon. En ville, on trouvera sûrement plus de trucs : où on est déjà ; et puis, d'autres gens aussi ; et peut-être qu'on pourra soigner Nicotine, doit avoir un hosto, ou un truc du genre. »

Elle n'obtint pas réellement de réponse concluante à sa question. Qu'importe elle avait parlé uniquement dans le but de changer de sujet, l’atmosphère se faisait tendue. C'était désagréable.
Elle n'aime pas se prendre la tête, non trop compliqué ça, oui elle préfère prendre les choses comme elles viennent, oublier les tracas, et si ça ne marche pas tout seul, alors elle peut toujours employer l'usage de quelques substances.

D'ailleurs sa gorge se serre à cette pensée, elle sent le besoin d'en prendre : une bouffé de nicotine, ou de quelque chose encore plus puissant oui.

La jeune fille revient à la réalité. Pas d'eau courante, elle observe un moment sa main sous le robinet ouvert de ces toilettes étroites. L'eau ne coule pas. Le sang reste. Doux sang.

« Bon, heu... Nicotine... y'a pas d'eau. Le mieux je pense, c'est de trouver un tissu propre, nettoyer et faire un bandage. »

Elle hoche la tête à nouveau, elle n'a pas envie de parler, oui ça demande trop d'énergie, elle se sent las. Elle veut dormir. Ou jouer ?

Dans tous les cas elle aimait se laisser guider par la blondinette, comme une mère guidait son enfant, elle se sentait comme endormie, dans une douce chaque de brume. Que se passerait-il si elle se réveillait ? Elle ne se connaissait pas assez pour le savoir, mais elle sentait qu'il valait mieux l'éviter, oui éviter toute perturbation de son esprit, et s'endormir petit à petit.

Nicotine s'avança vers l'endroit où elle était tombé, elle y trouver un petit sac, il semblait lui appartenir, elle le sentait. Peut être y avait-il de quoi la soigner ?
En le touchant elle se rendit compte que ce n'était as un sac, mais un foulard rouge déchiré, enveloppant quelques pièces -des livres sterling précisèrent la caboche - et un couteau suisse rouge, usé. Elle enveloppa sa main blessée dans le foulard rouge, déjà tâche de sang et déchiré, et mis les autres affaires dans une poche de son shirt.

« Ce que je propose, c'est que chacun récupère ses affaires, et qu'on bouge de là. Je pense pas que des secours arrivent, ils seraient déjà là sinon. En ville, on trouvera sûrement plus de trucs : où on est déjà ; et puis, d'autres gens aussi ; et peut-être qu'on pourra soigner Nicotine, doit avoir un hosto, ou un truc du genre. »

Elle observe le petit groupe bariolé qu'ils forment. Elle trouvait ça amusant de pouvoir explorer tout un monde inconnu, qui sait ce qui pouvait se produire ?

« Pas besoin d'un hôpital pour ça, faudrait juste désinfecter... Je propose qu'on te suive, heuuu... Flocon, oui voilà. Flocon.»

Nicotine ne savat pas trop pourquoi elle avait donné ce nom. La jeune fille lui rappelait la neige, ce doux manteau blanc qui lui venait en tête. En a-t-elle déjà vue ? Elle aimerait bien en revoir, c'est amusant la neige. Mais froid.
Et cette fille ressemble à un flocon tombé du ciel, frêle, pâle et froid aux abords, mais chaleureux au fond.

Le rouquin fut rassuré de voir l’élégante jeune fille s’adoucir un peu et il la gratifia d’un nouveau sourire. La conversation se faisait plus calme et chacun parvenait à se trouver un surnom approprié, faute de mieux. Tout le monde sauf lui. Ça ne le dérangeait pas vraiment, il finirait bien par trouver. Et puis étant le seul homme du groupe, il ne serait pas difficile de le désigner, même sans nom.

La récemment nommée Flocon avait l’air de vouloir prendre les choses en mains. Cela ne dérangeait toujours pas le jeune homme car ses instructions lui convenaient.

« D’accord ! Répondit-il avec enthousiasme. »

Il retourna à la place où il était assis, marchant toujours précautionneusement, et récupéra le sac bleu sur lequel il avait marché. Il vérifia son contenu et soupira : tout était comme dans son rêve, il n’y avait pas la moindre trace de chaussures. Il se baissa pour voir s’il ne les avait pas laissées sous son siège, mais toujours rien. Il retourna vers les trois jeunes filles, un peu dépité.

« Pas de chaussures. Par contre j’ai du fil de pêche. »

On ne savait jamais, ça pouvait être utile, contrairement au livre d’histoire et au téléphone portable non fonctionnel... Ou pas. Le contenu de son sac faisait vraiment peine à voir.

Gucci ? C'est un prénom, ça ? La brunette penche la tête, toute concentrée. Gucci, gucci. Ça fait Italien. Gucci. Ok, pourquoi pas. Elle espère qu'elle s'en souviendra. Mais elle se dit que quand même, Jennifer, c'était cool aussi. Quoi Monica ? Elle a oublié que c'était le prénom qu'elle s'était donné, là, y'a deux secondes. Voilà. Non, vraiment, Cindy, c'était vraiment pas mal...

En attendant, elle le ramasse, le sac, elle sourit car vraiment, il est trop trop beau ! Elle le met à son épaule et en est toute contente. Visiblement, il est à personne alors maintenant, il est à elle. Vient là, bébé, entre Gucci, on ne se laisse pas tomber dans un avions. Puis ça lui fera un bon moyen mémo-truc, là.

Elle fourre ses affaires dedans, maquillage, billet d'avions et barre de céréales car ça faisait des grosses poches à sa jupes, trop pas classe. Et en bonne petite soldate, elle se tient prête aux nouvelles directives. Diriger, c'est pas son truc il semblerait. Trouver une bonne idée pour aider le gars non plus. Ni pour le nommer.

Elle se demande encore pourquoi -flocon, donc- lui a dit qu'elle serait trop utile...

Pas contrariant, tout le monde se mit à chercher ses petites affaires. Elle, elle sentait des choses dans ses poches. Se mettant dans une rangée vide, elle en vida une, à l'abri des regards, on ne sait jamais. Alors. Le plan d'une ville en bord de mer, New York, c'était marqué dessus. Un portefeuille. Apparemment un portefeuille d'homme, vide à part quelques pièces de monnaie. Pas une fortune. Et puis, ici, peu importe la devise, ça devait pas servir à grand chose. Elle rangea le tout.
Elle ouvrit l'autre poche. Plus lourde. Ses doigts buttèrent sur du dur. Doucement elle commença à sortir l'objet. Ok, un flingue. Pas besoin d'en voir plus, c'était son revolver. Ca, elle ne le savait pas, mais ses doigts eux s'en rappelèrent immédiatement.

La voix de Nicotine derrière. Elle pensait ne pas avoir besoin d'hôpital, super. Et tiens, elle l'avait appelé comment là ? Flocon ? Flocon, ça faisait penser au froid, à la neige, une étendue blanche sur une rivière gelée... C'était calme et reposant. Alors pourquoi son cœur battait un peu plus vite à ces pensées, comme... mouais un vieux, très vieux... souvenir ? La nouvellement dénommée Flocon se tourna vers Nicotine, et la regarda un bref instant et lui souria, un peu surprise. Et même un peu... émue.

« Hey, tu sais quoi Nicotine ? Flocon, c'est... ça me plaît. »

Breeef. Donc Nicotine avait trouvé un bandage pour sa main, déchiré et à bien y regarder déjà bariolé de sang. Mais mieux valait ne pas poser de questions, à quoi bon d'ailleurs. Gucci et son sac porte-nom. Le type avec un sac d'un joli bleu et du fil de pêche. Equipés pour l'aventure !

« Pas de chaussures, c'est pas grave. Doit avoir une paire à ta taille dans l'avion. Par contre, joli ton sac. J'aime bien sa couleur azur, ça fait vacances, c'est gai. »

Spoiler:

Le commentaire de Flocon sur son sac fit drôlement plaisir au jeune homme, d’autant plus qu’il aimait beaucoup sa couleur également.

« Oh ! Merci ! Tiens je sais ! Vous n’avez qu’à m’appeler Azur. »

Ça lui convenait bien et c’était toujours mieux que « sac » ou « bleu » ou encore « vacances ».

Alors qu’ils s’en allaient en direction de la sortie, Azur regarda un peu partout : sous les sièges, dans les portes-bagages... Mais rien, il n’y avait pas la moindre chaussure, encore moins à sa taille. Il dut se résigner et suivre Flocon, Nicotine et Gucci cahin-caha.

On est tous partis par là !

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