One day I woke up |

Alice plissa les yeux à la recherche de quelque chose de familier. Cependant, rien ne semblait faire l’affaire. Il avisa sa peluche et se redressa zieutant tout autour de lui. Il ne se souvient de rien, assis sur une banquette, il contemple avec un silence un peu ébahi l’endroit se demandant où il est et comment il est arrivé aussi. Sa maman lui manque. Il ne sait plus à quoi elle ressemble mais si elle était là, ce serait mieux. En se redressant, il sentit l’espace d’un instant un poids faire un bruit creux sur sa poitrine. Ses doigts glissèrent sur le sablier et ces grains qui s’écoulent étrangement. Brusquement, une impression confuse d’urgence nait dans le cœur du garçon qui se redresse courant à l’aveuglette paniqué sans savoir pourquoi. Il atterrit finalement sur le quai de la gare, stoppant aussi net sa course contre l’invisible.

Ici, tout est grand, tout fait réellement peur. Ses yeux glissent un peu partout sans savoir quoi regarder en premier. Pour l’instant, il n’y a pas de danger imminent mais quelque chose ne tourne pas rond. Tout est trop imposant, il serre sa petite peluche contre lui cherchant du réconfort dans ce qu’il a sous la main. Malheureusement, la chaleur qui s’échappe du doudou ne lui fait pas oublier l’immensité qui se trouve autour de la pauvre petite goutte d’eau qu’il est. Un bruit provient de la machine à vapeur dont il était sorti tantôt. Inquiet, ses petites mains utilisent son doudou comme une sorte de bouclier alors qu’il dit la seule chose qui lui vint à l’esprit à cet instant.

« Maman ? »

Malgré ses mots proférés, quelque chose lui dit qu’il y a une faible probabilité pour que ce soit sa maman. Il cache une partie de son corps derrière le train pour ne pas se faire voir par la sortie de ce dernier. Cependant, ses yeux curieux ne tardent pas à se pencher un peu pour tenter d’apercevoir la personne ou le monstre qui ne tarderait sans doute pas à se montrer. Mars, l’un de ses amis qui trainent souvent à ses côtés tentent de le rassurer, malgré son caractère chétif et ses grandes oreilles de lièvre, Mars fait toujours un effort pour l’aider. Il aimerait bien que son copain reçoive plus de câlins mais personne ne semble jamais le voir. Quand il parle de lui, on lui rit au nez.

Hésitant toujours devant la porte, elle jette un coup d’œil derrière elle, vers les cabines. Toujours personne, toujours aussi vides. C'est étrange, les trains ne voyagent pas vides, si ? Une fois encore, elle fouille dans son sac pour voir s'il n'y aurait pas quelque chose qui la renseignerait, ou si ses mains n'auraient pas oublié un quelconque paquet de biscuits. Mais non, il n'y a ni carte, ni nourriture, ni eau. Rien, nada, nothing, comme dans sa tête. Où allait-elle, où est-elle ? Elle ne sait pas. Elle renifle un coup, se dit que l'aventure ce n'est pas plus mal, qu'elle improvisera selon ce qui se passera. Qu'a-t-elle à perdre ? Vu le peu d'affaires qu'elle a en sa possession, rien, quasiment rien. Elle hausse les épaules, et tend la main vers la poignée de la porte quand un énorme bruit retentit, comme un soupir. Sans se contenir, elle fait un bond de deux mètres, tourne la tête à droite, à gauche, pour tenter de repérer la source de ce vacarme, avant de réaliser que ce n'était que le train. Le soupir du train. Comme s'il lui disait, alors qu'attends-tu, sors dans la rue, je n'ai pas que ça à faire moi. Elle fait craquer ses doigts avant de se lancer une bonne fois pour toute ; elle ouvre la porte, s'accroche aux barres des deux côtés de l’entrebâillement, et sort la tête. Le soleil brille toujours autant, caché par un grand mur où autrefois était inscrit le nom de l'endroit, effacé aujourd'hui. Joli hasard. Il n'y a pas un chat, pas plus que lorsqu'elle regardait par la fenêtre. Elle ferme les yeux un instant, essaie encore une fois de se souvenir, sans succès. Lorsqu'elle les rouvre, elle croit entendre quelque chose, quelqu'un qui parle, ou qui crie. Elle cherche cette personne du regard, ne voit d'abord rien, puis distingue une toute petite silhouette au loin. Elle papillonne des yeux, fixe la forme deux ou trois secondes, pour être sûre qu'elle ne rêve pas, au cas où ses yeux décideraient de lui jouer un tour. Mais non, la silhouette semble bouger. Quelqu'un ! Elle descend précipitamment, manque de tomber en loupant une marche, reprend difficilement son équilibre, avant de s'élancer vers la personne. Son sac frappe ses cuisses, elle est petite mais rapide et un instant plus tard elle domine un petit enfant. Elle le regarde, sans même un sourire pour ce gamin qui se protège de sa peluche. C'est tout ? Un p'tit gars haut comme trois pommes ? Et seul, qui plus est. Elle reste immobile, finit par chercher des yeux les responsables de ce gosse, mais décidément elle ne trouve pas plus que lui, avec son air apeuré qui n'a pas franchement l'air d'apprécier sa liberté.

« Eh bonhomme, ils sont où tes parents? »

Les prières de l’enfant n’ont pas été réellement exaucées mais une personne est bel et bien venue à sa rencontre. C’est une semi-victoire. La personne qui l’observe ne lui semble pas mauvaise mais en tous les cas n’a pas l’air très heureuse de se trouver face à lui. Elle le toise de sa taille impressionnante par rapport à lui. Ne sentant pas d’animosité, ses doigts se décrispent de la peluche un peu. Il contemple le premier être vivant qui se trouve face à lui. Encore une nouveauté, mais une qu’il a provoquée. Mars se penche à son oreille pour le rassurer et lui dire de répondre à l’inconnue qui vient d’arriver.

« Je ne sais pas. Je suis tout seul. » Il baisse les yeux un peu penauds devant cette constatation. Un air contrit se peint lentement sur son visage alors qu’il se balance d’un pied sur l’autre signe du fait qu’il se sent encore plus perdu maintenant qu’il vient de l’admettre.

Une autre idée vint lui fait réaliser quelque chose de fort étonnant.

« Je ne sais plus à quoi ils ressemblent » énonça le petit d’un air embarrassé. L’enfant fronça ses petits sourcils tentant de se remémorer quelque chose à leur propos mais c’était le vide complet, abyssal. Cette constatation le frustra. Déjà qu’Alice se trouvait perdu dans un endroit dans lequel il n’avait pas souvenir d’être allé ou d’avoir voulu se rendre, voilà qui épaississait davantage le mystère. D’ailleurs, de quoi se souvenait-il exactement ? Ses yeux se tournèrent vers la droite alors qu’il faisait une inspection, qui fut plus que rapide, de ce dont il se rappelait. Cela se résumait en tout et pour tout à ses amis, notamment Mars, et au fait que la peluche Totoro lui appartenait. C’était un peu maigre mais c’était mieux que rien tenta-t-il de se rassurer un peu.

Finalement, il prit son courage à deux mains pour demander à la demoiselle. « Et toi, ils sont où tes parents ? » Cette question aurait sans doute fait rire la plupart des adultes mais dans la tête d’un enfant, le référentiel qu’ils représentaient ne pouvait pas encore être totalement occulté. En un sens, le petit blond n’avait pas tort mais sans le savoir réellement. Les parents restaient toujours le dernier refuge de tout le monde lorsque tout espoir était perdu et qu’on avait besoin de retrouver ses racines. En l’espèce, la question aurait presque pu être pertinente, à ceci près que si un môme se trouvait sans ses parents, il était fort peu probable que la nouvelle arrivante ait amené les siens dans sa valise.

Une voix inconnue, encore une autre, vint ajouter à la confusion avec sa question. Le lieu ? L'enfant observa la brune comme s'il venait d'un autre pays. Voilà une belle question qui épaississait le mystère. En guise de réponse à la brune, il haussa les épaules conservant sa peluche pour se rassurer. Plus ils se retrouvaient au milieu de gens et plus sa confiance en lui diminuait lui donnant envie de rester silencieux et dans ses pensées. D'ailleurs, tant qu'il n'aurait pas plus de détails, peut-être était-ce mieux de faire attention à ne pas trop en dire. Malgré tout, la curiosité le titillait un peu alors il demanda d'une petite voix.

« Vous vous souvenez d'avoir pris le train vous ? »

Elle s'approche du petit garçon aux cheveux blonds, et celui-ci lui fait face, tournant vers elle de grands yeux verts. Ces pupilles la fixent, puis il se décide à ouvrir la bouche, comme ayant combattu sa peur de l'inconnu, et il dit qu'il est seul. Comme elle, en réalité. Le petit ajoute ensuite, après avoir baissé les yeux comme s'il se sentait coupable, qu'il ne se souvient même plus de l'apparence de ses géniteurs. Gênée, elle regarde ailleurs, mais a le sentiment qu'elle ne peut pas le laisser sans réponse.

« Ah. C'est...embarrassant. Mais t'inquiètes pas, on va les retrouver. »

Elle essaie de le rassurer, mais elle voit bien qu'elle ne sait pas s'y prendre avec les enfants. Il a clairement l'air paniqué, avec ses sourcils froncés et son regard apeuré, comme pressé de vite rentrer chez lui et de se cacher sous la couette pour oublier ce malentendu. Bon, au moins il a arrêté de se servir de sa peluche comme bouclier, c'est déjà ça. Alors qu'elle réfléchit à ce qu'elle va faire – d'habitude quand on trouve un gamin perdu, on l’amène à l'accueil du magasin non ? Difficile de trouver un accueil peuplé par ici – le petit garçon relève la tête vers elle et lui demande où sont ses parents, les siens, à elle. Elle baisse les yeux vers la tête blonde, surprise par la question. C'est plutôt à elle de poser les questions, puisqu'elle est la plus âgée et par définition la plus mature, non ?

« À ton avis, ils sont dans mon sac. Qu'est-ce que tu crois, c'est un sac magique que j'ai là ! »

Elle laisse un soupir s'échapper, s'apprête à lui dire qu'il est idiot de la croire, mais surprend son regard. Il a l'air d'y croire. Ou pas, peut-être qu'elle ne sait vraiment pas s'y prendre avec les gamins et qu'elle comprend mal leurs signes corporels, mais elle décide tout de même de laisser le mystère planer. Si ça l'amuse de croire qu'elle peut cacher des gens dans un simple sac en toile, alors qu'il y croit, au moins ça l'empêchera de pleurer. Elle se retourne lorsqu'elle voit le petit gamin regarder quelque chose derrière elle, puis parler à quelqu'un, mais ce n'est pas à elle. Une fille, aux cheveux bruns attachés en une natte, s'approche d'eux pour leur demander où ils sont exactement, pas sûre de s'être arrêtée à la bonne station. Ironie du sort, ils sont toute une colonie à ne pas savoir où ils ont débarqué ?

« Pas du tout. »

Voilà une réponse simple et expressive qui correspond aux deux questions. Elle ne se souvient pas du tout d'avoir pris le train, elle ne peut pas du tout dire où ils sont. Elle redresse son sac sur son épaule, les regarde tous les deux. La fille a l'air d'avoir quelque chose comme treize ou quatorze ans, ça va elle doit savoir se débrouiller seule.

« Bon, et ben, sur ce, bon vent. »

Elle fait quelques pas vers ce qui semble être le bâtiment de la gare ; qu'ils la suivent ou non elle s'en fiche, elle elle ne va pas rester à dormir ici.

Les scènes s’enchainaient pour le petit Alice qui était passée de deux menaces potentielles à deux jeunes filles dont une était en train de le trainer par la main sans qu’il ait bien compris le pourquoi du comment. Il se servit de son bras droit pour maintenir son Totoro en place et poursuivit donc la demoiselle qui s’en allait. Quitte à se retrouver dans une situation désespérée autant ne pas être seul. L’enfant aurait bien eu besoin qu’une personne veille sur lui, pour l’instant, autant rester non loin des seuls adultes croisés jusque-là. Finalement, la rattraper ne fut pas particulièrement éreintant étant donné la réaction prompte de la jeune fille à ses côtés. Ils marchaient mais le garçon ne savait pas tellement où et il se demanda si quelqu’un avait une réponse à cette question.

« Où est-ce qu’on va ? »

Des milliers d’autres questions auraient pu être pertinentes vu le bilan qui venait de se faire. Ils se trouvaient quelque part, personne ne savait où et personne ne se souvenait comment ils avaient pris le train. Alice ne se rappelait même pas le train. Le mystère était clairement trop important pour un petit garçon de cet acabit. Trois personnes et trois fois le même constat, devaient-ils chercher quelqu’un qui saurait ? Malgré son jeune âge, l’enfant eut la sensation étrange que tout le monde était perdu ici. Peut-être qu’il se trouvait dans une espèce d’endroit étrange parce qu’il avait fait une bêtise ? Si tel était le cas, le souvenir ne se trouvait pas dans sa mémoire. Mars lui murmura de se ne pas avoir peur dévoilant ses petites dents de lièvre.

« Vous.. croyez qu’on est tous perdus ici ? »

Les enfants avaient parfois ce dont de soulever des questions plus grandes par des interrogations simples qu’un adulte ne se serait pas nécessairement poser de prime abord. Soupirant, il caressa la peluche blanche qu'il serait contre lui depuis le début posant sa tête sur celle de l'animal soyeux se lovant sur la chaleur resserrant ses bras pour la maintenir. La frustration de ne pas comprendre se lisait clairement sur le visage innocent du blond.

Elle aurait souri si elle avait eu un visage. Ce pauvre enfant perdu dans ce monde qui demandait s'il était perdu. Il ne réalisait pas encore dans quoi il était tombé le pauvre enfant. Mais Elle ne pouvait le laisser avec ces gens. Doucement l'enfant l'obscurité l'envahir et il se sentit tomber comme dans un trou, comme Alice et le trou du lapin. Lorsque les ténèbres disparurent, l'enfant était avec trois personnes dont un endormi et non plus dans le train.

Spoiler:

Elle n'attend pas le petit garçon et la fille, elle s'élance vers ce qui semble être la sortie de la gare. Elle n'a pas envie de rester ici indéfiniment, il n'y a rien ni personne sur ce quai, non elle elle veut savoir où elle a attéri. Et ni le garçon ni la fille n'en savent plus qu'elle. Bon. Qu'ils la suivent ou non, elle s'en fiche, du moment qu'ils avancent et qu'ils ne la gênent pas. Elle s'élance, elle les entend courir pour la rattraper. C'est bien ce qu'elle pensait. Arrivés à sa hauteur, le petit garçon demande où ils vont et s'ils se sont perdus. Il en pose de ces questions. Elle ne sait même pas depuis quand elle devait prendre un train, alors elle n'est pas prête d'avoir une réponse à cette question. Elle hausse les épaules, continue d'avancer. La fille reste silencieuse. Ils arrivent à la fin des railles, passent la porte de l'intérieur de la gare. Toujours personne ; ni dans la salle d'attente ni aux bornes. Un peu plus et elle pourrait voir des toiles d'araignées pendre du plafond. Elle ne sait pas où elle a débarqué, mais en tout cas c'est vraiment bizarre. D'abord un quai sans nom, un train sans nom ni voyageurs, une gare sans personne, complètement abandonnée. Qui aurait l'idée de laisser des enfants seuls dans une gare laissée à l'abandon ? Elle tourne sur elle-même, regarde tout autour d'elle, tourne la tête vers ses deux nouvelles connaissances et se rend compte qu'il manque le garçon..

« Il est passé où le petit gars ? »

Elle le cherche des yeux, elle fait quelques pas pour vérifier un peu plus loin au cas où il aurait été pris d'une de ces envies d'exploration que seuls les enfants connaissent ; mais il n'est définitivement plus là.

Spoiler:

Ainsi donc le petit gamin avait, d'abord, peur d'elle, puis lui posait un tas de question comme s'il lui faisait confiance, et finalement la laissait tomber, elle et la fille brune, sans crier gare, et disparaissait en un claquement de doigts. Impossible ? Pourtant, elle avait beau chercher, elle ne le voyait pas et il était impossible qu'en si peu de temps il ait fait beaucoup de chemin. Entendant la fille aux tresses - ce serait quand même plus pratique si elle savait son prénom, histoire de ne pas toujours l'appeler la fille brune, la fille aux lunettes, ou encore la fille aux tresses - se mettre à paniquer, elle se tourna vers elle et attendit qu'elle se taise, qu'elle finisse sa petite crise qui la poussait à crier qu'elle ne comprenait rien, ne se souvenait de rien, était totalement perdu et blah et blah blah blah. Un peu comme elle, et le petit gars. Sauf que le petit avait disparu, maintenant.

« Ça vaaa, calme-toi, il a dû se cacher. »

Elle continua ses recherches, sous les sièges d'attente, derrière la caisse, le dépose-valises, dans les toilettes à proximité. Rien. Personne, ni lui ni personne d'autre. Vide. Alors qu'elle allait chercher autre part, la fille aux lunettes s'arrêta, se tourna vers elle, les yeux énormément humides, et lui demanda si elles pouvaient rester ensemble. Ça ne l'enchantait pas qu'elle se mette à pleurer, craignant qu'elle ne doive passer son temps à la consoler si elle chialait sur toute la route. Mais devant tant de désespoir, elle ne pouvait pas refuser.

« Euh, si tu veux. ...Bon, je sais pas où il est le petit. En tout cas pas ici, c'est sûr. »

L'idée de laisser un enfant aussi jeune seul dans un endroit abandonné ne l'enchantait pas, mais il fallait se faire à la situation : il n'était pas ici.

Elle n'était pas tellement ravie à l'idée de faire route avec une inconnue, mais visiblement elle devrait faire avec. Primo parce que l'inconnue en question semblait plus désespérée que dangereuse, deuzio parce que, quoiqu'elle fasse, la fille la suivrait. Comment pourrait-elle l'en empêcher ? Elle semblait bien trop dépendante d'elle pour qu'elle puisse la laisser en plan, là. Elle devrait donc faire avec, cohabiter, le temps de trouver une solution. Le temps de trouver où elles avaient débarqué, aussi, ce serait bien. Bien sûr elle s'inquiétait aussi pour le petit garçon, après tout ce n'était pas commun de disparaître en un claquement de doigt alors qu'une minute avant il semblait aussi paniqué que la fille aux tresses. Mais, une fois encore, que pouvait-elle faire ? Elle ne le connaissait pas et n'avait pas de temps à perdre à chercher un gamin. Il avait voulu à jouer à cache-cache sans prévenir, il devait maintenant se débrouiller seul. À vrai dire elle préférait ne pas y penser, c'était beaucoup plus simple que se mettre à culpabiliser parce qu'un gosse d'à peine six ans trainait seul dans une gare déserte. Justement, qui dit désert dit sans danger, ou du moins sans danger humain; mais c'était une bien maigre consolation. Se tournant vers la fille, elle fronça les sourcils.

— Eh, je m'appelle pas GPS moi.

Une fois encore, l'adolescente venait de lui poser deux questions en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Mais, croyait-elle vraiment qu'elle était la seule à détenir des réponses ? Elle n'en avait pas une ! Non, elle ne savait pas si elles étaient arrivées dans une ville fantôme, et ne savait décidément pas où elles pouvaient aller maintenant qu'elles s'étaient rendues compte qu'elles étaient probablement seules dans ce coin-là.

— T'as un nom, par hasard ? Que je t'appelle pas l'Agaçante.

Enfin, à vrai dire, ça ne la dérangerait pas tant que ça puisque dans sa tête la fille aux tresses était déjà dotée de ce surnom qui la définissait si bien. Agaçante, Paniquée...Questions, ça marchait aussi. Elle eut un petit rire, encore que, elle était gentille, elle lui laissait le choix. Pour l'instant.

Dragibus. Drôle de nom. Mais à vrai dire, elle n'arrivait pas à se rappeler de son propre prénom. Qu'est-ce que c'était que cette affaire. L'aurait-on droguée ? Réfléchissant quelques secondes, elle chercha en vain. Non, elle ne se souvenait pas. Étrange. Flippant, même. La fille, Dragibus, venait de fouiller dans ses poches ; elle décida de l'imiter. Elle avait donc sur elle un briquet, une montre, une photo, un trombone. Se faire appeler Trombone, ce n'était pas super.
Elle n'avait toujours pas décidé quel serait son surnom, en attendant de se souvenir de son identité, qu'un horrible hurlement retentit. Wow. Dragibus réagit au quart de tour ; elle se mit à crier, parlant du petit garçon, et s'élança sans attendre vers la gare. Non! Elle était persuadée qu'ils ne devaient pas y aller, enfin elles ne connaissaient pas l'origine de ce hurlement alors il valait mieux ne prendre aucun risque...vraiment. Mais Dragibus était déjà partie. Que devait-elle faire ? La suivre, la laisser là ? N'étaient-elles pas censées être alliées ? Poursuivant Dragibus, elle lui cria de s'arrêter, mais la fille ne l'écoutait pas. Bon sang, quelle têtue ! Dragibus continuait de courir, sans arrêt. De toute évidence, elle ne trouvait pas d'où venait le cri. Elle finit par rattraper la fille aux tresses, la tira par son vêtement et la força à ralentir.

— Bon sang mais tu t'es pris pour un super-héros ou quoi ?! (S'efforçant de reprendre son souffle, elle reprit.) Ça m'avait tout l'air d'un animal, t'aurais fait quoi une fois en face d'un loup ?

Vu sa carrure, pas grand chose, et ce n'était pas simplement avec une bonne volonté qu'on pouvait sauver quelqu'un de son bourreau.