Neuralyzer.

4:00 - 6:00

Spoiler:

Sa tête... à la fois lourde comme une enclume et vide, désespérément vide. Il regarde, à gauche, à droite, recherchant une réponse, une explication. Bordel... mais qu'est-ce qu'il fout dans ce train pourri ? Il examine une énième fois ses maigres possessions. Le casque inutile, qu'il aurait envie de jeter au sol avant de le piétiner tant il ne lui sert absolument à rien. Le porte clés, et ses clés. Sans doute ouvrent elles des portes... Pour cela, il lui faudrait savoir s'il a des portes à ouvrir. Les cigarettes... Il lui en reste sept, plus une à moitié fumée qui dégage une écoeurante odeur de tabac froid. Ecoeurante mais tentante. Le skate board, et la batte de base-ball... Ces deux objets, même s'il ignore totalement pourquoi il est en leur possession, lui font l'effet de deux vieux amis. Et il y a l'objet le plus fâcheux. Cette chaîne d'argent. Le sablier. Soixante-douze heures... non. Soixante-et-onze heures et quarante-sept minutes. Que se passera-t-il quand ce temps sera écoulé ? Il enfonce la chaînette dans sa poche d'un geste brusque et rageur.

Il ne comprend pas pourquoi il n'arrive pas à comprendre. Les gens normaux, ils ont un nom, une adresse, ils ont des connaissances et une date de naissance. Ils savent où aller et quand ils se réveillent dans un train ils se rappellent au moins être montés dedans, merde. Et d'ailleurs, c'est quoi ce train ? Franchement, c'est décrépi, c'est moisi, ça pue. Il n'a pas envie de rester ici. Mais il ne sait pas où aller non plus. Il se sent terriblement impuissant, et ça le frustre à un point exceptionnel. Sans doute va-t-il exploser. Serait-ce un réflexe qui fait que sa main se crispe sur la batte ? Ses phalanges blanchissent, et il serre et serre encore, continue de serrer le manche en bois, même quand ses muscles se mettent à trembler. Il a envie de la soulever, et de l'envoyer valser dans... Non. Pas dans un objet. Dans la tronche de quelqu'un. Du responsable de ce foutoir. Il y a bien quelqu'un qui est à l'origine de l'état dans lequel il est. Forcément, il y a quelqu'un. Il se lève enfin.

C'est étrange de se lever d'un seul coup, comme ça. Son corps est plein de courbature et de crampes, de muscles tendus. Ses nerfs semblent noués, tout est douloureux. Comme si son corps n'était absolument pas habitué à l'immobilité. Il titube dans l'allée, sa main toujours cramponnée à son arme de bois. L'autre traîne son skate. Son corps est frissonnant de colère. C'est une colère brutale, dirigée contre tout ou rien, mais surtout n'importe quoi. N'importe qui. Une prise de conscience le pousse à se camper sur ses pieds, inspirer, expirer profondément. Ses doigts se décrispent très légèrement. Il est loin d'être calmé, mais il se sent presque prêt à faire face. La première étape sera de sortir du wagon. Croiser quelqu'un... Il demandera où il est. Voilà, c'est un bon début. Inspiration, expiration, une dernière fois. Il cale son skate sous son bras et repars, ne sachant pas trop où ranger sa batte qui l'encombre un petit peu. Il préfère la garder à portée de main, tout de même. Il ne se sent pas rassuré du tout. Soudain, un bruit. Proche. Il se fige. Ami ou ennemi ? Hors de question de rester caché. Il met sa main libre en porte voix et crie.

« OOOH ! Qui c'est ? Montrez vous ! »

Il s'encombrera de politesse quand on lui dira qui il est et ce qu'il fout là. Quoique... Peut-être même pas, en fait.