CDD - Gucci - Morte, transformée en vieux parchemin.

« Mais…Qu’est-ce que tu fais là ? » Elle reste bouche bée, franchement surprise de voir le jeune homme qui lui fait face. Elle papillonne des yeux pendant une bonne minute puis pousse un glapissement prude en se souvenant de sa tenue. « Maiiiiis ! Je sors de ma douche ! Qu’est-ce que tu fais là ? Toi ? Tu m’espionnes ? C’est ça ? Espèce de pervers ! » Elle réajuste sa serviette de bain qui lui sert d’unique vêtement tout en affichant un air menaçant vis à vis du brun. D’un mouvement rapide, elle s’empare d’une bouteille de gel douche à la vanille, prête à s’en servir si l’individu ne dégage pas fissa.

Le jeune homme ne parle pas. Elle l’observe, des cheveux bruns en bataille et des yeux verts rivés sur…un chemisier ! « Maiiiiiis ! C’est le chemisier en soie de Kristina ! Qu’est-ce que… ? Oh ? Ooooh ! OH MON DIEU ! TU FOUILLES DANS SES AFFAIRES ESPECE DE DEGOUTANT ! » Le gel douche quitte sa main pour décrire un arc de cercle parfait avant de s’écraser sur le front du brun. Elle est choquée. Profondément. Alors qu’elle ne faisait que profiter d’une douche dans la salle de bain personnelle de sa meilleure amie, voilà qu’un rustre inconnu et dégoûtant s’amusait à renifler ses chemisiers.

Elle piétine sur place sans cesser de glapir, prête à s’enfermer dans la salle de bain à la moindre menace. Soudain, elle s’arrête, comme prise d’une illumination. « Oh ? Attend. T’es pas Miguel ? Son gros client là ? » L’autre l’observe la mine perplexe, enfin, il prononce des mots qu’elle ne comprend pas. Elle reconnaît vaguement de l’espagnol. Une langue du sud en tout cas. « Je ne sais pas qui vous êtes et ce que vous faîtes ici mais je vous prie de bien vouloir cesser de hurler mademoiselle. Je pense que nous devrions nous expliquer. » Elle plisse les sourcils, fait un gros effort de concentration et finit par hausser les épaules. « Je comprends pas ce que tu dis. Mais si t’es Miguel, faut savoir que Kris m’a dit que le contrat était bientôt fini là. » Il parle encore « Je ne sais pas comment vous avez pu entrer ici. Etes vous une connaissance de Kristina ? Parlez vous espagnol ? Anglais ?» Elle reprend. « Non mais en tout cas, elle te remercie. Et elle dit que tu payes bien aussi. Et ta baraque elle est cool. C’est comme…Minute. » Elle plisse à nouveau les sourcils et murmure, au prix d'un effort de déduction intense. « T’es pas Miguel toi. Kris elle a dit que Miguel il parlait slovaque. »

« Flavio qu’est-ce que tu fous ? » Un autre jeune homme surgit dans la pièce après avoir hurlé un baragouin incompréhensible en espagnol. C’en est trop pour elle. Elle se remet à hurler.

La nouvelle la laisse abasourdie. La bouche encore grande ouverte, elle cligne ses paupières alourdies de mascara et regarde d’un œil nouveau son amie qui lui fait face. Kristina touille nonchalamment la touillette de son café pour y faire fondre des résidus d’édulcorant. Ses longs cheveux blonds forment un chignon d’où sort une mèche rebelle qui, ajoutée à sa moue pensive, lui donne un air tout à fait charmant.

« Donc voilà. Tu sais tout. J’suis serveuse de nuit dans un bar de la capitale pour me faire de l’argent de poche. C’est pour ça que je loupe les cours. » résume Kristina en buvant une gorgée de café.

Elle ne réfléchit pas beaucoup. Elle ne prend pas la peine de demander pourquoi sa copine a tant besoin d’argent, pas même qu’elle n’interprète pleinement le sens de ses propos. Non. Elle papillonne à nouveau des cils, se trémousse sur sa chaise et glousse. « Nooon ? T’as vraiment gagné tout ça d’argent ? Mais c’est genre génial ! Peut être même que tu pourras carrément arrêter le lycée et faire serveuse toute ta vie. Ca fait un paquet de thune quand même ! Oooh. Olalaaaah. Ca veut dire shoppiiiing ! Genre, le petit sac chanel là, tu pourras le prendre. Oh ! Je pourrais te l’emprunter ? Tu crois ? De temps en temps, genre si tu es d’accord, juste quelques soirées parce que… » Mais Kristina la coupe, la mine particulièrement soucieuse.

« Mais faut pas que ma mère le sache. Ok ? Et même pas les profs. Diana, t’es ma besta t’sais ? Je te fais hyper confiance. Donc faut que tu me jure sur Gucci, Chanel et Longchamp que tu diras jamais rien et que tu me couvriras en cas d’absence, ok ? »

Elle hoche vigoureusement la tête et tend le petit doigt pour un serment solennel. « T’as pas d’soucis à te faire, j’vais t’aider même. Entre filles faut se soutenir. Pinkie promesse ! »

Elle osait à peine parler. La main fébrile, elle tenait l'adresse que Kristina lui avait laissé. Elle avait beaucoup hésité à venir. Mais après deux jours sans nouvelles de son amie et plusieurs messages sans réponses sur son téléphone, elle avait prit son courage à deux mains et s'était rendu au lieu indiqué sur son petit bout de papier, écrit à l'encre violette parfumée à la lavande. Et le spectacle qu'elle trouva dans la minuscule chambre d'un hôtel miteux la laissa bouche bée.

"... Kristina ?"

Les meubles avaient été défoncés par elle ne savait quoi. Des coussins éventrés traînaient sur le sol et laissaient échapper des nuées de coton qui volaient dans la pièce. Quant à Kristina, elle finit par la trouver, blottie dans un plaid, nue et recroquevillée sur elle même. Sa peau laiteuse était couverte d'hématomes qui lui donnait un aspect cadavérique. Elle hurla et se précipita au chevet de son amie qui mit plusieurs minutes à reprendre connaissance. " Diana...Arrête de crier..." " Oh Kris' ! Oh, j'ai cru que t'étais morte parce que t'étais comme les gens à la morgue dans Docteur House ! Tu m'as fait tellement, tellement, tellement peur. Haan, mais comment tu t'es fait ça ma Kris' ? On t'as fait du mal ? Qui c'était ? Attend. Je vais appeler ta mère...Je vais..." " Nan ! Tu fais pas ça Diana. Tu te souviens, la pinkie promesse ? Tu parles pas de ça à ma mère. Tu lui dis rien. Elle a pas besoin de savoir."

Les larmes aux yeux, elle acquiesça. Tout en se demandant pour la première fois si, sans le vouloir, elle ne faisait pas plus de tord à son ami en tenant cette promesse.