Bar, tables, chambres, couloirs !

« Belle bâtise, non ? Ahin.
Bar, tables, chambres, couloirs ! 1551479860

16h-18h

« Je me sentais inconfortable. Marchant dans les rues désertes, mon corps me dictait une conduite alors que ma raison et mes émotions se penchaient pour un opposé. Prudence et tension, contre nonchalance et je m’en foutisme de base. Irritant. Irritant et amusant. Presque intéressant. Laissant mon esprit vagabonder, me perdant dans une fausse concentration, je failli m’écraser contre un lampadaire solitaire, mes réflexes de base l’évitant au dernier instant. Une folle habitude me prit, et je me pris à maugréer seul, comme si ce genre de choses m’arrivait à tous moments dans ma vie courante. Ma vie… D’avant. Blasé par la nouvelle, je levais les yeux vers la structure qui me faisait face. Un poil plus intéressant que le tas de ferrailles, ce truc. Truc qui s’avérait être un hôtel. Réprimant un bâillement qui me valut une montée de larmes, je vagabondais dans l’enceinte, découvrant peu à peu des traces d’activités récentes. Je n’étais donc pas seul au monde. Devais-je m’en soulager ? Question bien méritée. Me frottant la joue, cherchant sans doute une barbe d’un jour à raser, j’espérais ne pas tomber sur de gros boulets. Ni sur des pauvres hystériques électrifiés et complètement dégénérés. C’était dans cet état d’esprit serein et enjoué, en paix avec soi-même que dans la bifurcation, je me cognais contre quelque chose. Le mur était si près que ça ? Quoique. C’était plutôt mou, et rebondissant, j’identifiais la masse. Un humain. Ma main se porta directement au niveau de ma hanche, imaginant un holster qui n’était évidemment pas là. Je freinais le mouvement, me sentant relativement con. Une main dans les crins, je restais en suspend. « Erhm. »

…

J’étais censé dire pardon ?

Voilà c’est fait. Il s’est éloigné du type aux cheveux bleus. Sauf que maintenant il se retrouve seul à errer dans des couloirs vide. Et il se demande si la présence du petit groupe avec lequel il s’est réveillé n’est pas meilleure à celle de la solitude. Se savoir seul dans un endroit inconnu lui donne l’envie presque irrésistible de revenir sur ses pas. La peur tient à l’imagination et la lâcheté au caractère. Il n’est pas lâche n’est-ce pas ? Bien décidé à continuer d’avancer, il sort son livre pour se détendre. Oui quand on lit debout en marchant, ça nous détend et notre esprit s’évade pendant quelques instants et ça nous permet aussi de ne pas voir le danger juste en face et avec un peu de chance de passer à côté. Sauf que la chose dans laquelle il rentre, et bien c’est de plein fouet qu'il la prend, il ne fait pas que la frôler. Il relève la tête, aperçoit un jeune homme qui semble émettre un son proche du grognement. Instinctivement la politesse prend le dessus :

- Excuse-moi, je ne t’avais pas vu.

Non il n’est pas du genre à rentrer volontairement dans les gens. Il regarde un instant le brun qui lui fait face. Est-il comme lui et les autres ? A-t-il perdu la mémoire ? Comment lui poser la question sans qu’il le prenne pour un fou à lier si ce n’est pas le cas ? Lui demander son prénom.

- Tu t’appelles comment ?

« C’était pas marqué dans le journal.

« Non, c’est moi. » La phrase m’échappe, sans trop que je sache pourquoi. Face à la politesse du jeune, c’est comme si mon corps se détendait, forçant ma main et mon caractère. Je me plie à des habitudes et des manières qui ne me sont pas étrangères. Mon ton, liquide, coule vers une sorte de gentillesse décontractée sans toutefois devenir niais et enfantin. Spontané. Voilà. Le terme est beau. Puis je me remémore la question du prénom. Il fait exprès d’appuyer la où ça fait mal ? Il ne pourrait pas me demander si j’ai une carte téléphonique, à la place ? La stupidité dans laquelle je me noie m’arrache un demi sourire, et, la mauvaise humeur ne me quittant pas, je me retrouve vite entre deux émotions contradictoires. « Tu peux m’appeler Mask. Et toi ? » Ai-je réellement besoin d’énoncer les faits ? Il me semble bien assez intelligent pour comprendre que moi aussi, j’ai perdu mes souvenirs. Enfin. Moi aussi. Son prénom me dira si je me trompe ou non. « Je peux t’aider ? » La question me sort littéralement de la bouche, sans même que je l’eusse pensée. L’intonation se fait calme et dégagée, presque professionnelle, avec un brin de bienveillance qui accentue le côté grognon de mon réveil, sans que je sache trop pourquoi. Mais pourquoi j'avais dit ça ? La scène m’arracherait presque un sourire. Presque. Un pauvre type rentrant dans un autre, s’excusant après l’à-coup, puis offrant son aide. Et ce dans un couloir. Dans un angle de couloir. Une bifurcation, pour être exact.

…

J’étais con ?

Mask. Donc il est comme lui. Comme le reste des gens qui sont arrivés par cet avion sûrement. Que le choc de l'atterrissage est pu faire perdre la mémoire à certains c'est compréhensible. Mais qu'il y ait autant d'amnésiques ce n'est plus très réaliste. Y a-t-il une raison à notre présence ici? Il reste pensif un instant.

- Minou.

Oui tu peux te moquer mais ça ne les avancera pas plus. De l'aide? Il en faut oui. Mais il a l'impression que ça les dépasse. Et qu'au fond ils finiront jamais par comprendre. Et qu'il suffit juste d'accepter ce qu'il se passe, sans se poser de question. Sans chercher les réponses. Rester impassible face aux événements, ne pas avoir d'avis, ne pas prendre position. C'est presque de la lâcheté.

- A résoudre le mystère qui nous entoure? Je pense que c'est impossible.

Soyez réalistes, demandez l'impossible.

Comin' from here.

To the soldier, the civillian,
The martyr, the victim ...
This is war.

A nouveau tout seul. Mais mieux que mal accompagné, pas de doute sur le sujet, songe-t-il avec une moue. C'est bien gentil tout ça, mais il n'est pas vraiment mécontent d'avoir planté les deux énergumènes de la chambre 0 - car oui, il a regardé le numéro en partant. A sa sortie, il a un peu hésité entre le couloir où se présentaient quantité d'autres portes, et l'escalier le ramenant au rez-de-chaussée. Avant d'opter pour le deuxième, parce qu'il avait la certitude que rien de bon ne l'attendrait derrière le bois coloré de ces portes numérotées. Qu'il n'y aurait pas sa place. Maintenant que le voilà descendu, il se retrouve devant un nouveau choix : sortir du bâtiment, ou continuer son exploration ?

Décidé à prendre un peu le temps de peser les avantages et inconvénients de chaque option, il s'appuie contre le mur et, plus par réflexe qu'autre chose, fourre la main dans sa poche. Ses doigts se referment autour un objet de taille, qu'il identifie après l'avoir sorti, comme étant un talkie walkie. Étonnant - qui prend l'avion avec un talkie, dites-moi ? Quand il le glisse à nouveau dans sa poche, le dos de sa main frotte contre un morceau de papier, qu'il saisit et lève à la hauteur de ses yeux. Malgré la luminosité franchement moyenne, et l'écriture brouillonne, il parvient à déchiffrer quelques mots. Ça t'amuse de jouer les cerbères pour eux ?! Il aimerait trouver que ces mots lui ramènent quelques souvenirs, mais ne serait qu'amèrement déçu.

Haussant les épaules, il froisse le papier avant de le fourrer à nouveau dans sa poche. Retour à son dilemme : sortir, ou non ? Des éclats de voix sur sa gauche, à l'intérieur du bâtiment, l'aident à choisir. Ce sera donc continuer l'exploration. D'un pas toujours aussi silencieux, il se dirige vers la source du bruit, laissant cette fois son arme dans sa poche. Pour trouver deux bruns, tous deux habillés de manière assez soignée, apparemment en pleine discussion. Ne souhaitant pas s'imposer, parce que ce n'est pas du tout son style, il reste un peu en retrait, signalant juste son arrivée par un discret raclement de gorge, et saluant d'un signe de tête les deux inconnus.

« Le pâté en croûte n’avait jamais été ma tasse de thé.

« On t’a fait une mauvaise blague ? » Le ton aurait peut-être voulu être amusé et amical, mais en sortant de ma gorge, je lui trouvais un air plutôt blasé, presque peiné. Et comme à chaque fois depuis mon arrivée ici ou mon corps, mes paroles et intonations étaient ou sortaient autres que je les imaginais, je me frottais l’arrière de la tête, après avoir passé une main dans les cheveux. Qu’est-ce qui clochait avec moi ? J’allais répondre à sa proposition qui n’en était pas une, quand un raclement de gorge se fit entendre. Machinalement, je pivotais sur moi même avec une rapidité qui m’était encore inconnue, et toisais l’opposant, me forçant à ne pas mettre la main ou il n’y avait rien, et encore moins ou il y avait. Un gars, plutôt banal, nous fixait, dans l’ombre. « Tu sais, je pense qu’il faut plutôt prendre ça d’un air détaché. Avec le recul, on aura un point de vue d’ensemble idéal. Se jeter dans l’investigation alors que l’on vient d’y être plongé, ce n’est jamais très bon, quand l’on est pas habitué. Tes sentiments doivent sans doute interférer, le fait de ne rien comprendre est pris en compte dans ce que j’appelle tes, vos ”sentiments.’’ » L’avant dernier mot adressé au nouveau venu, évidemment. Ce mec avait la tronche d’un mec armé, comme certains chiens. De garde. J’étais sans doute parano, mais dans ma tête, tout semblait clair. Mes propos avaient été illustrés de quelques mouvements de mains mécanisés, et je me rendais compte que le tout avait été plutôt spontané et dégagé. C’était mon boulot non ? Ca ne pouvait être que ça. Je me voyais mal serveur dans un bar ou boursier. Point. Et si d’apparence je pouvais sembler à la rue, blasé ou je m’en foutiste, dedans, si l’on omettait toutes les particules négatives et frustrées, j’étais plutôt concentré, voire déterminé. Enfin. Plutôt. Ce presque sérieux m’étonnait à peine, n’ajoutant qu’un énième grain de sel à ma fatigue. J’avais envie de dormir, ou de marcher. Discuter, pourquoi pas. Quoique le silence de m’avait jamais particulièrement agacé, aux dernières nouvelles. « Tu es ? » Infos. Infos puis on verrait.

…

Quelle plaie.

Non il ne doit son pseudo stupide qu'à lui même. Mais ça il n'est pas obligé de le préciser. Au raclement de gorge il tourne la tête vers l'auteur et répond à son salut. Pas très bavard celui-là. Contrairement à Mask qui semble être la première personne vraiment censé qu'il croise. Personne qui utilise des mots de vocabulaire légèrement déplacés quand on y pense. Mais peut-être est-ce un reflex, dût à sa vie d'avant? Investigation, ça fait flic, ou journaliste à la limite. Vu sa nervosité qui semble plutôt tenir de ses reflex, il paraît plus flic. Mais comment en être sûr? Il acquiesce en silence au raisonnement du brun, puis finit par ajouter:

- Mais je doute que tout cela soit dût au hasard. Alors comment prendre la chose d'un air détaché quand on est presque sûr qu'on se joue de nous?

Puis il regarde le nouveau venu, attendant lui aussi la réponse à la question de Mask.

Et trois petites sphères lumineuses se posent devant Minou, Mask et Cerbère.

It's the moment of truth, and the moment to lie,
The moment to live, and the moment to die.

La discussion continue, mais il ne penserait pas à s'en formaliser. Il ne comprend pas tout ce qui est dit, bien que le vocabulaire d'un des deux bruns - celui qui a l'air le plus vieux - lui semble un rien familier. Un pro. Voilà la première chose qui lui vient à l'esprit quand il l'entend parler. Sans qu'il sache trop pourquoi, cette pensée le rassérène, et ses muscles encore un peu tendus se relâchent, petit à petit. Du moins jusqu'à la question piège. « Tu es ? » Il ouvre la bouche pour répondre, par automatisme, mais rien ne lui vient. Il n'a pas de réponse. Même son identité, rien de moins que son nom, s'est perdue lors du crash. Je ne suis personne. Voilà tout à fait ce qu'il pourrait répondre, et ce serait même assez proche de la réalité, vu sa tendance à jouer les pots de fleurs. Sauf qu'au dernier moment, il se rappelle des mots déchiffrés sur le bout de papier froissé.

« Appelez moi Cerbère, à défaut de mieux. » Ce n'est pas un nom, ça, pas du tout. Il a beau essayer de faire un effort, l'idée le dérange. Léger soupir. Aux autres aussi, ce choix doit paraître étrange. Du coup, il se sent obligé de préciser : « Vous étiez dans l'avion, ou vous l'avez vu ? Le choc sans doute ... ça m'a rendu amnésique. Alors bon, un pseudonyme devra faire l'affaire. » Sa voix est parfaitement inexpressive, comme s'il parlait de la météo, et pas d'un crash d'avion auquel il a survécu il ne sait trop comment. Pour atterrir dans une ville désertée et plutôt glauque, en plus. Cependant, il n'a pas le temps de profiter de la réaction des deux autres que les mêmes petites sphères dorées que précédemment apparaissent dans les airs. Trois, cette fois. Elles me poursuivent, ou quoi ..? Clac! le flingue quitte sa poche, revient en position défensive. Mais, placide, chacune des mystérieuses lueurs vient flotter devant l'un d'entre eux. « Vous savez ce que c'est, ces trucs ? » s'informe-t-il avec un geste de son arme, traversant au passage la sphère maintenant immobile.

« Huilé. Aussi bien que les sardines.

« C’est ta fierté qui parle, pas ton réfléchi. » Spontané et involontaire. Je me passe une main derrière la nuque, quelque peu embêté par mes répliques mécaniques. « Ce n’est pas facile, je l’entends bien. » Ou comment se rattraper… A moitié. Demi blasé, plutôt peiné, je me détourne quelque peu pour écouter l’énième brun. Court silence. J’étais censé répondre ? Pas le temps d’y réfléchir, voilà que Cerbère sort les crocs, presque apeuré. Dégainant une arme, il la pointe délicieusement vers trois sources de lumière. Non mais il est en plein délire, où ? Ma mauvaise humeur interne s’abattant de tout son saoul sur moi, je réprime un grognement. Mes nerfs se tendent, et je me prends à imaginer une action pour le désarmer, le mettre à terre, la truffe dans la poussière. Sa question trahit à sa réaction et j’en viens à me demander si ce n’est pas la deuxième fois qu’il croise ça. Raison de plus pour être stoïque, amateur. Son arme embroche une des sphères qui se dissipe aussi vite qu’il semble avoir une absence. « Je crois qu’il est un peu con. Pas bien méchant, cependant. » L’idée m’a échappée, et haussant les épaules, je ne peux m’empêcher de bailler. Ma main vient se mettre devant ma bouche et je touche.

…

C’était qui, l’abruti ?

Cerbère le chien des enfers. Très sympathique comme pseudo. Enfin il n'a rien à dire de son côté, parce que le sien est carrément ridicule. Le mouvement brusque de Cerbère lui arrache un sursaut. Et pendant un moment il se retient de reculer face à l'arme. Mais qu'est-ce qu'il fait là déjà? Avec un type armé et un autre blasé? Toujours mal à l'aise il regarde l'autre toucher la sphère lumineuse avec son arme. Qu'est-ce? Ils en ont chacun une. Ce n'est donc pas qu'une simple lumière? Tout est si étrange ici. Les deux autres ont touché celles qui leur faisaient face. Il hésite un instant à partir en leur faussant compagnie, mais la curiosité reprend le dessus et oubliant la peur de l'inconnu il touche sa sphère.

Les souvenirs s'insinuent dans la tête des trois petits jouets, doucement... Tout doucement...

Minou:

Mask:

Cerbère:

A warning to the people,
The good and the evil,
This is war.

La réalité s'efface, remplacée par ... par quoi, en fait ? Des images, c'est sûr, mais des images qui sont familières, qui semblent s'insérer dans sa tête comme pour combler un vide qu'elles avaient auparavant occupé. Des souvenirs. Rien qui ne lui permette de savoir comment il a atterri ici, mais au moins quelques fragments, quelques bribes de son passé. Lucia. A tous les coups, c'est elle qui m'a écrit ce mot. Il se demande qui elle était, pour lui, dans sa vie d'avant. Si elle aussi était dans l'avion qui s'est crashé. Non, impossible. Je l'ai sorti de ma vie parce qu'elle ne comprenait pas mon job. Dommage ? Peut-être. Il ne sait pas. Son souvenir exhalait une certaine amertume, comme un regret. Bah. Il hausse les épaules, reprend pied avec la réalité. C'était un contrat, j'honorais le contrat. Pas de problème là-dedans. Et puis, quelle importance ça peut bien avoir, maintenant qu'il est perdu dans une ville déserte et bizarre ? Aucune, voilà.

Machinalement, il range son arme, observe les autres revenir à la réalité. Eux aussi avaient touché leur sphère et connu cette espèce de transe, alors. Son regard s'attarde tout particulièrement sur le plus âgé, le pro, et il se rappelle de son air un peu hautain, un peu supérieur, avant que les images du passé ne remplacent le présent. Il songerait presque à s'en offusquer - après tout, rien en lui ne le rend plus compétent. Mais il est un mur, et rien de ce qui se passe autour de lui ne le touche. Rien ne l'affecte. Toujours aussi inexpressif, il constate : « C'étaient des souvenirs. » Oui, bon, ils avaient sans doute noté, mais le prononcer l'aide à accepter cette étrange réalité. Que leur mémoire puisse exister sous forme de petites lumières. «On devrait bouger. Voir si on trouve des trucs utiles. » Tiens, il parle au pluriel maintenant ? Peut-être est-ce parce que, même avec ses airs hautains, il apprécie le professionnalisme du type brun. Ou bien c'est juste qu'il a l'habitude d'informer son entourage de ses intentions.

« Canapés, cafés, liberté. Juste pour une seconde, juré.

« Des souvenirs, non, sans blague ? Je regarde le brun d’un œil amusé, quoique intérieurement, je me sens plutôt exaspéré. Du coup il ne me réclame plus des explications, et je ne cherche pas à les lui rappeler. On verra bien, hein. Je lance un regard au plus jeune, sans savoir trop pourquoi. Protecteur ? Qui sait. Ce n’est pas comme si il me dérangeait. L’autre en revanche me titille sans que je sache trop pourquoi. A croire que ça passe, mais que moi, je ne veux pas. A cette idée, ma remémoration me revient en tête. Et en parlant de tête, mes maux également. La massue de Thor se fracasse sur mon crane, annihilant soudainement tout le reste. Je grogne, porte une main entre mes deux yeux, remontant sur le front. Fraicheur, s’asseoir. Se calmer. Respirer. « T’es plutôt contradictoire tu sais ? Pourquoi pas au bar, dans ce cas. » Bouger et fouiller. Il est marrant, celui-là. Moi j’ai surtout envie de me poser, puis c’est pas très loin. Comme ça, le petit brun pourra aussi faire ce qu’il lui plait, et si il se passe quelque chose je… Non mais à quoi je pense là ? Ne calculant plus les deux autres, je fais volte face et retourne quelque peu sur mes pas.

…

A qui veuille suive. Diriger l’unique sortie.

Elle vient de là.

Nova avait marché. Marché. Marché ; traversé des ruelles désertes et des lieux désolés. La faim lui tiraillait les entrailles et alors elle avait trouvé cet hôtel, oasis dans le désert, synonyme de lit et de nourriture. Civilisation, voilà ce qu'elle avait pensé en passant le seuil de la porte ... à condition qu'il y ait quelqu'un. Parce que voilà, elle aurait du s'en douter, l'hôtel était aussi peuplé que le reste de la ville. Autant dire qu'il n'y avait personne, nobody, nadie ; pas l'ombre d'un réceptionniste à l'accueil. Mais qui viendrait donc l'aider à porter ses bagages ? Ah non c'est vrai, toutes ses possessions tenaient dans sa poche, quelle misère. Quoique, après tout, la jeune femme pouvait prendre possession de l'hôtel ... s'il n'y avait personne ... il était plutôt pas mal en plus ... ce serait mieux que de errer sans fin dans cette maudite ville. Au moins quelques temps, en attendant ... en attendant quoi ? Que ses souvenirs reviennent en même temps qu'une carte pour rentrer chez elle ? C'était peine perdue. Mais Nova n'avait plus envie de réfléchir, plus envie de se lamenter, elle avait juste faim. Alors elle se laissa guider au hasard dans le hall, pour finalement se retrouver dans un couloir menant au bar. C'était parfait, sauf que voilà, elle n'était plus seule. Des bribes de voix, quelques mots confus, rien que son cerveau fatigué parvienne à comprendre. Mais elle s'approcha, croisant au passage un blond sans trop s'en apercevoir, et arriva devant le groupe de personnes, un brun, un autre qui s'en allait, et un jeune aux yeux bleus. Bleus bleus bleus.
« Je ne voudrais pas déranger. » Trop polie Nova.

I've been walkin'

I'm Stain, my name is Stain ;
I don't complain, I won't complain.
Do you comprend' what is the point of being born
And being gone ? There must be a reason.

Suivre les pas de Comte. Tu parles ... Ramper sur les traces de Comte, plutôt. Bartolomeus n'aura pas été un champion de sprint, sur ce coup. Au début, il ne s'en rendait pas vraiment compte, mais il a fini par réaliser que les bâtiments au loin, étaient soient vraiment très loin, soit que leur lenteur à s'approcher n'était pas de leur fait ... mais du sien. Ce qui était le cas. Bartolomeus marchait certes. Mais lentement. Il finit par perdre la notion du temps, mettant juste un pied devant l'autre, mécaniquement, à moitié perdu dans les vapeurs d'alcool lui remontant au cerveau. Puis, petit à petit, la marche élimine la substance, si bien que lorsqu'il arrive - enfin ! - à destination, il ne lui reste plus qu'une vague nausée, ainsi qu'un goût désagréable dans au fond de la gorge. La gueule de bois alors que j'ai même pas dormi. Putain, je donnerais n'importe quoi pour un lit.

Voilà sans doute pourquoi, lorsqu'il avise le mot "Hotel" sur l'un des bâtiments délabrés au milieu desquels il marche, il oblique immédiatement vers ce dernier. Pas le genre d’hôtel qu'il aurait pu se payer dans son passé, à tous les coups, mais si cette partie de la ville est aussi déserte que les autres - ce qui a l'air d'être le cas - il ne se trouvera personne pour le lui reprocher. D'un pas lourd, fatigué par sa trop longue marche, il pénètre dans le hall d'entrée. Personne à première vue. Quoique, dans le coin là-bas, ce ne seraient pas des voix ? Si, et leur son est familier. Du coup, il remet à plus tard son envie de trouver un bon lit, et se dirige vers leur source. Lorsqu'il arrive dans ce qui semble être l'entrée d'un bar, les voix se sont tues, mais il se retrouve face à face avec un brun qui lui semble plus que familier. Comment t’as pu ? Comment t’as osé faire ça ? « Ah merde. Pas toi. » laisse-t-il échapper d'un voix rauque. La fatigue sans doute.

Debout face au type qui le frappait dans son souvenir, il se demande s'il doit tout de suite faire demi-tour, quand quelqu'un d'autre arrive derrière lui, lui coupant toute retraite. Il se retourne quand même - tout plutôt que continuer à faire face à l'autre - et sous ses yeux se trouve un nouveau visage familier. « Je ne voudrais pas déranger. » Sa prof, celle du souvenir. Si elle dérange ? Il n'en sait rien. Il est fatigué et il n'arrive pas à réfléchir. La preuve, il ne sait même pas s'il est content de la voir. Alors, il reste silencieux, le regard un peu dans le vague. Dans quel état tu t'es encore mis, hein ?

En fait il ne réalise pas. Il ne comprend pas comment il a pu cracher ses mots. Il ne réalise pas que haïr quelqu’un fait si mal. Que de se sentir trahi entraîne la violence. Il ne réalise pas le sentiment confus qui l’habite. Il ne réalise pas les deux bruns qui s'éloignent. La seule chose qu’il réalise, car on la lui impose presque, c’est que lui, est de nouveau là, juste devant lui. Alors il met un certain temps à comprendre qu’il n’est pas apparu par magie, qu’il est juste arriver par lui-même. Laps de temps pendant lequel son regard n’a pas détaché le sien. Assez long pour que la rage du souvenir revienne sans qu’il la comprenne. Assez court pour qu’il ne puisse pas réagir. Trop occupé à se rendre compte que l’autre se souvient très bien de lui. Et il ne peut s’empêcher de répliquer :

- Je ne suis pas plus heureux que toi de te revoir.

Puis il prête attention à la femme qui intervient. La regarde un instant, presque sûr de l’avoir déjà vu. Mais ce n’est peut-être qu’une impression. La première impression est toujours la plus forte. Il lui répond alors :

- Non, vous ne dérangez pas. Excusez la vulgarité de Vanderick, ça doit être une seconde nature chez lui.

Pas un regard accordé au blond, ses yeux sont fixés à ceux de la femme. Il n’a plus rien à dire à ce type.

« Vanderick » Le nom surgit de sa mémoire en même temps qu'il était prononcé. Elle le fixa, les yeux écarquillés de surprise, incapable de dire un mot. Comment se faisait-il qu'elle se souvienne du nom de ce jeune homme alors qu'elle avait oublié le sien ? Finalement elle réussit à détacher son attention du blond pour la reporter sur l'autre garçon. Il lui vint à l'esprit qu'il était jeune, inoffensif. Un curieux sentiment la prit ; serait-ce de la ... tendresse ? La couleur de ses yeux l'obsédait, et si elle avait eu un miroir en main, elle se serait aperçue qu'ils étaient semblables aux siens. Le mystère demeurait cependant.
« Vous vous connaissez ? » Impression dérangeante. « Et pourquoi ai-je l'impression de vous connaître ? » Elle n'espèrait pas vraiment une réponse de leur part, se rendant compte de l'absurdité de sa question. Et pourtant ... Elle jeta un regard vers Vanderick. C'était son véritable nom, pas un innocent pseudonyme, elle en était certaine ; certaine parce qu'elle s'en souvenait.

War to the east,
Pain to the west ;
War is at least,
What we do 'best ...

« Je ne suis pas plus heureux que toi de te revoir. » Non, sans dec'. C'est vrai que ton visage respire tellement la joie de vivre, je m'en serais pas douté, tiens. Bartolomeus devrait être agacé, mais le sentiment qui domine chez lui semble être une espèce de culpabilité qu'il n'arrive pas à chasser. Il a bien conscience qu'elle doit avoir un lien avec son souvenir, mais il n'arrive pas à creuser un peu plus pour essayer de comprendre. Il n'en pas vraiment envie, non plus. « Non, vous ne dérangez pas. Excusez la vulgarité de Vanderick, ça doit être une seconde nature chez lui. » Vande.. quoi ? C'est pas son prénom ça, si ? Ça sonne familier, certes, mais ... « Mais c'est pas ce qui est écrit sur mon bracelet » réfléchit-il tout haut. En chuchotant, heureusement, ce qui le rend presque inaudible. Mais qui ne l'empêche de se sentir un peu con. Faut vraiment que je dorme, moi. « Vous vous connaissez ? Et pourquoi ai-je l'impression de vous connaître ? »

S'ils se connaissaient ? Ah bah oui, de très près, vu les coups qu'ils s'étaient envoyés dans la gueule. Bartolomeus grimace légèrement, évitant le regard de l'autre. Il se sent mal. Et il ne sait même pas pourquoi. Et puis, comment il est censé lui expliquer comment il la connait ? Il pose ses yeux sur elle et la trouve ... well. Belle. Mon genre. Mais non, il ne peut pas lui expliquer ça, parce qu'il ne comprend pas trop comment il a pu en arriver à essayer de la séduire, dans sa vie d'avant. Le goût du risque, peut-être ? « Tu ... Vous. Étiez ma prof de physique, avant. Je crois. » Il se sent con, c'est terrible. J'aurais dû rester avec Gab, je le savais. A défaut, il se tourne vers l'autre, même s'il sait qu'il n'y récoltera que du ressentiment. Mais il a besoin de comprendre. Et de chasser cette foutue culpabilité. « Écoute mec, je sais pas ce que je t'ai fait avant mais ... j'suis désolé ok ? Vraiment. »

Oui ils se connaissent. Sûrement tous les trois d'ailleurs. Il pourrait mettre un nom sur le visage de la femme, un sentiment qu'il ressent en la voyant. Mais c'est trop flou. Tout est perturbé par le blond. Et aussi par la colère qu'il ressent envers lui. Il aimerait être indifférent. Aimerait maîtriser la situation, aimerait rester maître de lui-même. Mais il a du mal. Et c'est sûrement ça qui le blesse le plus. Que l'autre soit responsable de tant de contradictions en lui. Et puis l'autre s'excuse. Est-il sincère? Il n'avait pas l'air très perturbé dans son souvenir. Pas très désolé. Même prêt à recommencer. Cependant peut-il lui en vouloir vraiment? Sa mère était consentante non? Mais pourquoi? Pourquoi n'avoir rien dit? Avoir attendut qu'il le découvre là, dans sa maison? Attendre que tout explose. Non il ne le supporte pas. Ne le supporte plus. Il lâche d'un air agacé:

- C'est trop tard pour être désolé, mec.

« Tu ... Vous. Étiez ma prof de physique, avant. Je crois. » Ces paroles laissent Nova sans voix. C'était étrange d'entendre son passé dévoilé par lui, et pourtant il lui semblait que c'était vrai. Elle était, ou avait été, professeur de sciences physiques ; cela expliquait ses connaissances poussées en la matière, cela expliquait aussi la présence de cette page de revue scientifique dans sa poche. Les super novas. Elle eut un vague sourire sans joie face à l'absurdité de la chose. Elle en venait à re-découvrir des choses sur sa propre vie, sur elle-même. Et là, dans cette ville surréaliste, elle retrouvait un de ses élèves. « Vanderick ... dit-elle tout haut. Ce doit être votre nom de famille. » en réponse à son murmure de tout à l'heure, qu'elle avait entendu. Cela lui semblait juste de le vouvoyer et de l'appeler par son nom de famille. Une distance entre elle et ses élèves, certainement. Une distance dont elle n'avait pas respecté les règles avec Vanderick - ce n'était pas une certitude, mais un sentiment. Quand elle le regardait, elle le désirait. Alors aussitôt elle détourna le regard, chassa ces pensées et se re-concentra sur le moment présent. La tension était palpable entre les deux jeunes hommes, et Nova se demanda ce qui avait pu se passer pour que naisse une telle rancœur. Mais s'ils se connaissaient ... Ils devaient être liés d'une façon ou d'une autre, tous les trois. Restait à savoir comment, et peut-être parviendraient-ils à retrouver la mémoire ? « Que s'est-il passé entre vous deux ? » Pas une curiosité envahissante, mais une nécessité de savoir.

Ma mama says I must be a tough guy,
To live out there.
I wanna know why ma mama says
"You got to be bad or beware".

« C'est trop tard pour être désolé, mec. » Gna gna gna. Bartolomeus soupire bruyamment et lève les yeux au ciel. Après ça, à quoi ça sert qu'il essaye d'arranger les choses, d'en apprendre un peu plus ? Je suis pas aidé, vraiment. Si encore il savait ce qu'il a bien pu faire, pour mériter toute cette haine ... Mais la réponse à ses questions lui a été enlevée en même temps que ses souvenirs, et cet abruti, devant lui, a l'air de savoir mais refuse d'éclairer sa lanterne. Je demande juste à jouer cartes sur tables, putain. Il fourre rageusement les mains dans ses poches, tandis que son ex-prof - sans mauvais jeu de mots - demande ce qui a bien pu se passer entre eux. C'est l'étincelle qui met le feu aux poudres, sans doute.

« C'est la question, justement ! » explose Bart, un ton plus fort que ce qu'il aurait souhaité. Tant pis. Il pivote brutalement vers le brun, dont il s'était détourné un court instant, et le fusille du regard. « Je sais juste qu'on s'est battu. Mais si t'es trop rancunier pour seulement m'expliquer pourquoi, c'est clair qu'on y comprendra jamais rien ! » Ses mains sont sorties de ses poches, ses doigts crispés en poings. Il se souvient l'avoir frappé, ça oui. Simple défense. Non ? Quoique, ça ne devait pas être si désagréable ... Il secoue légèrement la tête, pour chasser cette idée. Il n'est pas violent, il ne veut pas l'être. Juste fatigué. Tellement fatigué ... Passant sa main sur son visage dans une vaine tentative pour reprendre pied, il recule et s'appuie contre le mur. Il lui faut une idée pour se sortir de ce guêpier, et vite.

Il doit leur expliquer? Tu ne comprends pas? Tu ne te souviens pas? Dommage pour toi. Cela lui fait presque plaisir de le voir patauger, de le savoir ignorant. Il le laisserait bien dans son ignorance. Mais Farhen n'est pas comme ça. Il n'est pas sournois, vicieux ou sadique. Ils veulent qu'il éclaire leurs lanternes? Bien, il va s'exprimer, mais qu'ils ne s'attendent pas à un ton avenant.

- Pourquoi? Parce que tu étais un bon ami, un frère, même si j'ai du mal à y croire maintenant. Ce que tu as fait? Tu couchais avec ma mère.

Voilà, c'est dit. Et maintenant? Alors oui il aurait pu lui pardonner, le peut encore. Mais il ne le fera pas. Car pour une fois il est n'est plus serviable, mais égoïste.

Nova écoutait leur querelle sans y prendre part. De toute façon, que pouvait-elle y faire ? Il y avait une histoire de trahison, de confiance bafouée, et de rancœur. Mais cela ne la concernait pas ... n'est-ce pas ? Elle eut quand même un élan de pitié envers le jeune brun. Sa mère avait eu une relation avec son meilleur ami (son élève à elle, en passant ... comme le monde est petit) ; ce qui devait être difficile à vivre. Mais pour l'instant, Nova préférait se concentrer sur le présent. Elle brûlait d'envie de leur poser des questions sur ce qu'ils avaient déjà vu, déjà entendu ou vécu, car n'importe quel renseignement sur la ville serait le bienvenue - n'importe quoi qui puisse l'aider à comprendre. Mais leur dispute n'était pas finie, et elle était bien trop gênée pour oser l'interrompre ; alors elle s'éloigna de deux pas, s'assit par terre contre le mur pour mieux réfléchir, restant tout de même attentive aux paroles des deux autres.

Spoiler:

Une belle note de fin pour Minou. Une dispute et un sentiment amer qu'Elle savoure. Les yeux de Minou commencent à gonfler, provoquant une inflammation des nerfs optiques, l'impression que son cerveau brûle, que sa gorge enfle. Comme une mauvaise allergie aux arachides. Toute la peau se craquèle et chauffe, les yeux sous la pression de la taille, maintenant trop importante, sont expulsés de leurs orbites et arrachés à la cavité crânienne.

Le derme s'ouvre sous les gerçures tandis que la chair implose sous la température. Le sang arrive à ébullition et devient noir, s'écoulant en abondance des orbites vides, du nez et de la bouche qui en vomit des litres sur le sol, venant se mêler aux restes d'alcool par terre, sonnant la fin et le glas de Minou. La haine a bien des désavantages mais au moins Elle a été distraite durant les longues minutes de cette abominable ignominie, cette agonie divine qu'Elle se plaît tant à faire subir.

MINOU :

Souvenir 2:

Souvenir 3:

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