Tout va bien se passer. Sûrement.

10h - 12h
Panic.

Résumé:

Ses yeux s'ouvrirent en grand, soudainement. Comme un cadavre soudain éveillée. Pâle, sa main effleura la banquette. Elle avait mal au crâne… Ou était-elle ? Un train. Bien, déjà, sortir du train. Une légère bise caressa son visage tandis que ses pieds foulèrent le sol de la gare. Désert. Ne devait-il pas y avoir du monde, dans une gare ? Elle ne savait plus. Non… Elle ne savait plus rien. Froncement de sourcil. Bien, inventaire du petit sac à main qui l'accompagnait. Méthodique, elle observa déjà le petit sablier qu'elle avait trouvé sur elle. Au vu de l'écoulement… Un sablier de 48… Non, 72 heures ? Dans quel but ? Elle y réfléchirait après. Des pétales… Colchique, Belladone, Dathura et Hellébore. Elle pouvait le dire rien qu'en regardant. Son sourcil gauche se fronça davantage. N'étaient-ce pas des pétales servant dans des rituels de magie, ce genre de chose ? Un carnet d'adresse, des somnifères, une carte d'hôtel qui ne lui disait rien… Bien.

Elle ne se souvenait de rien.

Légère panique intérieure. Pour se calmer, Hellébore leva le pas et traça le quai d'un bout à l'autre, pénétrant sans tarder dans la gare. Quelles étaient les premières choses à faire, dans ce genre de cas ? S'abriter. Manger, dormir. Trouver une âme vivante ? Ha, oui. Des gens. Il était bien de pouvoir s'appuyer sur de bonnes personnes. Mais il fallait qu'elles soient bonnes. Quelques pas, la femme tourne en rond, pour finalement se poser sur un banc, enlevant ses lunettes et passant ses mains sur ses yeux. D'extérieur, il ne paraissait rien, mais…

Oh la panique.

- Il y a au moins la gare, avec des téléphones fixes et des agents des chemins de fer.

Étonnée de ne pas se retrouver seule dans un tel endroit, la jeune femme avait du mal à croire que des téléphones en état de marche ou des agents de chemins de fer se trouvaient dans le coin. Était-il dans le même état qu’elle ? Amnésique ? Mais comment se souvenait-il de son prénom dans ces cas-là ? David, c’était joli ça. Aussi agréable à entendre, que de voir cet homme avec un sourire aux lèvres. Il l’invita à avancer, elle hésita. Devait-elle lui faire confiance ? Si jamais il l’agressait ? Pouvait-elle se défendre contre un homme comme lui. Elle se rassura en sentant son couteau suisse dans sa poche. Après tout, il était un inconnu et comme par hasard, il se trouvait au même endroit. Alors elle marcha, dans la direction qu’il lui avait indiqué. Sourire aux lèvres elle aussi. Elle ne savait quoi lui répondre que ce soit sur son prénom, ou sa grossesse. Nerveuse, oui elle l’était. Pas à l’idée d’être avec un inconnu, mais de ne se rappeler de rien. Elle sentit un coup dans son ventre. Elle caressa à nouveau celui-ci pour rassurer le bébé, et elle aussi au passage.

« En fait, je ne m’en souviens pas… » Cette réponse sortit d’un coup la dépité. Comment pouvait-on oublier son prénom, son identité propre. Et pire encore, comment avait-elle pu oublier son bébé ? Ok, elle n’avait pas l’air d’en être rendu à l’accouchement, mais quand même. Elle s’arrêta net. La petite brune avait une idée pour être distinguée elle aussi. Oui, pourquoi pas. Elle sortit de sa poche le bout de page de couverture pour relire le titre. « Mais en attendant que ça me revienne, appelez-moi Yellow. C’est joli, non ? Et puis, pour le sentir… » Elle frotta son ventre de la main indiquant qu’elle parlait de son bébé. « Je pense au minimum quatre mois. » Elle lui sourit à nouveau jusqu’à ce que derrière lui, elle remarque une personne assise sur un banc. Yellow l’indiqua du doigt à David.

« Là-bas, quelqu’un d’autre ! » Ils se mirent en route vers cette personne. Était-elle comme elle ? Sans aucun souvenir.

Yellow et moi venons d'ici

- Vraiment…

Murmura l’homme quand il sut que la femme n’avait plus de souvenirs. Mais il n’eut pas d’autres réactions, son corps et son visages restèrent dénués d’émotions. Il se contenta de la jauger du coin de l’œil et d’écouter ses réponses.

Yellow, c’était le prénom qu’elle s’était choisi. Yellow, aussi coloré dans l’oreille que le soleil en ce matin étrange.

- C’est joli. Ca va bien à une future maman…

Il fallait bien ça, du soleil, pour contrebalancer…

La gare semblait abandonnée. De la poussière et de la vétusté partout. Une chose grise et décatie.

L’homme ouvrit la porte pour la femme, de la main gauche. Il revit cette bague en or et en laque noire à son annulaire, au motif inconnu, qu’il ne reconnaissait pas. Le battant de la porte s’ouvrit sur un hall de gare aussi triste que le reste. Il n’y avait pas l’ombre d’un agent des chemins de fer… Et l’homme n’en fut pas surpris.

Elle était là comme une statue de sel. Une femme tout en angles et en lignes sèches. Elle se frottait les yeux, ses lunettes posées sur le banc à ses côtés.

« Là-bas, quelqu’un d’autre ! »

Ils marchèrent côte à côte vers elle. Celui qui se faisait appeler David se pencha vers la nouvelle inconnue.

- Perdue ?

Il sourit plus franchement, conscient de l’absurdité de la situation si elle ne l’était pas, perdue.

- Vous ne seriez pas la seule. Madame et moi-même avons quelques problèmes de souvenirs…

Il se tourna vers Yellow et lui dédia un air entendu qui semblait dire « oh, vous savez, j’ai aussi quelques trous de mémoire… ». Son attention revint vers la femme brune assise.

- Et si vous n’êtes pas perdue, alors je vous présente mes excuses pour cette approche cavalière.

Le débit des mots était rapide. Il avait peine à croire qu’elle n’était pas dans la même situation qu’eux. Il ne s’attarda pas sur cette excuse.

Si elle n’était pas dans la même situation qu’eux, cette femme ne présentait pas de menace. Un prédateur ne prend pas le risque de se cacher les yeux face à deux victimes potentielles mais adultes. Quelque part au fond de lui, l’homme se demanda d’où lui venait cette réflexion, incongrue pour un homme lambda, habituelle pour… mais qu’était-il ? Sous sa peau, ses nerfs se tendirent de nouveau. Ne pas savoir...

- Une idée de la ville où nous nous trouvons ?

Naître avec le printemps, mourir avec les roses...
Ce sont les premiers mots qui naissent sur ses lèvres ; elle les murmure en touchant la fenêtre du bout des doigts. Sa mémoire est néant, ou plutôt un gouffre sans fond. Non, abîme convient mieux. Abîme est le mot juste. Abîme se passe d'adjectifs pour exprimer l'horreur du vide vertigineux. Le besoin pressant de combler l'Abîme se traduit par cette récitation d'alexandrins.

Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses
Il règne une confusion sans nom dans son esprit. Il faut remettre de l'ordre, se raccrocher à ces quelques vers pour reprendre pied avec la réalité. Le cœur de la jeune fille palpite, comme prêt à exploser. Elle est en proie à une excitation sourde. L'énergie bouillonne en elle, elle se sent prête aux plus grandes aventures, à d'immenses découvertes.

S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes
Elle ferme les yeux pour mieux sentir l'odeur de renfermé dégagée par le wagon. Le train usé dans lequel elle se trouve semble sorti de temps immémoriaux. Combien d'individus se sont croisés dans ces couloirs ? Combien ont cherché la place qui leur était attitrée, ticket fermement tenu dans la main ? Vieillards, veuves, enfants, toutes leurs destinées se sont mêlées l'espace d'un battement de cœur ou le temps d'un regard dans ce formidable carrefour où fourmillaient autrefois des centaines, non, des milliers d'êtres humains ! Et, dans ce lieu de passage désormais déserté, elle tend l'oreille pour entendre l'écho des vies qui s'y sont trouvées à un instant fugitif.

S'envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Elle hausse le ton, et sa voix vibre de passion sur ces derniers mots. L'extérieur lui tend les bras, la presse de le rejoindre. Elle est ce papillon pressé par l'éphémère de découvrir un monde inconnu. Oui, elle s'envole vers la porte, elle est libre ! Exaltée, elle se précipite au-dehors, le sourire aux lèvres. Libre, libre ! Pas de contrainte ! Peu importe l'abîme, elle est libre !

Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleur-aah !
Et vlan ! A rire le nez en l'air, l'amnésique se retrouva par terre. Magnifique glissade, roulé-boulé involontaire, et atterrissage magistral contre un poteau. La douleur mit fin à son envolée lyrique au présent de l'indicatif, la plia en deux. Elle se tint le genou, crut mourir, laissa échapper une larme, serra les dents - non, ne venez pas m'aider, je vais bien, je suis une battante, je... Ah, personne. Après avoir passé une minute recroquevillée au sol dans sa terrible agonie, au bord des sanglots, elle finit par se relever par elle-même, et boitilla jusqu'à la gare. Bon, l'aventure continuait malgré son horrible bleu. Douillette, elle ? Jamais !

C'est alors qu'elle vit trois silhouettes. Il y avait là une femme enceinte - porteuse de vie, ventre arrondi par le destin qu'il protège -, un homme d'âge moyen, une femme aux traits sévères.

« Bonjour... Je... »

Je quoi ? Elle n'avait rien à dire sur son compte, elle ne savait rien. Si ce n'était qu'elle était un papillon quelques instants plus tôt.

« Où sommes-nous ? Et qui êtes-vous ? »

Spoiler:

Hellébore

Des voix s'approchent. La femme lève la tête. Perdue à l'intérieure, mais ferme sur son visage. Un homme d'âge moyen et une femme… Enceinte ? Ses yeux s'agrandirent. Quelle situation embarrassante. Car, certainement, elle ne serait pas la seule dans cette situation. Pour quelles raisons est-ce qu'une personne pourrait se réveiller dans une ville inconnue, un sablier à la main et dans un train sans aucun souvenir ? Ca ne pouvait pas ne s'appliquer qu'à elle. Quitte à être dans le surnaturel… Autant que ce soit de masse.

« Je ne sais pas si perdu est le bon terme… » Elle esquissa un sourire poli adressé aux deux inconnus. « Je suis en effet moi aussi amnésique. Dur de dire pourquoi en revanche, si nous sommes plusieurs dans ce cas. »

Son sourire s'éteignit, et son regard se posa sur le ventre de l'inconnue. Un enfant. Une chose merveilleuse. Dans une telle situation, être enceinte… Elle était forcément plus vulnérable.

« Puis-je vous aider ? » lâcha-t-elle simplement. Naturellement.

Une autre personne arriva. Elle boitillait un peu et vu son appui, la femme songea à un genou cogné, ou quelque chose comme ça. Son regard froid dévisagea la jeune femme en silence. Puis ses lèvres s'étirèrent :

« Qui sommes-nous, c'est la question. » Elle réfléchit un instant. « Bonjour. Appelez-moi Hellébore. »

S'ensuivit un sourire poli. Hellébore, plante qui jadis était prise pour une plante aux propriétés curatives. Notamment pour guérir la folie. Elle en avait un pétale dans son sac. Un nom improvisé sur le tas qui pourtant lui plaisait bien.

Les personnes affluées, mais personnes n’avaient de réponses. Elle avait envie de paniquer, d’exploser, de s’énerver, oui elle, elle pourtant si douce. Cela n’avancerait sans doute personne, ne règlerait aucun problème. Mes ses hormones allaient exploser, tout comme sa vessie d’ailleurs. Elle tentait de cacher au mieux ses désirs, ne pas jouer les égoïstes dans cette situation. Mais avec son bébé qui frappait de plus en plus régulièrement aux rythmes de la panique de Yellow, les larmes lui montait presque aux yeux.

« Puis-je vous aider. »

Elle se tourna vers leur nouvelle rencontre, et cette phrase. Si agréable à cet instant précis. Fit redescendre à nouveau toute la pression emmagasinée dans son corps. Il fallait rester calme. A nouveau, elle se le répétait. Elle répondit un chaleureux non merci, remettant la proposition à plus tard. Et regarda Hellébore avec un grand sourire rassuré. Oui, elle n’était pas seule, ils étaient trois…

« Bonjour... Je... »

Non, quatre maintenant. Elle observa la nouvelle jeune femme qui venait d’arriver. Le genou apparemment endoloris. Elle s’avança vers cette nouvelle personne et se baissa au niveau de son genou avant de le toucher sans un mot. Curieuse manière de réagir oui, mais c’était presque naturel pour elle. Pourtant, il n’y avait rien d’agressif dans son geste, et elle touchait ce genou avec douceur avant de se relever sourire aux lèvres.

« Bonjour, appelez-moi Yellow. Et vous allez juste avoir un mauvais bleu à votre genoux, ne vous en fait pas, rien de grave n’a été touché. »

Elle regarda le reste de l’assemblée maintenant réunit. Non, elle ne pouvait plus tenir. La pression exercée sur son corps était beaucoup trop grande.

« Écoutez, je sais pas qui on est, ce qui c'est passé. Pourquoi on est là ni rien. Et c'est à deux doigts de me faire pleurer. Mais avant ça, je dois absolument aller aux toilettes ! »

Spoiler:

Une claudication légère accompagnait une voix douce.

- Bonjour mademoiselle... Nous sommes comme vous, sans ou presque sans souvenir. Nous ignorons où nous sommes.

Pour la première fois depuis qu'ils avaient conscience d'exister, un membre du groupe manifesta ses nécessités, physiques - où sont les toilettes? - et émotionnelles - pleurer, aïe.

La féminité a son giron, maternel et compatissant, comme la masculinité a ses territoires, compétitifs et circonscrits. Un homme doit savoir quand commence le monde des femmes et où s'arrête le monde des hommes. L'homme laissa les femmes s'occuper des femmes.

Elles se présentèrent, il en fit de même.

- Appelez-moi David.

Persister. Signer.

- Excusez-moi, j'aimerais vérifier quelque chose.

Il fit volte-face.

Dans la carcasse de la gare abandonnée, ses pas résonnèrent. Il n'avait ni la démarche lourde, ni les chaussures bruyantes mais le silence d'un décor inerte ne pouvait qu'être perturbé par le mouvement.

Il poussa les deux lourds battants de bois et de verre. Sous ses doigts, la peinture écaillée picota sa peau.

Devant lui, une rue. Sans voiture. Sans passant. Sans animal. L'homme descendit quelques marches de pierre bleue. La dernière était lézardée.

Le minéral était partout.
Les pavés sur le sol, parfois dépavés.
Les briques régulières, sales par endroits.
Les fenêtres pas toutes en bon état, toutes bien empoussiérées...

On eût dit que l'organique n'avait survécu que sous forme de mauvaises herbes ou de mousses.

Celui qui se faisait appeler David traversa la rue, frappa à la porte. Personne ne répondit. Evidemment.

Il tourna la poignée, la porte s'ouvrit sans heurt. Il entra. Dans la semi-clarté permise par les fenêtres encrassées, il distingua un salon aussi gris que le reste. Le téléphone fixe n'avait pas de tonalité. Le silence, encore. Il trouva une cuisine, avec des tiroirs ouverts. Et des conserves... ouvertes. Il prit l'une d'entre elles dans sa main droite. La sauce rouge n'était pas tout à fait sèche.

- What the f*ck...

En l'absence de témoins, le masque social s'effritait.

Il y eut un grand fracas. D'un revers du bras, large, brutal, il avait renversé les conserves, les assiettes, les couverts... qui heurtèrent le sol, s'y brisèrent, y laissèrent des sons de métal, de la nourriture en poussière.

Il passa une main sur son visage. A travers son manteau et son costume, on voyait sa poitrine monter et descendre. Une respiration qui cherchait dans l'air le froid pour la calmer.

Il revint vers la gare et les femmes. Un filtre d'hypothétiques regrets voila sa vision.

La future mère… Devait-il protéger quelqu'un, lui aussi? Ou l'abattre tandis qu'une mère pleurait?
La femme austère… Avait-il jamais eu sa droiture? Qu'était l'honnêteté? Une apparence?
La jeune rêveuse… Depuis quand avait-il perdu sa candeur?

Mais des regrets sincères, il n’en avait pas.

- Toutes les maisons aux alentours sont abandonnées.

Placide, impavide, il avait repris son impeccable sourire et son regard mi-désolé mi-confiant.

- Il y avait de la nourriture dans l'une d'entre elle, récemment consommée. Visiblement, il y a d'autres personnes que nous dans cette ville.

Il attendit quelques secondes pour laisser la nouvelle percoler dans leurs esprits.

- Je propose que nous mettions nos souvenirs en commun. Si un lien nous relie, essayons de le comprendre.

Spoiler:

« Qui sommes-nous, c'est la question. »

L'inconnue a un air glacial. Non, glacial ne convient pas : ce mot porte une connotation agressive, alors que la femme ne paraît pas contrariée. Elle semble juste froide, stricte. Les lunettes contribuent sûrement à cette impression, ou peut-être s'agit-il de ses yeux d'une teinte métallique. Sa réponse force l'adolescente à réfléchir. Qui est-elle ? Elle ferme les yeux. Rien. Néant. Le retour de l'Abîme. Aucun souvenir. Le battement de son cœur s'accélère, pas de panique, mais d'excitation. Oui, qui peut-elle être ? Est-ce une immense machination contre elle ? Et ces gens, que lui veulent-ils ?

« Bonjour. Appelez-moi Hellébore. »

Et soudain l'imagination explose. C'est un feu d'artifice, des pensées qui fusent dans tous les sens, des mots qui se bousculent, des phrases inachevées écrasées par les suivantes. Son esprit est submergé par les temps du passé, elle suppose, invente, se jette dans l'histoire de cette femme-glaçon qui ne sait plus qui elle est. C'est l'amorce d'un roman qu'elle écrit mentalement, incapable de détacher son regard de l'objet de son récit. Hellébore n'avait jamais été le centre de toutes les attentions. Son expressivité limitée la faisait paraître comme antipathique auprès de ses camarades, qui ne cherchaient pas à la connaître. Un jour, ils allèrent jusqu'à... Non, pas de traumatisme, c'est trop cliché. Derrière cette façade, un grand cœur... Vu et revu, il faut nuancer. Elle était follement amoureuse d'un de ses collègues... Elle était secrétaire... Sa passion vira à l'obsession, et, un soir...

Sursaut. Elle tressaille quand la femme enceinte s'approche, examinant son genou avec douceur. Ce retour à la réalité la contrarie – au moment où l'histoire devenait intéressante ! Aussitôt un malaise croissant la fait s'agiter. Elle sent qu'elle n'est pas habituée à ce genre de contacts physiques, encore moins avec des inconnus.

- Bonjour mademoiselle... Nous sommes comme vous, sans ou presque sans souvenir. Nous ignorons où nous sommes.

Elle pose son regard sur l'homme en acquiesçant silencieusement. Air déterminé, sérieux. Sa taille y est pour quelque chose, mais elle est un peu impressionnée. Perdue, elle essaie de faire le tri dans ce qui est en train de se passer. Des amnésiques se retrouvent dans la gare... Un piège. Un monde parallèle. Une apocalypse. Elle ferme les yeux. Ça lui fait penser à ce film... Non, un livre... Et s'ils devaient s'affronter à la mort, comme dans Hunger Games ou Battle Royale ? L'amnésie la dérange. Où a-t-elle pu voir un tel scénario ?

« Bonjour, appelez-moi Yellow. »

D'où sort-elle ce pseudonyme ? Yellow admet un instant plus tard sa propre amnésie, et, dans la foulée, son besoin pressant d'aller aux toilettes. L'adolescente s'empresse de l'oublier – c'est moins intéressant. Elle souffle : « Merci... » d'un air mélancolique, souhaitant donner plus de force à ce simple mot. Histoire de donner l'impression qu'elle avait surmonté de terribles obstacles avant d'atterrir ici, ce qui lui avait valu un horrible bleu sur le genou.

- Appelez-moi David.

Lui semble se souvenir de son nom. Mais aucun ne dit "Je m'appelle". Éclair de lucidité : l'adolescente comprend que c'est son tour.

« Appelez-moi... »

David s'éclipse tandis qu'elle se creuse les méninges. Son nom devrait être grandiose. Si elle devenait connue, son nom devrait être impressionnant. Un mot qui la définisse, qui soit à la hauteur. Eragon n'est-il pas à la recherche de son vrai nom ? Il faut qu'elle trouve le sien. Il faut qu'elle sache qui elle est. Son cœur palpite à l'idée des aventures qui l'attendent. Elle décide de fouiller ses poches, à la recherche d'un quelconque indice sur sa vie d'avant.

Dans la poche droite de son pull, un étui à lunettes, un crayon, une gomme, un cahier. Dans la poche gauche, des papiers en vrac. En les dépliant, sa manche glisse vers le bas, et elle découvre un tatouage encore rouge sur son poignet. Un papillon ! Tout est lié ! Elle rayonne, murmure la fin du poème. « Et sans se satisfaire, effleurant toute chose... » Elle ouvre le premier papier, y découvre une esquisse de portrait inachevé d'un jeune homme. Les suivants sont des dessins, des paysages, des portraits... « Retourne enfin au ciel chercher la volupté ! » Et enfin, l'ode à la joie recopiée soigneusement, sûrement par sa propre main. Après sa fâcheuse panne d'inspiration, elle se jette sur cette opportunité.

« Appelez-moi Ode. »

Elle trouverait mieux plus tard. David revient, annonce que toutes les maisons ont été abandonnées, mais qu'elles ont été visitées récemment. Ode frémit. Elle pressent qu'elle est la clef de toute cette histoire, que tout tourne autour d'elle. Elle est une fois de plus impressionnée par cet homme qui semble si sûr de lui-même.

- Je propose que nous mettions nos souvenirs en commun. Si un lien nous relie, essayons de le comprendre.

Elle acquiesce à nouveau. Introspection. Elle se plonge dans l'Abîme. Un vague souvenir ressurgit, si humiliant qu'elle en rougit de plus en plus à mesure qu'il se précise.

« J'étais à la recherche de quelqu'un, je crois. Je... Je me souviens pas bien, c'est pas très utile. »

Voilà, ne pas préciser les larmes, ne pas préciser le chagrin étouffant et les regrets. Juste cette volonté de le retrouver. Parfait. Mal à l'aise, elle se gratte nerveusement l'épaule, et sent un objet contre sa poitrine. Elle tâte discrètement. Quelque chose. Elle tourne le dos aux trois autres, extirpe rapidement un papier de son soutien-gorge. Il s'agit d'une coupure de journal s'intitulant « Le Prince héritier, porté disparu ». Le lien se fait aussitôt dans son esprit : son souvenir de disparition de prince charmant, et maintenant ce prince disparu. Elle le remet à celui qui semble diriger les opérations.

« Je dois le retrouver, lui. »

Spoiler:

So sweet…

Yellow… Un charmant surnom pour une femme enceinte. C'était comme si elle était porteuse d'espoir à elle toute seule. La jeune femme sourit intérieurement mais resta de glace ; chacun de ses gestes semblait mécanisés, chacune de ses paroles froides et presque déplacée. Pourtant, sa gentillesse envers Yellow était sincère, comme envers Ode qui restait une femme bien plus jeune qu'elle. A protéger.

« Si nous sommes dans une gare, il doit y avoir des toilettes. » L'homme déclara revenir. Hellébore ne lui adressa qu'un court regard, acquiesçant plus par obligation que par accord, et leva les yeux pour déchiffrer les vieux panneaux abimés. « Tenez, c'est par là. » fit-elle en indiquant la direction.

D'après les pancartes, les toilettes étaient vers l'entrée. Tant mieux, le dénommé David les retrouverait plus facilement, s'il voulait les retrouver bien sûr. D'un pas ferme et décidé, la jeune femme s'y dirigea sans plus attendre, sans chercher à comprendre davantage et sans même se retourner. Elle ouvrit la porte contenant les lettres effacées WC. Les gonds grincèrent. Depuis combien de temps cette porte n'avait-elle pas été ouverte ?
La loge de la dame Pipi était vide. Y avait-il des choses à voir, récupérer, pour comprendre davantage de la situation ?

« Appelez-moi Ode.
- Très bien, Ode. »

Sourire poli sans même la regarder. Hellébore resta devant la porte, à l'extérieur, pour que le seul homme du petit groupe puisse les retrouver facilement. Il revint et déclara que les maisons étaient abandonnées. Quelle surprise, oh, vraiment.
Il partagea son point de vue d'amnésique. La jeune femme se retourna sèchement vers lui, sans que ses semelles ne fassent un bruit.

« Je pense que c'est une bonne idée. Nous allons sûrement devoir recoller les morceaux ; aidons-nous du mieux que nous pouvons. »

Puis Ode se lança et s'expliqua. Retrouver quelqu'un ? Quelle gentillesse. Pensée amer, pincement de lèvre. Jalousie. Elle n'avait que souffrance pour souvenir. Détachée, du moins d'apparence, Hellébore lâcha la porte et pénétra dans la petite loge de Dame Pipi en attendant la femme enceinte.. On ne savait jamais.

Elle se sent toute joyeuse, des nouveaux jouets, beaucoup de nouveaux jouets, avec lesquels Elle va pouvoir s'amuser. Autant commencer au plus vite.

D'un coup, une bille de lumière s'approche du groupe, semble hésiter, avant d'aller rejoindre Hellébore.

Spoiler:

Elle suivit Hellébore, ravie que quelqu’un l’accompagne. L’endroit n’avait rien de rassurant pour se balader mais, l’espoir lui laisser croire que seul le coin était comme ça. Heureusement, Hellébore avait quelque chose de chaleureux derrière sa barrière de glace. Mais mieux encore, elle pourrait enfin se soulager. Les portes des toilettes grinçaient, rien qui ne pouvait la rasséréner. Mais l’envie était bien plus forte que son stresse. Alors elle s’engouffra dans les toilettes. Ode et la jeune femme à l’extérieur. De l’intérieure, elle entendait les deux femmes discuter, puis la voix de David résonner de nouveau. Tiens, il était revenu. Rapidement d’ailleurs.

« Il y avait de la nourriture dans l'une d'entre elle, récemment consommée. Visiblement, il y a d'autres personnes que nous dans cette ville. »

Nourriture entamée. D’autres personnes, ou… d’autres choses. Non la première hypothèse était plus agréable à entendre. Elle écoutait Ode parler, retrouver quelqu’un, ici ? Était-ce réellement possible ? La probabilité que quelqu’un quelle connaisse soit là, et que sans grand souvenir de lui, elle le reconnaisse. C’était très peu probable. Quoi que si, pourquoi pas ?! Elle avait une idée. Oui, l’idée n’était pas mauvaise. Dans toutes les grandes villes, il y avait de quoi communiquer, des magasins avec des mégaphones, des radios. C’était possible ! Si elle ne se souvenait pas exactement de lui, peut-être que lui s’en souvenait. Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de parler, l’idée lui sortit de la tête. De son côté, elle essayait de se souvenir d’elle. Mais malgré toute sa bonne volonté… Ah ! Si. Elle sortit des toilettes pour rejoindre le groupe, Hellébore tenant la porte d’entrée. Elle lui sourit poliment avant de sortir de là. Et tant mieux. Elle préférait rester en présence du groupe. Et cette maudite idée qui ne voulait pas revenir…

« Donc du côté d’Ode, nous avons une personne à retrouver. »

C’était plutôt un faux espoir qu’elle avait l’impression de donner. Mais il valait mieux ça pour continuer à avancer dans un tel endroit, pour ne pas sombrer dans la folie. Et de son côté, elle, qui avait-elle ? Quelqu’un l’attendait-il ? Cet homme qui caressait son visage, qui était-il ? Et pourquoi serait-il là ? Elle regarda sa bague de fiançailles à son doigt. Sans doute l’homme avec qui elle devait se marier ? Allez, il fallait positiver, elle n’était pas seule dans cette endroit hostile. Ils étaient tous là, prêt à se serrer les coudes pour mieux avancer. Elle aussi devait participer. Alors elle se mit à raconter la sienne, puis écouter celle des autres.

« Personnellement, j’ai juste le souvenir d’une nuit… D’un lieu inconnu, loin d’être rassurant. Puis de cette main, chaude, rugueuse mais tellement agréable, rassurante. »

Ce souvenir ne put que l’empêcher de sourire légèrement, c’était quelque chose qui à y penser, lui réchauffer le cœur. Était-ce son futur mari ? L’homme qu’elle aimait ? Surement… Elle les regardait d’un air attendrit.

« Peut-être devrait-on chercher de quoi survivre ? Des vivres, de quoi nous soigner en cas de petits bobos. Un lieu où s’établir, se reposer. »

Elle essayait de réfléchir un instant.

« David, tu as parlé de maisons abandonnés. Pourquoi ne pas aller se réfugier dans l’une d’elle pour s’établir ? Une maison est toujours plus rassurante qu’une grande gare vide, non ? Ensuite, on pourra fouiller les environs pour trouver de quoi manger, de quoi boire. Chercher où on est et qui on est. Qu’en pensez-vous ? »

«Quant à moi… Je me souviens avoir été embrassé par une très jolie femme. »

Finalement trop flous, trop communs, trop humains, les souvenirs étaient inutiles. La femme enceinte semblait être dotée d’un certain sens pratique. Elle n’aurait pas de mal à s’occuper d’un enfant un jour, pensa l’homme.

« Je suis d’accord, Yellow. Je n’ai rien vu ni rien entendu qui semblait menaçant ou étrange, à part le silence, je propose de nous séparer… »

Il allait continuer sa phrase, ses mots restèrent muets, en suspension et ses yeux se fixèrent près d’une source de lumière inattendue.

« Ah… En parlant d’étrangeté… Hellebore, il me semble que cette lumière s’approche de vous. »

Il y avait un trop plein de tensions dans les muscles de l’homme. Il n’eut qu’impassibilité en réaction.

Sans qu’il s’en aperçût, sa voix se teintait d’ironie douce. La dérision était un de ses boucliers, une façon, comme le masque, de mettre le monde à distance.

« Vous aviez déjà vu ça ou vous préférez fuir ? »

Il regarda, curieux, la forme sphérique toute en rayons.

« David, tu as parlé de maisons abandonnés. Pourquoi ne pas aller se réfugier dans l’une d’elle pour s’établir ? Une maison est toujours plus rassurante qu’une grande gare vide, non ? Ensuite, on pourra fouiller les environs pour trouver de quoi manger, de quoi boire. Chercher où on est et qui on est. Qu’en pensez-vous ? »

Chercher qui on est… Hellébore écoutait d'une oreille distraite sans participer. Elle était en réalité trop confuse pour aligner deux phrases cohérentes. Apparence de glace mais intérieur brûlant ; bougeant frénétiquement les feuilles et rares bouquins bouquins qui traînaient, la femme se redressa soudainement et droite comme un piquet, retenant un soupir. Si elle n'aurait eu naturellement son regard de glace, on aurait deviné que sa recherche n'avait mené à rien. Elle retourna donc vers le petit groupe et baissa les yeux, se perdant dans ses songes. Elle réfléchissait toujours et essayait de mettre de l'ordre dans ses pensées.

« Mon unique souvenir n'apprend rien. » Une phrase très vague. Elle n'avait pas envie d'en dire plus : ce souvenir était peut être rattaché à quelque chose de bien trop personnel pour en parler avec des inconnus. Ses yeux étaient toujours rivés sur le sol et sa voix distante. « Je pense qu'il est plus sage pour Yellow de rester tranquillement dans une maison… mais pour ma part, je ne peux pas rester les bras croisés. Je suis d'accord pour nous séparer. »

Elle n'aimait pas l'idée de laisser une femme enceinte seule, mais elle n'aimait pas non plus l'idée de rester à ne pas bouger, à parler torchon et serviette avec une mémoire vide. David la rappela à l'ordre, la faisant enfin lever les yeux. Il y avait, en effet, une boule lumineuse flottant devant elle. Hellébore laissa exprimer un soupçon de surprise, la bouche entrouverte, et fixa sans rien dire l'étrangeté s'offrant à son regard.

« Je… »

C'était inimaginable. Inconcevable. Ce ne pouvait être qu'un mirage.
Elle passa alors la main dedans sans réfléchir davantage, pensant à un effet d'optique.

Et aussi timidement que le geste d'Hellébore lui-même, le souvenir pénètre sa mémoire.

Hellébore:

Une plainte froide et sinistre s'élève dans la gare. Puis du bruit. Beaucoup de bruit. Et la bête apparaît. C'est un loup énorme, de la taille d'un ours, aux reflets verts immondes. Son pelage sale et emmêlé dégage une odeur nauséabonde. La bave dégouline de ses mâchoires d'où percent des crocs gigantesques. La Faim a reprit le contrôle des loups de la Meute que la venue de Fireflies avait tâché d'apaiser. Le loup avance. Ses yeux blancs sans pupilles ne discernent rien dans la pénombre. Mais il sent l'odeur d'une nourriture proche. Et la Faim lui ordonne de se nourrir. Vite.

Spoiler:

Et pouf, Ode disparaît grâce à Elle. Elle réapparaît dans un jardin somptueux une tranche horaire plus tard.

Spoiler:

Elle regardait Hellébore passer sa main dans la boule lumineuse. Elle fut ensuite comme absente, rêveuse, lunatique. Dans une sorte de transe, ou de rêve surnaturel. Très inquiète pour elle, elle se pencha vers la dame une fois qu’elle reprit ses esprits peu après. Cette situation n’avait heureusement pas duré longtemps. Elle prit sa voix la plus douce et la plus rassurante. Elle caressait le dos de la jeune femme pour tenter de l’apaiser. Ou peut-être que ce doux contact avec quelqu’un d’autre, était pour se rassurer elle-même.

« Vous allez bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Que vous est-il arrivé ? »

Cette lumière étrange ne lui disait rien qu’y vaille. Un hologramme ? Étaient-ils espionner ? Y avait-il une réelle explication à cette lumière ? D’abord leur amnésie, et maintenant ça. Elle avait vraiment envie de quitter cet endroit. Mais avant qu’elle n’eut pas le temps d’avoir une réponse, elle entendu un bruit aigu venu des profondeurs de la gare. Un bruit terrifiant, faisant trembler chaque parcelle de son corps jusqu’à la moelle.

Elle allait se retourner en direction des deux jeunes femmes mais l'une d'elle avait disparu. Plus aucune trace d'Ode, seulement Hellébore et David. Terrifiée, elle se rapprocha de lui. Ode avait-elle fui sans que personne ne s’en rende compte ? Oui, il y avait une explication logique à la disparition de la jeune femme. Mais comment avait-elle fait ? Non, disparaître comme ça était impossible. Le déchirement aigu retentit de nouveau.

« Qu’est-ce que c’était que ça ? »

Sans doute lui n’avait-il pas non plus de réponse à cette question. Elle se rapprocha de lui, presque collée. Effrayée. Elle regarda en direction du bruit. Devaient-ils fuir eux aussi ? Mais il était trop tard. Le responsable de ce cri était là, un loup. Un vieux loup énorme, sale. Aux yeux blancs, aux crocs gigantesques. Dégoulinant de bave. Il avait l’air d’avoir faim, très faim. Elle n’osait plus parler, était tétanisée par la peur, contre David.

Ode a du mal à détacher son attention d'Hellébore, fascinée par cette froide politesse qui semble la rendre inaccessible. Elle cherche à trouver le mot qui convient. Une femme-glaçon. Voilà, c'est le terme. Quelque chose doit se cacher derrière. C'est une couverture, c'est certain.

« Personnellement, j’ai juste le souvenir d’une nuit… D’un lieu inconnu, loin d’être rassurant. Puis de cette main, chaude, rugueuse mais tellement agréable, rassurante. »

Son imagination se jette sur Yellow. Yellow la femme enceinte. Yellow qui semble n'être qu'une future maman dont l'unique souvenir est lié à son mari. C'est désespérément banal ! Et si cet homme à la main chaude était son amant ? Et si cet enfant était le fruit d'un viol ? C'est malsain. Mais l'idée d'un tel malheur parvient à lui arracher un frisson – tant d'histoires possibles !

« Peut-être devrait-on chercher de quoi survivre ? Des vivres, de quoi nous soigner en cas de petits bobos. Un lieu où s’établir, se reposer. »

Les préoccupations plus pragmatiques ne l'intéressent pas. Yellow propose, organise, et Ode pressent que la femme fera une bonne mère. Le genre aimante et responsable. Sans grande folie, mais avec du courage ; elle saura se sacrifier si son futur enfant court un danger. La jeune fille ferme les yeux. Elle voit Yellow haletante dans la nuit, courant à travers un cimetière. Sa grossesse était avancée. Les mains crispées sur son ventre et le petit être qu'il contient, Yellow jetait de nombreux coups d’œil apeurés derrière elle. Elle entendait le souffle rauque d'une créature à sa suite... Un ours ? Non, un dragon. Ode fronce les sourcils, fait défiler devant ses yeux une panoplie d'images terrifiantes, jette son dévolu sur un énorme chien aux babines dégoulinantes et aux canines acérées. Le chien énorme roulait des yeux fous. Chaque aboiement arrachait à Yellow un frisson de terreur. Encore, toujours, elle accélérait, pour le fœtus qu'elle portait en elle, pour lui permettre de vivre, de...

« Vous aviez déjà vu ça ou vous préférez fuir ? »

Ode ouvre les yeux et reprend pied avec la réalité. L'arrivée de la boule lumineuse la tire de sa torpeur. Fascinée, elle sourit de toutes ses dents. Cette lumière lui est destinée, elle le sait. Un message ? Une menace ? Non, la sphère semble porteuse d'espoir. Mais la lumière passe son chemin et se dirige vers Hellébore. Vexée, Ode décide de de la toucher tout de même, mais la longue plainte d'un animal la fige.

Un loup énorme, apparemment affamé, fait son apparition. La fiction devient réalité, et une peur sans nom s'empare de tout son corps. Paralysée, Ode ne respire plus. Ses jambes et ses mains sont prises de tremblements incontrôlables. Son cœur frappe à grands coups rapprochés, à lui en faire mal. Une sueur froide coule le long de son dos. Sa tête ne résonne que d'une seule pensée : Fuis ! Fuis ! Mais elle est bien trop effrayée pour esquisser le moindre geste.

Une entité divine semble la prendre en pitié, et la voilà téléportée.

Suite ici

Wild but kind ?

Hellébore revint soudainement à elle. Pourtant, ses yeux semblaient encore se perdre dans le vague. Elle avait eu une vie. Une femme exotique au passé tortueux. Son coeur était encore serré en revoyant cette enfant la main sur son ventre. Déchirée. La main de Yellow la fit revenir à elle et la dame se calma, bien qu'elle sembla toujours de glace à l'extérieur. Elle livra simplement un sourire un peu raide à la femme enceinte.

« Aussi bizarre que cela puisse paraître, je… Je me suis souvenue. » Elle marqua une pause. « Peut être que ces boules étranges le permettent… »

Même si tout ça restait fort improbable. Elle fronça légèrement les sourcils, elle d'habitude si impassible. Ses doigts fins contre ses lèvres, elle réfléchissait. A la situation, à ce souvenir, à ces choses étranges qui commençaient… Et continuaient vu le son grave qui venait de parvenir à ses oreilles. Puis tous se passa vite, un loup énorme, Ode qui disparut. Trop de choses en si peu de temps, elle qui s'était réveillée il y avait quelques minutes seulement.
Pourtant courageuse la jeune femme expérimentait la peur. La peur du monstre et la peur des autres, voyant la femme enceinte se cacher derrière un homme qui ne pourrait sûrement pas la protéger.

Elle n'hésita pas.
Attrapant la main de Yellow, elle hurla simplement :

« Courrez ! »

Ce serait dur pour une femme enceinte, elle le savait. Mais c'était ça ou la mort. Aussitôt ses jambes se mirent en marche et elle courut en entraînant la pauvre dame avec elle, claquant la porte de la gare derrière elle sans jamais s'arrêter. Cette bête avait des yeux affamés. Terrifiant. Elle devait courir, et sortir d'ici, au plus vite. Et protéger. Elle porte un enfant. Elle ne peut pas mourir !

« Il faut trouver un endroit ou nous cacher, vite ! »

Le suite ici ~ Elles courent, elles courent les furettes.

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