« Fire ! »

Le cri, échappé tout seul d’entre mes lèvres, avait résonné dans le lieu où je me trouvais. Les yeux grands ouverts, je regardais partout où je me trouvais. Mais même si je détaillais l’endroit, mon esprit se trouvait ailleurs. Il se posait des questions. Des tas de questions. Pourquoi es-tu partie ? Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Que t’arrive-t-il ? Ai-je fait quelque chose qui t’ennuie ? Ton souvenir t’a-t-il autant blessé ? Fire, où te trouves-tu ?

J’essayai de me relever en prenant appui sur le mur derrière-moi, et, par réflexe, j’allumai mon – non, le zippo d’Août – et éclairai les environs. Plusieurs personnes se tenaient là, face à moi. Une personne en particulier. Les autres semblaient plongés dans ce sommeil qui nous avait tous pris, les uns après les autres. Je ne comprenais plus rien… Pour le moment, je m’approchais de la jeune fille, mon sac Redkins contre moi, encore. Ouf.

Je m’accroupis face à elle, et lui parlai, d’une voix chaleureuse et sans élever la voix, de peur d’éveiller les personnes aux alentours :

« Salut, je m’appelle Avril ! Tu n’as pas à avoir peur, dis-moi comment tu t’appelles ? »

Aider les personnes dans le besoin, j’avais l’impression d’aimer ça. Autant que les plantes au zoo. La jeune fille semblait être morte de peur, ça me rappelait la peur de Fireflies et de la pénombre… Regardant les autres personnes, je pus voir une autre jeune femme non loin de là. Et une autre, encore ?! Je retins un rire jaune et perplexe. La Ville me faisait quoi comme plan, là ? Me mettre avec plusieurs filles, ça signifiait quoi tout ça ; j’allais devoir jouer le rôle du prince charmant ? Sans façon, plutôt tenir le rôle du jardinier en arrière-plan. Tapotant le dessus de la tête de la jeune fille, je lui tendis mon zippo, afin qu’elle puisse s’éclairer, et allais voir les autres filles. Ah, je vous jure…

Gestes de premier secours, je vérifiais qu’elle n’avait rien. Posant mes doigts contre le pouls de la blonde, je pus percevoir les battements réguliers de son cœur. Bon, c’était déjà ça, elle était vivante. La deuxième, maintenant. Posant mon oreille contre sa clavicule, j’entendis également les pulsations régulières de son cœur. Je relevai la tête. Je devais être futur pompier moi, eh. Tapotant brièvement la main de la brune à la peau mate, je rejoins alors la petite brunette. J’espérai qu’elle se porterait mieux.

Spoiler:

Aïe.

C'est la douleur qui la tirait progressivement du sommeil. Ce ne fut pas un brusque élancement, encore moins une terrible souffrance. Non, c'était plutôt la sensation d'inconfort qui se faisait de moins en moins supportable. Il y avait ce quelque chose de solide qui lui rentrait dans le dos, et aussi le métal froid et irrégulier sur lequel reposait sa tête.

Ce n'est que lorsqu'elle sentit un contact tiède contre sa joue qu'Opium ouvrit les yeux. Enfin, elle crut le faire, mais elle en douta aussitôt. Paupières ou pas, tout restait plongé dans la pénombre. Une vague d'angoisse la submergea. Elle cligna des yeux, se redressa tant bien que mal, grimaça aussitôt en se tenant le bas du dos. Son corps perclus reprit vie peu à peu. Elle tâta frénétiquement ce qui se trouvait autour d'elle, à la recherche d'un élément familier, rassurant. Il y avait ce métal froid, avec des formes qu'elle n'identifiait pas ; son sac encore humide, qu'elle s'empressa d'agripper pour ne pas le perdre ; et puis...

« H2O, c'est toi ? » chuchota-t-elle.

La lumière vacillante d'un briquet éclaira faiblement la scène. Non, ce n'était pas H2O, mais trois personnes. Un frisson de crainte lui parcourut l'échine, mais ses muscles se décontractèrent très rapidement en avisant le visage de ses potentiels « agresseurs ». Deux filles plus jeunes qu'elle lui faisaient face, accompagnées d'un garçon... Vérification de la poitrine : oui, c'était bien un garçon. Ce n'était pas une bête de muscles, et Opium avait confiance en ses capacités de self-défense. Aucun n'avait l'air bien agressif, et elle était bien contente d'avoir de la compagnie : autant se fier à son instinct. Bon, il faudrait bien qu'elle retrouve H2O un jour ou l'autre, tout de même.

– Où est-ce qu'on est ?!? Hé ! Dites moi ... Est-ce que vous savez où est-ce qu'on est ?

La jeune femme grogna un « Pas la peine de crier... » bougon et daigna enfin s'approcher des trois autres.

« Ce serait trop beau qu'un de vous sache ce qui se passe ici, je suppose... Oh, vous avez des souvenirs ! »

Opium venait de remarquer les deux boules lumineuses qui flottaient autour du garçon et de la brune. Tiens, magnifique entrée en matière : elle allait pouvoir étaler sa science – ou plutôt, les déductions du petit scientifique qu'elle n'avait finalement pas écoutées pour rien ! Fière et excitée comme une gosse de quatre ans, elle enchaîna précipitamment :

« Parce qu'en fait les lumières qui flottent ce sont des souvenirs, enfin je pense que vous êtes tous amnésiques, ou peut-être pas, mais touchez-les vous allez voir, allez, regardez ! »

Les courtoisies habituelles attendraient un peu.

Spoiler:

Et progressivement, elles se réveillèrent toutes. L'une était assez inquiète - cela valait de soi - puis l'autre légèrement grincheuse, mais plus calme que la précédente. Bien, c'était bien. Je soupirai de soulagement, avant d'écouter ce que nous disait la première jeune fille, ou plutôt les deux...

– Où est-ce qu'on est ?!? Hé ! Dites moi ... Est-ce que vous savez où est-ce qu'on est ?
« Pas la peine de crier... » Eh bien, quelle jeune femme bougonneuse... « Ce serait trop beau qu'un de vous sache ce qui se passe ici, je suppose... »

Véridique. Néanmoins je me doutais de qui pouvait s'agir ce plan de "division". La Ville était réellement sadique avec tout le monde, aucune exception, aucun privilégié. Tout le monde devait partager la même souffrance, point.
Souriant, je détournai mon regard vers la jeune fille soucieuse et lui dit, humblement comme tout gentleman le ferait :

« Il me semble que l'on se trouve aux rails du métro abandonné. Je suis Avril, et... »
« Oh, vous avez des souvenirs ! »

En effet, je n'avais même pas besoin de me retourner pour voir la lueur que dégageait ces sphères lumineuses. Mon cœur tressautât. Elle. Un souvenir d'Elle. Je me tournais vers elles, deux petites boules pour deux personnes distinctes. Je n'étais obnubilé que par la mienne, désormais ! La plus près, celle qui flottait sous mes paupières, m'éclairant de sa lumière bienfaitrice, petit moment de bonheur, aussi éphémère soit-il. Je n'entendais pas la brune à la peau mate me parler, et ce fut à peine si j'écoutais Skye me dire :

« Ils sont pour nous, je crois. »
« C'est même sûr... »

Si Skye avait hésité, moi j'avais laissé le souvenir venir à moi, l'accueillant à bras ouvert. Je veux comprendre...

Skye:

Avril:

Le garçon – Avril ? Apparemment, il se souvenait de quelque chose, lui, même si ce n'était pas un nom très commun – et la fille échangèrent un regard, quelques paroles, puis se résolurent à toucher les boules lumineuses. Réduite au rang de spectatrice, Opium fit la moue. L'indifférence des trois jeunes gens face à ses grandes révélations au sujet du lien entre sphères et souvenirs la vexa. Jusque là, elle imaginait être une pionnière – la première, avec H2O, à s'être aventurée dans ce territoire hostile et à lutter contre les ronces rampantes. Visiblement, Avril était beaucoup plus avancé qu'elle, puisqu'il parlait d'un métro abandonné. Elle-même ignorait jusqu'à l'existence d'un réseau de transport.

Contrariée, elle se rassit par terre, laissant les deux jeunes gens partir à la découverte de leur passé. Il était temps de faire l'état des lieux depuis sa quasi noyade. Elle sortit de son sac le paquet de cigarettes écrasé, dont le carton était devenu gondolé. Les sachets de drogue y étaient toujours soigneusement entreposés – alors qu'elle s'en serait volontiers débarrassée –, mais ses clopes étaient foutues. Le papier s'était ouvert et détaché pour la majorité. Cette nouvelle eut le don de l'irriter encore plus. Elle glissa la moins abîmée entre ses doigts, la tripota un peu, la prit délicatement entre ses lèvres. L'allumer avec un Zippo trempé, c'était pas génial non plus. Elle la jeta rageusement dans son sac. Visiblement, l'abstention y était pour quelque chose dans sa mauvaise humeur.

Dans ses poches, le bout de papier sur lequel figuraient une heure et une adresse s'était désagrégé, mais la photo d'un homme de son âge avait à peu près résisté. Dans son sac, le téléphone portable était toujours inutilisable ; sa trousse à maquillage était visiblement imperméable ; son pistolet ne lui servirait plus qu'à bluffer ; les talons cassés lui serviraient d'armes blanches. Coup d’œil dans le miroir de poche : son mascara tenait encore, mais elle avait l'air bien pitoyable. Cheveux emmêlés – elle ôta les quelques bouts d'algues qui s'y baladaient – et expression ombrageuse : elle n'avait pas l'air commode. Ses lunettes de soleil s'étaient échappées dans la bataille, mais pour toute la lumière à laquelle elle avait eu droit depuis son arrivée, ce ne serait pas une grande perte.

Parfait. Le bilan était pourri. Au moins, il faisait moins froid qu'avant. Atchoum ! Génial, en plus elle avait attrapé un rhume. Frustrée, Opium referma sèchement son sac dans un grand reniflement des plus gracieux. Non, elle n'était pas dans les meilleures dispositions pour faire la conversation.

« Bon, on va marcher pour sortir de là. »

Diplomate, toujours. Surtout, l'essentiel était de montrer que l'opinion des autres comptait et qu'elle n'allait pas agir selon son bon vouloir. Elle se leva, frissonnante avec son short et son bustier, et plissa les yeux tandis qu'elle s'habituait progressivement à la pénombre. Un instant plus tôt, elle leur aurait sûrement demandé quels étaient leurs souvenirs, leurs noms, et aussi jusqu'où allait leur amnésie, ou peut-être ce qu'ils savaient sur cette Ville menaçante. Mais les priorités avaient changé :

« Quelqu'un a une clope ? J'ai vu qu'un de vous deux avait un briquet... » ajouta-t-elle, soupçonneuse, en fixant la brune et Avril.

Ian. Je m'appelais... Ian.

Les souvenirs affluèrent mon esprit. Reprends tes esprits. Maintenant. Paupières ouvertes, la légère lueur du zippo éclairait pauvrement les environs. J'entends ce... Non, mon prénom sortir de la bouche de ma voisine. Comment ... Comment savait-elle ? Je tentais de la dévisager, son visage ne m'était pas inconnu. C'était... La jeune fille de l'ascenseur ! Sa voix...

« Bon, on va marcher pour sortir de là. » Qui es-tu pour moi, Skye ? « Quelqu'un a une clope ? J'ai vu qu'un de vous avait un briquet... »
« Le briquet n'est pas à moi... Et à ma connaissance je ne fume pas.» Il faut que je retrouve Août et Mars... Je me tournai vers la brune, sourire en coin et une moue désolée - sincère qui plus est - peinte sur mon visage et dans mes yeux. « Désolé ! »

Brève pensée avant de redonner toute mon attention à Skye. Skye. Pulsion ; j'attrapai doucement son poignet, et la détournai face à moi : Oui. Oui, nul doute possible elle était la fille de mon souvenir.

« C'est... Mon prénom. Je m'appelle Ian. C'est moi qui t'ai retrouvée dans cet escalier... »

J'avais la voix qui tremblait légèrement. Elle était sa sœur. Elle était à cette fête. Skye serait sa sœur ? À Elle ? Doucement, les nuages se dissipaient, lentement, certes... Mais le voile sur Elle ne se levait toujours pas... Skye.
Quelque chose en moi me disait " Prends soin d'elle ! " " Ne l'abandonne pas ! ", plus que toutes ces personnes. Bien sûr que non, je n'allais pas laisser la brune et la blonde de derrières en arrière, j'allais également les protéger, mais en moi, quelque chose me disait de prendre soin de Skye autant qu'une petite sœur, pour m'assurer de son bien-être. Ça se projetait sur moi, comme une évidence, pure et simple.

« Tu as une sœur, mais je ne sais pas si elle est présente dans cette ville. Je... » Je prendrai soin de toi, petite. « Appelle-moi Ian, maintenant... »

Rectification.

« Appelez-moi Ian. C'est mon véritable prénom. »

Donc, nous y allions ! Me tournant vers la blonde, je lui souris, de sorte à la mettre en confiance, laissais Skye passer devant ; j'allais les guider jusqu'à la surface. Si nous allions dans l'autre sens... J'allais me confronter au zoo, et je ne pourrais plus en sortir. Bien que j'avais un lien particulier avec la flore, je ne pouvais le permettre de gaspiller mon temps - précieux désormais - à flâner dans les allées fleurées. Je devais en apprendre bien plus. Bien plus. Sur Moi. Sur Elle. Sur Nous. J'étais un amoureux transi d'une fille dont je ne connaissais plus le visage, ni même le son de sa voix... Aucun souvenir concret d'Elle, pas même son prénom à mon grand regret...

« Vous êtes toutes prêtes ? Il faut sortir d'ici, qui sait ce que cette Ville nous réserve ici bas ! Et puis, le temps s'écoule vite à ne rien faire. »

Sourire confiant car il n'y avait pas à s'inquiéter vu que je connaissais l'état des lieux, je les attendais patiemment, voir les idées qu'elles pourraient me proposer.

« Le briquet n'est pas à moi... Et à ma connaissance je ne fume pas. Désolé ! »

En manque. Les excuses du garçon et son petit air navré n'y changeaient rien. Opium avait besoin de sa clope. Ce n'était pas de leur faute, pourtant. Mais elle leur en voulait. Comme une gamine à qui on refuse un jouet, elle faisait son caprice. Personne n'y pouvait rien : aussi amnésiques les uns que les autres, comment pourraient-ils se débrouiller pour lui trouver une cigarette dans une ville déserte, hostile et inconnue ? Elle est irrationnelle et injustifiée, cette rancœur : ils n'avaient pas à se plier en quatre pour accomplir les souhaits d'une parfaite étrangère. Avril n'aurait même pas dû s'excuser. Et pourtant, l'expression d'Opium se renferma, se fit ombrageuse. Un pli d'irritation se forma sur son front, au coin de sa lèvre. Ça fait chier.

Borborygme. Elle crevait la dalle, en plus. En ronchonnant, elle posa sa main sur son ventre, comme pour apaiser ses plaintes. Depuis quand était-elle dans ce merdier ?

« C'est... Mon prénom. Je m'appelle Ian. C'est moi qui t'ai retrouvée dans cet escalier... »

Elle leva la tête. Voilà qu'il changeait de nom. Ian, c'était déjà un peu moins bizarre qu'Avril. Il tenait le poignet de la brune avec la délicatesse du gentleman et lui parlait avec une douceur qui en disait long. La métisse arqua un sourcil en les observant. Il lui jetait un de ces regards ! Et dire qu'ils ne se connaissaient que depuis une dizaine de minutes. Il perdait pas de temps, le jeune !

« Tu as une sœur, mais je ne sais pas si elle est présente dans cette ville. » Ah, lui, il se souvenait d'un peu plus de choses. « Je... Appelle-moi Ian, maintenant... »

Opium leva les yeux au ciel. Tenir la chandelle, très peu pour elle. C'était un détail minable, mais le statut de figurante que Ian lui attitrait l'agaça. Après avoir joué un rôle essentiel et responsable à côté de H2O, être reléguée au second plan lui faisait un choc.

« Appelez-moi Ian. C'est mon véritable prénom. »
« Si ça te fait plaisir... » Rien de tel qu'asséner gratuitement des remarques cassantes pour entamer une relation saine et amicale. « Je me souviens plus du mien, appelez-moi Opium. »

Donner ce surnom lui rappela une fois de plus l'existence de H2O, qui l'avait choisi pour elle. Sa présence, son visage connu, ses expressions si familières et leurs échanges naturels lui manquaient un peu. (Mais vraiment un tout petit peu.) A tous les coups, il allait se faire tuer en examinant de trop près des ronces vivantes. Comment s'étaient-ils séparés ? Elle se souvint que la porte de la tour s'était enfin ouverte, et puis... Et puis plus rien. Enchaîner les amnésies, c'était franchement frustrant.

Ils se mirent en route. Opium rangea précipitamment ses affaires dans son sac – même les cigarettes inutilisables. Ce n'est qu'en se levant qu'elle vit la montre, accrochée à son poignet lors de son réveil dans le train. Celle-ci était toujours intacte dans une poche intérieure de son sac, et affichait désormais 70 heures. Elle fronça les sourcils – c'était pas 72 ? –, la posa sur son poignet, hésita, la fourra dans sa poche.

« Vous êtes toutes prêtes ? » Ouiii. Il jouait le maître d'école, maintenant ? « Il faut sortir d'ici... » Non, sérieusement ? Elle n'y aurait jamais pensé ! « ... Qui sait ce que cette Ville nous réserve ici bas ! Et puis, le temps s'écoule vite à ne rien faire. »

Tout à son amertume, Opium ravala ses sarcasmes désobligeants et se mit en route. Nouveau gargouillis. Elle grogna, accéléra l'allure et prit la tête du groupe dans un réflexe d'autorité. Il allait pas trop faire le chef non plus, ce jeunot. Bon, elle n'y voyait plus rien, sans la lumière du briquet pour éclairer un minimum. Mais elle marchait vite, d'un pas décidé – et elle trébucha peut-être une ou deux fois, s'empêtrant dans le bandage de fortune fait par H2O.

« Au bout du tunnel, il y aura bien une station. » Puisque d'après Ian il s'agissait des rails du métro. « On cherchera à manger dehors, comme ça. A part ça, vous savez quoi sur la ville ? Vous vous souvenez de quelque chose, vous ? »

Spoiler:

Silencieusement telles des serpents verts les ronces ont suivi les voyageurs des rails. La brune et le blond semblent proches. Ils viennent de partager un souvenir. Bon il est temps d’agir. Un sourire sadique aurait pût se dessiner sur le visage des ronces si elles avaient eu un visage. Doucement elles se rapprochent. Elles passent entre les jambes de la jeune femme placée à l’écart. Elles la reconnaissent et ainsi ne lui font rien. Elles passent juste entre ses jambes comme des serpents, juste pour la narguer. Et elles atteignent l’autre brune. L’amie du blond. Seule la première fille a senti leur présence. Trop tard pour l’autre. Les ronces se sont déjà resserrées contre la cheville de la fille et la renversent avant de la soulever dans les airs.

Bien que la charmante - bel oxymore, je sais - Opium parlait à notre intention, quelque chose attira mon attention. Skye était à côté, la blonde pas très loin ainsi que l'aimable Opium, mais quelque chose ne tournait pas rond. Oui, ça pouvait être clair et net, je foutais un vent admirable à la brune au teint mate, mais quelque me troublait. Ça n'allait pas. Du tout. Et mon pressentiment se révéla être vrai ; je voyais Skye partir en avant, bientôt suspendue dans les airs. Elle ne poussa aucun cri, rien. Juste un simple petit hoquet d'étonnement. Elle volait dans l'espace, et j'eus une paire de soucoupes à la place des yeux. Attrapant le zippo, je l'approchais légèrement vers où se trouvait Skye, et une vision étonnante s'offrir a moi.

Des ronces. Des ronces ! Une plante parmi tant d'autres mais qui bougeait telle un reptile, elle me semblait similaire à ces boas constricteurs, cette idée m'effraya, et il fallait faire quelque chose.

Je n'avais pas envie de faire du mal à ces ronces, du tout. Mais je ne pouvais pas laisser Skye comme ça... Lâchez-la, lâchez-la ... Comment faire... ? J'aimerais avoir un pouvoir quelconque sur ces plantes, qu'elles puissent juste la lâcher... Par pitié.

Est-ce réellement sensé d'agir de la sorte ? Je ne sais pas, mais après tout, y avait-il réellement un sens logique à cette mascarade contrôlée par une Ville sadique ? Peu importe, seulement le moment où j'ai agrippé les ronces, enfonçant ses épines dans chair, ce qui m'arrache un rictus douloureux aux lèvres. Je n'avais aucune force physique de rugbymen, mais je n'étais pas faiblard non plus, je le sentais. J'avais ma propre force, ponctuée plus ou moins par ce que j'avais du vivre par le passé, or je n'allais nullement m'en servir pour faire du mal à ces plantes ; d'une façon ou d'une autre, si j'étais fou, alors j'aurais commis un acte courageux. Ce n'était pas un geste suicidaire, je ne donnais pas ma vie en échange de celle de Skye, c'était tout simplement une promesse de survie, à tous. C'est d'une voix calme, avec une nuance des plus sérieuses et douces, que je leur dis :

« Lâchez-la, maintenant. »

Je ne me considérais pas comme un super héros, mais ma compassion et mon amour envers les plantes et les fleurs, quel qu'elles soient, m'empêchait de leur faire du mal. Elles étaient aussi vivantes que nous, bien qu'éphémères, et j'étais persuadé qu'elles avaient autant de sentiments et d'émotions que nous, humains. Elles étaient des êtres vivants, pour moi elles étaient égales à des Hommes et à des Femmes. Elles aidaient au bon déroulement de notre vie, pourquoi les maltraiter alors qu'elles nous apportaient énormément ? Je voulais tellement comprendre cette haine étrange qui habitaient ces plantes rampantes... Je resserrai mon emprise, assez fort pour qu'elles savent que j'étais là et que je m'adressais à elle. Je pouvais sentir des fins filets de sang me couler de la main qui empoignait avec fermeté et douceur cette plante.
Laisse-moi comprendre ton cœur.

Elle mâchait tranquillement son chewing-gum au goût de fraise. Tout semblait aller pour le mieux, ou disons ... Elle n'avait rien perdu depuis qu'elle était ''arrivée'', alors son sort n'était pas plus mal que les autres. Elle le savait. Namého n'écoutait pas ce que disaient ceux qui étaient avec elle. Puisqu'elle ne connaissait rien ici, autant ne rien dire, ça vaudrait mieux pour tous. Mais ne rien dire est impossible. Et c'est là que la fille à côté d'elle parti dans les airs.

- Ah !!!

Et elle cria. Pourquoi ? C'est elle qui cria, elle qui n'avait rien eu, et non pas la fille qui volait dans les airs. Mais pourquoi verre fille dont elle ne connaissait pas le nom se faisait retourner la tête en bas ? Namého s'approcha de la ''victime'' et aperçu des ronces.

«Des ronces ?!? Pourquoi des ronces !?!»

Prise de panique, elle attrapa le truc inutile accroché à sa ceinture. Petit être allait il servir ! Elle tira de toutes ses forces sur la manche et un objet long, noir, se déroula.

- Qu'est ce que c'est que ça ?!? Mais je peux pas utiliser ça, moi !!!

L'objet qui se trouvait sous ses yeux étaient ... Un fouet. Je visage de Namého passait du fouet aux ronces à une vitesse hallucinante. Il fallait qu'elle tente quelque chose, mais quoi ? Elle ne pouvait quand même pas attaquer les ronces à coup de fouet !!! Ce qu'il faut, c'est qu'elle puisse les tirer pour qu'elles retiennent la fille. Mais des ronces, ça ne vit pas ! Pourquoi tiennent elles la fille en l'air ?!? Il fallait tenter quelque chose. N'importe quoi, mais quelque chose ! Elle encercla les ronces avec ce qui semblait pour elle être une corde noire, puis tira dessus, comme pour ordonner à un cheval de s'arrêter !

Spoiler:

Comme une impression de déjà vu.

Elle aurait dû crier. Les prévenir, hurler une mise en garde, faire de grands gestes effrayés, inciter ses nouveaux compagnons de route à partir en courant. C'était le premier réflexe qu'elle aurait dû avoir.

D'abord il y eut cet infâme mais discret crissement des épines contre le métal. Tout près. Trop près. Un frisson d'horreur avait parcouru son corps tout entier lorsqu'elle avait compris que les ronces vivantes se frayaient un passage entre ses jambes. Mais, contrairement à son habitude, Opium – Opium la bavarde, Opium qui jacassait à longueur de temps, Opium qui ne supportait pas le silence – resta muette. Parce que, contre tout instinct de survie, elle préférait se taire et emporter sa bravoure dans la tombe qu'admettre s'être retrouvée dans une situation de faiblesse.

Mais les plantes passèrent leur chemin. Apparemment, elles n'étaient pas rancunières ou ne se souvenaient pas des balles reçues précédemment. Paralysée, la tête vidée de toute pensée, Opium les vit s'approcher de la brune. Quand enfin elle reprit ses esprits et ouvrit la bouche pour crier, les ronces accélèrent brutalement leurs mouvements et la soulevèrent dans les airs.

« ATTENTION, DES RONCES ! »

Mieux vaut tard que jamais, comme on dit.

Ouille. Elle grimaça en avisant les énormes épines et l'étau resserré des plantes sur la cheville de la fille, et s'estima heureuse de son sort. Il y eut un hurlement, mais pas de la bonne personne – la victime avait l'air plus étonnée qu'autre chose – et un claquement de fouet. Opium fit les yeux ronds en voyant la blonde dégainer un fouet, incapable de réprimer un ricanement lorsque ses pensées dérivèrent vers le sadomasochisme. Bon, c'était pas le moment.

- Qu'est ce que c'est que ça ?!? Mais je peux pas utiliser ça, moi !!!

Ça allait être très utile, ça. Son aigreur revenue, Opium leva les yeux au ciel – ou plutôt au plafond.

« Lâchez-la, maintenant. »

Et l'autre qui se la jouait ami des plantes ! Elle étouffa un rire moqueur. Non, c'est franchement pas le moment, concentre-toi Opium. La fille avait réussi à enrouler son fouet autour d'une des ronces. Boooon. Puisque les deux autres perdaient leur temps, il fallait bien que quelqu'un prenne les choses en main ! Elle aurait bien tenté d'y foutre le feu, à ces sales plantes, mais son Zippo n'était plus en état de marche. Son arme devait encore être pleine d'eau, donc inutilisable. Il lui restait... Euh... S'approchant à petits pas de leur agresseur végétal, elle farfouilla dans son sac et en sortit ses talons aiguilles cassés. Elle les fixa d'un air dubitatif, reporta son attention sur les ronces immenses, soupesa son arme improvisée qui paraissait bien minuscule, fit la moue.

Puis, par pur orgueil – elle était utile, merde –, elle porta l'assaut. D'abord elle lança un talon, qui rebondit lamentablement contre le végétal et revint rouler dans ses pieds. Elle le ramassa et le planta dans l'ennemi, résolument, s'écorchant la main sur une épine par la même occasion. Comme l'efficacité de son offensive lui parut incroyable, elle tenta une nouvelle attaque avec le deuxième talon et frappa la plante avec à répétition. Une intervention des plus utiles, elle en était certaine.

« Mais barrez-vous, merde ! »

Avec cette imprécation solennelle, les ronces n'avaient plus qu'à bien se tenir.

Si les ronces avaient pu rire elles l’auraient fait. C’était pathétique. La fille avec son fouet d’abord. Un mouvement brusque et le fouet vola à l’autre bout. La ronce qui avait été attaquée attrapa le poignet de la fille et la souleva du sol. Bon une, c’était fait. Un picotement se fit sentir chez une ronce. Bon elles voulaient la laisser de côté mais maintenant elles n’avaient pas le choix. Une ronce attrapa la taille de brune et la renversa dans les airs.
Et il y a avait cet enfant. Ce petit blond qui intriguait les plantes. Il tirait doucement sans violence pour qu’elles lâchent la première brune. Elles ne lâchèrent pas la brune, trop heureuses de pouvoir jouer un peu mais elles ne firent rien au blond.

La brune sarcastique volant dans les airs ainsi que le cowboy, je soupirai, blasé de leur comportement. Les ronces étaient trop robustes et malignes pour se laisser faire sans répondre à leur manière. Elles n'étaient pas très malignes, ah là là... Skye par contre était plus réfléchie. Elle ne faisait aucun geste brusque, elle essayait même d'enlever doucement l'emprise des ronces. Or, il me semblait qu'elles étaient des plus imprévisibles. Utilisant mon autre main que je posais doucement sur la ronce. De ce même ton que j'avais utilisé plus tôt, je leur dis :

« Une petite fille ne vous suffit pas ? Vous vous ennuyez, on dirait... » Je baissai légèrement les yeux : « Est-ce que c'est la Ville qui vous a rendue comme ça ? Peut-être que vous êtes seules depuis très longtemps... »

La Ville était vide de vie, dans le sens où il n'y avait pas d'humains qui y vivaient. De toute façon, ils n'auraient pas pu y vivre bien longtemps... Déjà avec le compteur, qui tournait comme le souhaitait la Ville, les dangers de cette dernière...
Est-ce que les ronces s'amusaient à jouer avec les autres parce qu'elles étaient... Malheureuses ? Solitaires ? Aucune interaction avec qui que ce soit. Elles devaient être tellement seules...

Je levai mon visage vers Namého et Opium, et même si cette dernière s'était montrée désagréable avec moi - à trop se prendre pour quelqu'un de mature alors qu'au final, ça n'amène pas à grand chose - je leur confiai, sûr de moi :

« Évitez de bouger comme ça et de les attaquer ! Elles vous feront plus de mal qu'autre chose ! »

Je dévisageai alors les plantes. Les ronces, malheueuses derrière ce masque excité. Elles ne recherchaient que de l'attention, pour ne plus être délaissées. Les plantes ont plus d'émotions que les hommes, ont plus de coeur... Et cette Ville était entrain de les rendre folles. Caressant la ronce que je tenais entre mes deux mains, je leur murmurais, profondéfment touché :

« J'aimerais tellement... Pouvoir vous aider, que vous ne soyez plus jamais seules... Si je peux faire quelque chose, dites-le moi. Faites le moi savoir par un moyen quelconque... »

Je dévisageais les ronces, touché du plus profond de mon âme, comme si j'étais plus proche d'elles que n'importe quel humain. Les plantes, les fleurs, elles me semblaient importante, dans ma vie. Je les aimais énormément, et savoir que des plantes étaient malheureuses, seules et délaissées... Cela se produisait comme une empathie, en moi. Je ressentais, tout ce qu'elles éprouvaient...

« Évitez de bouger comme ça et de les attaquer ! Elles vous feront plus de mal qu'autre chose ! »

Namého regarda Ian d'un air énervé :

- Ça, j'avais compris ! Ce que je voudrais savoir c'est pourquoi elles sont vivantes !!!

Elle se tourna vers la ronce qui enserrait son poignet, ou disons plutôt, elle leva tout simplement la tête, et commença à engueuler son attaquant :

- Rah ! Mais qu'est ce qu'elle t'a fait !?! Ça va pas de nous pendre comme ça dans les airs ? Tu trouves ça marrant toi ? Moi pas du tout !!! J'en ai marre ! Marre de cet endroit bizarre ! Marre de tout ! J'ai jamais demandé à venir ici !!! Je sais même pas où je suis, qui je suis, comment je suis arrivée ici !!! Et puis j'étais avec quelqu'un, quand je me suis retrouvée endormie dans ce truc sous terre !!! Alors j'en peux plus, moi ! Voilà que je vois des ronces qui bougent toutes seules, et je dois trouver ça normal ?!? Non mais ça va pas la tête ?!? Je veux qu'on me dise où je suis !!!

Toujours attachée par son poignet, Namého disputait les ronces. Elle disputait la ville, le train ... Tout, tout ce qui s'était passé jusqu'à maintenant. Elle en voulait à ceux ou celles qui l'avaient emmené ici. Mais qui étaient ils ? Elle ne savait pas. Peut être n'y en avait il même pas. Peut être qu'elle était devenue folle. Peut être que ...
Il y avait plein de questions auxquelles Namého voulait trouver des réponses. Mais elle ne les trouvait pas. Elle cherchait, mais non. Impossible. Elle ne voyait pas. Elle ne trouvait pas.
Elle ne comprends rien. Et ne pas savoir la met en rogne, alors elle s'énerve de plus belle contre les ronces :

- Non mais franchement ! Ça va pas d'attaquer les gens comme ça ?!? On a rien fait !!! Moi je veux juste sortir d'ici ! Je veux retrouver un ciel bleu ! Bleu clair ou bleu foncé, je m'en fou ! Je veux retrouver l'air libre !!! Et voilà qu'on me bloque ! Nan mais tu nous veux quoi ?!? Si tu veux quelque chose, dis le ! Mais ne viens pas nous empêcher de sortir d'ici !!!

Namého crie, elle crie à ne plus avoir de souffle, elle crie tellement que sa voix lui monte à la tête et se met à résonner. Elle a vidé sa colère. Tout son stress est parti en un instant.

« AAAH ! »

Hurlement aigu. Opium tint la note dès le premier signe d'agressivité des plantes vivantes. Les ronces l'étreignirent tendrement par la taille, avant de la soulever délicatement de terre et de la faire basculer cul par dessus tête. Son sac tomba au sol avec un bruit mat. Les deux autres filles demeurèrent silencieuses malgré leur surprise, mais Opium n'en était pas capable. C'est en braillant qu'elle fit quelques tentatives de fuite, qui se révélèrent infructueuses et se soldèrent par un bustier déchiré. Plusieurs éléments la poussèrent à rester immobile et à attendre simplement d'être reposée au sol par son agresseur végétal. D'abord il y avait les trois mètres qui la séparaient du sol – et tomber tête en avant pour s'éclater le crâne contre les rails n'était pas dans ses plans –, mais le problème des épines la perturbait tout autant. Au moindre mouvement trop ample, les ronces se plantaient un peu plus dans sa chair, et elle comprit bien vite que seule la passivité lui permettrait de ne s'en sortir qu'avec des éraflures.

« Mais lâche-moi, saloperie ! AAAAH ! »

Quand on ne peut plus agir, s'égosiller reste la meilleure des solutions.

« Évitez de bouger comme ça et de les attaquer ! Elles vous feront plus de mal qu'autre chose ! »

Règle n°1 de l'intelligence masculine pour éviter les ennuis : ne jamais donner de conseils à une femme qui a la tête en bas, est en manque de cigarettes et dans une situation humiliante d'impuissance et de détresse. Opium, pour une fois, n'eut pas le temps d'en placer une. La rousse la prit de cours en manifestant la même irritation qui l'agitait.

- Ça, j'avais compris ! Ce que je voudrais savoir c'est pourquoi elles sont vivantes !!

Vlan, dans les dents. Prends ça, monsieur je garde mon sang-froid dans n'importe quelle situation ! Au prix d'une contorsion douloureuse, Opium aperçut Ian occupé à caresser l'ennemi. Soit il était d'une naïveté inconcevable, soit sa connerie dépassait toutes les limites imaginables.

« Au lieu de murmurer à l'oreille des plantes, tu ferais bien de nous aider à sortir de ce merdier ! IAN, PUTAIN ! Mais fais quelque chose ! »

C'est alors que la rousse fit sa crise d'adolescence. Exaspérée, Opium se mit à prier pour son silence. Parler à des ronces. Biologiquement, où étaient situées les oreilles ? Comment auraient-elles pu comprendre un traitre mot aux discours des deux grands niais, hein ? Les plantes bougeaient peut-être, mais elles n'avaient pas de conscience propre, c'était impossible.

Les mâchoires crispées, Opium ferma les yeux et s'exhorta au calme. Pas facile quand le sang vous monte à la tête sans que vous puissiez rien y faire. Grinçant entre ses dents diverses injures imagées à l'encontre de cette foutue Ville, de ce grand con et de l'idiote qui piaillait, la jeune femme était au bord de la crise de nerfs.

- ... Mais ne viens pas nous empêcher de sortir d'ici !!
« T'as fini, oui ? On est tous aussi avancés que toi donc au lieu de te plaindre, cherche un moyen de nous sortir de là ! Merde, vous êtes aussi inutiles les uns que les autres... Elles vont pas vous répondre, ces putains de plantes, faut pas déconner ! »

Opium étant irréprochable, mature et réfléchie, elle pouvait bien entendu se permettre ce genre de discours moralisateur d'une rare sagacité. Se tournant vers la brune restée muette, elle décida de se la mettre à dos aussi, tant qu'à faire.

« Et toi, là, tu pourrais dire ou faire quelque chose, non ? C'est à cause de toi cette histoire, à la base, t'aurais quand même pu faire attention ! »

Oh la mauvaise foi. Dans l'état de fureur où elle était, elle ne s'en rendait même pas compte.

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