La mémoire revient à Dragon dans un torrent d'émotions...
Il est debout. Sa vision vacille. La tête lui tourne un instant. Nan. Nan. C'est pas possible. Il ne veut pas y croire. Le corps lui semble sans vie. Plein de sang. Il espère vraiment qu'elle est juste inconsciente. « Juste. » Et l'autre benêt qui est là juste à côté. « Putain mais qu'est-ce que t'as foutu ?! » Il sort brusquement de sa torpeur et empoigne l'autre gars par l'épaule. « T'vas me le payer, connard ! Tu t'rends compte de c'que t'as fait bordel de merde ?! » Et ça dérape.
Il le pousse violemment. Loin du corps. Loin d'elle. « Nan mais arrête, qu'est-ce que tu fous ? C'est rien, ok ? » Ouais. C'est ça. C'est rien. Ta gueule, ouais ! « Putain mais t'es malade ! Nan mais regarde c'que t'as fait putain ! Ok, j'appelle les flics, les secours, j'en sais rien mais bordel t'es juste trop con ! » Il se penche sur le corps en sortant son portable d'une main affolée. Il a soudain trop chaud. Et une sacrée envie d'aller se défouler sur l'autre idiot. C'était pas censé se passer comme ça. Elle était pas censée être impliquée. Il voit la large blessure sur la poitrine rouge de sang. Les flancs qui se soulèvent encore avec difficulté. « Hé, calme-toi, mon gars. Tu feras rien dans cet état. Et tu peux pas appeler les flics. Tu le sais bien pourtant. » Il serre les poings. Oui. Oui, il sait qu'il ne peut pas. Mais pour le coup, il aurait bien envie. Qu'ils servent enfin à quelque chose ces putains de flics. L'autre essaie de le relever mais il le repousse, rageur. « Tu fais vraiment chier, tu sais. » Qu'est-ce qui a pu merder à ce point là ? « Hé, on s'en fout, ok ? On continue comme prévu. » Il lui lance un regard assassin et se redresse. Commence à l'agripper par le col. « Nan putain on s'en fout pas. C'est ma sœur, crevard ! T'as vu c'que tu lui as fait ?! »
souvenir 2
Dans le même temps, la mémoire revient à Dragon, foule de sensations confuses...
Les mains en avant, il lui semble que le vol plané dure des heures. La réalité, plus dure, se déroule en quelques secondes, et le voilà qui valse la tête la première sur le sol. Instantanément, les larmes se forment dans son regard, tandis que ses yeux d’enfant observent les premières gouttent de sang qui jaillissent des plaies sur ses genoux et des égratignures sur ses paumes. La douleur court dans les blessures, comme plein de petites aiguilles qu’on aurait enfoncées dans sa chair. Et les larmes débordent, coulent abondamment sur ses joues rebondies. Dans son dos, des aboiements résonnent tout proches. Il a peine le temps de se retourner que l’atroce petit cabot est déjà sur lui, toutes dents dehors. « Grande sooooooooeur ! » hurle-t-il, avant que les crocs se referment sur son mollet, lui tirant une plainte aiguë. Il jette le plus loin possible de lui l’os qu’il avait dérobé au chien, et ce dernier se lance à sa poursuite, sans plus s’occuper du misérable humain qui avait cru pouvoir lui subtiliser son jouet. Et le petit garçon se retrouve seul, assis sur le trottoir, les joues mouillées par des larmes intarissables et les épaules secouées de sanglots, les genoux en sang et l’honneur en miettes. « Eh bien bonhomme, qu’est-ce qui t’arrive ? ». Sursaut, il se retourne. Un homme est penché au-dessus de lui. Un jeune homme en fait, pas aussi vieux que papa, c’est sûr, mais bien plus que grande sœur. « Oh, quel vilain bobo....» murmure l’inconnu. « C’est un chien qui t’as mordu ? ».
Il ne pense plus qu’à acquiescer. Même si papa lui dit de ne pas parler aux inconnus, celui-là n’a pas l’air méchant. « Tu vois, mon garçon, quand une blessure est provoquée par une morsure, et qu’elle n’est pas non plus très profonde, il faut la laisser saigner. Pour ne pas avoir tous les microbes que le toutou aurait pu avoir dans sa salive. Il faudra dire à ta maman de nettoyer tous les jours, d’accord ? Avec de l’eau ou de l’alcool. » Nouveau hochement de tête affirmatif. Bien sûr, il n’a pas dit. Pas dit que ça serait papa qui ferait tout ça et pas maman.