Réinitialisation

08h-10h

Un silence pesant. Un support sur lequel il se trouvait allongé en cet instant. C’est tout, rien de plus rien de moins. Sans même ouvrir les yeux, il comprenait qu’une chose ne tournait pas rond. Premièrement, une telle absence de bruit, était-ce chose habituelle ? Le revêtement sur lequel il était allongé lui communiquait déjà un mal de dos dont il ne connaissait pas l’origine. Aurait-il fait l’erreur de se mettre dans une position aussi inconfortable ? Il sentait aussi quelque chose lui resserrer le poignet. Un bracelet ? Non, plus précis, son sens olfactif lui communiquait qu’il touchait à cet instant même un métal froid en forme de cercle, en un point précis de sa peau… Une montre ? En avait-il jamais possédé ? Il ne comprenait pas, sa mémoire lui faisait défaut. Cette perte le mettait dans un état d’agacement grandissant. Le fait de comprendre ce qui se passait lorsqu’un disque dur était remis à vierge, tout droit sorti de l’usine ne l’enchantait pas. Pourquoi plus aucune donnée ne lui venait en tête ? Il savait qu’il n’avait qu’une alternative pour comprendre d’avantage ce qui se passait. Se reposer sur son sens visuel. Alors il tenta d’ouvrir les yeux…
Une paupière, mais qui se referma rapidement face à la clarté ambiante. Vaincu par la douleur de la lumière sur sa rétine, il rassembla la force de sa volonté pour reprendre le dessus. Il ne se donna alors plus la peine de prendre des précautions, et ouvrit grand les deux yeux. Mais l’effort fut trop intense, la lumière le força à placer sa main en couverture devant ses yeux. Il la vit alors, cette montre, comportant en chiffre numérique « 71 » et dont le décompte des minutes et des secondes ne semblait aller qu’en décroissant. Rapidement le lien se fit dans son esprit. Un timeur ? Mais pourquoi ? Qu’est-ce que cela voulait dire ? Et puis… Il se redressa à peine pour que ses yeux puissent se poser sur ce qui l’entourait… Nul doute, cet environnement lui prouvait qu’il se trouvait dans un train… Un silence pareil, dans un train ? Non, définitivement quelque chose ne collait pas… Mais en même temps quoi ? Pourquoi était-il dans un train ? Pourquoi n’arrivait-il pas à rassembler les éléments de sa mémoire ? Ce train allait-il repartir ? Vers où se dirigeait-il ? Quelle était cette montre ? Quelle question était prioritaire ? Un torrent de signaux s’enchainaient dans sa tête mais aucune réponse ne venait combler sa soif de compréhension.

Il laissa alors son crâne retomber lourdement sur la banquette qui recouvrait le siège. Faire le vide dans son esprit… Attendre… Le train allait sans doute redémarrer et il parviendrait à un endroit où on lui expliquerait ce qui se passait, où l’on viendrait l’accueillir en lui affirmant que ce qu’il venait de vivre n’était autre qu’une blague. Il se laissa donc là, couché, à attendre vainement que le train ne daigne redémarrer. Mais le silence ne se brisa pas, le wagon ne bougea pas et l’incompréhension ne le quitta pas. Elle ne fit même que s’accentuer, comme si les questions s’imposaient de force dans son esprit. Ses dents se resserrent en même temps que sa patience le quittait. Il fallait se rendre à l’évidence, le train n’allait pas se mettre en mouvement de sitôt. Il finit alors par se redresser, plaquant une main contre son crâne pour se vider un peu l’esprit, grimaçant à moitié. Il porta un regard à sa montre sur laquelle le nombre ne cessait de diminuer. Il n’avait perdu que trop de temps.

Le silence, qu’est-ce que c’était ? Un millier de bruits sourds, l’inaudible vent dans les arbres, l’imperceptible oiseau qui offre ses plus belles mélodies. Mais tous ces silences étaient des plus agréable, ces silences étaient de ceux qui nous réconfortés dans notre quête de repos, de réflexion. Quant à ce silence–là, il n’avait rien à voir. Il était l’un de ces rares silences qui nous frigorifié dès notre réveil embrumé, ce silence à la fois oppressant, inquiétant, qui nous faisait frissonner de peur. Peut-être était-ce un simple et anodin mauvais rêve. Peut-être allait-il ouvrir les yeux et constater qu’il était encore dans les bras de Morphée. Mais le froid cinglant d’une vieille banquette lui indiquait que toutes ces sensations dérangeantes étaient belles et biens réelle.

« Où suis-je ? » Sans doute la toute première question parmi celles qui devaient suivre. Il savait qu’il n’avait qu’un seul sens pour connaître la réponse : la vue. Mais un éclat de lumière puissant le fit fermer les yeux avant qu’il n’est pu apercevoir quoi que ce soit. La lumière du jour ? Par réflexe matinal, il frotta ses yeux pour peu à peu les ouvrir et découvrir son environnement. Etait-ce le compartiment d’un vieux train ? En tout cas ça en avait bien l’air. Il se redressa et observa avec minutie la vieille banquette sur laquelle il était allongé précédemment. Le décor dans lequel il était plongé ressemblait à celui d’un vieux film western. Que faisait-il là ? Sans doute la question fatidique. Il se mit à chercher dans les tréfonds de sa mémoire pour s’apercevoir, qu’il n’avait aucun souvenir de la veille. Une bonne cuite ? Pourtant son état de santé laissait penser qu’il n’avait pas bu une goutte d’alcool la veille. Il essaya de chercher à nouveau, mais rien. Effrayé, il se redressa brusquement et regarda par la fenêtre du compartiment. Sale, tellement de poussière s’était accumulé dessus qu’il en était rendu presque impossible de voir à travers. Il essaya de frotter la vitre pour la nettoyer un peu mais, mais la saleté était si bien incrustée, que même frotter n’y changé rien. Le stress et l’énervement commençaient à gagner le jeune homme. La tension et le stress monta d’autant plus lorsqu’un bruit se fit entendre dans le wagon, un bruit qui ne venait pas de lui.

« Non, calmes-toi. Tu n’arriveras à rien dans cet état. » Ses paroles sages et pleines de bons sens le calmèrent. Oui, c’était la meilleure réaction à avoir plutôt que se laisser porter par les émotions. Il se rassit sur la banquette et, mains sur le visage, tenta de réfléchir. Une mauvaise blague, oui ça pouvait être une mauvaise blague ! Mais de qui ? Rien, aucun souvenir. Ça c’était impossible normalement, sauf dans les films avec des aliens. Il fallait qu’il sorte de là, peut-être trouverait-il quelqu’un d’autre dans le train finalement ? Alors, comme un chien obéissant à son instinct, il sortit de la cabine. Le train était décidément très ancien, un de ses vieux trains du siècle dernier, ça en était presque incroyable. Mais tentant de faire abstraction de tous ses détails, il se mit à chercher dans la cabine voisine, personne. Le grincement de ses pas résonnait comme un glas dans ce vieux wagon. Cela lui donner des frissons dans tout le corps. On n’entendait réellement que ses propres pas, pourtant loin d’être lourd.

Deuxième cabine, toujours personne. Chaque porte de cabines ouverte l’effrayait de plus en plus, était-ce l’idée d’être seul dans ce train, ou bien celui de découvrir ce qui pouvait se passer derrière la porte suivante ? Troisième cabine, personne. La peur le ralentissait dans chacun de ses pas à l’approche de la quatrième et dernière cabine. Il chercha dans ses poches quelque chose pour se défendre. Il sentit d’abord un portable mais cela ne l’intéressé en rien et n’y prêta guère attention dans cette situation. Il sentit aussi des gants mais aucune utilité aussi. Par contre, il attrapa quelque chose dont la forme lui indiquait qu’elle serait bien utile. Et lorsque qu’il la sortit, il découvrit une dague magnifique, travaillé avec précision. Il était ravi dans sa détresse de constater qu’il pouvait avoir des choses utiles dans ses poches, et de bon goût qui plus est. Il sortit la dague et se prépara à ouvrir la quatrième et ultime porte du wagon.

Le fait de se lever lui avait été pénible. Même si il ne voulait pas rester là comme ça et qu’il se voyait dans l’obligation de bouger un minimum, sans doute l’avait-il fait trop vite. Déjà le sang lui montait à la tête et il avait une sensation de vertige. Il aurait dû prendre la précaution de se relever plus lentement… Secouant légèrement la tête pour se ressaisir, il prit le temps de regarder plus attentivement son environnement. Il ne s’attendait pas à y trouver grand-chose, bien au contraire, il était quasiment convaincu que rien d’assez intéressant pour lui n’apparaitrai devant ses yeux. Cependant, la première chose à faire lorsque l’on est en terrain inconnu, et de vérifier l’environnement et l’hostilité des lieux, le tout en manœuvrant avec le maximum de prudence possible. Bien sûr ce n’est pas comme si il pouvait se passer grand-chose dans un train vide, mais mieux valait s’attendre à tout. Après tout, il était bien amnésique, non ? Ce qui en soi n’était pas vraiment habituel.

Il vérifia rapidement le compartiment, sous les sièges, sur les fauteuils… Rien. Mais ce n’était pas une bonne chose. L’ensemble était bien trop propre… Cela voulait-il dire qu’il avait voyagé seul dans ce compartiment ? C’était absurde ! On ne réservait pas un compartiment pour une seule personne. Le jeune garçon passa une main dans ses cheveux, se les grattant en réfléchissant instinctivement. Les questions qu’il s’était posé plus tôt ne l’avait pas quitté, bien au contraire, mais d’autres questions vitales se posaient à présent… Où était-il, où devait-il aller ? Y avait-il une carte dans le coin ? La moindre chose pour se repérer ? Et même si c’était le cas, dans quelle direction s’engagerait-il ? Un détail qu’il n’avait pas remarqué jusqu’à présent l’arracha à ses pensées. Il ressentait comme une lourdeur dans ses poches. Il avait pensé à prendre des choses ? Peut-être qu’il était monté de lui-même dans cet engin après tout… Et si ce qu’il possédait pouvait l’aider d’une quelconque manière ? Il entreprit donc de sortir ce qu’il possédait.

La première chose qu’il retira fut des écouteurs. Bien sûr, ces fils entremêlés était embêtants à défaire mais peu lui importait, il les déposa sur le fauteuil avant de plonger une nouvelle fois sa main dans sa poche. Cette fois, il en tira une petite calculatrice. Il reluqua l’objet de manière surpris. Il semblait en état de fonctionner, mais ce qui le surprenait le plus était d’en avoir besoin. Il était d’une rapidité exemplaire aux calculs mentaux comme lui en témoignait les calculs qu’il venait de faire de tête rapidement, quelles sortes d’opérations pouvaient bien lui nécessiter cet engin ? Et à quelle vitesse devait-il les faire surtout ? Il récupéra les écouteurs et remis l’ensemble dans sa première poche avant de s’attaquer à la seconde. Cette fois, la première chose qu’il tira fut un badge… La chose électronique qu’il tenait dans le creux de la main semblait ouvrir quelque chose… Mais quoi donc ? Il le regarda sous tous les angles, mais rien ne semblait indiquer quoi que ce soit sur ce que pouvait ouvrir l’outil. Frustré de rester aussi ignorant, il le fit disparaitre de sa vue en le fourrant dans sa poche à grande vitesse avant d’entrer en contact avec un papier qu’il froissa dans son mouvement. Il le tira lentement de sa poche et une clef USB s’en échappa pour tomber sur le sol. Le garçon tendit la main pour s’en emparer. La regardant elle aussi sous tous les angles, il finit par comprendre qu’il n’obtiendrait pas d’information de celle-ci avant de trouver un ordinateur convenable. Au lieu de s’attarder dessus pour se torturer l’esprit, il finit par déplier le papier. « Caruso ». C’était purement et simplement ce qu’il y avait d’écrit. Un nouveau mystère. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Il sentait une migraine lui monter à la tête. Puis un mouvement. Un son à peine perceptible. Mais qui dit mouvement, dit aussi auteur. Et qui dit auteur, dit nécessairement… Un être vivant. Hostile ou non ? C’était bien là la principale question qu’il fallait se poser. Le garçon remis dans sa poche ce qu’il tenait dans la main, et s’avança lentement vers la porte. Peut-être que cet être pourrait le renseigner sur ce qu’il se passait. Il toucha alors la poigné pour la baisser, faisant entendre un léger cliquetis.

Elle libère un nouveau souvenir, à contre-coeur. Encore un souvenir. Elle ne transgresse pas les règles, ainsi. Car ce sont Ses règles, et elles sont importantes. La petite boule de lumière vient doucement voleter sous le visage de Dragon. Alors, que compte tu faire ?

Spoiler:

Une main sur la poignée, l’autre enserrant la dague avec force et terreur, il s’apprêta à ouvrir l’ultime et dernière porte. La porte d’où venait sans doute le bruit entendu tout à l’heure. Le plus terrifiant dans l’histoire, c’était que cette montée d’adrénaline effrayait certes le jeune homme mais, elle lui provoquait aussi un plaisir indéfinissable. Même s’il était face à l’inconnu, tout en sachant que quelqu’un ou quelque chose se tenait derrière cette porte, et quoi que cela puisse être, il était pris d’un courage et d’une ténacité qui l’empêchait d’abandonner maintenant. Oui, bizarrement, il se sentait plus confiant qu’apeuré, surtout avec cette arme dans la main. Peu importe ce qui pouvait se trouver de l’autre côté, il se sentait capable de l’affronter.

Le reste se passa en quelques fractions de seconde, et même lui n’eut pas eu le loisir de comprendre ce qui arriva. Avant qu’il n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit, un cliquetis résonna au bout de ses doigts. Ok, l’homme n’avait pas fait dans la discrétion juste avant en ouvrant les autres compartiments du wagon, et si quelqu’un se trouvait dans le dernier compartiment, il avait eu le temps lui aussi d’analyser la situation. Quoi qu’avec un peu de chance, il était aussi désappointé que lui dans ce train… Mais autre chose de plus intriguant encore désintéressa le jeune homme de la porte qui venait de s’ouvrir. Et ce quelque chose était une lumière en suspension devant lui. Qu’est-ce que cela pouvait-il bien être ? Une boule de foudre ? Non, impossible il n’y avait pas d’orage, ni rien. Il lâcha la poignée puis s’éloigna de la porte, hypnotisé par la lumière. Qu’importe maintenant ce qui pouvait se passer derrière lui, cette chose bizarre l’intriguait et venait de passer dans ses priorités. Qu’importe le danger qui pouvait être derrière, il se sentait invincible et n’avait pas peur de lui tourner le dos. Il desserra sa main de la lame et la rangea en compagnie des autres objets plus ou moins identifié dans sa poche. Il s’approchait de plus en plus de cette boule blanche, en lévitation d’autant plus. Magie ? Non impossible, pas aussi réaliste.

Normalement, ce qu’il faisait n’était pas bien. Mais au point où il en était, que pouvait une boule de lumière lui faire de plus. Le bruler ? Il se rendait bien compte qu’avec plus aucun souvenir de lui, le fait de se retrouver dans un vieux train sans savoir comment il y était arrivé. Et maintenant, une boule de lumière flottante devant lui. Il ne se sentait plus à ça prêt. Étonné, intrigué, déstabilisé certes, mais confiant de ce qu’il faisait, il tendit la main vers cette boule blanche suspendu devant lui et rentra en contact avec cet objet non identifié.

La mémoire revient à Dragon dans un torrent d'émotions...

Dragon:

Le garçon sentait le stress monter en lui, il appréhendait par avance ce qu’il allait voir et son taux d’adrénaline avait dû augmenter de près de 75%... La main toujours sur la poignée, il soupira un bon coup, avant d’ouvrir soudainement, sans doute un peu plus violemment qu’il l’aurait voulu, la dite porte. Il savait pourtant pertinemment qu’il fallait se maitriser, mais la façon dont les évènements se déroulaient lui mettait une pression à la limite du gérable, aussi son corps avait agis pour lui. Autant dire qu’en voyant un jeune homme relativement fort, sans doute capable de rivaliser avec un déménageur les mains dans les poches, avec ce tatouage qui lui parcourait tout le bras, mais surtout cette sphère lumineuse vers laquelle il se dirigeait, il claqua la porte aussi sec.

Il souffla un coup pour permettre à son cœur de récupérer un battement correct et ferma les yeux relâchant son emprise sur la poignée… Il prit alors le soin de retirer ses lunettes de sa main gauche avant de passer sa main droite sur ses yeux. Il devait être fatigué, tout ce qui lui arrivait devait l’ébranler, ce devait être ça… Parce que vraiment pas besoin d’avoir de la mémoire pour savoir qu’une sphère lumineuse qui flotte dans les airs, c’est tout sauf normal. Autant s’allonger en faisant le mort pour attendre qu’une lumière vers laquelle nous diriger nous parvienne. Il ne devait pas être la personne la plus croyante d’ailleurs, car ce dernier scénario qui était réaliste pour de nombreuses personnes, ne l’était absolument pas pour lui. Il s’offrit donc le luxe de patienter encore quelques instants, une minute ou deux pour être précis, se concentrant pour que son cœur ne rate pas ses battements. Mais il savait qu’il allait devoir rouvrir tout comme il savait au moins une chose : pour la sphère passons, mais l’homme lui était bel et bien présent… De plus à voir de dos comme ça, il n’avait pas l’air des plus fréquentable, sans doute une « racaille » telle qu’on en trouvait beaucoup, comme pouvait d’ailleurs en témoigner son tatouage… Pendant un instant, le garçon songea à faire demi-tour pour passer par un autre endroit, il n’était pas vraiment un homme d’action… Mais presque aussitôt, il raya cette option de sa liste. Il manquait cruellement d’informations, et il était face à une personne qui potentiellement pouvait lui en offrir… Alors tant pis, il allait juste falloir tenir tête aux bas fond de la société pour récupérer de quoi survivre en environnement hostile… Mais ce n’était pas son genre de tenter sans prévoir une issue de secours… Il réfléchit rapidement à des mesures à prendre avant le face à face… Distance de sécurité à 5 mètres, avec les obstacles, il suffirait alors de se glisser par l’une des vitres pour s’échapper, vu la carrure du bonhomme, il perdrait trop de temps à faire de même… Cependant, lui-même n’avait rien à confier, sans doute rien d’intéressant, et le peu en sa possession… Peut-être que cela pouvait être convoité après tout, il ignorait ce que contenait la clef usb… Peut-être que cela pouvait être utile à ce malfrat, peut-être était-il entré dans le train pour s’en emparer… Mais, le jeune homme savait autre chose. Si cette personne ne tentait pas de l’agresser dans la minute où il l’aborderait, il serait plus serein et la distance de sécurité ne serait plus nécessaire. Au vu de l’écart de force, si l’homme ne tentait pas de se saisir rapidement de son bien, c’était qu’il était désintéressé par lui. Une fois ces mesures en tête, il ne manquait plus qu’à se lancer.

Le petit blondinet ouvrit alors calmement la porte, mais son cœur rata un battement. L’inconnu était beaucoup plus proche qu’il ne le pensait. Il fit immédiatement un bond en arrière pour rétablir un espace suffisant. Ce genre d’erreur pouvait coûter la vie et il le savait. Heureusement, son vis-à-vis ne lui sauta pas à la gorge. Le petit blond le fixa de haut en bas pour le détailler. Le jeune homme en plus d’une musculature imposante avait un faciès plaisant, sans ses tatouages, il aurait pu poser pour des magazines sans doute. Il dû faire un effort incommensurable pour retenir un « Nom, prénom, âge ! » qui lui démangeait vraiment les cordes vocales. Cependant il n’était pas en position de force et faire le malin ne l’aiderait en rien. Il opta donc pour une autre approche.

« Est-ce que tu sais ce qui se passe ici ? »

Approche beaucoup plus subtile en effet, mais perdre son temps en paroles inutiles n’était vraiment pas dans son caractère. D’ailleurs, c’est vrai que redécouvrir sa voix, c’est drôle. Ce n’était pas le ton d’un ténor, mais il avait mué c’était chose certaine. Malgré tous ces évènements, la bonne nouvelle était que cette fois il avait gardé le contrôle, et pour preuve, plus aucune sphère ne voletait à l’horizon. Revenant à son vis-à-vis, il pensa alors à autre chose qui allait lui être nécessaire pour gagner du temps par la suite.

« Et comment t’appelles-tu ? »

Cette voix était méfiante et il ne faisait aucun effort pour le dissimuler, après tout, la minute n’était pas encore écoulée…

C’était une sensation oppressante. C’était l’effroi et l’animosité, c’était le désespoir et l’anxiété, c’était tout un flot d’émotion négative qui retenait le cœur de l’homme prisonnier pour l’enserrer violement, l’étouffer et lui porter le coup fatal. Il se sentait poussière face à la vie, il se voyait grain de sable le long d’un océan déchainé. Il se souvenait d’elle. Il se souvenait de ça. Mais il ne se souvenait de rien d’autre. Il se voyait là, impuissant face à l’inconnu, corrompu devant son devoir, lâche de ne pouvoir rien faire pour elle. Et il le voyait, le responsable. Qui était-il ? Pourquoi n’avait-il pas sortit toute sa haine contre lui ? Il n’avait que des images vagues. Mais surtout, qui était-elle ? Où était-elle ? A quoi ressemblait-elle ? Pourquoi rien d’autre ne lui venait à l’esprit ? Tout n’était que contradiction : il pouvait appeler la police, mais ne pouvait pas. Il pouvait la sauver, mais ne pouvait pas. Etait-il un salaud à ce point pour ne pas pouvoir sauver sa propre sœur ? Et que devait-il continuer ? En quoi était-ce plus important que la vie de sa propre famille ?

L’instant d’après, tout était de nouveau figé. Il revoyait ce vieux wagon dans lequel il était. Il sentait maintenant cet air de moisissure qui ne l’avait pas choqué après s’être réveillé. Que venait-il de se passer ? Un rêve ? Non, impossible. C’était beaucoup plus réel, beaucoup plus familier. Oui, il avait déjà vécu cette scène. Un souvenir ? Mais que c’était-il passé avant ? Et après ? Même s’il se retrouvait avec plus d’interrogation que de réponse, il ne fallait pas paniquer. Ce n’était pas la solution. Il fallait qu’il retrouve cet homme, il fallait qu’il retrouve sa sœur ! Toute sa force le quitta brusquement et il se laissa tomber en arrière contre l’une des vitres du wagon, pour ne pas se retrouver par terre. Il fallait réfléchir mais il se sentait vidé. Il fouilla ses poches, se rappelant qu’il avait senti un nombre important de chose avant ça. Il sortit d’abord ce qu’il pensait avoir de plus étrange de ses poches : une corde, plutôt grande d’ailleurs, pourquoi avoir une corde dans sa poche ? De toute façon, il n’avait aucun souvenir alors à quoi bon chercher l’explication. Il en extirpa ensuite une paire de gants noirs : était-on en hiver ? Il sentit aussi une épingle à nourrice qu’il ne se donna pas la peine de retirer. Il examina ensuite la dague, et surtout son manche : un dragon ressemblant étrangement au tatouage qu’il avait au bras. Cette dague était magnifique, vraiment bien faite. Il la garda dans la main et finit par retirer le dernier objet : un portable ! Pourquoi ne pas y avoir pensé ?! Il tenta de l’allumer mais rien, rien du tout sur l’écran excepté un chiffre : 72. Qui au fur et à mesure du temps tendait vers le zéro. Qu’est-ce que c’était encore que ça ? Une bonne blague j’espère.

Il se rappelait que l’instant d’avant, avant toute cette scène, un bruit l’avait intrigué. Il reprit ses esprits et se redressa. Le portable et la lame dans la poche. Après tout, si quelqu’un ou quelque chose devait lui sauter dessus et/ou l’attaquer, ça aurait été déjà fait au moment où il ne savait plus où il en était. Il s’apprêtait à ouvrir la porte, que finalement, elle s’ouvrit d’elle-même laissant place à un homme. Il avait l’air à peine plus jeune que lui. Un blond, aux lunettes. Enfin quelqu’un de réel. Il devait surement avoir lui des réponses sur la situation.

« Est-ce que tu sais ce qui se passe ici ? »

Et bien non. Non il ne savait pas, pas plus que lui. D’autant plus qu’il n’avait pas l’air très sociable comme gars, pas de bonjours, rien. Bon la situation était compréhensible. Il ne savait encore rien de lui, mais s’il était dans le même état que lui, y avait de quoi être perturbé.

« Je m’appelle… »

Oui, il ne s’en souvenait plus. Il ne se souvenait de rien. Comme tout le reste. Que répondre à ça ? Rien. Il restait silencieux sur son prénom. Il ne voulait pas se perdre en futilité, il voulait aller à l’hôpital. Peu importe lequel. Peut-être aurait-il là-bas des informations sur sa sœur ? Il fallait juste agir.

« Écoute, on discutera sur le chemin si tu veux. Mais il faut descendre de ce train et trouver un hôpital ! Je ne sais pas si t’as vu cette boule lumineuse mais quand je l’ai touché, y a eu ce souvenir, mon seul souvenir ! Mais c’est vraiment… Bizarre ! Je ne le sens pas de rester là. Peut-être y a-t-il un meilleur endroit ailleurs, il faudrait inspecter les environs. »

Il se dirigea vers la sortie du train et regarda si l’homme voulait le suivre ou non.

La bonne nouvelle pour le garçon, c’est que cet homme qui lui faisait face avait l’air pacifique, la mauvaise, c’était la suite. Ainsi, lorsque l’homme commença sa phrase pour donner son nom sans la finir, le garçon pendu à ses lèvres aurait pu en tomber par terre. Un nom ! Il ne demandait qu’un simple nom ! Et accessoirement des explications quant à la situation mais… Peu importe, ce n’était pas si compliqué de donner un nom quand même ! Lui par exemple s’appelait… Il s’appelait… Comment ? Et là se fut une gifle… La claque intersidérale. Pourquoi ne parvenait-il pas à se souvenir même de son identité ? Était-il atteint à ce point ? L’amnésie avait été bien pire encore qu’il ne l’aurait soupçonné… Il avait pourtant encore un souvenir… Mais à aucun moment son nom n’était prononcé. Pourtant, le nom ne donne-t-il pas une identité propre à un individu ? Si on le lui retirait, alors… Que lui restait-il ? Mais non, il n’avait nullement l’intention d’abandonner pour si peu. Après tout, si le nom donne l’identité, c’est bel et bien le fond et le caractère qui forme l’individu comme une entité unique. En tout cas, une chose était certaine désormais. Soit l’homme lui cachait son nom, ce qui était probable, le pourcentage nul n’existe pas, soit lui non plus ne s’en souvenait pas… Une rapide analyse, c’était ce dont il avait besoin. Un homme se tiens seul debout, il ne l’agresse pas, il n’est donc pas dangereux. De plus, attitude passive, presque perdu… Refus d’indiquer l’identité ou ignorance. À en juger par la moue de l’interlocuteur, 70% pour l’ignorance, 30% pour le refus. Ce qui laisse un total de 85% de chance que l’homme soit dans une situation similaire à la sienne, contre 15% qu’il soit un très bon comédien… Après tout, jouer la comédie n’est pas utile, les chances basculeront en revanche si on l’amène dans un endroit où il devrait toucher un ordinateur ce qui…

« Écoute, on discutera sur le chemin si tu veux. Mais il faut descendre de ce train et trouver un hôpital ! Je ne sais pas si t’as vu cette boule lumineuse mais quand je l’ai touché, y a eu ce souvenir, mon seul souvenir ! Mais c’est vraiment… Bizarre ! Je ne le sens pas de rester là. Peut-être y a-t-il un meilleur endroit ailleurs, il faudrait inspecter les environs. »

OK ! Stop ! Pause ! On arrête tout et on recommence calmement… Voilà… Comme ça… Donc… Un hôpital ?! Mais pourquoi un hôpital ?! Et puis de quoi parlait-il ?! Sphère lumineuse ?! Sérieusement ?! Qu’est-ce que c’était que ce… Pour peu, le garçon failli se mettre une gifle pour se calmer et stopper le flux de ses pensées. Analyser tranquillement, il fallait analyser tranquillement. Il souffla un bon coup. L’homme qui lui faisait face avait apparemment une idée en tête. Il souhaitait accéder à un hôpital, d’accord donc peut-être connaissait-il la ville… Non, c’était en contradiction totale avec son raisonnement précédant… Il ne devait pas connaitre le lieu où il se situait mais souhaitait accéder à un hôpital. Mais pourquoi faire ? Et puis quel genre d’hôpital ? Un hôpital psychiatrique aurait peut-être convenu… Après tout, tous les deux étaient étranges, voir une sphère lumineuse… Bon, il n’était pas le plus bizarre des deux car lui au moins refusait toujours d’y croire et puis il ne prétendait pas avoir de souvenirs en touchant… Des souvenirs ? Une seconde… Cela voulait dire que… Passage à 99% pour la situation similaire, même bien plus similaire qu’il ne le pensait. Tout cela était étrange. Le garçon avait l’impression de revivre l’un des mauvais films type « saw », ce genre de film où des personnes qui n’ont aucun rapport les uns avec les autres sont prises pour jouer à un jeu… Et si eux deux était dans la même situation… Étaient-ils vraiment les seuls… Et puis… Pourquoi eux ? Qu’avait-il fait qui impliquent leurs présences ? Encore des questions qui s’ajoutaient sans réponses… Quelque chose ne collait pas avec cet endroit… D’autant plus qu’ils gardaient une certaine liberté, ils choisissaient eux-mêmes où aller… À moins qu’ils ne soient manipulés dans l’ombre… Il y avait encore trop peu de données pour en juger. Mais ils jouaient à un jeu qui les dépassait, un jeu dont personne ne connaissait la réelle issue. Mais il n’avait aucune intention de se laisser faire, cela n’avait jamais été dans son tempérament. Quelles que soient les personnes qui s’amusaient avec eux, elles allaient le regretter.

Il se tourna alors vers l’homme, s’arrachant à ses réflexions. Inspecter les environs était une bonne idée, et puis pour l’instant, mieux valait rester en présence de quelqu’un qui à fortiori était dans la même situation. Et puis, il voulait encore acquérir des informations, cette sphère lumineuse notamment, même s’il n’y croyait guère, il ne doutait pas que les souvenirs lui soit revenu, il pourrait sans doute se servir l’un de l’autre encore un petit moment, lui et cet homme…

« Bien Je ne sais pas pourquoi tu cherches un hôpital, tu m’expliqueras sur le chemin, je t’accompagne pour le moment. Il y a encore des choses que je veux savoir à propos de cette sphère lumineuse. Je te préviens tout de suite, je n’y crois pas un seul instant, même si je ne peux nier l’avoir vu, il s’agit peut-être d’une illusion que l’on a essayé de nous transmettre d’une manière ou d’une autre… Les artifices ne manquent pas à notre époque. »

Il fit quelques pas, comblant la distance qu’il avait lui-même installé avec le jeune homme. Il le regarda d’un peu plus près, d’en bas, l’homme était plus grand que lui.

« Commençons par accéder aux quais, de là, nous pourrons peut-être trouver un plan, ou du moins voir cet hôpital que tu recherches, mais si tu veux compter sur mon soutien, une fois encore, je veux savoir tout ce que tu sais. Pourquoi tu es ici ? Comment es-tu venu ? Et surtout… De quoi te souviens-tu ? »

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