« Son arme rengainée, ses pas allongés. Elle court, se heurte aux étalas lors d’un dernier dérapé. Reflexe de rattraper une boite au vol, reflexe de poursuivre sa route, de bondir au dehors du danger. Reflexe de continuer à tirer l’inconscient. Elle n’a pas le choix. A toujours le choix. Mais de ses choix n’a plus de choix. Les décisions sont prises, elle a perdu l’idée, s’est devinée machine. Pur physique pour l’instant, elle s’estime en pause. Espère retrouver son esprit après ces quelques soucis. Le parking s’étale à ses côtés, elle bondit, saute aux abords de sa royale Bugatti. Ses pieds se noient dans les méandres du cadavre, elle n’y prête pas attention, n’y prête plus attention. S’en contre fiche. La portière s’ouvre, elle l’ouvre, s’y jette, est soudainement écrasée par la masse de l’atrophié. Même inconscient, il la colle, se décolle, la fuit mais s’y attache. Elle distante qui pourtant lui sauve indirectement la vie. Elle donne un violent coup de reins, l’envoie valser à sa droite. Il bouge un peu, ne s’en va pas tout entièrement. Elle reste femme, peste et finit par vaincre, donne un coup de pied, puis d’épaule. Il tombe sur le siège. Et elle, elle remercie sans doute le ciel qu’il soit enchainé à la bonne main. Il aurait suffit d’une erreur, d’une erreur pour qu’ils meurent. Une main de travers, elle n’était pas du bon côté, au bon volant. Le rien suffit à la perte. Souvent. La voiture démarre, n’a-t-elle jamais eu de clef ? I don’t care. Les idées volent, se fracturent alors qu’elle appuie sur la pédale. Le tacot est toujours là, à l’arrêt. Elle se sent trahie, de le voir encore ici. Elle se sent trahie, oui. Un déchirement qu’elle ne veut expliquer, auquel elle ne veut pas même songer. Alors elle se laisse aller, arrête de commander. La voiture roule alors, sans son aide, sans ses mains. Elle se tasse, s’observe à la dérobée, dans le reflet du rétroviseur. Elle et ses cheveux hérissés, elle et ses boucles engagées. Elle et ses yeux marinés. Elle. Emiko, Ironie. Elle une facette ombragée. Elle se redresse, attend les mots de son compagnon. Elle n’a pas encore repris le fil, reste dans sa phase. La survie lui colle à la peau, elle enlève l’écharpe, la pose avec son sac à ses pieds - en plus de celui de son partenaire. Attendre. Encore. Toujours.

Que l’on soit conscient ou non du monde qui nous entoure.