Les limites de l'impossible.

10h-12h

Impossible.
C’était impossible.

Vous connaissez le sens de ce mot ? C’est lorsque qu’une chose n’a aucune chance de se produire. Comme par exemple, que la Terre explose sans prévenir, ou que le Soleil s’éteigne demain. La probabilité de ces événements est ironiquement plus proche du 0 que le zéro absolu. Ou alors, c’est lorsque cette chose n’est pas sensée se produire … comme par exemple la téléportation.
C’était impossible, elle le savait.
Sauf que parfois, « impossible » n’a aucun sens.

La jeune femme se retrouva debout, devant une fontaine, sans savoir ni comment ni pourquoi elle était arrivée là. La tête lui tourna, et elle dut vite s’asseoir au bord de celle-ci avant de tourner de l’œil. L’instant d’avant, elle se trouvait encore sur le quai de la gare, en compagnie de deux hommes et d’une jeune fille, et puis maintenant … où était-elle ? Cette question, qui décidément se posait trop souvent aujourd’hui, commençait à l’agacer prodigieusement. Il semblerait à n’importe qui qu’elle avait été déplacée par quelque étrange force, sûrement surnaturelle, ou même divine. Mais la jeune femme n’y croyait pas – ne pouvait pas y croire. C’était insensé.

Il fallait une quantité d’énergie incroyable pour déplacer ne serait-ce qu’une molécule d’un endroit à un autre, de la « téléporter » comme on disait dans les romans de science-fiction. Mais dans la vraie vie, c’était impossible ! Son cœur s’emballa. Mais qu’est-ce qui lui arrivait ? Tout son esprit luttait contre l’invraisemblance du monde dans lequel elle se retrouvait. Et alors elle semblait en contradiction avec elle-même, son bon sens naturel refusant de croire ce qui lui arrivait, ses yeux refusant de le nier. Bon sang ! Il fallait qu’elle se reprenne. Qu’elle se pose, tranquillement, et prenne le temps d’analyser la situation. Il fallait qu’elle réfléchisse.

Un peu rassérénée, elle promena son regard sur la place qu’elle devinait celle d’une ville, avec ses pavés et les maisons qui la bordaient. Celles-ci paraissaient étrangement vides … mais après tout, leurs occupants dormaient peut-être encore. Cette vision la rassura : il y avait bien des gens ici, des gens qui connaissaient cet étrange endroit et sauraient la renseigner sur son emplacement. Elle eut alors l’idée de regarder l’heure, bien qu’elle sût d’après la luminosité que la journée avait débuté depuis peu ; ce qu’elle vit ensuite la rendit plus que perplexe. A son poignet, une montre était bien là, mais son cadran n’affichait qu’un nombre : 72. Mais 72 quoi ? Elle n’en savait rien, et décidément, c’était trop.

« Marre de ces mystères ! Marre de ce grand n’importe quoi ! Marre de …»

Sa dernière phrase mourut avant d’être achevée. Elle baissa les bras qu’elle avait levés en signe de colère et rougit de confusion. Quelqu’un se trouvait devant elle, qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’alors, et qui semblait l’avoir vue. L’idée qu’il ait été témoin de se perte de contrôle lui était terriblement dérangeante ; à vrai dire, elle se sentait quelque peu ridicule. Pourtant, la curiosité la poussa à observer le jeune homme, et elle lui lança des coups d’œil à la dérobée, essayant de paraître discrète sans y parvenir. Finalement, et n’y tenant plus, elle s’adressa à lui :

« J’imagine que vous êtes perdu, vous aussi. Vous n’avez pas l’air de savoir où vous êtes, si je peux me permettre. » Quelques secondes de réflexion, et puis elle ajouta : « Vous savez, je ne crois pas au hasard, c’est pourquoi je suppose que vous non plus, vous ne savez pas comment vous êtes arrivé là ? Voire même … »

A nouveau, elle se tut, maudissant sa témérité, rougissant de nouveau. « Voire même que vous avez oublié jusqu’à votre nom. », voilà ce qu’elle aurait voulu ajouter. L’idée lui était venu que ce qui lui était arrivé, ce qui semblait être arrivé également aux personnes qu’elle avait rencontrées à la gare, n’étaient pas des cas isolés, et surtout pas des coïncidences. Quatre amnésiques –ce mot la rebutait- qui se retrouvaient au même endroit au même moment, ce ne pouvait pas être une coïncidence. Il y avait une raison sensée derrière tout cela, tout comme il y avait une explication à sa supposée téléportation –là encore, elle grimaça intérieurement- et à toutes les choses étranges qui lui arrivaient.

Sauf que … c’était impossible, non ?

Elle serra la main qu'il lui tendait. « Lundi ... » Elle eut un léger sourire, puis il lui vint à l'esprit qu'il attendait peut-être qu'elle se présente à son tour. Son propre nom lui échappait, et pourtant la jeune femme refusait l'idée d'un surnom provisoire. « J'ai oublié, mais ça va me revenir. » Il comprendrait de quoi elle parlait, du moins le pensait-elle.

« Vous croyez réellement que des personnes pourraient être derrière tout ça ? » La question n'était pas qui, mais comment. « Tout cela me parait bien improbable. » Elle écarta les bras pour désigner le "tout cela", embrassant du regard la fontaine, la place, les maisons désertées. L'étrangeté du lieu lui apparaissait toute entière. Un train surgi de la brume conduisant à une ville fantôme ... C'était un scénario digne d'une oeuvre de science-fiction, pas de la réalité. Du moins, pas dans le monde tel qu'elle le connaissait ; et l'idée que les règles fondamentales qui le régissaient n'existent pas en cet endroit lui était particulièrement dérangeante.

« Essayons d'en savoir plus. Des informations supplémentaires sur cette ville nous aiderons sûrement à comprendre ce qui nous arrive. » Pour régner, il fallait savoir. Elle guetta un signe d'approbation de la part du jeune homme.

Spoiler:

Doucement les ronces s’enroulent autour de la jambe de la jeune femme. Elles tirent d'un coup sec et en tombant Nova se cogne la tête. Elle perd connaissance.

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